Trump, un leader républicain imprévu et dérangeant pour les midterms

Dans la nuit du 23 au 24 septembre, Donald Trump tiendra un meeting de campagne à Wilmington, en Caroline du Nord. Il y réaffirmera son soutien au républicain Ted Budd, candidat à la Chambre des représentants pour les élections de mi-mandat états-uniennes. L’ancien président apparaît comme le leader de la campagne républicaine, malgré les réticences de plusieurs membres du parti.

« En général, les présidents battus sont en retrait pour les midterms », souligne Simon Grivet, maître de conférence en histoire et civilisation états-uniennes à l’université de Lille. Pourtant, Donald Trump, battu lors de l’élection présidentielle en 2020 par Joe Biden, apparaît comme le chef de file du parti républicain pour les élections de mi-mandat. Dans la nuit du 23 au 24 septembre (à 19h heure locale), il tiendra un meeting à Wilmington, en Caroline du Nord, pour soutenir le candidat républicain à la Chambre des représentants Ted Budd.

« Il reste le favori chez les républicains » explique l’enseignant. Un sondage d’USA Today et d’Ipsos Survey publié le 28 août révèle que 59% des électeurs républicains sont favorables à une candidature de Donald Trump à la présidentielle 2024. Ses partisans sont nombreux à faire le déplacement lors de ses meetings, arborant pour la plupart l’acronyme MAGA, en référence au slogan de l’ancien président : « Make America great again ».

Ces midterms se tiennent deux ans après la dernière élection présidentielle, soit au milieu du mandat de Joe Biden. Les 435 sièges de la Chambre des représentants seront entièrement renouvelés. Ce sera également le cas d’un tiers des sièges du Sénat. L’objectif principal des Républicains est de décrocher la majorité dans ces deux instances, jusque-là dominée par le parti démocrate.

Imposer des candidats trumpistes

La campagne a débuté au mois de juin par des primaires dans de nombreux États. Elles ont permis aux partis d’élire leurs candidats en interne. Donald Trump a aussitôt pris position en faveur de candidats trumpistes, fidèles à ses idées. « Il a en quelques sortes sortes utilisé l’argent collecté pendant des mois depuis sa défaite pour créer un parti républicain à son image, explique Simon Grivet. Il s’est attaché à éliminer les adversaires dans son propre parti, comme Liz Cheney. » La candidate républicaine dans le Wyoming a été battue le 16 août dernier par Harriet Hageman, soutenue par l’ancien président états-unien.

L’omniprésence de Donald Trump dans les médias et sur la scène politique ne satisfait pas tous les membres du parti républicain. « Certains Républicains lui reproche de trop s’impliquer et de nuire au parti », explique Marie-Christine Bonzom, politologue spécialiste des États-Unis. Au-delà de son engagement politique, l’ancien président occupe le devant de la scène à cause des affaires judiciaires qui le visent. Fraude fiscale, responsabilité dans l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021 et conservation illégale de documents classés « secret défense » : l’ancien président a fort à faire avec la justice.

« Avec sa personnalité et sa situation judiciaire, il fait de l’ombre au programme républicain », développe la politologue. Ces élections de mi-mandat sont traditionnellement l’occasion, pour les électeurs américains, de s’exprimer sur la politique menée par le président actuel. Les républicains entendent jouer ce qu’ils considèrent comme les points négatifs de la première moitié du mandat de Joe Biden, tels que l’inflation ou l’afflux de migrants à la frontière mexicaine. Mais avec Donald Trump, « les questions de l’ordre du personnel prennent le pas sur le programme », complète Marie-Christine Bonzom.

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Pour elle, cette situation bénéficie surtout à Joe Biden et aux démocrates. « Ils sont en train de faire en sorte que ce scrutin, qui en général est une sorte de référendum sur le bilan du président, soit un référendum anti-Trump. » L’ancien président républicain apparaît alors comme un leader dérangeant pour son parti contraint, pour le moment, de l’accepter, comme l’explique le maître de conférence Simon Grivet : « Beaucoup aimeraient se passer de lui mais sont, pour l’instant, obligés de lui être fidèles » à cause de son influence dans le paysage politique états-unien.

Laura Merceron

La France, dommage collatéral du « sous-marin gate » australien

La France essuie depuis une semaine un véritable camouflet diplomatique, de la part des Etats-Unis, de l’Australie et du Royaume-Uni. Retour sur la crise des sous-marins australiens.

