La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes publie sur les réseaux sociaux une première série de noms d’influenceurs ayant fait l’objet d’un rappel à la loi pour “pratiques commerciales trompeuses”.
Leurs noms sont placardés en grand sur le compte Twitter de la répression des fraudes (DGCCRF). Capucine Anav, Illan Castronovo, ou encore Simon Castaldi sont les premiers influenceurs à être sanctionnés de la sorte par Bercy. Trente noms seront divulgués au total.
Ces influenceurs ont fait l’objet d’un contrôle entre les mois de novembre et décembre 2022. Résultat : ils n’auraient pas respecté les règlements concernant les partenariats commerciaux. Leur sanction intervient au lendemain de l’adoption au Parlement du guide des bonnes pratiques des influenceurs.
⚠️ La DDPP94 enjoint M. Simon CASTALDI pour n’avoir pas révélé l’intention commerciale de plusieurs de ses publications vidéos sur les réseaux sociaux alors qu’il s’agissait de partenariats rémunérés👇https://t.co/ntY9rbf2Arpic.twitter.com/qEzjEmphEK
La DGCCRF reproche à Capucine Anav, ex-candidate de Secret Story, un « manque de professionnalisme« . La jeune femme de 36 ans n’aurait par exemple pas indiqué la visée commerciale de ses contenus publicitaires, ou encore vanté les supposés bienfaits d’un produit sans qu’aucun élément scientifique ne le prouve.
Cette mesure humiliante et ostentatoire s’étend au-delà du compte Twitter de la DGCCRF. Les influenceurs rappelés à l’ordre ont également reçu l’obligation de publier un message rédigé par la répression des fraudes. Ils doivent le repartager en story pendant 30 jours, afin de sensibiliser un maximum de leurs abonnés.
Ils ont beau être des stars, ils ne sont pas plus protégé que les autres des risques de dépendance. Révélée au grand public par l’émission de télé-réalité «Les Marseillais», Carla Moreau est tombée dans l’addiction aux arts divinatoires. Elle a rencontré Danae, une pratiquante des «forces occultes» à seulement 17 ans, alors qu’elle cherchait à devenir célèbre. Elle aurait dépensé jusqu’à 1,2 million d’euros en quatre ans pour des services de sorcellerie.
Il y a quelques mois, l’affaire a éclaté au grand jour. Dans des messages vocaux, on peut entendre Carla Moreau jeter des « sorts » à d’autres candidats de téléréalités. La jeune femme accuse aujourd’hui Danae de l’avoir manipulée et ensorcelée. La voyante est très populaire auprès des influenceurs issus de téléréalités comme Julien Guirado, Jazz ou Anthony Matéo. Ils n’hésitent pas à promouvoir ses services dans leur story Instagram. De quoi inciter leur public, souvent jeune et influençable, à consulter. Sans vraiment prévenir sur les dangers de l’addiction.
Et si la plateforme de partage de photos et de vidéos Instagram n’était en réalité qu’un immense spot à visée publicitaire ? Depuis près de deux ans, marques et agences sont unanimes: le réseau social est le nouvel outil incontournable pour vendre grâce aux nouvelles égéries 2.0: les influenceurs.
Ils s’appellent Stylnoxe, Callmevoyou, Paulettedittout, ou encore Paola Locatelli. Hommes ou femmes âgés de 14 à 50 ans , leur point commun est de rassembler une communauté d’abonnés sur instagram, large de 5000 à plus d’un million de comptes. Véritables stars émergées grâce aux réseaux sociaux, ils se sont fait connaître par leurs blogs ou leur chaîne Youtube, sur lesquels ils ont commencé quelques années plus tôt à partager leur vie de férus de mode, d’écologie ou de cuisine. Ceux qu’on appelle les influenceurs plaisent pour le rapport amical qu’ils entretiennent avec leur audience.
Des dizaines de colis par jour
Cette relation n’a pas longtemps laissé les annonceurs indifférents. Depuis deux ans, les marques approchent ces égéries peu coûteuses correspondant à leurs produits, en proposant des partenariats publicitaires. “J’ai été contactée par les marques quand j’ai commencé à avoir 5000 followers sur insta”raconte Heloïse Monchablon, maquilleuse professionnelle reconvertie en “inspiratrice” à temps plein spécialisée dans la beauté bio et naturelle.
