L’église suédoise de Paris vient en aide aux migrants afghans

L’église suédoise de Paris accueille des migrants afghans déboutés du droit d’asile en Suède. C’est toute une communauté qui aide ces jeunes qui cherchent en France une seconde chance d’obtenir le statut de réfugié.

Église suédoise de Paris
Les paroissiens de l’église suédoise de Paris donnent des cours de français aux migrants afghans © Zina Desmazes

Assis sur une chaise bleue au milieu de la cour pavée, Nesar est souriant. Depuis trois mois, il est officiellement réfugié en France. Dans l’enceinte de l’église suédoise de Paris, ce jeune afghan de 25 ans vient déjeuner avec d’autres compatriotes. Ils sont entre 20 et 30 jeunes à venir chaque jour dans cette église aux murs de briques.

Ces jeunes migrants viennent tous de Suède, où ils ont été déboutés du droit d’asile. Ce pays scandinave a donné la priorité aux Syriens, arrivés pendant la grande vague migratoire de 2015, pour l’obtention du statut de réfugié.

Quelques mois plus tard, les réactions hostiles aux migrants sont apparues et se sont accrues. Le gouvernement conservateur suédois a fini par refuser les demandes d’asile des mineurs isolés afghans devenus majeurs.

Face à ces refus, plusieurs ont fait le choix de venir en France. C’est le cas de Nesar, arrivé à Paris en août 2017. « Je suis resté deux ans en Suède et ça a été très dur de décider de venir en France, mais ma demande d’asile a été refusé trois fois en Suède, c’est le maximum, » explique le jeune homme à la coiffure très soignée avec des mèches blonde sur les longueurs.

J’ai vu passé plus de 300 jeunes depuis un an

Pendant près de 9 mois, la Suédoise Sara Brachet a été employée par la paroisse pour aider les migrants afghans. Aujourd’hui simple bénévole, elle est toujours très impliquée.

Tout à commencé lorsqu’une amie d’enfance l’a contactée : « Elle travaille pour un organisme qui s’occupe des mineurs isolés en Suède et elle m’a demander d’aider un jeune homme qui arrivait à Paris, raconte-t-elle. C’est là que j’ai appris que l’église suédoise accueillait les migrants dans la journée. »

A l’église, tout se passe en suédois. Grâce à un français parfait, elle aide les jeunes afghans en traduisant des documents administratifs ou en donnant des cours de français. Depuis octobre 2017, Sara Brachet a tissé des liens avec certains des jeunes qui comptent sur elle. Mais difficile de rester en contact avec tous : « J’ai vu passer plus de 300 jeunes depuis un an donc je ne sais pas tous ce qu’ils deviennent. Certains viennent régulièrement et d’autres viennent pendant une semaine ou quelques mois seulement. »

L’église suédoise, plus qu’un lieu de rencontre

Le lieu est lumineux et très chaleureux. Les murs clairs côtoient le mobilier en bois, dans la pièce principale tout le monde se retrouve pour discuter, manger des sandwiches ou boire un café.

Ce point de rendez-vous pour les migrants venus de Suède est un repère pour ces jeunes qui ne parlent ni français ni anglais. Sans papiers, ils ne peuvent pas avoir de compte en banque ni recevoir de l’argent. Certains étaient logés par des familles d’accueil en Suède, « certains reçoivent de l’argent de ces familles et grâce à l’église ils ont une adresse de référence, » précise Sara Brachet, installée depuis 30 ans à Paris.

Principalement afghans, les migrants sont en majorité musulmans mais certains font le choix de se convertir au christianisme. « Nous avons organisé plusieurs baptêmes dans l’église, des cours de religion sont également dispensés pour ceux qui veulent se convertir. » Pour Sara Brachet, il est important d’inclure les migrants aux paroissiens pour que la cohabitation se passe au mieux : « Tout se passe bien, certains s’impliquent pour aider les garçons mais il était crucial que leur venue ne soit pas brutale et bien vécue par les habitué de l’église. »

L’église suédoise de Paris offre un accueil exclusivement de jour, la nuit les nouveaux arrivés dorment souvent dehors. « Le plus difficile à Paris c’est le logement, en ce moment je dors chez l’habitant grâce à une association mais je change de famille tous les mois, » raconte le jeune homme.

