L’Angleterre honore Stephen Hawking, astrophysicien et icône de la pop culture

Cahiers raturés, scripts de films… Des milliers de pages d’archives du plus célèbre astrophysicien britannique vont être conservées à l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. Le bureau de Stephen Hawking sera également reconstruit à l’identique au musée des Sciences de Londres, avec ses souvenirs de séries où il a pu apparaître et doubler ses propres rôles.

Les archives du célèbre astrophysicien Stephen Hawking, décédé en 2018, vont être conservées à la bibliothèque de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. © Pingnews.com

Voix synthétique, fauteuil roulant, sourire et autodérision à toute épreuve. Stephen Hawking était autant un personnage à part entière qu’un esprit brillant. Trois ans après sa mort, l’Angleterre l’honore une nouvelle fois : plus de 10 000 pages d’archives vont être conservées à la bibliothèque de l’Université de Cambridge. Son bureau sera reconstruit à l’identique au musée des Sciences de Londres en 2022.

Si Stephen Hawking est l’astrophysicien britannique le plus connu, c’est en grande partie du fait de son incroyable parcours. Il a à peine 22 ans lorsqu’on lui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique, aussi appelé maladie de Charcot.

Des biopics dédiés à l’astrophysicien

Il devient progressivement paralysé, ce qui le cloue dans un fauteuil roulant. Il finit par parler grâce à une machine. Au moment du diagnostic, il n’avait plus que quelques années à vivre, mais il défie les prédictions médicales et décède bien des décennies plus tard, à 76 ans. Son fauteuil, devenu sa marque de fabrique, sera également exposé au musée des Sciences de Londres.

Sa vie a d’ailleurs inspiré plusieurs biopics. Il a notamment été incarné par Benedict Cumberbatch (SherlockDoctor Strange) dans Hawking, téléfilm produit par la BBC en 2004, et Eddie Redmayne (Danish GirlLes animaux fantastiques) dans Une merveilleuse histoire du temps, sorti en 2015. L’acteur a d’ailleurs reçu l’Oscar du meilleur acteur pour sa performance.

Une icône geek

La liste de ses archives est aussi longue que diverse. Cahiers raturés, raisonnements sur ces théories de cosmologie – la science des lois qui gouvernent l’univers -, correspondance datant de 1944 à 2008 avec ses proches et des scientifiques brillants, une première ébauche de son best-seller Une brève histoire du temps (publié en 1988), des scripts de films et de séries… Les passionnés et les curieux pourront plonger dans ses réflexions, en apprendre plus sur son génie et ses centres d’intérêts.

Stephen Hawking est apparu et a doublé son propre rôle dans de nombreuses séries, notamment Les Simpsons. © Capture d’écran d’un épisode des Simpsons

L’astrophysicien tient également sa renommée de la pop culture. Les Simpsons, FuturamaThe Big Bang Theory, Star Trek… le scientifique est plusieurs fois apparu ou a réalisé le doublage de ses propres rôles. Des souvenirs qu’il a conservés dans son bureau et qui seront également reproduits au musée des Sciences de Londres. Les visiteurs pourront (re)découvrir les nombreuses apparitions de l’astrophysicien au sein de l’univers geek.

 Gaëlle Sheehan

Romain Gary entre dans La Pléiade : portrait d’un écrivain « insaisissable »

Il est le seul écrivain a avoir reçu deux fois le prix Goncourt. 40 ans après sa disparition, Romain Gary entre dans La Pléiade.
40 ans après sa disparition, l’auteur Romain Gary entre à La Pléiade. / Yann Forget – Wikimedia Commons – CC-BY-SA-3.0

« Ouvrir un livre de Gary, c’est consentir à passer du rire aux larmes » mais aussi « aller à la rencontre d’un homme insaisissable, paradoxal et contradictoire », raconte l’universitaire Mireille Sacotte, qui a dirigé les deux volumes de La Pléiade consacrés à Romain Gary. Les deux tomes paraîtront officiellement ce jeudi, quarante ans après la disparition de l’auteur.

Le tome 1 de La Pléiade (1 536 pages, 63 euros) s’ouvre avec le premier roman publié par Gary, Éducation européenne (1945, couronné par le prix des critiques). Le tome 2 (1 728 pages, 66 euros) se clôt avec son dernier roman Les cerfs-volants (1980). A 35 ans de distance, ces deux livres ont pour sujet la Seconde Guerre mondiale et plus précisément la Résistance, un thème toujours en filigrane dans ses romans.