Depuis, comme beaucoup d’autres confrères sur Instagram, son quotidien est rythmé par les dizaines de colis offerts chaque semaine par des marques, quand d’autres proposent des partenariats sur plusieurs jours, semaine ou bien à l’année. L’objectif : demander aux instagrammeurs de publier une ou plusieurs photos en positionnant le produit de façon précise, en mentionnant le nom de la marque dans la description. En échange de ces services ? Le produit en cadeau et une rémunération fixée au pro-rata du nombre d’abonnés, une fois la publication instagram validée par la marque. “En règle générale on doit te rémunérer à 10% de ton nombre d’abonnés, donc moi normalement c’est 150 euros par photo. Mais c’est rare qu’on me paie, car malgré ce ratio je reste une petite influenceuse” explique Callmevoyou, influenceuse à 15 000 abonnés. Si le contrat relève davantage de la “collaboration”, la jeune bloggeuse reçoit dans sa boîte mail environ 50 propositions par jour. Une façon de monétiser sa présence sur les réseaux sociaux, sans en faire un moyen de revenu principal.
De nombreuses plateformes de mises en relation entre marques et influenceurs existent depuis peu afin de permettre aux blogueurs qui le souhaitent de demander eux-même un partenariat. Parmi elles, le site Octoly fait figure de référence chez les micro et nano influenceurs, ayant respectivement moins de 100 000 et 20 000 abonnés. Avec pour slogan “Faire de ta passion un succès” en première page de leur site, Octoly propose une application où les jeunes égéries peuvent choisir, en fonction de leur audience, des produits qu’ils souhaiteraient recevoir chez eux en échange d’une ou plusieurs photos.
“On gère toute leur vie professionnelle de A à Z”
A plus de 33 000 abonnés, Paulettedittout reçoit “beaucoup, beaucoup, beaucoup de produits à tester. On ne peut même pas tout montrer, publier”. L’auteure du blog culinaire “pas de salades entre nous” en a fait son activité principale. Sur instagram, la plupart de ses contenus font désormais référence à une marque, souvent bien éloignée du monde de la cuisine. Citroën, Oral-B, Clinique, Netflix, ou Nespresso: les sponsors de la vie de la jeune femme sont aussi variés que nombreux. Si elle assure travailler uniquement avec les marques qui lui plaisent, l’honnêteté de son expérience de consommatrice critique est dure à évaluer.
Conseil ou placement de produit? Les influenceurs jouent sur l’ambiguïté de leur statut, et se révèlent être de vrais professionnels dans ce qui apparaît devenir l’un des business les plus florissants. Face à eux, de très nombreuses agences de conseil en publicité qui assurent la mise en relation entre l’instagrameur et les marques ont vu le jour. Et le travail ne manque pas, puisque le marché des influenceurs représente aujourd’hui près de 10 000 influenceurs, et 30% du contenu total d’instagram. Label d’influence, l’agence Foll-ow travaille à la fois pour des influenceurs et pour des marques, soucieuses par ailleurs de ne pas se faire piéger par de “faux influenceurs” . Le label représente une vingtaine de “talents” français avec des profils rassemblant au minimum 100 000 abonnés. « On gère toute la partie opérationnelle, donc toute leur vie professionnelle de A à Z : de la validation à la modification du texte qu’ils vont devoir dire sur la photo pour qu’il soit adapté à l’influenceur, savoir si tous les éléments lui convienne ou non, la date de publication, et la création de contenu. Au besoin on a une équipe créative qui est là pour les aider” explique Sarah Le Menestrel, en charge du pôle Influence pour le label. Prenant une marge fixe de 30% sur chacun des contrats de partenariat avec une marque, les agents assurent en échange une gestion 360 degrés de la vie de leurs “chouchou”, pour qui ils se rendent disponibles à toute heure du jour et de la nuit.