 

Aujourd’hui Nesar est heureux parce qu’il a trouvé un travail, non sans difficultés : « C’est très dur de trouver du travail parce que je ne parle pas bien français et je n’ai pas de diplôme. » A partir de la semaine prochaine, il sera vendeur dans une grande marque de prêt-à-porter.

Parti d’Afghanistan en 2010, Nesar a obtenu un parti de séjour de 10 ans en France. Il peut enfin travailler alors que le reste de sa famille est en Iran : « Je n’ai pas voulu rester en Iran parce que là-bas les afghans sont renvoyés dans leur pays s’ils sont arrêtés ou envoyé en Syrie pour combattre. »

Zina Desmazes

 

 

Insertion professionnelle des handicapés mentaux: un chemin semé d’embûches

work work

Selon les derniers chiffres de l’Insee, 30% des jeunes handicapés sont au chômage. Un taux très élevé, résultat d’une insertion professionnelle extrêmement difficile. Pour pallier le problème, des solutions existent: elles sont proposées par l’Etat et par les structures associatives. Les Esats (Etablissements ou service d’aide par le travail) essaient d’offrir un cadre de travail protégé à des personnes qui ne pourraient pas s’épanouir dans le monde de l’entreprise ordinaire. De l’autre côté, le bénévolat permet à certains de découvrir le monde du travail. Mais ces opportunités ne conviennent pas à certains jeunes dont les pathologies sont trop sévères: leur avenir professionnel est incertain.


 

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Les adultes autistes aussi ont besoin d’accompagnement…et de travail

L’autisme évoquant immédiatement une maladie infantile, on oublie qu’à l’âge adulte, les hommes et femmes atteints de cette pathologie se retrouvent très souvent exclus du monde de l’emploi. Mais certaines structures leur proposent d’exercer une activité quotidienne et rémunérée.

Aux Colombages, il y a des autistes qui ne sont ni malades ni patients. Ce sont des travailleurs. Cet établissement du 14ème arrondissement de Paris, gérée par l’Association française de gestion des structures pour personnes autistes est divisé en trois unités : un centre d’accueil de jour (CAJ), un centre d’accueil de jours médicalisé (CAJM), et enfin un établissement et service d’aide par le travail (ESAT). C’est dans ce dernier pôle que quarante adultes à qui l’on a diagnostiqué des troubles autistiques se retrouvent chaque jour pour exercer une activité professionnelle. Les Colombages leur proposent quatre ateliers : une section jardinage et espaces verts, le travail du bois et la fabrication de meubles, la restauration et la gestion des services de cantine au sein de l’établissement, et enfin le conditionnement avec la mise en place d’une chaîne de fabrication de petits objets, pour des prestataires extérieurs. C’est dans ce dernier atelier que le plus de travailleurs se sentent à l’aise. Ce vendredi 10 avril, ils sont une vingtaine à fabriquer des bracelets pour un bijoutier du Marais, client régulier. Du découpage des fils à l’emballage, les travailleurs s’occupent de toutes les étapes de la production, sous les indications de Flora Join-Lambert, leur « monitrice ». La scène donne l’impression d’être plongé dans une salle de classe, mais si Flora sait et doit se montrer ferme, elle ne rentre jamais dans la peau d’une enseignante ni ne se place au-dessus de ses travailleurs. Elle les vouvoie toujours, même lorsqu’ils la tutoient. Elle préfère demander plutôt que d’ordonner, et laisse à ses ouvriers une autonomie totale une fois leur tâche assignée.

