Maison Felippa à Paris : le premier centre français d’accueil à la journée pour les personnes âgées

Ouverte depuis 15 mois, la Maison Felippa est le premier centre d’accueil à la journée pour les personnes âgées qui existe en France. Et il se situe à Paris, rue George Sand, dans le 16e arrondissement.

Plus de 70 ans séparent le jeune Alexandre à l’octogénaire Henriette. Et pourtant, ils partagent une même passion pour les loisirs créatifs (Crédit Photo : Noémie Gobron).

Des fleurs en papier crépon, taillées à coups de ciseaux. Lundi après-midi, une dizaine d’élèves de l’Ecole internationale de Paris sont venus participer à un atelier créatif aux côtés de quatre seniors, dans le cadre d’un projet intergénérationnel mené depuis octobre par la professeure de français Louise Elliott. « Nous avons décidé de nous lancer dans ce projet pour recréer du lien social avec la communauté locale, un lien intergénérationnel et faire profiter nos élèves de ce moment d’échange », précise la professeure. Un échange  qui se fait dans la langue de Shakespeare. Car ces élèves de CM2 sont américains, puerto ricans ou encore portugais. « Nos élèves sont internationaux. Et souvent, ils ont de la famille, leurs parents et même leurs grands-parents, qui sont à l’étranger. Rencontrer, ici, des seniors, c’est un peu trouver une nouvelle famille », renchérit Louise Elliott.

  • « Soit le domicile, soit la maison de retraite »

D’ailleurs, ce centre d’accueil porte le nom de la grand-mère d’une des deux fondatrices, Regina Hernanz de Benoist. « Ma grand-mère Felippa est morte en 2012. Elle avait 86 ans. Quand elle a commencé à être de plus en plus lente et à avoir des difficultés cognitives, j’ai eu l’impression que la société l’oubliait », souligne la co-fondatrice.

Vint alors l’idée de créer cette structure, qui accueille une soixante de personnes, âgées de 80 ans en moyenne. « Nous avons voulu créer un nouveau concept. Car, en France, lorsque l’on perd de l’autonomie, nous restons soit au domicile, soit à la maison de retraite. Ici, nous faisons sortir les gens à l’extérieur et leur proposons des activités de vie », précise Célia Abita, co-fondatrice. La Maison Felippa accueille exclusivement des personnes en perte d’autonomie non médicalisées de plus de 60 ans, avec l’objectif d’épauler non seulement le senior lui-même, mais également sa famille. Grâce à la prise en charge complète (transport, parcours de santé et repas), la structure se veut aussi être une alternative à l’EHPAD.

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Marie-Anne Dufeu, aromathérapeute, est venue faire découvrir les huiles essentielles et leurs bienfaits aux seniors de la Maison, au côté de Kevin, stagiaire (Crédit photo : Noémie Gobron).
  • Coups de ciseaux et effluves d’huiles essentielles

Lundi après-midi, Henriette, 80 ans et ancienne conservatrice au musée du Louvre, a pu s’essayer à la confection de fleurs en papier mais également à l’aromathérapie, aux côtés de Jean-Charles, Suzanne et Michelle, trois autres bénéficiaires des services de la Maison. Marie-Anne Dufeu est venue avec sa dizaine de fioles emplies d’huiles essentielles, disposées sur une petite table blanche de la plus douce à la plus forte. « C’est pour se faire les ongles ? », s’interroge Henriette. Géranium rose, benjoin, lavande ou encore pruche. Ces odeurs activent l’odorat et éveillent les sens, parfois oubliés. « La lavande, c’est très bon quand vous avez mal partout, c’est relaxant », affirme l’aromathérapeute. Quelques conseils et recommandations en fonction des maux de chacun, mais surtout « une stimulation intellectuelle et sensorielle ».

Myriam Martino, aide médico-psychiatrique, est accompagnée de trois stagiaires, Anasthasie, John et Kévin, âgés de 18 à 29 ans. « Nous restons à l’écoute des personnes âgées, nous sommes à leur service. On les accompagne dans leur déplacement », sourit la jeune stagiaire Anasthasie, arrivée fin janvier.

