Santé: ces branches de la médecine où l’IA gagne du terrain

Radiologie, dépistage de cancers, analyse de tissus au microscope…L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) tend à se généraliser dans le secteur médical pour améliorer les diagnostics. Où en sont les avancées ?

Déjà largement utilisée pour faciliter certaines procédures d’imagerie, l’intelligence artificielle (IA) pourrait bientôt s’installer durablement dans les cabinets de nos médecins. Depuis plusieurs années, des initiatives se développent pour rendre les diagnostics plus rapides et plus précis grâce à l’assistance de l’IA.

C’est le cas notamment de la start-up echOpen, qui a développé un échographe ultraportable permettant aux praticiens d’effectuer une échographie directement pendant l’examen clinique en cabinet, le but étant d’« accélérer la prise en charge du patient en fonction du niveau de gravité » explique Guillaume Laguette, le Chief Revenue Officer d’echOpen. « La version actuelle est exempte d’IA, mais on travaille actuellement sur des prototypes capables de faire un calcul automatique du volume de la vessie ou de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG). Ces prototypes seraient ensuite intégrés à l’échographe portable ».

Elaborer des traitements en un temps record

L’utilisation de l’IA est déjà répandue dans l’analyse de radiographies: « Quand vous allez aux urgences parce que vous vous êtes foulé la cheville, par exemple, il existe des logiciels qui permettent de vérifier automatiquement si vous avez une fracture ou pas », explique Jean-Emmanuel Bibault, professeur en oncologie à Paris.

Autre branche médicale où le recours à l’IA est fréquent : l’anatomopathologie, cette spécialité qui consiste à observer au microscope des tissus prélevés lors d’une biopsie, pour vérifier qu’ils ne comportent pas de caractéristiques cancéreuses. « Maintenant, c’est l’IA qui peut s’occuper de faire cette analyse ». 

Et parce que le cancer est la première cause de mortalité en France chez l’homme et le deuxième chez la femme – il tue chaque année environ 157.000 personnes -, c’est surtout dans le domaine de l’oncologie que le recours à l’IA se révèle le plus utile. En oncologie radiothérapie plus spécifiquement, son usage permet d’automatiser l’élaboration des traitements: « La préparation d’un traitement qui prenait avant plusieurs jours ou semaines prend aujourd’hui quelques minutes grâce à l’IA », indique le professeur Bibault, précisant que 50% des centres de radiothérapie utilisaient déjà cette méthode.

Jumeaux numériques: « c’est encore très loin »

Lancé dans la recherche scientifique destinée à faire progresser l’IA, le laboratoire AstraZeneca a présenté, mercredi 11 septembre, MILTON (pour Machine Learning with phenoType associatiONs), son nouveau outil d’apprentissage automatique capable de prédire plus de 1 000 maladies avant le diagnostic. « MILTON va au-delà du code génétique pour prendre en compte l’ensemble des facteurs moléculaires associés au risque de développer une maladie », a réagi le professeur américain Euan Ashley dans la communiqué publié par le groupe pharmaceutique suédo-britannique.

Mais d’autres évolutions technologiques médicales semblent quant à elle plus lointaines: c’est le cas des jumeaux numériques, une technique consistant à créer avec un ordinateur des patients ou des organes artificiels sur lesquels tester des protocoles de soins ou des traitements médicamenteux. Si la perspective suscite de l’engouement, elle relève encore « totalement du domaine de la recherche clinique » prévient toutefois Jean-Emmanuel Bibault. « On en entend beaucoup parler parce que c’est très à la mode, mais c’est encore très loin. »

En attendant, c’est le développement du « Patient Facing IA » qui se concrétisera probablement dans les prochaines années, une forme d’IA avec laquelle les patients peuvent interagir en direct  afin de surveiller les symptômes de maladies peu ou pas graves, comme la grippe ou le rhume.

 

Parce que le secteur de la santé touche à des données particulièrement sensibles, ces innovations s’accompagnent de réflexions éthiques qui animent les discussions au sein de la communauté médicale. L’IA pourrait-elle un jour remplacer un profesionnel de santé ? « Le job d’un médecin, ce n’est pas d’assurer son salaire à la fin du mois, c’est d’assurer la meilleure prise en charge possible des patients », estime le docteur Bibault. Et donc il faut utiliser les meilleurs outils à notre disposition pour le faire. »

Autre exemple, s’il en fallait, que l’intelligence artificielle s’est imposé comme un enjeu déterminant de la recherche médicale, le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) y a consacré le jour de lancement de ses Journées du SML, qui se tiennent cette année jusqu’au 15 septembre au Pouliguen (Pays de la Loire).

