Hauts-de-Seine : La gauche veut reprendre la 11e circonscription

L’ensemble des communes qui réunit Montrouge, Malakoff et Bagneux (Hauts-de-Seine) voyait la gauche remporter les élections législatives depuis 1988. En 2017, et pour la première fois, c’est La République En Marche qui l’a emporté. Cinq ans plus tard, EELV, PCF, PS et LFI présentent une candidature commune pour tenter de renverser la situation.

Onze jours avant le premier tour des élections législatives, en ce matin de juin, Aurélien Saintoul se trouve à l’entrée du métro « Mairie de Montrouge » avec quelques autres militants pour distribuer des tracts. Sur ces derniers, on y retrouve en première page un photo montage de lui, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon. Investi par la NUPES, Aurélien Saintoul est en concurrence avec neuf autres candidatures pour prendre la tête de la 11e circonscription des Hauts-de-Seine. Dans ce bastion historiquement ancré à gauche, l’homme figure parmi les favoris. Pourtant, en 2017, c’est Laurianne Rossi de La République en Marche qui avait remporté la 11e circonscription, un changement radical, que le candidat de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) a bien l’intention de faire oublier : « il y a une parenthèse à fermer » déclare-t-il à propos de la députée sortante.

Aurélien Saintoul a choisi des points stratégiques pour tracter. Ici, à l’entrée de la station de métro Mairie de Montrouge, sur la ligne 4.

 

Une circonscription historiquement de gauche

Agrégé de lettres classiques, Aurélien Saintoul s’est engagé auprès de Jean-Luc Mélenchon en 2009. Militant La France Insoumise depuis la première heure, il a d’abord été professeur de lettres avant de devenir assistant parlementaire et membre de l’opposition à la mairie de Montrouge. Selon lui, la victoire est possible. « En 2017, les gens pouvaient avoir des illusions quant à Emmanuel Macron, estime Aurélien Saintoul. Aujourd’hui, ils ont compris que ça n’avait pas marché. » En 2017, sept à neuf candidatures pouvaient être identifiées comme des candidatures de gauche ou écologistes. Aujourd’hui, seules 5 candidatures peuvent être perçues comme telles, notamment grâce au rassemblement de certains partis sous l’étiquette de la NUPES, ce qui augmente les chances d’Aurélien Saintoul d’accéder à l’Assemblée nationale.


L’ancrage à gauche de la circonscription encourage également le candidat. Depuis le redécoupage géographique de la circonscription en 1986 et jusqu’en 2017, tous les députés ont été des candidats du Parti Communiste Français (PCF) ou du Parti Socialiste (PS). Cela s’explique notamment par l’attachement à gauche présent dans deux des trois villes composant la circonscription, à savoir Bagneux et Malakoff. Dans ces deux villes, toutes les élections municipales de l’après-guerre ont été remportées par le Parti Communiste Français. A Montrouge, la mairie est investie par l’UDI (anciennement CNIP et UDF) depuis 1958. Mais cela ne semblait pas faire basculer les résultats des élections législatives jusqu’en 2017. « Ce sont trois villes très différentes, explique Aurélien Saintoul. Elles n’ont pas toutes les mêmes préoccupations mais il y a des sujets qui peuvent les réunir comme l’urgence écologique. » À titre d’exemple, selon l’INSEE, le revenu moyen des habitants de Bagneux en 2019 était de 2456€ par personne, contre 3431€ pour les habitants de Montrouge. Pour le candidat de la NUPES, ces villes ne sont pas irréconciliables. « Même les personnes qui vivent dans des situations plus confortables peuvent penser à ceux moins favorisés, pour l’intérêt général » argumente l’agrégé de lettres classiques. Lors du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron était arrivé en tête à Montrouge avec 35,2% des voix, mais suivi par Jean-Luc Mélenchon avec 28,4% et Yannick Jadot avec 8,3%. Tout semble donc encore pouvoir se jouer pour le candidat de la NUPES dans la ville la plus incertaine des trois que comporte la circonscription.