L’édition de La Pléiade a mis de côté les nouvelles, le théâtre, les articles, les entretiens et les essais de Gary pour ne conserver que ses romans et récits. On y retrouve donc ses deux romans récompensés par le prix Goncourt : Les racines du ciel en 1956 et La vie devant soi en 1975, signé sous le pseudonyme d’Émile Ajar. Parmi les autres titres rassemblés dans la Pléiade figurent entre autres La promesse de l’aube, une autobiographie à ne pas prendre au pied de la lettre, Lady L., roman de pure fantaisie et La danse de Gengis Cohn qui a comme narrateur un Juif revenu hanter la conscience de l’ancien Nazi qui l’a fusillé.

Parallèlement à la sortie des deux volumes de la Pléiade, Gallimard propose un album richement illustré (offert pour l’achat de trois Pléiade) consacré à l’écrivain. C’est un Gary plus intime, « éternel insatisfait de soi, éternel écorché vif », qui apparaît dans ce recueil réalisé par Maxime Decout, maître de conférences à l’université de Lille.

 

Écrivain insaisissable

Durant toute sa vie d’adulte, Romain Gary s’amuse à faire planer le doute sur son identité. Dans ses différentes déclarations aux médias, il fait varier son nom, son lieu de naissance, la nationalité de sa mère. Il va jusqu’à renier son père, se présentant comme un « bâtard juif russe, mâtiné de Tartare ». Il laisse même courir la légende, dans divers écrits et interviews, qu’il est le fils du comédien russe Ivan Mosjoukine.

En réalité, Romain Gary est né Roman Kacew en mai 1914. Il est le fils d’un fourreur et d’une modiste de Wilno (actuelle Vilnius, capitale de la Lituanie), ville tour à tour russe, allemande puis polonaise. Élevé seul par sa mère Mina dès ses 11 ans, ils partent tous les deux pour la France en 1928. Sa mère est persuadée que dans ce pays, son fils pourra s’accomplir pleinement en tant que diplomate ou artiste.

Après des études de droit, il est mobilisé pour la guerre. Romain Kacew sera l’un des premiers à rejoindre le général de Gaulle en 1940. En 1943, il est rattaché en Grande-Bretagne au groupe de bombardement de Lorraine. C’est durant cette période qu’il choisit le nom Gary, signifiant « brûle ! » à l’impératif en russe. « C’est un ordre auquel je ne me suis jamais dérobé, ni dans mon oeuvre, ni dans ma vie », racontait-il.

Au total, il effectue plus de vingt-cinq missions, totalisant plus de soixante-cinq heures de vol. A la fin de la guerre, il est fait Compagnon de la Libération et nommé capitaine. Il entame par la suite une carrière de diplomate au service de la France et publie, parallèlement, ses premiers romans.

A ceux qui l’interrogeront encore et encore pour connaître sa véritable nationalité, le pilote de guerre, Compagnon de la Libération, répondait invariablement : « Ma nationalité, c’est Français libre. »

Romain Gary se suicide d’une balle dans la bouche en décembre 1980, à 66 ans. Il laisse derrière lui une lettre pour expliquer son geste. « Peut-être faut-il chercher la réponse dans le titre de mon ouvrage autobiographique : La nuit sera calme et les mots de mon dernier roman: « car on ne saurait mieux dire » ». « La nuit sera calme, note Maxime Decout, l’expression est celle que le pilote murmurait pour se fortifier et se rasséréner avant le combat ».

Alice Ancelin

Escrime : pour Jérémy Fafa Keryhuel, « les JO seraient la consécration de toutes ces années de travail »

L’escrimeur franco-ivoirien Jérémy Fafa Keryhuel est aujourd’hui le seul représentant de la Côte d’Ivoire pour les épreuves internationales au fleuret. Âgé de 23 ans, le 37ème mondial pourrait bien participer aux Jeux Olympiques si ses résultats se maintiennent. Portrait d’un athlète motivé et autodidacte.