Sarah-Yasmine Ziani

Pendant le confinement, où sont passés les autres malades ?

Diabète, cancer, insuffisance cardiaque, ou petits bobos de la vie courante – ce sont tout autant de pathologies qu’il a fallu continuer de soigner pendant le confinement. De mars à mai, patients et spécialistes ont dû adapter les soins. Entre retard de prises en charge et isolement des patients, le monde médical a fait face à de graves complications et à la réapparition de pathologies disparues.

Au centre de radiothérapie de Levallois-Perret (Haut-de-Seine), les patients atteints de cancer ont été accueillis dans la plus grande des vigilances.

« Je n’avais pas vu ça dans mon cabinet depuis quinze ans », souligne le Dr Vermesch, stomatologue libéral à Saint-Raphaël (Var). À la fin du confinement, il a dû prendre en charge des patients qui présentaient des pathologies quasi disparues. Ils avaient préféré attendre, inquiets à l’idée d’attraper le Covid-19, jusqu’à se retrouver en grande difficulté.

Pendant le confinement, de nombreux patients ont évité le moindre contact, même avec le corps médical. « Le retard des soins a engendré des douleurs dentaires importantes qui auraient nécessité d’être soignées plus vite. C’est aussi le cas pour le cancer, les insuffisances cardiaques, le diabète, et bien d’autres
maladies »
, ajoute le Dr Vermesch.

Dans les hôpitaux français, les infarctus et accidents cardio-vasculaires (AVC) constatés ont été deux fois moins nombreux. Face à l’ampleur de la crise du coronavirus, certains patients ont sous-estimé leur propre pathologie, se mettant en danger en évitant de consulter malgré les signaux d’alerte. D’après le Dr Bigot, cardiologue en établissement de soins de suite et de réadaptation à La Rochelle (Charente-Maritime), « c’est simplement que les gens ne sont jamais arrivés aux urgences. Il va probablement avoir une surmortalité et plus de complications à cause des retards de prise en charge », alerte-t-elle.

Des patients frileux de contacter leur médecin pendant le confinement.

Certains patients atteints de maladies chroniques n’osent plus aller se faire soigner. Une réticence qui peut entraîner de graves complications. Le Dr Bigot s’inquiète particulièrement pour les victimes d’infarctus. « Des patients ont attendu le dernier moment pour se rendre aux urgences. Ils sont arrivés avec des tableaux beaucoup plus sévères que s’ils avaient été pris en charge dans les délais précoces habituels. Cela représente une perte de chance pour les malades cardiaques », alerte-t-elle.

Une baisse d’activité entre janvier et avril 2020.

« Il se peut que le Samu ait hésité »

C’est ce que Justin Breysse, président de l’InterSyndicale nationale des internes, appelle le phénomène de « morbidité collatérale » : « il y a ceux qui meurent du Covid, et ceux qui meurent à cause du Covid. Par exemple, un patient pourrait décéder d’un infarctus parce qu’il n’a pas appelé le Samu, minimisant ses symptômes et de peur d’encombrer des services saturés. Étant débordé, il se peut que le Samu ait hésité à orienter des malades vers les services d’urgence.»

Il n’y a donc pas moins d’AVC et d’infarctus pendant le confinement, mais les méthodes d’enregistrement sont biaisées. Et ce n’est pas tout. Le recensement des causes de décès en 2020 serait largement faussé par le Covid-19, estime Justin Breysse : « Si une personne âgée meurt soudainement, on soupçonnera davantage ce nouveau virus. Dans d’autres circonstances, on supposerait plus un AVC ou une crise cardiaque. »

Pendant la crise, c’est toute l’organisation des établissements médicaux qu’il a fallu repenser. Accueil, suivi et traitements ont été adaptés aux personnes fragiles, comme au centre hospitalier privé de Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine). Le service d’oncologie a mis en place un parcours de soin inédit. Pour éliminer tout risque de propagation, chaque patient doit passer un test – au résultat obligatoirement négatif pour pénétrer dans le service. Une première étape, avant d’être tout de même placé en quarantaine pendant une semaine avant de rejoindre le secteur sensible d’oncologie. Une précaution jugée indispensable, compte tenu de la très faible immunité des patients en chimiothérapie.