En distribuant les tracts devant la bouche de métro, Aurélien Saintoul lance à la volée « Votez pour les législatives ! » sans mentionner son parti ou sa propre personne. « C’est assez délicat de dire aux gens « votez pour moi » directement, avoue le candidat. Mais c’est aussi parce qu’il y a un deuxième combat dans cette élection, c’est la lutte contre l’abstention. » Ces dernières années, l’abstention n’a fait qu’augmenter dans cette circonscription pour les élections législatives. En 2002, elle s’elevait à 35% au premier tour. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter depuis, pour arriver à 47% en 2017. « Pour former une majorité, il faut convaincre les gens » estime Aurélien Saintoul. Parmi les habitants de Montrouge, Sabrina, par exemple, ne compte pas voter le week-end prochain. « J’ai voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle mais je ne vais pas voter aux législatives, je ne vote jamais pour ces élections » explique la commerçante de 40 ans.

« On est raisonnablement confiants »

Du côté de la député sortante, Laurianne Rossi, la bataille semble loin d’être perdue d’avance. Questeure à l’Assemblée Nationale et bien placée au sein de LREM, de nombreux habitants pensent accorder une nouvelle fois leur confiance à la candidate de la majorité. « Je trouve qu’elle a été une bonne députée, qu’elle a apporté quelque chose, qu’elle a participé activement à l’Assemblée nationale confie Sylvie, 59 ans. Je ne me vois pas du tout voter pour un autre candidat et notamment celui de La France Insoumise. »

D’autres candidats, eux, souhaitent surtout porter une voix dissidente dans ces élections. C’est le cas de Dominique Broussaudier, candidate du Parti animaliste. « Honnêtement, je sais qu’il y a très peu de chance que je sois élue, a-t-elle déclaré. J’ai quand même décidé de m’investir dans cette élection pour contester l’oubli de la cause animale en politique. Et puis il faut bien que ce parti commence quelque part même s’il ne gagne pas de suite. » Selon elle, sa candidature est nécessaire faute de quoi les autres candidats ne se sentiraient pas obligés de mettre dans leur programme des mesures à propos de la cause animale.Malgré la dizaine de candidatures enregistrées dans la 11e circonscription, le candidat de la NUPES se voit déjà reprendre le bastion. « On est raisonnablement confiants confie Aurélien Saintoul. On est devant dans certains sondages. On sait que rien n’est gagné d’avance mais on peut espérer. Quand je tracte, j’ai l’impression que les gens sont réceptifs, c’est agréable. » Plus tard dans la journée, dans le centre-ville de Montrouge toujours, les habitants peuvent croiser Jules, 23 ans, et Pascal, 34 ans, en train de coller des affiches à l’effigie d’Aurélien Saintoul. Pour Jules, militant de Génération.s à l’origine, c’était évident de s’investir pour la NUPES. « Cela faisait plusieurs années que je ne m’étais pas investi en politique mais la NUPES m’a redonné envie, explique l’étudiant. En plus, on est un bon groupe à Montrouge, il y a toujours quelqu’un pour faire quelque chose. » Si les militants cherchent encore à convaincre les habitants de la 11e circonscription, certains d’entre-eux sont, au contraire, déjà derrière Aurélien Saintoul. C’est le cas de Maria, 57 ans. « J’ai toujours voté à gauche, assure-t-elle. Pour la présidentielle, j’ai regretté que les candidats ne s’unissent pas. Je ne souscrit pas à toute la politique de la NUPES, notamment sur le plan international mais en plus de ça, je trouve que Monsieur Saintoul est super, j’avais voté pour lui aux dernières municipales. » Reste à voir dans un peu plus d’une semaine, si les actions du candidat lui auront permis de reprendre ce bastion historique de la gauche dans les Hauts-de-Seine.

Pascal, au premier plan, et Jules, militants NUPES se mobilisent à Montrouge.

Marine Allain et Dylan Berrached

Hauts-de-Seine : la 6e circonscription, véritable « Game of Thrones » des élections législatives

Mercredi 1er juin à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Le candidat LR Patrick Pessis (à gauche), l’élu et soutien de la candidate Fayza Basini, Emmanuel Canto (à droite) et un militant Reconquête (centre) distribuent des tractes. (© Imane Lyafori).

Dans la 6e circonscription des Hauts-de-Seine (Neuilly-sur-Seine, Puteaux, Courbevoie sud), 12 candidats se lancent dans la course aux élections législatives, dont le premier tour se tiendra le 12 juin prochain. Une multiplicité de profils, à gauche comme à droite, qui révèle des dissidences au sein de la majorité présidentielle et menace les voix des Républicains.