Outre les cadeaux offerts par les marques pour séduire les influenceurs dans l’espoir de créer un partenariat, il y a des rémunérations dont les fourchettes sont variables. « Les blogueurs ont leur propre grille tarifaire, ils sont un peu tous alignés selon leur audience” explique Caroline Fulgraff, consultante digitale chez ZMIROV. “De 10 000 à 30 000 abonnés tu touches en moyennes 250 euros, jusqu’à 70 000 tu peux avoir entre 500 et 1100 euros, et au delà les montants s’élèvent de 800 à 1300 euros”explique-t-elle. Mais pour les influenceurs dépassant les 100 000 abonnés, les tarifs peuvent se négocier à hauteur plusieurs de milliers d’euros. Institutionnalisés depuis peu, ces contrats reposent sur l’assurance que les influenceurs possèdent un statut d’auto-entrepreneur, afin qu’il ou elle puisse déclarer ses revenus. Un prérequis qui ne peut se vérifier partout, puisque tous ne travaillent pas en relation avec des agences.
Autre point d’interrogation, celui du statut des mineurs, qui sont de plus en plus nombreux à devenir célèbres sur Instagram. L’agence Foll-ow en compte près d’une dizaine, dont la plus jeune, Paola Locatelli, 715 000 followers et qui vient de fêter ses 14 ans. Théoriquement sous l’autorité de leurs parents, ils ne possèdent pas toujours de statut clair, ce qui embarrasse certaines agences. “Les mineurs ne sont pas toujours au courant de leur statut d’auto entrepreneur donc on leur fait des formations, et parfois on prend même leurs parents au téléphone” explique sereinement Caroline Fulgraff. Reste à savoir si tous les parents sont au courant de cette activité professionnelle, qui pour la plupart se résume à des photos “lifestyle”.
Services, hôtels et restaurants sur le coup
Au-delà du maquillage, nourriture, vêtements et bijoux, les entreprises de service ont également flairé la tendance. Les influenceurs et influenceuses sont invités dans les hôtels et restaurants en échange de posts, stories, et témoignages. “J’organise bientôt un voyage presse pour des influenceurs. L’hôtel leur offre 2 nuitées et 2 dîners et nous on leur paye les billets de train et on leur offre une enveloppe et en échange ils publient deux posts sur l’hôtel et deux posts sur la marque Havaïanas” détaille Caroline Fulgraff. Consommation gratuite et vie de star, certaines “grande” influenceuses sont mêmes invitées sur le tapis rouge du festival de Cannes, ou bénéficient de tarifs très intéressants dans la prestigieuse clinique des champs-elysées pour se faire refaire le postérieur en échange d’une publication sponsorisé.
Mais en coulisses, certains veillent à ne pas accepter n’importe quels partenariats, malgré la dépendance financière au réseau des influenceurs de métier. Heloïse de Chablon est lucide : « Je tiens à être bien sûre des produits que je partage. Il ya de fortes chances de devenir une publicité ambulante. Et vis à vis des autres marques; si on accepte tout, on a plus de valeur…on est plus intéressant. » Paulettedittout regrette que “certaines marques, qui se croient un peu au-dessus de tout, demande beaucoup pour pas grand-chose. Quand on vient te demander pour travailler, sans parfois de budget, et qu’on te traite un peu comme de la m**** j’avoue, que maintenant, c’est plutôt: merci, au revoir !” Les demandes de collaboration trop directives ou intrusives sont connues des influenceurs, cibles des marques qui se positionnent sur le business récent du marketing d’influence, terriblement efficace et désormais incontournable pour les entreprises.
« Le marketing d’influence est en train de révolutionner la manière de faire de la communication” constate une cheffe marketing du groupe L’oréal, « avant tu faisais une grosse pub à la télévision avant le 20 heures, ton chiffre explosait. Maintenant on est obligés de miser aussi sur l’influence”. Cette stratégie “sans égérie” font émerger de petites marques qui bouleversent les plus grosses. La marque de cosmétiques NYX par exemple, née de cette digitalisation, dispose d’un spectre d’audience immense avec entre autre 6 499 272 références de la marque sur instagram. Ce principe du “bouche à oreille” numérique est « le meilleur moyen publicitaire que tu puisses avoir pour les petites entreprises, qui n’ont pas les moyens de se payer des gros spots publicitaires” conclut une responsable marketing digitale d’une start-up berlinoise.