Une chute drastique des consultations physiques.

Les consultations physiques n’ont été maintenues que pour les visites annuelles de surveillance, et pour les changements de traitement. Dans l’hôpital de jour, les durées de séjours sont raccourcies, et les sièges en salle d’attente sont espacées d’un mètre, séparés par des bâches.

“C’est du jamais vu.

Enfin, des masques sont distribués à tous les patients. Des masques qui, à La Rochelle, ont fait l’objet de « troc » entre différents établissements. Pour le Dr Bigot,
« c’est du jamais vu ! »

La téléconsultation, un cache-misère ?

Sur le podium des aménagements cliniques, la première place revient à la téléconsultation. Une alternative qui permet non seulement de réduire le nombre de venues à l’hôpital, mais aussi de rassurer les patients qui ont peur de se déplacer. Mais cette méthode a ses limites. Pour le Dr Gobert, cancérologue à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), « cela induit une perte de l’aspect humain. Le cancer est une pathologie difficile, la téléconsultation permet juste de maintenir un contact. »

Un sentiment qui rejoint celui du Dr Bauduceau, cancérologue au centre de radiothérapie de Levallois-Perret (Haut-de-Seine), qui a déplacé plus de la moitié de ses consultations : « la téléconsultation fonctionne bien quand le patient n’a pas de problème urgent, mais c’est plus compliqué quand il ne va pas bien. On ne peut pas l’examiner, ni gérer son stress. Imaginez annoncer des mauvaises nouvelles via un écran. »

Le nombre de téléconsultations en hausse.

Du côté des patients, nombreux sont ceux qui y ont vu un acte de bienveillance. C’est le cas d’Ariane J., diabétique de type 1 et insulino-dépendante, immédiatement contactée par son équipe médicale dès l’annonce du confinement. Diabétologue, infirmière de pompe à insuline et médecin généraliste, tous l’ont appelée. « Ils n’avaient qu’un mot d’ordre : la vigilance. Malgré la distance, je me suis sentie traitée comme un vrai être humain. Ils étaient tout aussi attentifs à mon état psychologique », confie-t-telle.

Le Dr Bauduceau continue de privilégier les consultations physiques.

Mais le confinement a aussi sacrifié certains examens. Dans le Finistère, Denise Prat en a fait les frais. À 63 ans, elle souffre d’une fibrose pulmonaire et prend un traitement immunodépresseur. Le 18 mars dernier, elle devait passer la journée à l’hôpital de Brest en vue d’adapter son traitement. Non considérée comme un cas urgent, tous ses rendez-vous ont été annulés – avec des conséquences directes sur son quotidien. « Je suis de plus en plus essoufflée chaque jour, et je risque de choper tout ce qui passe », s’inquiète-t-elle.

Fahim Sultan*, quant à lui, souffre d’une tendinite à l’épaule. Toutes ses séances de kinésithérapie ont été suspendues. Il doit donc faire face à de nouvelles douleurs pendant le confinement.

À lire aussi : Chez les kinés, aussi, il a fallu s’adapter pendant le confinement

De nouveaux réflexes à conserver

D’autres patients ont vu leur opération annulée. Toutes les interventions chirurgicales non urgentes ont été reportées. Marie* souffre d’un doigt à ressaut. Sa douleur aurait dû être apaisée grâce à une opération prévue début mars. Suite à son annulation, Marie a subi des douleurs difficiles supporter. « Je ne peux pas du tout ouvrir mon doigt, je ressens une sensation de brûlure tout le long des phalanges », déplore-t-elle. Son médecin l’a rappelée suite à l’annonce du déconfinement pour reprogrammer une intervention, le 25 mai. Un soulagement pour cette retraitée, qui avait peur d’être à nouveau coincée en cas d’une deuxième vague.

Chaque accès au cabinet levalloisien, très limité, est encadré par des règles d’hygiène strictes – comme le port du masque en continu.