« Casse toi ! », fustige un passant, en levant le bras au ciel. Martin*, militant de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), ne se décourage pas pour autant. Une nouvelle masse de personnes se dirige vers la sortie de la gare de Puteaux (Hauts-de-Seine). Le trentenaire repart aussitôt à l’attaque. « Bonjour monsieur, votez pour la justice sociale ! », tente-t-il en tendant des tractes. De l’autre côté des marches, Julie Barbaux, professeure des écoles et candidate NUPES aux élections législatives dans la 6e circonscription des Hauts-de-Seine (Neuilly-sur-Seine, Puteaux, Courbevoie sud), se charge de ceux qui seraient passé entre les mailles du filet. « Dès que je sors du travail, je me dépêche de rouler avec mon vélo jusqu’aux lieux de tractage. Heureusement que ça ne dure que quelques semaines », lance-t-elle en riant.

Un exercice de taille dans cette circonscription traditionnellement à droite où pas moins de 12 candidats, dont huit allant du centre à l’extrême droite, se présentent. La candidate sortante Constance Le Grip, ex-Les Républicain (LR) aujourd’hui investie par la majorité présidentielle, est à la tête des villes de Neuilly-sur-Seine, Puteaux et Courbevoie depuis son élection comme députée en 2017. Une victoire qu’elle avait obtenue avec 53,8% des voix contre son opposant de l’époque, Laurent Zameczkowsi (LREM) avec 46,1%. Des chiffres loin des résultats obtenus par La France Insoumise (LFI) qui n’avait séduit que 4,96% des votants au premier tour. « On a encore une chance de faire passer des lois qui ne sont pas destructrices pour ce pays », soutient Martin, pour qui les élections législatives du 12 et 19 juin prochain peuvent « aider les gens à faire le bon choix ».

La 6e circonscription des Hauts-de-Seine représente les villes de Neuilly-sur-Seine, Puteaux et de Courbevoie sud et compte 117 731 habitants. (© Adrien Chapiron).

La macronie s’invite chez Les Républicains

Changement d’ambiance radical au théâtre des sablons (Neuilly-sur-Seine). La candidate sortante Constance Le Grip affiche ses nouvelles couleurs macroniennes. Selon elle, cette investiture était nécessaire pour faire « face aux extrêmes, de gauche comme de droite ». Tout est mis en œuvre pour présenter l’ancienne députée européenne comme « une élue locale en phase avec les réalités [du] département ». Un récit déroulé tour à tour par les différents élus réunis autour d’une table placée face au public. Les vidéos de soutien de l’actuel ministre délégué chargé de l’Europe Clément Beaune et du ministre de l’Economie Bruno Le Maire en impressionnent certains dans la salle. Des invités de taille qui réussissent à convaincre quelques futurs votants. « Le discours de Mme. Le Grip est vrai, sincère et cohérent. C’est devenu très rare en 2022 », insiste Carole, 61 ans, qui arbore l’un des tee-shirts à l’effigie de la candidate.

Mardi 31 mai à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Des tee-shirts à l’effigie de la candidate Constance Le Grip sont distribués lors de sa réunion publique tenue au théâtre des sablons. (© Imane Lyafori).

C’est aussi une manière pour l’ancienne députée LR d’assoir sa légitimité. « Les ministres m’ont spontanément proposé leurs soutiens. Ça montre que je suis une personne fiable et crédible », assure-t-elle. Pour cause, une autre candidate marcheuse de la première heure, soit depuis 2016, aurait dû être investie par la majorité présidentielle. Du moins, c’est ce que défend Fayza Basini, candidate dissidente LREM, qui aborde le sujet avec un sourire crispé. « Le succès d’En Marche attire des candidats, forcément. Mais personne ne connaît le nom de Constance Le Grip. Moi-même, si je n’étais pas engagée en politique, je ne la connaîtrais pas », lance-t-elle.

Du côté des soutiens de Fayza Basini, les mots sont plus durs envers l’ancienne LR. « On vit très mal ce ralliement de dernière minute », confie Emmanuel Canto, chef du groupe municipal d’En Marche Puteaux. « Il paraît que Nicolas Sarkozy est intervenu pour la faire investir », chuchote l’élu. « Mais bon, entre l’original et la contrefaçon… », ajoute Eric Becque, ancien président du comité de Neuilly-sur-Seine, en levant les yeux aux ciel. Mais hors de question de changer de cap pour la marcheuse « chiraquienne et juppéiste » qui assure ne pas avoir été exclue par la majorité présidentielle mais bien s’être retirée de son plein gré. « Ça fait plus de 10 ans que je suis engagée sur ce territoire. Je connais les dossiers ».