D’après la ville de Paris, en 2015, 465 000 personnes de plus de 60 ans habitaient la capitale, soit 20,8% de la population totale de la ville.

  • Des activités du lundi au vendredi

L’accueil se fait à la journée (50€ la demi-journée) mais il est possible de souscrire à un abonnement (tarif sur demande) pour profiter des activités quotidiennes. Échauffement sportif, stimulation mémoire, énigme sur écran… « plus on utilise sa mémoire, plus on l’entretien », lance Myriam Martino. « On leur propose des jeux, manuels ou intellectuels, pour faire de la prévention sur la maladie d’Alzheimer. On les stimule aux niveaux cognitif, moteur et social. » Pour la création et la prévention. Mais au sein de la Maison Felippa, l’adage est tout autre : « Le partage n’a pas d’âge ».

 

Noémie Gobron

 

 

Une séance de cinéma pas comme les autres…

Proposer des séances de cinéma adaptée aux enfants autistes, c’est l’objet des « Ciné-ma-différence ». Le projet, présent dans plusieurs villes de France, s’est implanté Montigny-les-Cormeilles, dans le Val d’Oise, en 2011, à l’initiative de Jacqueline Sibieude. 

Vêtus de gilet jaune, les bénévoles du “Ciné-ma-différence” ont proposé une séance pas comme les autres, dimanche 12 avril, au Centre Culturel Picasso de Montigny-les-Cormeilles. Avant le début du film, Jacqueline Sibieude, à l’initiative de la création de ce cinéma dans le Val d’Oise, commence par un petit discours. “ Ici, vous êtes dans une séance ouverte à tous. Dans la salle, certains sont différents. On leur laisse la possibilité de s’exprimer librement, s’ils ont besoin de rigoler, de parler, de sortir, de bouger ou de chanter, ce n’est pas grave”, prévient-elle calmement. Elle invite ensuite la vingtaine d’enfants et de parents présents à repérer les cinq bénévoles en gilet jaune : “ Si vous avez un problème, nous avons des lampes de poche, nous venons vous voir et si vous avez besoin de sortir, on peut vous accompagner”. Une fois les explications terminées, les lumières de la salle s’éteignent progressivement pour laisser place au film du mois, la comédie musicale “ Annie”.

Permettre aux familles d’aller au cinéma

Tout est fait pour que les enfants autistes se sentent à l’aise et puissent vivre confortablement une séance de cinéma. “ Certains enfants autistes ont peur du passage au noir trop brutal, c’est pour cela que nous baissons progressivement la lumière. D’autres peuvent souffrir d’hyperacoustie, le volume sonore est donc moins élevé que dans les salles traditionnelles”, explique Jacqueline Sibieude. Depuis 2011, l’association HAARP ( Handicap autisme association réunie du Parisis ) propose ces séances de “ciné-ma-différence” une fois par mois à Montigny-les-Cormeilles. Le concept existe en France depuis 2005. Il a d’abord été développé à Paris, par deux familles confrontées à l’impossibilité de se rendre au cinéma avec leurs enfants handicapés. “ C’est notamment très difficile d’aller au cinéma avec un enfant autiste. Il peut rapidement être submergé par ses émotions, rire fort, avoir envie de bouger ou être angoissé. Ces comportements ne sont pas toujours acceptés dans les salles de cinéma…”, explique Jacqueline Sibieude.

C’est elle qui a entendu parler du concept et a décidé de le mettre en place dans le département. “ J’ai eu un enfant autiste, ça m’est arrivé de devoir sortir de la salle au bout de 5 minutes parce qu’il était trop bruyant pour les autres spectateurs. Beaucoup de familles n’osent plus sortir avec leur enfant. Ces séances aménagées ont pour but de laisser les enfants s’exprimer et par la même occasion,  de permettre aux familles d’aller au cinéma tous ensemble”. Ce dimanche, la séance a été calme. Pendant les deux heures de film, on pouvait seulement entendre quelques éclats de rire.

Pour aller plus loin :

Le témoignage d’une mère de trois enfants autistes

Enquête : enfin un vrai accompagnement pour les autistes ?

Reportage à l’ESAT des Colombages

 

Maëva Poulet et Sami Acef