40 travailleurs, 40 pathologies différentes mais pas tout à fait 40 autistes

Mais le vrai défi pour la jeune femme de 34 ans n’est pas seulement de s’occuper d’une vingtaine d’adultes toute seule, mais plutôt de savoir s’adapter à chacun d’entre eux. Car l’ESAT des Colombages est la parfaite illustration des déclinaisons de l’autisme, il n’y a pas deux travailleurs qui présentent exactement les même besoins, ni les même symptômes. A bien y réfléchir, tous les autistes présent dans l’atelier n’ont qu’un seul point commun : une politesse presque surnaturelle. Lorsque l’un des travailleurs se présente à vous, il vous parle avec un respect qui semble répété. Comme si il ou elle avait appris une leçon qu’il vous récitait.  « En revanche on a un vrai problème, c’est que certains ne sont pas autistes, vous verrez », prévient la directrice du centre Charlotte Bonaldi. Du haut de sa quarantaine elle a déjà vécu plusieurs vies. Elle a pris soin d’enfants dans les rues au Brésil, a travaillé à la prison de Fleury-Mérogis, et s’est occupée d’un foyer pour jeune fugueurs dans le 15ème arrondissement de la capitale, entre autres. Mais dans chacune de ces aventures, la directrice a traîné une énergie et une présence impressionnante, renforcée par une vraie stature, ainsi qu’une allergie à la langue de bois. « C’est vraiment n’importe quoi  parfois, on a des erreurs d’aiguillage, et ça ne devrait pas se passer comme ça ! », renchérit-elle.

Shanga et Benjamin, les deux faces d’une même pièce

Shanga lui, est bien autiste. Il a beaucoup de mal à s’exprimer, et doit composer avec un léger retard mental. Mais il se présente toujours en serrant les mains, demande s’il peut vous adresser la parole, et une fois lancé ne s’arrête plus. Il se pose des questions sur une possible réélection de Nicolas Sarkozy en 2017 et se demande si les gens veulent encore voter pour lui. Il estime que François Hollande quittera l’Elysée dans deux ans pour ne pas y revenir. Si l’autiste a un monde bien à lui, il vit également pleinement dans le nôtre. En général les travailleurs présentent comme Shanga des formes d’autisme assez sévères. Benjamin, lui, fait partie de ceux que l’on appelle « autistes de haut niveau ». Nombreux sont les politiciens qui envieraient sa diction, et les orateurs qui envieraient son langage. Le seul indice de son autisme ? Il est capable de nommer les treize plus grandes fauconneries de France et de vous décrire toutes les pièces d’une animalerie qu’il a visitée étant enfant -avec l’ensemble des règles de sécurité prononcées par le guide- le tout en moins d’une minute.

Un manque d’effectifs criant

Mais parfois les choses dérapent. Contrairement aux idées préconçues, les autistes ne manquent pas d’émotion. Bien au contraire, ils les ressentent parfois avec une telle force qu’ils explosent. Comme lorsque Shanga coupe la parole à l’un de ses collègues, et que celui-ci réagit en hurlant à en faire trembler les murs. Sans jamais qu’elle le pousse à la violence physique, on sent chez l’homme une rage qu’il ne peut pas contrôler. Après quelques minutes de discussion avec lui, il ressort qu’il regrette pleinement et sincèrement sa furie, mais elle le dominera pendant encore une bonne vingtaine de minutes. Puis c’est l’effet domino. Un esclandre éclate, dans l’atelier menuiserie, puis encore un autre chez les bijoutiers du jour, amenant Shanga à frapper une table de sa jambe jusqu’à en saigner légèrement. A son tour, après quelques minutes de répit, le jeune homme vient s’excuser de lui-même pour son attitude. Son comportement, comme celui de son collègue, n’a rien d’infantile, et il serait dangereux de les y réduire. Pendant ce temps-là l’équipe d’encadrement, dont le manque effectif devient criant dans une situation comme celle-ci, arrive tant bien que mal à apaiser tout le monde sans se laisser déborder.

Le travail ne guérira jamais l’autisme, mais les Colombages fournissent un véritable cadre à leurs travailleurs, pour vivre une vie au-delà de leur handicap. Et son modèle mérite clairement d’être décliné. Mais comme toutes les formes d’accompagnement d’autisme en France, celle-ci manque de moyens humains. L’animatrice en est d’ailleurs consciente : « j’ai entre 20 et 25 travailleurs à chaque atelier. C’est trop. »

Pour aller plus loin : 

Le témoignage d’une mère de trois enfants autistes

Un cinéma qui accueille des enfants autistes

Enquête : enfin un vrai accompagnement pour les autistes ?

Maëva Poulet et Sami Acef