Jérémy Fafa Keryhuel, qui fait partie de l'équipe de Côte d'Ivoire, est aujourd'hui 37ème mondial. © Augusto Bizzi / Fédération internationale d'escrime
Jérémy Fafa Keryhuel, qui fait partie de l’équipe de Côte d’Ivoire, est aujourd’hui 37ème mondial. © Augusto Bizzi / Fédération internationale d’escrime

C’est lorsqu’il passe en voiture, avec son père, devant un panneau publicitaire pour des cours d’escrime que Jérémy Fafa Keryhuel découvre un sport dont il ne connaissait rien. Il est alors âgé de cinq ans. C’est peut-être l’image de Zorro, sur le panneau, qui lui donne envie d’essayer. Personne dans sa famille ne connaît réellement cette activité sportive, « très peu médiatisée en France », regrette-t-il. Pourtant, il se lance dans le club de sa ville, l’US Le Pecq, et son agilité surprend. Un an plus tard, il commence les compétitions : « J’ai tout de suite adoré ça ». Il ne s’est jamais arrêté depuis. Aujourd’hui 37ème au classement mondial à 23 ans, il est le seul représentant de la Côte d’Ivoire pour les épreuves internationales senior au fleuret. Si ses résultats se maintiennent, il est en bonne voie pour participer aux Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo.

Jérémy Keryhuel est né à Paris le 28 octobre 1994, d’un père français et d’une mère ivoirienne. Il grandit dans les Yvelines, au Pecq, où il habite et s’entraîne encore aujourd’hui. À 15 ans, il intègre l’équipe de France en catégorie cadet et commence à voyager en Europe, puis dans le monde. Les résultats sont au rendez-vous : il est premier au classement national junior en mai 2014 et plusieurs fois champion de France en équipe.

© Augusto Bizzi / Fédération internationale d'escrime
© Augusto Bizzi / Fédération internationale d’escrime
L’équipe de Côte d’Ivoire : un tournant

Dès 2010, il s’intéresse à la situation de l’escrime en Côte d’Ivoire. Il prend contact avec la Fédération ivoirienne d’escrime et lui fait don de fleurets et de vêtements de combat. À son arrivée à Abidjan, il se rappelle « d’une foule qui l’attendait à l’aéroport ». « Certaines personnes m’ont même offert des fleurs », ajoute-t-il. Une image qu’il n’oubliera jamais. Là-bas, il s’entraîne avec les joueurs ivoiriens et combat même contre le maître d’armes de la Fédération, qu’il bat. Il devient une star de l’escrime dans le pays d’origine de sa mère. Cette dernière est d’ailleurs un soutien de taille pour lui : elle l’aide et l’accompagne dans ses démarches. « Elle est un peu comme mon agent », plaisante-t-il.

En mai 2017, il prend la décision de quitter l’équipe de France pour intégrer celle de Côte d’Ivoire. « C’était une décision difficile car même si cela m’offre des opportunités, la structure et la prise en charge ne sont pas les mêmes », raconte-t-il. En effet, la Fédération ivoirienne d’escrime touche peu de fonds. Quand il part en compétition à l’international, Jérémy Keryhuel voyage seul, sans coach ni médecin : « Cela m’oblige à être autonome, à me gérer tout seul ». D’autant plus que l’escrimeur n’a pas que le sport à gérer. Il est également en première année de master à l’École de Management Léonard de Vinci à Paris, en marketing digital et analyse de données. « C’est parfois compliqué de gérer le sport à haut niveau et les études, ça demande un investissement particulièrement important », confie-t-il.

Objectif JO 2020

Aujourd’hui, son objectif est d’être sélectionné pour participer aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 : « si je fais les JO, ce serait un rêve qui se réalise, mais aussi la consécration de toutes ces années de travail ». Cette sélection est envisageable, dans la mesure où son classement actuel lui permettrait d’y participer. « Mais un retournement de situation est possible, c’est pourquoi je dois rester concentré », explique-t-il. Il connaît ses forces et ses faiblesses : « Même si j’ai des qualités d’appui et que je ne baisse jamais les bras, je dois encore travailler mon mental et ma tactique ». Amoureux de la compétition, il ne se lasse pas de voyager aux quatre coins du globe pour combattre ses adversaires, qui sont parfois ses anciens coéquipiers de l’équipe de France. « L’escrime, c’est une famille de personnes qui vivent les mêmes choses que toi. On se motive et on se soutient quel que soit le pays qu’on représente. »

Justine HAGARD

Sofiane Hadji ne fait pas de quartiers (4/4)

Né à Saint-Denis, le jeune homme milite dans une association pour insérer les jeunes issus d’un milieu populaire dans le monde de l’emploi. Il lutte contre le déterminisme social.

