Le Parti communiste français censurera Sébastien Lecornu en l’absence de « changement de politique »

Lors de la Fête de l’Humanité, qui débute ce vendredi, Fabien Roussel a déclaré que « sans changement de politique », les communistes censureront le nouveau Premier ministre.

Les communistes ne s’engagent pas dans une censure « a priori » du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu mais la voteront « sans marque profonde d’un changement de politique », a déclaré vendredi le patron du PCF Fabien Roussel, qui s’est adressé à la presse lors de la Fête de l’Humanité.

« Si c’est pour passer de 44 milliards à 39 milliards d’austérité, ce n’est même pas la peine de nous appeler. J’ai dit à Sébastien Lecornu que de mêmes causes produisent de mêmes effets », a dit Fabien Roussel, qui s’est entretenu avec le nouveau Premier ministre en début de semaine.

« Des demandes sur l’augmentation des salaires »

« Je lui ai notamment fait des demandes sur l’augmentation des salaires, l’abrogation de la réforme des retraites et la diminution des aides accordées aux grosses entreprises », a déclaré le secrétaire national du PCF.

Le maire de Saint-Amand-les-Eaux, ancien député du Nord, a assuré que les communistes n’avaient « pas peur d’une dissolution », qui se rapprocherait en cas de nouvelle censure. Le groupe rassemblant les communistes et les élus ultra-marins de gauche compte 17 députés (il en faut 15 pour constituer un groupe).

Pas d’accord avec les autres formations de gauche

M. Roussel a redit que son parti ne passera pas d’accord global avec les autres formations de gauche en cas de législatives anticipées, contrairement à 2022 et 2024. »On ne supportera plus d’être traité avec 50 circonscriptions (nombre de candidats alloué au PCF en 2024, ndlr) », a-t-il assuré. »Il faut des candidatures de rassemblement construites à la base, dans chaque département, en prenant compte des rapports de force locaux, et sans parachutage », a-t-il plaidé.

Concernant les appels à la démission ou à la destitution d’Emmanuel Macron, Fabien Roussel estime qu’il s’agit d’un « saut dans le vide ». »Le RN et LFI sont obsédés par la présidentielle. Mais cela nuit à la mobilisation des salariés. Il faut un mouvement social fort et puissant, une base populaire », a-t-il estimé. Les Insoumis ont présenté une motion de destitution du président de la République à l’Assemblée, signée par 104 parlementaires, dont des communistes et des écologistes.

Fabien Roussel a par ailleurs redit qu’il n’entendait pas participer à la primaire de la gauche souhaitée par Olivier Faure (PS), Marine Tondelier (Ecologistes) et les anciens Insoumis François Ruffin et Clémentine Autain pour 2027.

Législatives 2022 : dans les Hauts-de-Seine, une première circonscription à contre-courant

À l’approche des élections législatives, les habitants de la première circonscription des Hauts-de-Seine semblent traversés par un désintérêt politique. Le territoire est toutefois marqué par un ancrage communiste depuis des décennies. 

Les habitants de la première circonscription des Hauts-de-Seine éprouvent un véritable désintérêt politique pour les élections législatives des 12 et 19 juin 2022. CELSA/Léocadie Martin et Suzanne Zeller

« Avec les politiques, on se sent complètement abandonné. On est délaissé », déplore Ouarda, 57 ans,  habitante de Colombes-Nord depuis sa naissance. Son amie Khadija renchérit : « je ne voterai pas pour les législatives, on est tellement déçu aujourd’hui ». Et elles ne sont pas les seules. Dans la 1ère circonscription des Hauts-de-Seine, l’abstention est à la hausse. En 2017, elle a atteint un taux record. Plus de 65% des habitants de Colombes-Nord, Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne, les trois villes qui composent la circonscription, se sont abstenus au second tour des élections législatives. La circonscription déplore le taux d’abstention le plus élevé du département. Elle dépasse même la moyenne nationale, qui obtenait son taux le plus élevé depuis 1958 aux dernières élections. Lors du second tour, 57,36% des électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux urnes. Un mauvais présage pour les élections législatives qui approchent à grands pas.

Pour Jean-Marie, retraité de 69 ans, cette abstention est justifiée. « Les députés perdent leur identité et ne sont plus en lien avec la population. Si c’est simplement une fois tous les cinq ans pour les élections qu’on les voit faire le tour du marché, ça n’a aucun intérêt. » Le villenogarennois déposera, malgré cela, son bulletin dans l’urne les 12 et 19 juin prochain. Cette abstention s’explique, en partie, par les difficultés qui composent le territoire. Dans le deuxième département le plus riche de France (Insee, 2021), la première circonscription comptabilise le taux de pauvreté le plus élevé. Plus de la moitié des ménages, soit 55,3%, sont considérés comme pauvres ou modestes. En comparaison, 40,2% des ménages sont considérés comme tels au niveau national.