Mercredi 1er juin à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Emmanuel Canto tracte pour la candidate dissidente Ensemble !, Fayza Basini. (© Adrien Chapiron).

A la suite de cette annonce, Paul s’est engagé auprès de la candidate dissidente. Tous les matins, entre huit et neuf heures, le salarié de 29 ans essaye tant bien que mal d’aborder les passants très pressés de l’avenue Charles de Gaulle. « Pour moi, Fayza Basini est la meilleure candidate pour la circonscription. Elle porte les valeurs progressistes qui me sont chères. Contrairement à Constance Le Grip et son positionnement autour du mariage pour tous », affirme-t-il en distribuant des tracts. En 2014, l’ancienne élue LR, à l’époque députée européenne, avait signé la charte de la Manif pour tous où les principes étaient de « défendre le mariage et la filiation en cohérence avec la réalité sexuée de l’humanité ». En 2017, la candidate avait également co-signé une proposition de loi « visant à la protection de l’enfant », associant la pédopornographie et le mariage entre personnes du même sexe.

Une campagne sur fond de querelles familiales 

Dès 10h30, la place du marché est prise d’assaut par les différents candidats et leurs tracteurs respectifs. Tous se positionnent à différents points de passages stratégiques. Impossible de continuer son chemin sans repartir avec quelques brochures. Les républicains et les macronistes se font face. « Ici, c’est comme un petit Game of Thrones », avance Patrick Pessis, candidat LR et scénariste. Mais rien de bien décourageant pour Sasha, 18 ans. « LR c’est la vraie droite. Je resterai fidèle à ce parti, quoi qu’il arrive », prévient le tracteur.

Le remplaçant express de Constance Le Grip dénonce une « inconstance » chez son ancienne collègue. « Ça faisait un mois et demi qu’on tractait pour Constance. Il y a deux semaines, un dimanche soir, on apprend par la presse qu’elle se rallie à la majorité présidentielle. Le matin même, elle nous demandait de tracter pour elle », se souvient le candidat. Une trahison qui ne passe pas. « La manière de faire est tout de même assez basse. Elle nous a trompés sans négociation. Je pense qu’elle a fait ça par opportunisme », juge Patrick Pessis.

Bien loin des soucis de familles que rencontrent certains, Franck Keller, candidat Reconquête, mise sur les 18,75% de Neuilléens ayant voté pour Éric Zemmour à l’élection présidentielle. « Les idées avancées par Éric Zemmour reçoivent un écho important au sein de la population de Neuilly-sur-Seine, sachant que le Rassemblement national, sur cette circonscription, n’a jamais fait de score important », assure-t-il, confiant. En 2017, le Rassemblement national n’a récolté que 3,9% des voix au premier tour. Un score qui justifie sans doute la candidature de Marie-Caroline Le Pen. Contacté à ce sujet, la candidate n’a pas donné suite.

Imane Lyafori

Législatives 2022 : dans les Hauts-de-Seine, une première circonscription à contre-courant

À l’approche des élections législatives, les habitants de la première circonscription des Hauts-de-Seine semblent traversés par un désintérêt politique. Le territoire est toutefois marqué par un ancrage communiste depuis des décennies. 

Les habitants de la première circonscription des Hauts-de-Seine éprouvent un véritable désintérêt politique pour les élections législatives des 12 et 19 juin 2022. CELSA/Léocadie Martin et Suzanne Zeller

« Avec les politiques, on se sent complètement abandonné. On est délaissé », déplore Ouarda, 57 ans,  habitante de Colombes-Nord depuis sa naissance. Son amie Khadija renchérit : « je ne voterai pas pour les législatives, on est tellement déçu aujourd’hui ». Et elles ne sont pas les seules. Dans la 1ère circonscription des Hauts-de-Seine, l’abstention est à la hausse. En 2017, elle a atteint un taux record. Plus de 65% des habitants de Colombes-Nord, Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne, les trois villes qui composent la circonscription, se sont abstenus au second tour des élections législatives. La circonscription déplore le taux d’abstention le plus élevé du département. Elle dépasse même la moyenne nationale, qui obtenait son taux le plus élevé depuis 1958 aux dernières élections. Lors du second tour, 57,36% des électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux urnes. Un mauvais présage pour les élections législatives qui approchent à grands pas.

