Parcoursup : « Le problème n’est pas qu’algorithmique, il est aussi politique »

Des milliers de candidatures « en attente », des jeunes stressés, un manque de place dans les formations… Les résultats d’admissions aux 17 000 offres post-bac proposées sur la plateforme Parcoursup ont commencé à tomber jeudi 27 mai 2021. Le marathon se poursuit jusqu’au 16 juillet.

"Le problème de base sur Parcoursup, c'est qu'il n'y a pas passez de place pour accuillir tout le monde", explique Camille Coti, maîtresse de conférences spécialisée en calcul à hautes performances.
« Le problème de base sur Parcoursup, c’est qu’il n’y a pas assez de places pour accueillir tout le monde », explique Camille Coti, maîtresse de conférences spécialisée en calcul à hautes performances.© Nolwenn Autret

Sur Admission Post-Bac (APB), les choix étaient hiérarchisés. Les candidats classaient leurs vœux. Sur Parcoursup, succédant à son homologue en janvier 2018, ce n’est plus le cas. Cette décision, Camille Coti, maîtresse de conférences spécialisée en calcul à hautes performances, l’explique par « une volonté d’introduire plus d’interventions humaines dans les étapes de sélection des candidats ». Le but ? Un choix plus juste et moins automatisé pour un minimum de stress généré.

L’algorithme des mariages mixtes 

« Un algorithme, c’est une suite d’instructions qu’un ordinateur va exécuter », explique Camille Coti. Celui de Parcoursup se base sur deux suites de calculs, appelé l’algorithme des mariages mixtes : l’algorithme global et les algorithmes locaux. Le premier vient faire l’appareillement entre les seconds. C’est dans ces algorithmes locaux que peut intervenir le facteur humain.

Chaque formation définit des coefficients en fonction de l’importance de certains critères. Olivier Ertzscheid est professeur à l’institut universitaire de technologie (IUT) de la Roche sur Yon au département Information et communication. Pour soixante places, il a reçu près de 700 dossiers complets. Le premier critère, choisi par l’établissement, se base sur les moyennes générales obtenues en classe de première et de terminale. Le deuxième se concentre sur les appréciations des bulletins scolaires. Le troisième se focalise sur le CV, la lettre de motivation et la présentation d’un projet professionnel. Enfin, le dernier élément concerne un compte-rendu d’entretien avec un professionnel.

Les professeurs interviennent donc dans l’algorithme lorsqu’ils définissent le seuil des moyennes ainsi que sur l’appréciation des motivations du candidat. L’enseignant déplore la non-intégration de la hiérarchisation des vœux : « Cet algorithme, si on le déploie sans prendre en compte la hiérarchisation, complexifie l’attribution des vœux et le processus de sélection. C’est paradoxal pour un algorithme. »

Une plateforme faisant débat 

Les avis sur le sujet divergent. Olivier Ertzscheid juge l’interface « catastrophique ». Un enseignant en techniques de commercialisation dans un IUT breton, préférant rester anonyme, se dit satisfait de l’algorithme de Parcoursup puisqu’« il est possible pour les enseignants de le paramétrer comme ils le souhaitent ». Ce professeur est néanmoins conscient des progrès restant à faire, notamment concernant la réforme du baccalauréat et les moyennes des élèves selon leurs spécialités.

Pour Lou, lycéenne en terminale dans un lycée à Vannes (56) « les écoles regardent beaucoup le classement dans la classe. Mais tout dépend dans quelle classe tu tombes, avec quel niveau. Je trouve que ce n’est pas trop représentatif ». Elle attend toujours une réponse définitive après avoir candidaté à huit licences et IUT en Info Comm. Avec 15 de moyenne générale, elle se situe au milieu des autres élèves de sa classe. Un classement qui aurait pu être totalement différent parmi d’autres camarades.

« Les enseignants ont dû prendre sur leurs vacances pour faire le recrutement »

Parcoursup permet aux jeunes de choisir plusieurs vœux. Afin de maximiser leurs chances d’être reçus dans un établissement correspondant à la formation de leur choix, leurs professeurs les encouragent à postuler à un maximum de formations. Dans l’IUT de Bretagne, précédemment mentionné, près de 4 000 dossiers complets ont été reçus cette année contre près de 3 000 en 2020 pour 112 places.

Plus de candidatures signifie plus de travail. « Les enseignants ont dû prendre sur leurs vacances pour faire le recrutement », témoigne le professeur breton. Même s’il atteste que l’équipe pédagogique continue d’accorder autant d’importance à la présence humaine dans la sélection des dossiers, Olivier Ertzscheid est plus sceptique. « Les algorithmes locaux sont totalement opaques. Certaines filières comme Polytechnique ne regardent même plus les CV et les lettres de motivation car ils ont trop de demandes. Ils regardent juste les moyennes statistiques. Je suis remonté contre ce système politique de l’Etat qui est d’atomiser le processus de recrutement. Les recruteurs les plus motivés sont en train de se demander si faire un pré-tri par moyenne et basta, ne serait pas la meilleure solution… »

Il ajoute que l’intérêt du recrutement sans algorithme, « c’est qu’on avait du temps sur chaque dossier et que dans ce système sélectif, chacun avait les mêmes chances au départ ».

