Ben Roberts-Smith, ancien membre du corps d’élite Spécial Air Service (SAS), a perdu ce jeudi son procès en diffamation à l’encontre de trois journaux. En 2018, des articles l’accusaient d’avoir pris part au meurtre de six prisonniers désarmés en Afghanistan. Le soldat, qui a reçu le plus de distinctions militaires d’Australie, a toujours rejeté ces allégations. Il demandait plusieurs millions de dollars de dommages et intérêts.
Selon ces journaux, Ben Roberts-Smith aurait poussé un premier Afghan d’une falaise avant d’ordonner de l’abattre. Il était aussi accusé d’avoir pris part au mitraillage d’un homme portant une prothèse à la jambe avant de l’exhiber lors de son retour en Australie. Tout au long du procès, les journaux ont maintenu leurs affirmations. Le jugement a été salué comme une victoire pour la liberté de la presse en Australie.
La chute des revenus publicitaires et des ventes des journaux depuis le début du confinement pourrait affecter durablement la trésorerie des quotidiens régionaux français qui, pour certains, étaient déjà en difficulté avant l’épidémie de coronavirus.
C’est l’un des dégâts collatéraux de la crise du coronavirus : les ventes et les revenus publicitaires des journaux ont considérablement chuté. Des difficultés économiques subies de plein fouet par les titres de la presse quotidienne régionale dont le modèle économique est déjà fragile.
Après six semaines de confinement, Jean-Michel Baylet, PDG du groupe La Dépêche du Midi et président du syndicat de la presse quotidienne régionale, a fait un état des lieux de la situation sur France Inter: « Le bilan est dramatique puisque nous avons perdu en moyenne 80% de nos recettes publicitaires et la diffusion a baissé de 20%. […] Nos comptes sont dans le rouge. […] Si rien n’est fait ça sera une véritable hécatombe ».
Paris-Normandie en liquidation judiciaire
Les conséquences de cette crise n’ont pas tardé à se faire sentir. Le journal Paris-Normandie, déjà lourdement endetté, annonçait, jeudi 16 avril, sa demande de placement en liquidation judiciaire. Le quotidien anticipait trois millions d’euros de déficit dû à la crise sanitaire, après avoir vu ses revenus publicitaires chuter de 90%. Il a été autorisé par la justice à poursuivre son activité pendant trois mois, le temps de trouver un éventuel repreneur.
Le journal Sud-Ouest qui distribue un peu moins de 200 000 exemplaires quotidiens dans sept départements connaît, lui, une baisse de la distribution de 12%. « Ce n’est pas si mal par rapport à nos estimations qui étaient entre 6 et 9% et il y a très peu de désabonnements », constate le secrétaire général de la rédaction, Rémi Monnier.
« Acheter le journal, ce n’est jamais vital et encore moins maintenant »
Ce qui tire les chiffres vers le bas, ce sont les ventes au numéro qui ont chuté de 20% en moyenne. « Acheter le journal, ce n’est jamais vital et encore moins maintenant, d’autant plus qu’il y a la queue devant certains tabac-presse, ce qui peut décourager nos lecteurs d’y aller et le journal est peut-être considéré comme dégradé par certains lecteurs », explique Rémi Monnier.
En effet, les conditions sanitaires contraignent considérablement le travail des rédactions qui ont dû s’adapter en réduisant leurs effectifs et leur pagination. Chez Sud-Ouest, tous les journalistes sont en chômage partiel et la vingtaine d’éditions locales a été regroupée en une seule édition. « Que vous achetiez le journal à Bayonne ou à La Rochelle, ce sera le même, avec deux à quatre pages consacrées à chaque département », illustre le secrétaire général du journal.
La publicité locale, particulièrement affectée
Les revenus publicitaires sont essentiels pour les quotidiens régionaux. Or, alors que les Français ne peuvent plus sortir de chez eux pour consommer, les annonceurs nationaux et locaux ont pour la plupart retiré leurs publicités des pages des journaux.
Pour Sud-Ouest, les revenus de la publicité extra-locale ont baissé de 20%. Mais, c’est la publicité locale qui est la plus affectée avec une diminution de 80% ce qui représente un manque à gagner de 2,4 millions d’euros au mois d’avril. « C’est essentiellement dû à l’annulation des événements et à l’arrêt du tourisme », précise Rémi Monnier.
Un report sur le numérique?
Sur le site Internet de Sud-Ouest, « il y a eu un pic pendant les dix premiers jours de confinement mais depuis ça s’est tassé », souligne Rémi Monnier. Le journal compte plus de 25 000 abonnés numériques, avec 3 000 abonnés supplémentaires au mois de mars et 2 000 au mois d’avril.