Pour Jean-Marie, retraité de 69 ans, cette abstention est justifiée. « Les députés perdent leur identité et ne sont plus en lien avec la population. Si c’est simplement une fois tous les cinq ans pour les élections qu’on les voit faire le tour du marché, ça n’a aucun intérêt. » Le villenogarennois déposera, malgré cela, son bulletin dans l’urne les 12 et 19 juin prochain. Cette abstention s’explique, en partie, par les difficultés qui composent le territoire. Dans le deuxième département le plus riche de France (Insee, 2021), la première circonscription comptabilise le taux de pauvreté le plus élevé. Plus de la moitié des ménages, soit 55,3%, sont considérés comme pauvres ou modestes. En comparaison, 40,2% des ménages sont considérés comme tels au niveau national.

À travers une précarité prédominante, les habitants de la circonscription ne se sentent pas représentés par les potentiels futurs députés. « La dernière élue que j’ai vu dans mon quartier est morte il y a une dizaine années, se désole Bernardier, habitant de Gennevilliers depuis les années 1970. La communication superflue ça y va, mais pourtant rien ne vaut le porte à porte. » Il ira tout de même voter. Ce qui n’est pas le cas d’Angie, étudiante de 19 ans. « Les politiques ne m’intéressent pas et, en plus, ici on ne voit rien. Les candidats ne viennent même pas à notre contact. » Un ressenti qui pourrait bouleverser l’ancrage politique de la circonscription.

Un bastion communiste coûte que coûte

Depuis 1967, la première circonscription des Hauts-de-Seine est chaperonnée par le Parti communiste français. CELSA/Léocadie Martin et Suzanne Zeller

« Elsa Faucillon (PCF) a de la bouteille. Elle est accessible. On la trouve devant les écoles et sur le marché le matin… j’ai beaucoup d’admiration pour elle », avoue Fedoua, membre du conseil citoyen apolitique de Villeneuve-la-Garenne. Depuis 1967, la première circonscription des Hauts-de-Seine appartient au Parti communiste français. Cet ancrage politique à gauche se caractérise notamment par la catégorie socio-professionnelle de la circonscription. Les actifs du territoire sont composés à plus de 50% d’ouvriers et d’employés.

Les socialistes avaient raflé la circonscription en 2012 lors de l’élection présidentielle de François Hollande (PS), avant qu’Elsa Faucillon ne la rende au PCF en 2017. Désormais, elle est la seule député de gauche du département. Mais elle ne fait pourtant pas l’unanimité. « Je ne suis pas sûre qu’Elsa Faucillon soit réélue car elle s’est alliée à  Jean-Luc Mélenchon (LFI), s’avance Ginette, villenogarennoise  de 69 ans et bénévole du secours catholique. À mon avis, ça va être très difficile pour elle. » Avec l’alliance de gauche nommée NUPES et composée notamment du PS, EELV, LFI et PCF, Elsa Faucillon devient la candidate d’une gauche unie. Mais pourtant, pas toute la gauche. Le NPA, qui n’a pas souhaité s’allier à ces quatre partis, a décidé de déployer des candidats dans tout le département. Et pour la première circonscription, c’est Gaël Quirante qui les représente. Une candidature qui a fait réagir Patrice Leclerc (PCF), suppléant actuel d’Elsa Faucillon et maire de Gennevilliers.

Cependant, cette candidature ravit des électeurs qui ne se reconnaissent pas dans cette alliance de la NUPES. « Moi je suis de gauche, mais je ne voterai jamais pour une alliance avec Jean-Luc Mélenchon. Je me reconnais plus dans le candidat du NPA, qui défend une vraie gauche », reconnaît Bernardier. Pour certains habitants, la gauche au pouvoir dans la circonscription n’a pas permis le changement. Et ce constat pourrait bien favoriser l’un des onze autres candidats de la première circonscription.

Candidats de droite, siège de gauche

À Colombes-Nord, à Gennevilliers et à Villeneuve-la-Garenne, une problématique se distingue : l’accessibilité des logements. Plus de 70% des logements sont occupés par des locataires au coeur de la circonscription. « Les logements ne sont pas accessibles. Ils font des nouveaux logements très chers et on ne peut pas y accéder.  Et depuis des années, il n’y a aucun changement : on nous a oublié », s’attriste Ouarda. Certains candidats espèrent devenir le visage de ce changement. « Si les gens ne votent pas, c’est parce qu’ils ont besoin d’une offre qui leur parle. Les uns et les autres doivent s’approprier une candidature », affirme Abdelaziz Bentaj, candidat Les Républicains.