C’est le septième jour d’un imbroglio diplomatique sans précédent au XXIe siècle. Pour certains experts, le dernier en date remonterait à la crise du Canal de Suez en 1956. Avec pour enjeux, encore une fois, la puissance diplomatique de la France.

Jeudi dernier, la nouvelle provoque un séisme sur la scène politique et diplomatique internationale. Ce sont douze sous-marins et 56 milliards perdus pour l’Hexagone, au profit de l’AUKUS, le nouvel accord stratégique entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Unis. Un  « coup dans le dos » d’après le Ministre des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian, dont les services français paraissent tout juste découvrir l’existence des tractations.

Alors que les présidents de France et des Etats Unis Emmanuel Macron et Joe Biden s’entretiennent ce mercredi 22 septembre, explications sur la « crise des sous-marins ».

Pourquoi est-ce vécu comme un « coup dans le dos » par la France?

La nouvelle fait l’effet d’une bombe. L’Australie rompt le 15 septembre, apparemment sans préavis, le « contrat du siècle » signé en 2019 avec la France, au profit de sous-marins nucléaires fournis par les Etats-Unis. Une « décision unilatérale, brutale, imprévisible » qui « ressemble beaucoup à ce que faisait M. Trump », selon Jean-Yves Le Drian sur France Info. Mais surtout, la diplomatie française semble découvrir « brutalement » la perte du contrat et l’existence de l’AUKUS « par une déclaration du Président Biden », toujours d’après le ministre.

Selon Alexis Pichard, spécialiste des Etats-Unis et enseignant-chercheur à l’Université de Nanterre, ce « coup dans le dos » est révélateur des ressemblances entre Biden et Donald Trump, malgré le ton conflictuel entre les deux candidats lors de la campagne présidentielle de 2020. « La seule chose qui a changé dans la politique étrangère entre ces deux présidents, c’est l’emballage », analyse l’universitaire, qui poursuit : « La tonalité est moins virulente, le côté humain davantage mis en avant avec Biden. Mais le fond reste le même : la mise en avant des intérêts américains et la guerre commerciale, notamment avec la Chine, » au détriment des puissances moyennes, comme la France.

Est-il possible que la France n’ait pas été au courant des tractations de l’AUKUS ?

« Compliqué à dire », pour Alexis Pichard. « Certaines informations avaient fuité dans les médias australiens il y a quelques temps ». Malgré l’indignation de Jean-Yves Le Drian, « la trahison du siècle » aurait pourtant commencé il y a dix-huit mois, dans l’hémisphère sud. En mars 2020, le Premier Ministre australien Scott Morrison aurait secrètement lancé l’idée d’une alternative au projet français, en privilégiant le marché américain. L’objectif: être davantage dissuasifs auprès de la Chine, de plus en plus agressive dans le Pacifique.

Pour se défendre, « l’Australie a tout intérêt à avoir de bonnes relations avec les Etats-Unis, grande puissance internationale, plutôt que la France » décrypte Alexis Pichard. « Et pour les Etats-Unis, c’est une manière de cadenasser la Chine dans les eaux territoriales. » Un an plus tard, le premier ministre britannique, Boris Johnson, est recruté. Une occasion pour le Royaume-Uni de se ménager une ouverture stratégique dans la zone Indopacifique, suite au Brexit et au rafraîchissement des relations avec l’Europe. L’AUKUS est finalement discuté discrètement entre Boris Johnson, Joe Biden et Scott Morrisson, en marge du sommet du G7 de juin dernier en Cornouailles.

Comment est jugée la réaction de la France par les Etats-Unis ?

« Rupture de confiance entre alliés », « Crise grave » : Pourtant habituellement réputé sur la réserve, Jean Yves Le Drian s’éloigne drastiquement depuis une semaine des codes diplomatiques. Retrait des ambassadeurs français à Washington et Canberra, annulation d’un gala dans la capitale américaine… « La France ne peut faire autrement que montrer une forte intransigeance diplomatique », explique Alexis Pichard, « Elle n’a pas d’autres moyens de pression, elle reste dépendante des Etats Unis, notamment à travers l’OTAN »

Mais les américains ne se sont pas émus des mots du chef de la diplomatie française : aucune réaction publique du Président Joe Biden, et seule la chaîne américaine MSNBC a consacré un certain temps d’antenne à la crise. «Et durant l’appel prévu ce mercredi entre Biden et Macron, on imagine mal le Président français montrer les muscles : Il n’y a rien à montrer, » assène Alexis Pichard. Pour certains observateurs américains, l’Hexagone est même vu « comme un enfant faisant son caprice, et qui reviendra de toute façon dans le droit chemin. »

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La France est-elle isolée sur ce nouvel échiquier international ?