À lire aussi : Ginette*, 85 ans : « Je n’arrive pas à contacter mon cardiologue »

Les opérations, examens et consultations reprennent progressivement leur rythme habituel depuis la fin du confinement. « On sent que la pression commence à
diminuer », constate le Dr Gobert – même si les règles d’hygiène et les parcours de soins sont maintenus. Et pour le Dr Bigot, bon nombre de ces nouveautés devraient être conservées à l’avenir : « il y a eu de bonnes idées. Comme le fait que les médecins appellent leurs patients d’eux-mêmes. On ne le faisait jamais, on devrait continuer de le faire. »

Texte et photos : Marine Saint-Germain et Sarah Ziaï

 

*Certains noms ont été modifiés

Portrait – Leslie, une étudiante en médecine plongée dans la crise du Covid-19

Depuis plus d’un mois, le système hospitalier français tout entier a dû se réorganiser pour faire face à l’épidémie de Covid-19, touchant à la fois les soignants, mais aussi les étudiants en médecine dont les conditions de stage ont été modifiées. Rencontre avec Leslie Maillot, 22 ans, étudiante en quatrième année à la Faculté de Médecine de Nancy (Grand-Est), qui vient de mener ses premiers stages en tant qu’externe.

Leslie Maillot, étudiante en médecine à la Faculté de Médecine de Nancy (54) / DR

Avocate, architecte, ingénieure ou encore danseuse… Leslie est passée par de nombreuses idées quant à son futur métier. L’important pour elle : aider les gens, entretenir un lien, se rendre utile, et pour cela, toutes les pistes étaient bonnes. Mais la médecine, jamais. « Je ne m’imaginais pas du tout faire ça », explique-t-elle avec ironie.

Pourtant, aujourd’hui en quatrième année à la Faculté de Médecine de Nancy (Grand-Est), elle vient de vivre ses premiers mois d’externat – deux années durant lesquelles les étudiants en médecine alternent entre stages et préparation du concours d’internat – dans des conditions chamboulées par le coronavirus. Deux stages ont amené la jeune femme de 22 ans aux urgences de l’hôpital Mercy à Metz (57) et dans le service d’onco-hématologie pédiatrique de l’hôpital d’enfants de Nancy (54). Des expériences qui l’ont plongée dans une réalité difficile.

Et quand on lui demande si ce qu’elle voit à l’hôpital n’est pas trop dur à supporter, elle évacue rapidement la question. « Je sais que je suis faite pour ça, je suis sûre de moi« , affirme-t-elle. Une force de caractère nécessaire pour poursuivre dans la voie qu’elle ambitionne.

« Quand on est étudiant, les professeurs nous parlent du manque de moyens. On voit aussi les internes qui sont très actifs sur les réseaux sociaux et qui dénoncent leurs conditions de travail, mais quand on met les pieds à l’hôpital, on réalise la gravité de la situation.« 

Le Grand-Est en première ligne

Une situation qu’elle a vécue de manière encore plus intense avec l’épidémie de Covid-19 qui s’est invitée dans son deuxième stage. En plus d’avoir entraîné le pays dans un confinement depuis le 17 mars, le nouveau coronavirus a ébranlé le système hospitaliser et montré ses limites. Dans la région du Grand-Est, où Leslie a grandi, l’épidémie a été particulièrement rude, prenant les soignants de court.

« On a commencé à beaucoup en parler à la fin du mois de février, mais tout le monde pensait la même chose ; que c’était une grippe qui ne touchait que les personnes âgées, comme on en avait tous les ans, et comme la Chine nous l’avait décrit. Et puis on a vite compris que c’était bien plus sérieux. »

Face à l’urgence grandissante de l’épidémie, l’hôpital de Nancy s’est totalement réorganisé. L’hôpital d’enfants, dans lequel travaillait Leslie, a notamment dû mettre certains de leurs lits de réanimation à disposition des adultes.« Le service d’onco-hématologie pédiatrique est un service très vivant. Il y a des jouets partout, beaucoup de visiteurs… Du jour au lendemain , plus personne n’avait le droit d’entrer, et tous les jouets ont été renvoyés. L’environnement est devenu assez anxiogène et tendu, avec des parents très inquiets. »

Au fur et à mesure, le problème s’est aussi étendu au matériel de protection, particulièrement nécessaire dans ce service puisqu’il accueille des enfants immunodéprimés, autrement dit, des enfants ayant un système immunitaire affaibli, et donc particulièrement sujets aux maladies qui circulent.