« Certaines filières comme Polytechnique ne regardent même plus les CV et les lettres de motivation car ils ont trop de demandes », atteste Olivier Ertzscheid.© Gerd Altmann

Une dimension politique 

L’enjeu de la réussite de la plateforme est crucial. Il s’agit de l’orientation de 931 000 candidats qui est en jeu. « L’algorithme de Parcoursup est très important car il est déterminant dans la vie de beaucoup de gens. Il ne faut pas qu’il y ait de bugs. Il existe des filières sous tension, mais le problème n’est pas qu’algorithmique, il est aussi politique. On se focalise trop sur Parcoursup, mais ce n’est pas le seul coupable », avance Camille Coti. « Le gouvernement pourrait se servir des milliers de données récoltés sur cette classe d’âge de la population pour ajuster les formations. Il n’en fait rien », complète Olivier Ertzscheid.

Lou, pour sa part reste confiante. « J’arrive à relativiser. Si je ne trouve rien, je sais que je me débrouillerai. Je ferai un service civique ou je partirai voyager. Une chose est sûre, je ne veux pas ne rien faire », lance-t-elle avec conviction.

Nolwenn Autret

Parcoursup : les premières réponses mercredi soir

La plateforme d’accès aux études supérieures Parcoursup va dévoiler mercredi soir les premières réponses aux vœux des quelque 900 000 candidats. Le dispositif prévu est, à quelques ajustements près, semblable à celui mis en place l’année dernière.
Les premières réponses aux vœux des candidats sont prévues mercredi soir à 19h sur Parcoursup. / Crédit : Julien Marolleau – Flickr

19 heures, c’est l’heure à laquelle les jeunes, des lycéens de terminale et des étudiants en réorientation principalement, vont recevoir leurs premières réponses sur le site d’orientation Parcoursup. Dans un premier temps, la plateforme ne sera que « consultable » pour faire face à l’afflux des connections. Plus tard dans la soirée, les candidats pourront répondre aux propositions.

Deux types de réponses sont possibles. Pour les filières sélectives, comme les IUT, les BTS ou les prépas, ce sera soit « Oui », soit « Non », soit « En attente ». Pour les filières non sélectives, les licences générales, ce sera « Oui »,  « Non », ou « Oui si ». Cette dernière possibilité sera accordée si l’université considère que le candidat n’a pas toutes les connaissances et compétences requises. Il sera donc accepté à condition qu’il suive un parcours d’accompagnement.

La suite des réponses tombera ensuite au « fil de l’eau », au fur et à mesure des choix faits par les candidats. Chaque matin, la plateforme sera actualisée et les propositions refusées par certains seront réintroduites dans le système et proposées à d’autres. Les nouvelles propositions seront communiquées par mail, par sms et, si l’application Parcoursup a été téléchargée – ce qui sera possible dès mercredi – par notification.

Un accompagnement qui est voulu plus présent qu’en 2018

Avec chaque proposition sera précisé le délai de réponse accepté. Les candidats en liste d’attente seront également informés du rang du dernier admis l’an dernier pour les licences générales et les prépas. Par contre, les BTS, IUT, les instituts infirmiers (IFSI) et les écoles d’ingénieurs et de commerce post-bac ne communiqueront pas l’information.

Dans le cas où un candidat n’avait demandé que des filières sélectives et ne reçoit que des « Non », il pourra demander un rendez-vous à partir du 16 mai. Avec un membre de l’équipe pédagogique de l’établissement pour les lycéens et avec le service d’orientation de l’université pour l’étudiant. Des nouveaux vœux pourront être formulés à partir du 25 juin pour les formations encore disponibles. A partir du 6 juillet, la commission d’accès à l’enseignement supérieur de l’académie pourra être sollicitée.

Un calendrier précis pour les semaines à venir

Le 15 mai : les premières réponses des vœux seront données à partir de 19 heures. Ensuite, elles seront données au fur et à mesure des réponses des candidats.

Le 16 mai : demandes de rendez-vous possibles avec l’équipe pédagogique du lycée ou le service d’orientation de l’université.

Du 15 au 19 mai : les jeunes ont cinq jours (J+4) pour accepter, refuser ou placer « En attente » la ou les propositions reçues.

A partir du 20 mai : les jeunes n’auront plus que trois jours pour répondre aux propositions.

Du 17 au 24 juin : pendant les épreuves du BAC, la plateforme sera figée et le délai des réponses suspendu.

Le 25 juin : formulation de nouveaux vœux. Le candidat toujours en liste d’attente peut utiliser le « répondeur automatique » pour hiérarchiser ses vœux. Il n’aura plus besoin de se connecter quotidiennement, le répondeur acceptera la proposition automatiquement selon l’ordre choisi.

Le 6 juillet : sollicitation de la commission d’accès à l’enseignement supérieur de l’académie du secteur.

Avant le 19 juillet : les candidats qui ont accepté une proposition avant le 15 juillet doivent s’inscrire dans leur futur établissement.

Avant le 27 août : les candidats qui ont accepté une proposition après le 15 juillet doivent s’inscrire dans leur futur établissement.

Marine Ritchie avec l’AFP