Coronavirus : les librairies indépendantes organisent le « drive » du livre

Alors que le géant Amazon enregistre des ventes de livres records depuis le début du confinement, les librairies indépendantes s’organisent elles aussi pour faire face à cette concurrence. Elles sont de plus en plus nombreuses à proposer un retrait des commandes pour atténuer les effets du confinement.

Les librairies organisent le retraits des commandes effectuées sur leur site web. (Crédit : Flickr)

Pouvoir ouvrir afin d’assurer le retrait des commandes : voilà ce que réclamaient depuis plusieurs semaines les libraires indépendants français pour faire face à la fermeture mise en place avec le confinement le 17 mars dernier. C’est chose faite depuis le 16 avril, où le ministre de la culture, Franck Riester a annoncé la possibilité pour les librairies de mettre en place ce système. Une solution rapidement adoptée dans de nombreuses librairies.

Des retraits de commandes sur internet

Le concept est très simple. Comme avec le « drive » des magasins de grande distribution, les clients commandent les livres qu’ils désirent via le site internet de la librairie ou par téléphone. Mais attention, seuls les livres déjà en stock dans la librairie peuvent être commandés, les livraisons des maisons d’édition n’étant pas assurées avec le confinement. Les acheteurs payent en ligne ou à la libraire et un créneau leur est attribué afin qu’ils puissent récupérer leurs commandes.

C’est le cas de la Librairie Antoine, à Versailles qui propose ce service tous les jeudis. Les clients peuvent ainsi retirer les commandes effectuées par le biais du « click and collect » et profiter de leurs nouvelles lectures.


Et certains libraires ont même poussé la démarche encore plus loin en proposant à leurs clients un système de livraison à domicile.

Parmi les clients des libraires, on trouve autant les habitués que de nouveaux arrivants. « Grâce à ce dispositif presque 150 personnes qui n’avaient jamais fréquenté la librairie ou qui n’avaient pas l’habitude d’y commander des livres m’ont contacté« , explique Antoine Michon, gérant de la Librairie Antoine.

Le livre, produit de première nécessité

Le libraire est convaincu du caractère essentiel du livre : « Nous, libraires, nous avons autant besoin économiquement de vendre des livres que les lecteurs ont besoin de s’évader et de trouver un équilibre dans la lecture. Pour certains de mes clients, le premier réflexe pour rompre l’isolement d’un proche en EPHAD, ça a été d’envoyer un livre« , raconte le libraire.

Les libraires n’en oublient pas pour autant leur rôle de conseil et adaptent leurs recommandations à cette période de confinement.  » Bien sûr que mon devoir de conseil a pu jouer, raconte Antoine Michon. On prend beaucoup le temps de discuter, de répondre et de reconseiller les clients si besoin. On conseille des choses plus légères pour les gens qui veulent s’évader« .

De nombreuses librairies ont également mis en ligne sur leurs sites des « sélections spéciales confinement » avec des livres choisis avec soin, pour s’évader ou au contraire réfléchir davantage à la situation.

Un moyen de survivre

Mais pour beaucoup de libraires, rouvrir les portes de leur magasin est indispensable pour assurer la survie de leur boutique. « Ça va mal. Nous avons fait 20% du chiffre d’affaires d’un mois d’avril normal. Malgré tout je préfère rester optimiste et penser qu’Amazon ne peut pas tout faire« , confie Antoine Michon. Même si le succès est donc au rendez-vous, l’avenir de nombreuses librairies indépendantes est menacé.

Pour soutenir les librairies proches de chez vous, vous pouvez vous rendre sur le site qui regroupe les initiatives en faveur des librairies,  qu’il s’agisse de livraisons, de bon d’achats à faire valoir au moment du déconfinement ou encore de cagnottes.

Pauline Paillassa

 

« Les Leçons du pouvoir » : Hollande fait le bilan

Le livre de l’ancien président de la République est disponible dans toutes les librairies depuis ce mercredi 11 avril.

"Les Leçons du Pouvoir", le livre de François Hollande sort mercredi 11 avril en librairies © Jean-Marc Ayrault
« Les Leçons du pouvoir », le livre de François Hollande sort mercredi 11 avril en librairie © Jean-Marc Ayrault

Redorer son image, rétablir une vérité, reconquérir les Français ou simplement continuer à exister : autant de raisons qui poussent les anciens chefs d’État à coucher sur le papier leur expérience élyséenne. « Des livres qui prouvent que sans la politique, ces gens n’ont rien », observe Marie-Laure Defretin, ancienne responsable de la communication aux éditions Fayard. Aujourd’hui, c’est au tour de François Hollande de livrer sa version de l’exercice du pouvoir.