« Rapidement, notre stock de sur-blouses s’est vidé, donc il fallait les réutiliser. Pendant plusieurs jours, il n’y avait plus du tout de gel hydroalcoolique, probablement suite à des vols, ce qui nous obligeait à nous laver les mains toutes les trente secondes au savon, irritant beaucoup notre peau. Et surtout, au lieu de changer de masque entre chaque enfant, il a fallu garder un même masque toute la journée, alors même que ça ne protège plus. »

Cette situation dramatique, Leslie l’a gérée avec pragmatisme et lucidité. « Il n’y a pas la question de, comment fait-on ? Il faut continuer à voir les patients, on n’a pas le choix, donc on fait avec ce qu’on a. » Si elle reconnaît que l’adaptation est une partie intégrante du métier de médecin, elle déplore que les soignants aient dû travailler dans de telles conditions. « On doit s’adapter, oui, face à l’état d’un patient qui se dégrade soudainement, par exemple, mais on ne doit pas s’adapter à un manque de matériel et de moyens. Ça, ce n’est pas normal. »

Les soignants, « premières victimes de cette crise »

Alors que la situation s’améliore doucement dans le Grand-Est, avec encore 4 246 personnes hospitalisées pour cause de Covid-19, Leslie s’inquiète quant à la réouverture des écoles qu’elle juge prématurée. Selon elle, une deuxième vague est inévitable, surtout si le déconfinement ne se fait pas de manière très progressive.

Mais la jeune étudiante pense aussi à la suite et à l’avenir de l’hôpital : si elle apprécie le geste d’applaudir les patients chaque soir à 20 heures, elle réclame davantage, à la fois de la part des citoyens et de l’État.

« Applaudir les soignants, c’est bien, à condition qu’à la fin du confinement, le soutien continue, par exemple par le biais de manifestations. C’est pareil pour l’État. Dire que les soignants sont des héros est d’abord faux, car ce sont les premières victimes qui subissent de plein fouet cette crise, et ce qu’ils attendent, ce sont des moyens, parce que le manque de lits, en réalité, c’est chaque année. »

Consciente que la France s’engage vers une crise économique sans précédent, Leslie a peu d’espoir sur les mesures qui seront prises en faveur de l’hôpital. À l’aube de sa carrière, elle s’efforce malgré tout de rester optimiste. Une chose est sûre, elle a trouvé son lien social et son utilité dans l’hôpital public, et elle compte tenter d’y faire carrière, malgré toutes les contraintes que cela oblige, parce que, l’hôpital public, « on en a besoin, et c’est une manière de le soutenir. »

Dinah Cohen

Fake-news dans la santé : les journalistes au défi

Sur les réseaux sociaux ou les forums internet, les fake news dans le domaine de la santé pullulent. Ces infox vont jusqu’à affecter la pratique des médecins. Les désamorcer ou les éviter n’est pas toujours simple pour les journalistes, notamment pour ceux qui ne sont pas spécialistes. 

Marco Verch

La papaye qui guérit Alzheimer, le verre de vin rouge par jour bon pour la santé … Dans le domaine de la santé, les fake news ou infox sont particulièrement tenaces. Celle qui affecte le plus la pratique des médecins est l’idée selon laquelle les vaccins seraient dangereux pour la santé et qu’ils augmenteraient le risque de mort subite du nourrisson.

Tous les jours, j’ai des discours de défiance envers le discours médical. Des gens ne veulent pas se vacciner, ils ont peur. Je passe un temps incroyable à les rassurer “, témoigne Céline Berthié, médecin généraliste près de Bordeaux, lors d’une conférence sur “Les fake news dans la santé” organisée par Radio France et France Info le 8 octobre à la Maison de la Radio à Paris.

La défiance des Français vis-à-vis des vaccins est parmi les plus fortes du monde. Selon une étude publiée en mai par l’institut de sondage américain Gallup pour l’ONG médicale britannique Wellcome, un français sur trois pense que les vaccins ne sont pas sûrs. Pour contrer cette tendance qui porte atteinte à la santé publique, l’Assemblée nationale vote en octobre 2017 l’obligation de vacciner les enfants contre onze maladies (3 auparavant). Depuis 2018, les enfants non-vaccinés ne sont pas autorisés à aller à la crèche, à l’école ou en colonie de vacances.

