Cinq américains veulent saisir la justice fédérale des États-Unis afin que celle-ci ordonne au Vatican d’ouvrir ses archives, pour «révéler les identités de milliers d’agresseurs connues uniquement du Vatican». Cette annonce survient quelques jours après l’obligation dictée par le pape d’obliger les prêtres à dénoncer tout abus sexuel, que de nombreuses victimes jugent insuffisante.
La chasse aux sorcières est lancée aux États-Unis. Cinq Américains se disant victimes d’abus sexuels, commis par des prêtres catholiques, vont saisir la justice fédérale américaine pour qu’elle ordonne au Vatican d’ouvrir ses archives. Ils veulent que le Saint-Siège « révèle les identités de milliers d’agresseurs connues uniquement du Vatican« , ainsi que « leurs dossiers » et « leurs histoires« , écrit le cabinet d’avocats Jeff Anderson dans un communiqué. Les cinq plaignants, dont trois n’ont jamais parlé publiquement, expliqueront leur démarche lors d’une conférence de presse mardi à Saint-Paul, dans le Minnesota.
Ils ont décidé de rendre leur action publique après l’annonce par le pape François le 9 mai dernier d’une modification de la loi canonique. Celle-ci oblige désormais l’ensemble des prêtres et religieux à signaler à l’Église tout soupçon d’agression sexuelle, de harcèlement ou de dissimulation.
« Un pas timide » ou un « écran de fumée« . Des associations et des victimes de prêtres pédophiles se sont dites déçues après l’annonce du souverain pontife. Le pape aurait dû selon elles rendre obligatoire le signalement de faits d’agressions aux autorités civiles. « Secret et silence sont la clef de voûte de l’agression sexuelle (…) C’est très facile de créer l’impunité quand l’enquête est faite par la même partie (l’Église, NDLR) », a commenté à l’AFP José Andrès Murillo, une victime chilienne qui a créé en 2010 une association de lutte contre les agressions sexuelles. En communiquant sur leur démarche, les cinq victimes américaines souhaitent mettre fin à l’opacité du Vatican qui pèse sur la question de la pédophilie dans l’Église.
Des listes incomplètes
De l’Australie au Chili, en passant par l’Europe ou le Japon, l’Eglise catholique traverse une profonde crise de confiance en raison des révélations d’agressions sexuelles, notamment sur mineurs, commis par des prêtres et longtemps couverts par leur hiérarchie. Aux États-Unis, une enquête des services du procureur de Pennsylvanie a révélé en août des sévices sexuels perpétrés par plus de 300 « prêtres prédateurs » sur au moins 1 000 enfants. Depuis, des procédures en justice ont été ouvertes dans plusieurs Etats et de nombreux diocèses ont publié des listes de prêtres ayant été visés par des accusations crédibles depuis les années 1950. Mais ces listes contiennent surtout des dossiers de prêtres déjà connus, jugés ou décédés. Les associations de victimes soupçonnent ces listes d’être incomplètes.
Quelque 500 cas dans l’archevêché de Los Angeles
En octobre dernier, un Américain de 52 ans, violé par un prêtre lorsqu’il était adolescent, avait annoncé avoir porté plainte contre le Vatican pour forcer le clergé catholique à révéler les noms de tous ceux en son sein qui sont soupçonnés d’actes pédophiles, quel que soit le pays. « Je cherche juste la vérité, il ne s’agit de rien d’autre que cela », avait déclaré le plaignant, Manuel Vega. « Vous ne pouvez pas imaginer ce que ces prêtres nous ont fait. Et l’Eglise catholique est restée inactive (…). Cette inaction continue à faire du mal aux enfants« , avait poursuivi le plaignant. Alors qu’il était enfant de chœur, il aurait été abusé durant cinq ans par Fidencio Silva-Flores, à l’époque curé d’une paroisse d’Oxnard en Californie. Manuel Vega fait partie des quelque 500 personnes victimes d’attouchements ou de viols commis par des prêtres qui ont conclu en 2007 un accord avec l’archevêché de Los Angeles, le plus grand des Etats-Unis. Les plaignants ont reçu au total 660 millions de dollars de l’archevêché contre l’abandon des poursuites.
Cécile Da Costa