Et si ce livre intitulé « Les Leçons du pouvoir » fait couler beaucoup d’encre, cela ne signifie pas qu’il se vendra bien. À la librairie Decitre de Levallois-Perret, seulement deux exemplaires ont été vendus depuis ce mercredi matin. « On nous l’a beaucoup demandé », tempère Charlotte, 26 ans, libraire au rayon littérature, « les gens sont curieux, ils le feuillettent, mais ne l’achètent pas forcément ». De manière générale, les livres politiques, toutes catégories confondues, « boostent les ventes » des librairies, mais seulement pendant un temps. Une fois la date de sortie passée, l’euphorie retombe, et les ventes avec.

Mais qu’y a-t-il dans ces « Leçons du pouvoir » ? D’abord, des chapitres à l’infinitif : « décider », « voyager », « vivre »… Des verbes choisis méticuleusement par François Hollande pour retranscrire les états qu’il a traversés pendant son quinquennat. Et puis le choix de commencer par la fin, comme en atteste la première phrase du livre : « C’est mon dernier jour à l’Élysée ».

« Ce n’est pas qu’un bilan, c’est le journal d’un homme malheureux », décrypte Marie-Laure Defretin. « La perte de pouvoir, c’est compliqué. Ce livre est d’autant plus légitime que sa chute a été brutale ». Alors, bilan ou règlement de comptes ? Au fil des pages, un certain Emmanuel Macron en prend pour son grade. « Hollande souhaite qu’on n’oublie pas ce qu’il a fait pendant cinq ans, mais il veut aussi rétablir les choses sur Macron », explique l’attachée de presse.

Les livres de présidents, une tradition politique

Une fois parti de l’Élysée, François Hollande n’est pas le premier président à se confier dans un livre. Retour sur les testaments politiques des anciens chefs d’État de la Ve République.

Caroline Quevrain

Violette and Co : l’unique librairie féministe et lesbienne de Paris

Violette and Co, situé dans le XIème arrondissement de Paris est la seule librairie féministe indépendante de France. Crédit : Julien Percheron
Violette and Co, situé dans le XIème arrondissement de Paris est la seule librairie féministe indépendante de France. Crédit : Julien Percheron

Installée depuis 2004 dans le XIème arrondissement de Paris, Violette and Co est devenu le lieu de référence des mordus de littérature féministe, et des militants LGBT. La librairie est aujourd’hui la seule librairie indépendante, féministe spécialisée dans l’homosexualité, à Paris et en France. 

 

« Violette and Co, c’est une librairie féministe engagée mais pas militante. Nous ne sommes rattachées à aucun groupe ni mouvement féministe » explique Christine Lemoine, l’une des gérantes de l’établissement.

Christine Lemoine et Catherine Florian sont les gérantes de la librairie. Crédit : Julien Percheron
Christine Lemoine et Catherine Florian sont les gérantes de la librairie. Crédit : Julien Percheron

Située à l’angle du boulevard Voltaire et de la rue de Charonne dans le XIème arrondissement de Paris, la librairie Violette and Co se distingue par sa devanture violette. Loin d’être choisie au hasard, cette couleur est, pour les deux libraires Catherine Florian et Christine Lemoine, « une manière de rendre hommage à la féministe française,Violette Leduc. Le violet c’est aussi la couleur identificatoire des lesbiennes dans les années 1970, et puis ça n’est ni rose ni bleu« .

Un rayon LGBT et un rayon dédié au féminisme

Violette and Co, qui a fêté ses dix ans en 2014, est la seule librairie féministe indépendante spécialisée dans l’homosexualité à Paris. « En littérature, nous privilégions les romans de femmes ou dont l’héroïne est une femme. Et pour les enfants, nous choisissons des livres qui ne reproduisent ni stéréotypes racistes, ni stéréotypes sexistes », explique Christine Lemoine.

Rien n’est laissé au hasard dans la petite boutique parisienne. Dès lors que l’on pousse les portes de la librairie, on distingue au mur une affiche retraçant « les 100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd’hui« . En dessous, une centaine de cartes de vœux à l’effigie des féministes Virginia Woolf, Simone de Beauvoir ou Olympe de Gouges sont à vendre. La boutique se démarque également en proposant un rayon dédié à l’histoire du féminisme, et un rayon LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).