Une hausse des abonnements qui va dans le sens de la stratégie économique du journal qui cherche, comme tous les quotidiens régionaux, à accroître son audience sur le web alors que la diffusion papier ne cesse de diminuer. « Coronavirus ou pas, ce n’est pas avec le papier qu’on va se sauver, aujourd’hui les entreprises de presse cherchent à gagner de l’argent avec le web et l’événementiel », précise le secrétaire général de Sud-Ouest.
Face à la crise conjoncturelle qu’elle traverse, la presse quotidienne régionale cherche à réinventer son modèle économique en se diversifiant. Une priorité que la crise sanitaire actuelle a d’autant plus mis en évidence.
A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, retour sur la situation de la France et sur les enjeux auxquels elle doit faire face.
A l’échelle internationale, le 3 mai est la journée mondiale de la liberté de la presse. Cette année, l’UNESCO (Organisation des Nations Unis pour l’éducation, la science et la culture) a décidé de célébrer cette journée à Jakarta en Indonésie. Une décision quelque peu contradictoire avec le classement mondial de la liberté de la presse 2017 de Reporters Sans Frontières (RSF), qui introduit l’Indonésie à la 124e place sur 180 pays.
La France, l’élève moyen
Sorti le 26 avril, le classement de RSF place la France à la 39e position.
Ci-dessous, l’évolution de la position de la France et de la Norvège dans le classement mondial de Reporter Sans Frontières sur la liberté de la presse depuis le premier rapport, en 2002. (NB : plus le chiffre sur l’axe des abscisses est faible, meilleure est la position du pays exemple : quand la France est 11e en 2002, elle est moins bien classée que la Norvège qui est 1e)
Si la France a gagné six places par rapport à l’année dernière, c’est en raison du nombre décroissant de journalistes morts durant l’année. La chute au 45e rang dans le classement de 2016 était due aux attentats de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015. Pour faire son évaluation, RSF prend en compte le nombre de journalistes tués. Mais aujourd’hui la place qu’occupe la France reste tout de même inférieure à sa moyenne qui se situe à la 34e place.
Cette mauvaise « note » s’explique par différents facteurs. Ce sont par exemple les manifestations contre la loi El Khomri qui s’étalèrent surtout entre mars et juin 2016, à travers toute la France.Une enquête de Streetpressrevenant sur les difficultés d’exercer le métier de journaliste sous état d’urgence, met en évidence les violences policières dont ont été victimes certains journalistes, les pressions et intimidations qu’ils ont subies, ou encore les restrictions voire entraves auxquelles ils ont été confrontées lorsqu’ils couvraient ces manifestations.
Le mois d’octobre a été, quant à lui, rythmé par la grève d’i-Télé. Les journalistes sont entrés en conflit avec la direction, incarnée par Vincent Bolloré, quand ce dernier a décidé d’embaucher Jean-Marc Morandini, alors mis en examen pour corruption de mineur. Un problème d’éthique qui révèle un conflit bien plus profond au sein de la rédaction. Les principales raisons de cette grève sont les suppressions de postes, le manque de ligne éditoriale claire et précise ainsi que les doutes concernant l’indépendance des journalistes par rapport aux intérêts économiques du Groupe Bolloré. Cette grève s’était soldée par la démission de plus de la moitié des journalistes. Un conflit révélateur d’un problème croissant en France : la concentration des médias par des multinationales, pouvant porter atteinte à leur indépendance.
Les enjeux d’aujourd’hui
Si la liberté de la presse est menacée par son appartenance à de grandes entreprises, cette situation est aussi la cause d’une défiance croissante envers ceux-ci. Les « fake news » se multiplient sur les réseaux sociaux et il devient de plus en plus difficiles de distinguer le vrai du faux. Dans ces conditions Le Monde a développéDécodex, un moteur de recherche, qui permet de vérifier si le site d’où provient l’information est fiable ou non. Les sites de « fact-checking » politiques se multiplient également, à l’instar de Politifact, qui a fait de la vérification des propos de Donald Trump l’une de ses principales missions.
Trump et les « fake news »
Les vidéos explicatives comme« Désintox » diffusé sur Arte et réalisé en collaboration avec Libération…
…Ou encore « Data Gueule » qui s’appuie sur des données pour décrypter un phénomène et l’expliquer, permettent ainsi de mieux comprendre dans quelle mesure les déclarations faites sont bien souvent incomplètes.
Plus encore, 37 médias français sont réunis pour créerCrossCheck, une plateforme « pour traiter avec précision les affirmations fausses, trompeuses ou prêtant à confusion qui circulent en ligne ».
Ces différentes initiatives portées par les médias traditionnels ont pour objectif de retrouver une crédibilité, notamment face aux théories du complot qui se propagent sur la toile, en espérant que leur statut de « médias traditionnels » ne les alimente davantage.