Si la nécessité de se vacciner fait presque consensus chez les médecins, Martin Hirsch -directeur de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris- raconte que cette défiance touche parfois le corps médical. “ Dans les hôpitaux, il n’y a pas 100 % des infirmiers et des médecins qui sont vaccinés contre la grippe. En présence de patients fragiles, ils sont susceptibles de la transmettre.

Les praticiens présents lors de la conférence insistent sur la nécessité de dire la vérité aux patients et de parler des effets secondaires possibles de certains traitements notamment les vaccins. “ Un discours nuancé peine à pénétrer par rapport à un discours très plaisant à entendre qui est que l’on peut se soigner sans effet secondaire “, regrette cependant Martin Hirsch.

Un combat difficile

Face à l’abondance de fake news et à leurs effets sur la pratique médicale, des organismes de santé se mobilisent. En 2018, l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) crée la chaîne youtube « Canal Détox » pour faire la peau aux idées reçues en trois minutes.

Les médias tentent également de faire barrage dans le domaine de la santé. Lancé par Franceinfo et France Culture, “Les idées claires” est un podcast pour lutter contre la désinformation. En octobre 2018, il s’attaque à la question des vaccins. La journaliste y Lise Barnéoud explique que les risques d’effets secondaires graves sont de 1 / 100 000 alors que sans vaccin, le risque de coqueluche chez le nouveau né est de 1 / 100 et les complications suite à la rougeole de 1 / 1500.

Pourtant, la lutte contre les fake news n’est pas si simple pour les médias. Ils en sont parfois eux-mêmes producteurs. Fille ou garçon ? Et si vous pouviez choisir titre le Parisien en Une de son journal en janvier 2019. Le quotidien présente une méthode “controversée” mais cautionnée par des “médecins de renom” qui consisterait à choisir un régime alimentaire précis selon le sexe souhaité. De nombreux spécialistes ont décrié l’efficacité de cette méthode.

Une formation sur le tas

Dans un domaine particulièrement complexe, il peut être difficile pour des journalistes non-initiés de s’y retrouver. “ Tout journaliste en sciences ou en médecine devrait avoir un bagage scientifique ”, estime Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique free-lance et auteur du blog « Réalités Biomédicales » sur le journal Le Monde. . Il estime essentiel dans les rédactions d’avoir des journalistes spécialisés en science, qui manquent souvent. “Moi, je ne vais pas me mettre à écrire des articles de jardinage ou de géopolitique. Je n’ai pas les compétences. “ Aurélie Franc, journaliste santé à l’APM une agence d’information destinée aux professionnels de santé, n’est pas de cet avis. Passée par l’IEP de Bordeaux puis par l’école de journalisme de l’IPJ à Paris, elle n’a pas suivi de cursus scientifique. Tous deux s’accordent cependant sur la prudence à avoir et les pratiques à adopter.

Il ne faut pas se contenter de lire les communiqués envoyés par les instituts de recherche ou les laboratoires. Il faut lire les enquêtes en entier “, précise Aurélie Franc. Marc Gozlan met en garde contre ces communiqués, dont la nature même fait qu’ils mettent parfois en avant des éléments susceptibles d’attirer l’attention mais qui ne sont pas essentiels. “ Dans la santé, le plus souvent il ne s’agit pas de pure désinformation mais de mésinformation, d’information déformée “, estime-t-il.

Pour porter un regard critique sur une étude et repérer un travail sérieux, encore faut-il comprendre la méthodologie scientifique. Aurélie Franc pense que les écoles de journalisme devraient l’enseigner dans les grandes lignes aux étudiants, même ceux qui ne sont pas en cursus de journalisme scientifique. Marc Gozlan conseille également de contacter des experts variés très régulièrement et de confronter leurs points de vue. “ Si il lit et qu’il se renseigne suffisamment, un journaliste peut en savoir plus sur certains points que des médecins généralistes. “

Cependant, une fake news devenue virale est très difficile à corriger auprès de tout le public touché. Pour les internautes, le mieux reste d’éviter les sites non-vérifiés et surtout de se renseigner directement auprès de son médecin.

 

Antonella Francini