Un lieu de partage

C’est cette liberté de choix dans la sélection des ouvrages qui a séduit Christine P. et Elizabeth D. Toutes deux ont préféré l’anonymat pour s’exprimer. « Je suis très sensible à ce que vivent les femmes en Iran. On ne trouve pas beaucoup de librairies qui vendent des livres sur ce sujet, c’est pour cela que je viens ici », explique Christine P. qui se déplace du Val-de-Marne. Quant à Elizabeth D., habitante de Dijon, elle profite de son passage dans la capitale pour  » dénicher des bouquins qui traitent de l’homosexualité. J’étais abonnée à Lesbia magazine, mais il n’existe plus aujourd’hui. Chez Violette and Co, je retrouve ce genre de lectures », ajoute-t-elle.

La librairie féministe est spécialisée dans la littérature LGBT. Crédit : Julien Percheron
La librairie féministe est spécialisée dans la littérature LGBT. Crédit : Julien Percheron

Mais Violette and Co, ce n’est pas seulement une librairie. La mezzanine, qui fait office d’étage, a été aménagée pour accueillir des expositions et des rencontres avec des auteurs. « La boutique n’est pas seulement un commerce, c’est un lieu d’échanges où l’on peut débattre et discuter autour de la question de la femme », insiste Christine Lemoine. Cependant, elle l’assure, « Violette and Co est avant tout un lieu où l’on partage le goût de la lecture, et qui permet de se retrouver soi-même dans les livres ».

Garance Feitama

 

Les libraires ne sont pas près de tourner la page

Désintérêt pour la lecture, hégémonie d’Amazon, retard sur le numérique… Les difficultés sont nombreuses pour les libraires aujourd’hui. Pourtant, loin d’être résignés, ils multiplient les initiatives pour résister. Enquête.

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De l’extérieur, le Salon by Thé des écrivains pourrait ressembler à une librairie classique. Des ouvrages en vitrine, une devanture sobre, sage. Pourtant, une fois le seuil de la porte franchi, les différents univers du Salon sautent aux yeux des nouveaux arrivants dans un joyeux mélange de couleurs, de lumières et d’odeurs. Ce commerce d’un nouveau genre propose à ses fidèles bien plus qu’une collection de livres. En plus de la papeterie, à-côté récurrent des librairies, le client peut y trouver du thé, des pâtisseries, des vêtements. Et peut-même assister à des projections de courts-métrages au sous-sol. Pourtant, ce mercredi après-midi, les clients se font rares.

Ce lieu pluriel, créé en 2011 dans le troisième arrondissement de Paris par George-Emmanuel Morali, incarne parfaitement la tendance de ces modèles hybrides qui se développent depuis quelques années autour de l’objet du livre. Dans la capitale, on trouve ainsi dans le quatrième arrondissement une librairie-cave à vin-bar, La Belle Hortense, ou encore dans le neuvième une pâtisserie-salon de thé-librairie spécialisée en gastronomie, Une souris et des hommes. Les dénominations sont multiples et peuvent varier à l’infini, la cohérence des lieux ne primant pas toujours sur l’aspect branché, hybride et innovant de ces « nouveaux concepts ».

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Voir aussi : La Belle Hortense, une cave à vin-librairie

« Ce n’est pas vraiment une révolution. Barnes & Noble, une grande chaîne de librairie américaine, propose depuis les années 40 des cafétérias dans ses commerces », nuance Vincent Chabault, sociologue et auteur de Vers la fin des librairies ?.

D’autant que ces modèles ont déjà montré leurs limites, à l’image de Tea and Tattered Pages, un commerce au design pensé qui mêlait livres d’occasions, thés et autres pâtisseries avant de mettre la clé sous la porte en 2011. Dans la même lignée, la « librairie culinaire » La Cocotte proposant ouvrages gastronomiques, ateliers et matériel de cuisine s’est récemment reconvertie en marque de design textile. Des échecs qui mettent en doute l’hypothèse d’une réinvention du métier par la seule alliance librairie-restauration. Et qui montrent que le livre n’est toujours pas un produit comme un autre.

« Le libraire doit d’abord définir son rôle comme un passeur de livre. Il ne peut pas être avant tout un organisateur d’évènements, un gérant de café ni un acteur de la restauration » poursuit Vincent Chabault.

Fermetures en séries

Pourtant, la remise en question du métier semble inévitable pour la survie du secteur. Il ne fait pas bon d’être libraire en 2015. En témoignent les récentes fermetures d’établissements historiques, comme la célèbre Del Duca (Paris IXe) qui a définitivement fermé ses portes en 2012. D’ici la fin de l’année, c’est La Hune (Paris VIe) qui tombera le rideau pour laisser place à une galerie photo. Et celle qui est considérée comme la plus ancienne librairie parisienne, Delamain (Paris Ie), est, elle aussi, menacée de fermeture. Tout laisse à penser que d’autres suivront.

