Juin est un mois particulier pour la communauté LGBTQIA+. Surnommé « mois des fiertés », il marque l’occasion de célébrer les minorités sexuelles et les personnes transgenres, partout dans le monde. Une occasion, aussi, pour les marques de s’assurer la fidélité de toute une clientèle.
Le 1er juin marque le début du « mois des fiertés ». En France, les « pride », ces manifestations festives qui célèbrent la communauté LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenre, Queer, Asexuels et autres), n’attendent pas nécessairement le mois de juin. À Papeete, en Polynésie Française, le bal s’est ouvert dès le 18 février. Des grandes villes comme Lille, Reims ou Angers ont fêté la pride au mois de mai. Marseille, Rouen et Nice marcheront en juillet, et Limoges clôturera le bal en septembre.
La tendance grandissante du « capitalisme arc-en-ciel »
Une autre tendance se fait de plus en plus remarquer : le « rainbow capitalism » (capitalisme arc-en-ciel, en référence aux couleurs du drapeau LGBTQIA+). Ce néologisme est né outre-Atlantique. Il décrit la tendance des grandes marques à cibler cette clientèle dans leur communication pour lui vendre des produits aux couleurs du drapeau. Le phenomène d’autant plus fort lors du mois des fiertés. Comme pour le « green-washing », qui passe par la mise en avant des valeurs du respect de l’environnement, le « pinkwashing » est aussi une manière de redorer l’image de marque de certaines entreprises. Promouvoir la communauté LGBTQIA+ devient ainsi un argument commercial.
Happy LGBTQ pride month
Beware rainbow capitalism pic.twitter.com/cwYDaVlN5U
— ️աrecκ ☭ (@joeywreck) June 1, 2023
Souvent, le moyen le plus utilisé consiste à accoler un drapeau arc-en-ciel au logo d’une marque, publier un communiqué de presse au début du mois des fiertés, en soutien aux personnes LGBTQIA+. En 2019, les laboratoires Pfizer et les entreprises postales UPS et Fedex ont tenté l’expérience. En parallèle, ces entreprises ont toutes financé des campagnes de politiciens ouvertement opposés aux droits de la communauté, selon des journalistes de Forbes .
Mais, souvent, le rainbow capitalism tente de créer des produits à destination de ladite communauté, et souvent pour plus cher. Par exemple, le géant suédois IKEA facture son classique sac bleu 0.99€. Le même format, aux couleurs de l’arc-en-ciel, coûte 1,70€. En 2021, la marque présentait une série de canapés dessinés par des artistes de la communauté. Un design hors du commun, en particulier, censé représenter la bisexualité, affublée d’un « personne ne te croît », trait d’ironie sur le préjugé de la bisexualité considérée comme une « étape » vers l’homosexualité.
@victoriahammett The headline😭 “ikea made an ugly judgemental couch”#greenscreen ♬ original sound – Victoria Hammet
Toute représentation est-elle bonne à prendre ?
Pourtant, l’objectif productiviste des grandes marques permet quand même aux personnes LGBTQIA+ de se voir exister, célébrées même. Le choix de soutenir la communauté LGBTQIA+, quelles que soient les motivations des marques, ne fait pas juste ressortir la capacité des publicitaires à innover pour continuer à vendre. C’est également un choix risqué, en particulier dans des climats sociaux marqués par l’homophobie. Aux Philippines, le restaurateur McDonald’s a dévoilé un spot publicitaire qui met en scène une romance naissant entre deux jeunes femmes. Exit le balcon de Vérone, les jeunes amoureuses vivent leur romance à travers la fenêtre du drive. Un geste, peut-être intéressé, mais pas anodin dans un pays dont le président Rodrigo Duterte affirmait en 2019 avoir « soigné son homosexualité« , comparant l’homosexualité à une maladie.
Un soutien plus ou moins intéressé qui fait réagir les conservateurs. Target, la chaîne de supermarchés très populaire aux Etats-Unis en a fait les frais. Habitué des collections spéciales mois des fiertés, les supermarchés ont annoncé la semaine dernière retirer de leurs rayons une partie de leur offre. Une offre qui s’élève à plus de 2 000 produits spécifiquement fabriqués pour l’occasion. La marque cite une augmentation des violences dans ses magasins pour justifier le retrait d’une partie de cette marchandise. En avril, la chaîne de magasin avait déjà fait face à des vagues de violences de certains clients conservateurs après que la marque de bière Budlight, distribuée chez Target, ait collaboré avec l’influenceuse transgenre Dylan Mulvaney.
@screenshothq He deserves a nice cold can of Bud light after that hard work 🤣 #budlight #dylanmulvaney #transcommunity #walmart ♬ original sound – EpicGamingMusic
Le designer à l’origine des collections de la « pride » de Target, Erik Carnell, un homme transgenre et gay, a déploré la décision du retrait de ses marchandises. « Cela établit un dangereux précédent, si des personnes s’agitent suffisamment autour de produits que vous vendez, vous pouvez vous désolidariser entièrement de la communauté LGBT, quand et si cela vous arrange« , confie-t-il à l’agence Reuters. Il aurait reçu des menaces de mort lors des dernières semaines, et n’aurait reçu aucun soutien de la chaîne.