« PIXEL TRIP » : un projet englouti dans les couloirs du métro

IMG_4690Vitrine « HORUS » à la station Pyramides / Crédit Mathilde Pujol

Dans le cadre du festival de design D’Days qui a débuté lundi soir à Paris, des étudiants de master 2 de l’ECV Paris ont réalisé le projet « PIXEL TRIP, voyage au coeur du métro » en partenariat avec la RATP. Projet qui, visiblement, n’a pas éveillé la curiosité des passagers de la ligne 14.

Dans les couloirs sombres et tortueux du métro parisien, en pleine matinée de ce mardi, les gens marchent rapidement sans vraiment lever la tête. Aux stations Bercy, Gare de Lyon, Pyramides et Madeleine, le long de la ligne 14, le festival D’Days a laissé son empreinte pour essayer de casser cette routine. Du 1er au 9 juin, toute la semaine du festival, quatre vitrines réalisées par des étudiants de l’ECV Paris (Ecole de communication visuelle) ont été accrochées dans les couloirs du métro. Chacune de ces vitrines contient une installation de design graphique, c’est-à-dire une illustration géante réalisée numériquement, qui renvoie à l’univers du pixel art et des premiers jeux vidéo.

C’est dans une optique bien particulière que le projet «PIXEL TRIP» des étudiants Florent Abeilhe, Thibault Aittouares, Julie Bernheim, Chloé Farina et Nicolas Haegeman a été sélectionné. Il colle parfaitement à l’esprit du festival D’Days, qui souffle d’ailleurs ses quinze bougies : montrer au public que le design est un art présent dans le quotidien des gens en permanence. Et quel lieu plus quotidien que le métro parisien? « PIXEL TRIP est né du constat que nous avons communément recours aux moyens de transports (avion, bateau, train, etc.) afin de sillonner le monde, hors l’intention n’est pas la même pour les usagers du métro », racontent les étudiants. D’emblée, sur le papier, le concept peut sembler un peu flou. Mais qu’en est-il dans la réalité ?

IMG_4677Vitrine « Belsinaca » à la station Bercy / Crédit Mathilde Pujol

Curiosité piquée VS gens pressés

A la station Madeleine, la vitrine géante est posée sur un mur du couloir en face des deux escalators qui montent et descendent. Elle s’intitule « Météor » et reflète un univers remixé du métro futuriste et vintages. « Météor suggère les nombreuses innovations techniques et novatrices, apportées à la ligne 14 depuis 1998. Nous proposons un voyage imaginaire et onirique dans l’espace à la découverte des mystères de l’Univers » expliquent les réalisateurs du projet. Pourtant, les passagers à la hâte ne s’arrêtent quasiment pas pour admirer la vitrine. En 45 minutes, seule Marta, une Equatorienne vivant à Paris depuis un an, marque un arrêt devant la vitrine. « Je me suis arrêtée car les couleurs ont attiré mon oeil. Après, je n’ai pas forcément compris ce que cela représentait. Je pense que les gens sont trop pressés dans le métro, et qu’ils ne font que survoler l’oeuvre, sans en profiter vraiment, s’interroger ou lire le petit panneau explicatif à côté. Moi je l’ai fait car ça fait partie de mon caractère, c’est une chose que je fais souvent  ».

Mais alors, pourquoi les nombreux touristes généralement moins pressés qui passent par la station Pyramides, carrefour central de Paris, ne s’arrêtent pas non plus ? La vitrine installée est accrochée en face des escalators, comme à Madeleine. Criblée de couleurs chaudes et vives, elle s’intitule « Horus » et suggère l’univers de l’Egypte antique. « Horus s’inspire de la collection permanente du Louvre sur l’Egypte. Elle nous entraîne dans le monde antique égyptien et nous fait voyager à l’époque des Pharaons. » expliquent les étudiants de l’ECV. Un rapide coup d’oeil, une petite fille qui monte du doigt mais des parents qui ne s’arrêtent pas… Les passagers semblent globalement hermétiques aux vitrines.

IMG_4715Vitrine « Météor » à la station Madeleine / Crédit Mathilde Pujol

Le train-train plus fort que l’art urbain ?

Aux quatre coins de la ville, des installations éphémères pareilles à « PIXEL TRIP » jonchent les rues, emplissent les galeries d’art et les salles de spectacle dans le cadre du D’Days. Au Bastille Design Center, deux vitrines « pixel art » des mêmes auteurs sont exposées : « PIXEL TOUCAN » et « PIXEL WORLD ».

A la station Bercy est exposée la vitrine Belsinaca, qui « fait le lien entre le passé et le présent de la station Bercy et nous fait redécouvrir l’ancien Bercy où se trouvait un château médiéval ». Un jeune couple, Thibaut et Léa, regarde furtivement. « Nous sommes des geeks tous les deux » rigolent-ils. « Nous adorons le pixel art, c’est pour ça que nous nous sommes arrêtés. Mais on comprend que quelqu’un qui n’est pas amateur ne trouve pas ça très esthétique, ou ne s’arrête pas ». Un univers de niche peut-il vraiment se faire découvrir du public dans la faune urbaine ? La fresque de Joe Sacco « Bataille de la Somme 1916 », exposée dans le couloir de la station Montparnasse-Bienvenüe l’été dernier, avait pourtant eu un énorme succès. Était-ce grâce à l’universalité du sujet, c’est-à-dire la Première Guerre mondiale ? Manque d’attention, concept trop flou ou lieu inadapté – les couloirs sombres du métro semblent, dans tous les cas, avoir pris le pas sur le pixel art du « PIXEL TRIP ».

Mathilde PUJOL

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