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Car les chiffres sont inquiétants : un rapport de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), publié en mars dernier, atteste d’une baisse de 9,9% du nombre de librairies à Paris entre 2011 et 2014. Et les achats de livres ne se font plus qu’à 22% en librairie en 2014, contre près de 27% il y a 10 ans selon les rapports annuels du ministère de la Culture et de la Communication. Tandis que la vente par internet est passée de 4,6% à 18,5% depuis 2004.

Le mastodonte Amazon n’y est pas étranger. Arrivé en France en 2000, le géant américain poursuit depuis sa croissance folle et a encore engrangé près de 30 milliards de dollars de ventes lors du dernier trimestre 2014, malgré une légère perte de vitesse au cours de l’année.

Cette menace qui plane sur la culture a été prise en compte par l’Etat depuis longtemps. Déjà en 1981, Jack Lang, ministre de la Culture, instaurait la loi sur le prix unique du livre. Cet encadrement a permis aux libraires de se maintenir dans la course quand les grandes chaînes comme la Fnac se sont attaquées au marché du livre.

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Plus récemment, c’est une autre ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, qui a mis en place la loi dite « anti-Amazon », adoptée en janvier 2014 par le Sénat. Cette dernière devait réguler les conditions de la vente à distance des livres en interdisant de cumuler la gratuité des frais de port avec la remise de 5% autorisée par la loi Lang. Mais elle a rapidement été contournée par le principal concerné, Amazon, qui a choisi de fixer ses frais de livraison à 1 centime d’euros.

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Une extension pour court-circuiter Amazon

Une provocation de trop qui a fait réagir Elliot Lepers, jeune activiste numérique de 22 ans. Celui qui est aussi le co-fondateur de MachoLand, site anti-sexisme, a choisi de défendre la cause des libraires.

« J’ai trouvé cela tellement sournois de leur part, tellement violent dans le mépris du politique, que j’ai choisi d’apporter une réponse à mon niveau de développeur web. »

Son idée, créer une extension de navigateur internet au nom évocateur, Amazon Killer. Une fois installée, elle permet de court-circuiter le site d’Amazon en redirigeant le client vers une librairie proche de chez lui. Lorsqu’il navigue sur le moteur de recherche d’Amazon, il peut connaître en quelques clics la disponibilité du livre désiré dans les librairies de son quartier référencées par la base de données de placedeslibraires.fr.

« Le but, c’est de proposer une alternative qui soit à portée de main. Il faut rappeler que la voie centrale n’est pas la seule existante et sensibiliser le consommateur-citoyen. Il y a beaucoup de gens qui ont peur d’Amazon, qui veulent s’opposer à ses dérives mais ne savent pas comment s’y prendre. Désormais, c’est plus simple. J’ai voulu ramener du confort dans l’acte responsable. » développe le créateur d’Amazon Killer.

Depuis sa mise en ligne en décembre 2014, l’application a généré 10 000 téléchargements et pourrait bientôt être développée par l’EIBF, la fédération internationale et européenne des libraires.

Le combat du futur : les e-books

Mais face aux millions brassés par leurs nouveaux concurrents, il ne s’agit que d’une goutte d’eau pour la survie des libraires. Ceux-ci commencent à en prendre conscience et s’organisent pour mettre en place eux-mêmes une résistance.

« Les ventes sur Amazon deviennent de plus en plus importantes. Pour que les librairies indépendantes restent des gros vendeurs, il va falloir s’adapter. C’est inévitable », affirme Catherine Martinez, l’une des libraires encore en poste à la Hune.

Une adaptation qui passe en grande partie par le numérique, et le combat du futur se jouera sur le secteur des e-books. Si le livre numérique ne représente pour l’instant que 2,5% du chiffre d’affaires du marché du livre en France, il tend à croitre et s’élève déjà à 22% aux Etats-Unis. Pourtant, la librairie indépendante française est encore très en retard et n’a pas su prendre le virage digital.

« Internet fait peur à des gens dont le métier est de vendre du livre imprimé. Par ignorance, par manque de formation, les libraires y voient seulement du négatif. Alors que le numérique, on peut en faire ce qu’on veut, il peut évidement être bénéfique » regrette l’activiste Elliot Lepers.