Sofiane Hadji
Sofiane Hadji

Chapeau Fédora vissé sur la tête, son allure bon chic bon genre lui donne un air de gendre idéal. Sofiane Hadji arrive le sourire aux lèvres. La veille, un des étudiants qu’il suit avec l’association des étudiants et professionnels de Bobigny (93) a signé une alternance dans une entreprise. « Je lui ai filé un contact, donné des conseils, il est allé à l’entretien et voilà le résultat », se réjouit-il. A 22 ans, il est le secrétaire général de l’association, fondée il y a un an. Elle accompagne des jeunes de Seine-Saint-Denis, issus pour la plupart de milieux défavorisés, et leur inculque les codes pour se dépêtrer dans le monde complexe qu’est celui du marché du travail. « Lorsqu’ils vont à un entretien d’embauche, ils se comportent comme s’ils étaient au café du commerce ! A l’association, on leur apprend les codes sociaux », souligne Sofiane. L’expression n’est pas taboue : « il faut savoir se vendre », répète-t-il maintes fois.

D’origine algérienne, le jeune homme sait de quoi il parle. Après un master 1 en affaires publiques à l’université Paris-Dauphine, il est actuellement en stage chez Publicis, comme consultant en affaires publiques. Le monde du travail, il y est entré en forçant les portes. Né d’un père agent de propreté et d’une mère chef de caisse dans un supermarché, il grandit dans l’une des tours de la cité du Colonel Fabien, à Saint-Denis. C’est dans cette même ville qu’il entre à l’université Paris-VIII, en bi-licence histoire-sciences politiques. Pourtant, le dépaysement est total. « Je suis arrivé le premier jour avec un maillot du PSG sur le dos et j’étais perdu, se souvient-il. Dans ma promotion, j’étais un des rares à être un vrai banlieusard des quartiers. Je me suis demandé ce que je foutais là ». Plongé dans les derniers relents utopistes d’une fac héritière de mai 68, il constate que « le système est plus fort que toi. Soit tu l’intègres, soit tu es mort ».

C’est aussi pour cela qu’il s’implique dans son association, « pour sortir quelques uns ». de leur destin tout tracé. Car lorsqu’on vient des quartiers populaires, la vie ne déroule pas souvent le tapis rouge à l’ambition. « Tu peux avoir le capital culturel, si tu n’as pas le capital social, c’est foutu », assure Sofiane. Pas question de compter sur Pôle emploi, « un modèle archaïque », ou sur les centaines de mails envoyés, restés lettre morte. Son premier stage, il l’obtient… sur le marché, en interpellant un maire-adjoint de sa ville. Il savoure encore le souvenir de cette première victoire tout en regrettant que les mairies « n’ouvrent pas davantage leurs portes » à leurs habitants. La faute au manque d’ancrage local des élus. « Ils ne connaissent pas le terrain et personne ne les connaît », soupire-t-il. La politique, il y reste à distance, même s’il considère que « la gauche a trahi les quartiers ». « J’ai commencé à gauche, je suis en train de virer à droite », ironise-t-il. Pragmatique avant tout, il juge le discours de Macron intéressant, mais il attend désormais « des actes ».

Tel un héro balzacien, il continue de tisser sa « toile d’araignée », c’est-à-dire son réseau, et en fait profiter les autres. Il encourage ses protégés à affûter « leurs armes » : la manière de parler, la culture… « On a réussi 13 embauches en un an, qui fait ça dans le 93 ? », met-il en avant pour prouver la réussite de ce « Linkedln du réel ». Parmi elles, des chauffeurs uber mais aussi une alternance chez TF1. Certes, il y a des entreprises méfiantes devant un candidat à l’embauche au profil « jeune de banlieue ». Mais Sofiane l’assure, « tu peux être arabe ou noir, tu as certes moins de chance, si tu es souriant sur ta photo de CV, tu peux avoir ton entretien ».

Il habite désormais dans le centre de Paris. Sofiane sourit : « Je suis sorti du territoire dyonisien ! T’as vu le virage ?! ».

 

Anaïs Robert