À travers une précarité prédominante, les habitants de la circonscription ne se sentent pas représentés par les potentiels futurs députés. « La dernière élue que j’ai vu dans mon quartier est morte il y a une dizaine années, se désole Bernardier, habitant de Gennevilliers depuis les années 1970. La communication superflue ça y va, mais pourtant rien ne vaut le porte à porte. » Il ira tout de même voter. Ce qui n’est pas le cas d’Angie, étudiante de 19 ans. « Les politiques ne m’intéressent pas et, en plus, ici on ne voit rien. Les candidats ne viennent même pas à notre contact. » Un ressenti qui pourrait bouleverser l’ancrage politique de la circonscription.

Un bastion communiste coûte que coûte

Depuis 1967, la première circonscription des Hauts-de-Seine est chaperonnée par le Parti communiste français. CELSA/Léocadie Martin et Suzanne Zeller

« Elsa Faucillon (PCF) a de la bouteille. Elle est accessible. On la trouve devant les écoles et sur le marché le matin… j’ai beaucoup d’admiration pour elle », avoue Fedoua, membre du conseil citoyen apolitique de Villeneuve-la-Garenne. Depuis 1967, la première circonscription des Hauts-de-Seine appartient au Parti communiste français. Cet ancrage politique à gauche se caractérise notamment par la catégorie socio-professionnelle de la circonscription. Les actifs du territoire sont composés à plus de 50% d’ouvriers et d’employés.

Les socialistes avaient raflé la circonscription en 2012 lors de l’élection présidentielle de François Hollande (PS), avant qu’Elsa Faucillon ne la rende au PCF en 2017. Désormais, elle est la seule député de gauche du département. Mais elle ne fait pourtant pas l’unanimité. « Je ne suis pas sûre qu’Elsa Faucillon soit réélue car elle s’est alliée à  Jean-Luc Mélenchon (LFI), s’avance Ginette, villenogarennoise  de 69 ans et bénévole du secours catholique. À mon avis, ça va être très difficile pour elle. » Avec l’alliance de gauche nommée NUPES et composée notamment du PS, EELV, LFI et PCF, Elsa Faucillon devient la candidate d’une gauche unie. Mais pourtant, pas toute la gauche. Le NPA, qui n’a pas souhaité s’allier à ces quatre partis, a décidé de déployer des candidats dans tout le département. Et pour la première circonscription, c’est Gaël Quirante qui les représente. Une candidature qui a fait réagir Patrice Leclerc (PCF), suppléant actuel d’Elsa Faucillon et maire de Gennevilliers.

Cependant, cette candidature ravit des électeurs qui ne se reconnaissent pas dans cette alliance de la NUPES. « Moi je suis de gauche, mais je ne voterai jamais pour une alliance avec Jean-Luc Mélenchon. Je me reconnais plus dans le candidat du NPA, qui défend une vraie gauche », reconnaît Bernardier. Pour certains habitants, la gauche au pouvoir dans la circonscription n’a pas permis le changement. Et ce constat pourrait bien favoriser l’un des onze autres candidats de la première circonscription.

Candidats de droite, siège de gauche

À Colombes-Nord, à Gennevilliers et à Villeneuve-la-Garenne, une problématique se distingue : l’accessibilité des logements. Plus de 70% des logements sont occupés par des locataires au coeur de la circonscription. « Les logements ne sont pas accessibles. Ils font des nouveaux logements très chers et on ne peut pas y accéder.  Et depuis des années, il n’y a aucun changement : on nous a oublié », s’attriste Ouarda. Certains candidats espèrent devenir le visage de ce changement. « Si les gens ne votent pas, c’est parce qu’ils ont besoin d’une offre qui leur parle. Les uns et les autres doivent s’approprier une candidature », affirme Abdelaziz Bentaj, candidat Les Républicains.

Pour Mariam Camara, candidate du Rassemblement National, « il y a trop d’exclusion dans ce territoire et il y a beaucoup de souffrance. Avec le Rassemblement National, je pourrai enfin vraiment les rassembler. » La question se pose puisque, depuis l’ascension politique de Marine Le Pen, le parti d’extrême droite recueille principalement les voix des ouvriers. Malgré cette volonté de concilier électorat et urnes, les candidats de la première circonscription ne semblent toujours pas établis sur le territoire. « Je vote à toutes les élections, mais cette fois-ci, les visages politiques ne me parlent pas trop », s’étonne Amélie*. Pour beaucoup, les élections législatives paraissent abstraites.

Avec une dynamique de dépolitisation, la population de la première circonscription perd espoir. Jamel, épicier dans le quartier du Stade (Colombes-Nord) depuis 1988, se désole.

« Il n’y a plus beaucoup d’espoir. On ne croit plus que les choses vont changer. Les candidats ont même peur de venir dans le quartier. »

Un client entre dans la boutique et s’accorde avec le commerçant. « Je suis né ici il y a 60 ans et, pour moi, les politiques travaillent pour eux et c’est tout. C’est de l’entre soi. J’irai voter mais sans grande conviction. C’est vraiment malheureux. »

Une campagne électorale qui ne parvient pas à s’imposer, des habitants qui se sentent délaissés et des candidats qui tentent le tout pour le tout : les résultats des élections législatives de la première circonscription des Hauts-de-Seine seront véritablement déterminants pour le dernier bastion communiste du département.

Léocadie Martin et Suzanne Zeller