Un avis partagé par Renny Aupetit, gérant du Comptoir des mots dans le 20ème arrondissement de Paris, pour qui le commerce électronique représente 5% de son activité :

« Il y a beaucoup de libraires qui préféreraient encore changer de métier que de vendre des e-books. Ils sont très récalcitrants. »

Malgré ce retard certain, une partie des librairies tentent tout de même de s’emparer de ce nouveau secteur. En atteste la carte du Syndicat de la librairie Française regroupant les enseignes indépendantes ayant une offre numérique. Elles seraient ainsi plus de 200 aujourd’hui, soit 8% des 2 500 librairies françaises.

Ce même syndicat a publié en 2008, en collaboration avec l’Association des librairies Informatisées et Utilisatrices des Réseaux Electroniques (ALIRE) un Vade-mecum à l’usage des libraires, guide pratique pour s’adapter aux nouveaux usages numériques.

Voir aussi : La carte des 20 premières librairies françaises

« Mener le combat ensemble »

Le e-book n’est pas la seule avancée que permet internet. Depuis la fin des années 2000, les libraires ont choisi d’affronter leurs concurrents sur leur propre terrain en constituant un maillage territorial. Des initiatives de regroupements en réseaux fleurissent sur la toile. On trouve ainsi leslibraires.fr, placedeslibraires.fr, lalibrairie.com, parislibrairies.fr … Tous proposent un même service : entrer le nom d’un livre dans le moteur de recherche, puis retrouver la librairie la plus proche de chez soi l’ayant en stock.

La librairie L'Arbre à Lettres fait partie des 4 fondatrices de Paris Librairies
La librairie L’Arbre à Lettres fait partie des 4 fondatrices de Paris Librairies

Voir aussi : Laura De Heredia : « Nous avons créé la plus grande librairie du monde »

« Le site internet ne propose jamais de livrer les clients chez eux. Ils doivent toujours venir le retirer dans la librairie. Mais on mutualise nos stocks et on crée des navettes entre nous. Désormais, on peut combattre Amazon sur le dernier kilomètre : une commande met au minimum 24h à être livrée, il faut souvent aller la retirer à la Poste. Nous, on est presque dans l’immédiateté. C’est notre avantage face aux géants de la vente en ligne : ils peuvent l’emporter sur l’internet, mais on peut gagner sur le terrain. » explique Renny Aupetit du Comptoir des mots.

Ce libraire médiatique aux formules-chocs, qui n’a pas hésité à qualifier Amazon de « voyou » dans une tribune publiée par Le Monde en septembre dernier, a participé à la création de Libr’Est, un réseau dédié à l’Est parisien, ensuite étendu à la France avec lalibrairie.com.

« Aujourd’hui, nous avons 2 000 commerces partenaires. Mais il y a un vrai retard qui fait que les libraires se mettent seulement maintenant sur internet pour constituer de multiples réseaux. La prochaine étape, ce sera de tous les fusionner pour vraiment mener le combat ensemble. » ajoute-t-il.


Les librairies s’organisent donc pour faire face à l’avenir, à Amazon, aux supermarchés et autres grandes enseignes. Ils ne semblent pas encore avoir perdu le combat. Beaucoup restent optimistes pour l’avenir tout en ayant conscience des enjeux de l’époque.

« On aura peut-être moins de clients, c’est sûr. Mais si ceux qui restent sont un peu plus fidèles, notre marché restera stable. La vague Amazon est passée. Un algorithme ne pourra pas nous remplacer » juge Laura De Heredia, libraire à l’Arbre à Lettres.

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« Je ne pense pas qu’on ait besoin de diversifier nos activités ou de remettre en question notre modèle. La librairie en tant que telle peut continuer à vivre, j’en suis persuadée. Le rôle de proximité du libraire existe toujours» confirme Catherine Martinez de la librairie en sursis La Hune.

Un avis partagé par beaucoup de ses confrères, et surtout par les clients :

« Un libraire nous aide à prendre connaissance de manière synthétique des nouveautés. Aller dans une librairie, c’est un appel à la curiosité, on laisse un œil trainer, c’est un univers de découverte. Et c’est surtout un échange » reconnaît Francis Busignies, fidèle à La Hune depuis 40 ans.

Le libraire traditionnel devra tout de même rafraichir son image pour retrouver sa place au sein du quartier. Cela passera peut-être par l’animation, une dimension de plus en plus présente. Les rencontres avec les auteurs, les lectures et les débats ont plus que jamais leur place au sein de ces enseignes. Un moyen d’ancrer son identité et de renouer le contact avec les lecteurs.

« Aujourd’hui, nous devons tenir le cap. Une librairie doit être une ambiance, un vrai lieu de vie. » conclut Catherine Martinez.

Par Laura Daniel