Les témoignages pleuvent contre le « monstre » du cinéma Harvey Weinstein. Harcèlement, violences, viols : deux actrices françaises racontent l’emprise du producteur sur leur jeune carrière. Décrit par certaines comme un « prédateur », Harvey Weinstein a bénéficié de la complicité d’une partie de son entourage. Derrière cette affaire, se pose la question du harcèlement sexuel en milieu professionnel et de la difficulté d’en parler.
1996. Judith Godrèche, 24 ans, rencontre Harvey Weinstein au Festival de Cannes. Le producteur vient tout juste d’acheter les droits du film « Ridicule », dans lequel joue l’actrice. Dans une enquête publiée par le New York Times, Judith Godrèche raconte comment ce prétexte a permis au producteur de l’isoler, avec lui, dans sa chambre d’hôtel. Weinstein se serait « collé » à elle, avant qu’elle prenne la fuite. « J’étais si naïve, je ne m’y attendais pas », avance l’actrice, vingt ans après les faits. A l’époque, Judith Godrèche affirme avoir appeler un membre de l’équipe de production pour lui signaler l’incident. L’équipe lui avait prié de ne rien dire. « Ils avaient mis mon visage sur l’affiche, explique l’actrice. C’est Miramax, on ne peut rien dire du tout ».
« Je sentais que plus j’avais peur et plus il était excité »
Autre journal, autres révélations. Dans une enquête fouillée, le New Yorker a révélé hier de nouvelles accusations concernant le producteur. En 2010, l’actrice Emma de Caunes accepte un déjeuner au Ritz, à Paris. Weinstein lui parle d’un rôle important, pour un film adapté d’un livre. Il invite l’actrice à monter dans sa chambre, pour lui montrer l’ouvrage. Une fois passé la porte, Weinstein file dans la salle de bain et en ressort entièrement nu. « J’étais pétrifiée, raconte Emma de Caunes, mais je ne voulais pas qu’il voit cette terreur parce que je sentais que plus j’avais peur et plus il était excité ». L’actrice affirme que dans le milieu hollywoodien, les frasques du producteur ne sont pas un secret. « Il ne se cache pas vraiment. Je veux dire, la manière dont il le fait, qui implique plusieurs personnes, qui deviennent autant de témoins potentiels. Mais tout le monde était trop terrorisé pour parler ».
La loi du silence
Cette peur, Franck Bénéï la connaît bien. À la Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des familles, il déplore le silence des femmes harcelées sexuellement au travail. « La loi est pourtant très claire sur le sujet, elle protège les femmes de ce genre de prédateur. Mais trop nombreuses sont les femmes qui ignorent leurs droits, affirme Franck Bénéï. Certains hommes en profitent. Le cas Weinstein est spectaculaire parce qu’il règne sur le 7e art et qu’il est proche du Parti démocrate aux Etats-Unis, mais cette affaire cache une réalité plus large, loin du monde des célébrités et du scandale. Le nombre de femmes victimes de viol est chaque année plus alarmant, or le sujet reste trop peu abordé dans les médias« .
Pour l’heure, plus de vingt femmes ont affirmé avoir été agressées par Harvey Weinstein, à divers degrés. Suite aux premières révélations du New York Times, le producteur a été licencié de la Weinstein Company. Hier soir, sa femme Georgina Chapman a annoncé qu’elle le quittait. « Mon cœur se brise pour toutes les femmes qui ont souffert d’une peine énorme à cause de ces actions impardonnables », a-t-elle déclarée dans un communiqué.
Les internautes expriment depuis leur colère sur les réseaux sociaux via le hashtag #HarveyWeinstein. Plusieurs personnalités politiques américaines proches d’Harvey Weinstein ont également dénoncé le comportement du producteur, dont Barack Obama et Hillary Clinton.
Statement from Secretary Clinton on Harvey Weinstein: pic.twitter.com/L1l2wl9l0I
— Nick Merrill (@NickMerrill) 10 octobre 2017
Léa DUPERRIN