Après ce camouflet diplomatique, la France doit se positionner dans le nouvel ordre géopolitique défini par l’AUKUS. Alexis Pichard le rappelle : elle reste à la tête de l’Union Européenne, dont elle prend la présidence en janvier 2022. « Elle est aussi présente dans plusieurs endroits stratégiques du monde, notamment par ces DOM-TOM », détaille l’universitaire. Ce lundi, en marge de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell ainsi que les ministres des affaires étrangères européens, ont exprimé leur solidarité envers la France. Pour eux, l’AUKUS affecte toute l’Union Européenne « par ses implications stratégiques. » Mais si elle garde une certaine puissance, l’aura diplomatique française aurait fortement diminué. « La France est maintenant partenaire des relations internationales, elle n’est plus actrice», conclut Alexis Pichard.

Charlotte de Frémont

Biden à Tulsa, théâtre d’un massacre d’Afro-américains longtemps oublié

Joe Biden est attendu ce mardi 1er juin à Tulsa, en Oklahoma, pour commémorer les 100 ans d’un des plus grands massacres de l’histoire américaine, longtemps passé sous silence. Les survivants et les descendants d’Afro-américains assassinés ou forcés à fuir demandent aujourd’hui réparation.

Joe Biden Tulsa massacre
Les Afro-américains ont joué un rôle clef dans l’élection de Joe Biden. © CC

« Je veux juste qu’il ressente notre douleur », exprime Kristi Williams, activiste et descendante d’une des 300 victimes du massacre de Tulsa, survenu dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1921. Elle souhaite que Joe Biden « rende justice » aux victimes de ce drame, par une reconnaissance financière et mémorielle.

Le massacre de Tulsa est resté longtemps tabou. Le 31 mai 1921, le quartier de Greenwood, surnommé le « Black Wall Street » est une des communautés noires les plus riches du pays. On y trouve notamment deux cinémas, un hôpital et deux sièges de journaux. Le lendemain, tout le quartier est rayé de la carte.

Un lynchage pour une fausse accusation

Au départ, un incident entre Dick Rowland, un cireur de chaussures noir, et Sarah Page, une liftière blanche, dans l’ascenseur d’un immeuble du centre-ville. Celle-ci accuse Rowland de l’avoir agressée. Plus tard, elle écrira une lettre l’exonérant.

Pendant le procès, une foule blanche se rassemble à l’extérieur du tribunal. Des vétérans afro-américains de la Première Guerre mondiale se rendent sur place pour empêcher son lynchage. Un coup de feu est tiré. La foule, armée et vindicative, décide alors de marcher en direction de Greenwood.

« Ils essayaient de tuer tous les noirs qu’ils voyaient »

Un déchaînement de violence frappe alors « Black Wall Street ». Les historiens s’accordent sur les chiffres de 300 morts et 10 000 habitants devenus sans-abri. « Ils essayaient de tuer tous les Noirs qu’ils voyaient », explique George Monroe, survivant du massacre, dans un documentaire de 1999. Il avait 5 ans ce soir-là.

Les maisons sont pillées et brûlées. Des avions lâchent des bombes de kérosène et de térébenthine. Le lendemain, le quartier n’est plus qu’une ruine. Nul n’est tenu responsable à l’époque. Les demandes de remboursement sont refusées par les assurances. Après le massacre, un silence s’installe sur la nuit du 31 mai.

Un procès intenté contre la ville de Tulsa

« J’ai vécu au travers du massacre tous les jours ». Viola Fletcher, l’une des dernières survivantes, âgée aujourd’hui de 107 ans, témoignait la semaine dernière devant la Chambre des représentants américaine.

Les survivants intentent actuellement un procès contre la ville de Tulsa. Ils accusent notamment la police de la ville d’avoir missionné et armé les habitants blancs de Tulsa afin de piller et brûler le quartier de Greenwood, et d’assassiner ses occupants.

Des fouilles sont actuellement entreprises pour trouver les fosses communes où ont été enterrées les victimes noires du massacre. Le travail de mémoire se poursuit, pour la reconnaissance des dommages causés.

Jean Cittone