750 euros chaque mois, pour tous les Français, sans aucune condition. L’idée du revenu universel fait son chemin en France. La fondation Jean Jaurès vient d’en étudier le coût et estime que verser à tous un salaire entre 500 et 1000 euros serait faisable, sans ruiner les finances l’État.
Revenu de base, salaire universel ou d’existence, le principe a plusieurs noms mais une seule définition : « C’est un revenu versé à tous les membres de la société sans conditions, sans contrepartie de travail, de façon individuelle et qui se cumule avec les autres revenus », explique Jean-Eric Hyafil, doctorant en économie et membre du Mouvement français pour un Revenu de base. Ce principe accorde donc à tous, pauvres ou riches, enfants ou adultes, un salaire égal.
Les arguments pour le revenu de base sont nombreux et divers : sortir de la pauvreté, réduire les inégalités ou avoir le droit à la paresse. Dans un article publié dimanche, la fondation de recherche Jean Jaurès, proche du PS, explique que ce principe n’est pas une utopie. Dans une France où le nombre d’emplois chute et où les compétences humaines deviennent obsolètes face à l’automatisation et à la numérisation, le plein emploi et la croissance à tout prix ne sont plus des buts réalistes. Le revenu universel propose donc une solution pour éviter la précarisation.
Comment financer ce revenu ?
Instaurer le revenu de base coûterait plusieurs centaines de milliards d’euros par an à l’État. Pour financer ce principe, la fondation propose de supprimer les principes de la protection sociale (allocation chômage, retraite, RSA, logement, maladie…), puis de redistribuer équitablement ces dépenses. « Le revenu de base remplace les aides sociales sans créer des recettes fiscales supplémentaires. On fond les prestations sociales et on redistribue, explique Thomas Chevandier, auteur de l’étude de la fondation Jean Jaurès. « Mais il faudra quand même garder le financement des affections de longues durées, comme les maladies handicapantes, pour que le principe soit réellement équitable. »
Pour étudier la faisabilité de cette mesure, la fondation a établi trois scénarios de revenu de base et en a étudié les conséquences sociales, et le prix pour l’État.
Un revenu de base à 750€ apparaît ainsi être un montant réaliste. Suffisant pour remédier au problème de précarité, mais pas assez pour « désinciter » les gens à travailler. Ce revenu à 750€ pourrait être financé grâce à la suppression des prestations sociales. Cependant, si le revenu de base permet à chacun de toucher un salaire égal, aucune solution n’est proposée quant aux aléas de la vie, opération médicale coûteuse, accident…
L’idée arrive au gouvernement
L’idée du revenu de base avait déjà été discutée par les politiques. En 2011, Dominique de Villepin proposait une ébauche de « revenu citoyen » : verser 850€ aux plus démunis contre un engagement dans des associations. En avril, Manuel Valls évoquait la même idée comme un « revenu universel pour les 8 millions les plus pauvres. » Mais ces ébauches abandonnent l’idée de l’universalité au profit d’une sorte de minima social amélioré.
Le 19 mai, le Sénat a rejeté un projet d’instauration du revenu de base, présenté par le sénateur écologiste Jean Desessard. Mais une mission d’information a été lancée pour six mois, sur » l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France. »
Après ces six mois d’études, la France décidera peut-être de s’inspirer de ses voisins européens. En Suisse, les citoyens se prononceront le 5 juin sur l’instauration d’un revenu de base à 2300 euros mensuels dans tous le pays.
Pour ou contre le revenu de base ? Des économistes répondent.
Le revenu universel dans le monde
A travers des expériences de courtes durées, comme en Namibie ou des mesures récentes, au Pays-Bas, le revenu universel est expérimenté à travers le monde, sur tous les continents.
Clara Griot