Pour Mariam Camara, candidate du Rassemblement National, « il y a trop d’exclusion dans ce territoire et il y a beaucoup de souffrance. Avec le Rassemblement National, je pourrai enfin vraiment les rassembler. » La question se pose puisque, depuis l’ascension politique de Marine Le Pen, le parti d’extrême droite recueille principalement les voix des ouvriers. Malgré cette volonté de concilier électorat et urnes, les candidats de la première circonscription ne semblent toujours pas établis sur le territoire. « Je vote à toutes les élections, mais cette fois-ci, les visages politiques ne me parlent pas trop », s’étonne Amélie*. Pour beaucoup, les élections législatives paraissent abstraites.

Avec une dynamique de dépolitisation, la population de la première circonscription perd espoir. Jamel, épicier dans le quartier du Stade (Colombes-Nord) depuis 1988, se désole.

« Il n’y a plus beaucoup d’espoir. On ne croit plus que les choses vont changer. Les candidats ont même peur de venir dans le quartier. »

Un client entre dans la boutique et s’accorde avec le commerçant. « Je suis né ici il y a 60 ans et, pour moi, les politiques travaillent pour eux et c’est tout. C’est de l’entre soi. J’irai voter mais sans grande conviction. C’est vraiment malheureux. »

Une campagne électorale qui ne parvient pas à s’imposer, des habitants qui se sentent délaissés et des candidats qui tentent le tout pour le tout : les résultats des élections législatives de la première circonscription des Hauts-de-Seine seront véritablement déterminants pour le dernier bastion communiste du département.

Léocadie Martin et Suzanne Zeller

Opération séduction pour le RN et la Nupes dans la 3ème circonscription des Hauts-de-Seine

La 3ème circonscription des Hauts-de-Seine, un bastion qui vote traditionnellement à droite durant les législatives. (© Alyssia Gaoua)

La course aux législatives est lancée. Et dans une circonscription qui a tendance à voter à droite, le RN et la Nupes n’ont pas dit leur dernier mot et tentent de convaincre les indécis qu’un autre choix est possible les 12 et 19 juin prochains. 

Sous le grand dôme du marché des Vallées à la Garenne-Colombes (Haut-de Seine), les habitants sont plus prompts à négocier les prix des légumes qu’à discuter des législatives. « Tous des pourris », peste une passante. Et pourtant, le 12 et le 19 juin, les Français devront élire les députés qui siègeront à l’Assemblée nationale. Mais à quelques jours du scrutin, la campagne n’a pas l’air d’avoir totalement démarré.

Le 30 mai, la campagne des législatives est timidement lancée à la Garenne-Colombes. (© Alyssia Gaoua)

Dans la troisième circonscription des Hauts-de-Seine, les panneaux d’affichage sont encore vides. Dans le cas contraire, le duel se joue entre les candidats de droite, Aurélie Taquillain (Ensemble) et Philippe Juvin (LR). 

Dans cette circonscription, qui unit les cantons de la Garenne-Colombes, Bois-Colombes, Courbevoie-Nord et Courbevoie-Sud, le vote se situe traditionnellement à droite. Aux dernières législatives (2017), c’est LREM qui a remporté la circonscription sous la bannière de Christine Hennion. Avec 46,59% des voix au premier tour, la députée sortante a pu bénéficier du vote d’une population plutôt aisée composée majoritairement de cadres sup quadragénaires. Un résultat proche de l’abstention dans la circonscription : 44,40% au premier tour et plus de 50% au second. 

« C’est l’abstention qui va nous tuer »

Une des causes d’un tel taux d’abstention : le désintérêt des habitants pour ces élections. « Il faut aimer se prendre des vents », ironise Waleed Mouhali, élu EELV à la Garenne-Colombes et militant pour Sara Tij, la candidate investie par la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). En ce matin de tractage à l’arrêt du T2 de Charlebourg, il essuie les refus des passants. Un phénomène symptomatique, selon lui, de la déception et de la lassitude envers les politiques, deux maux qui contaminent la conscience des électeurs. Une seule issue : « c’est l’abstention qui va nous tuer ».

Lors du tractage pour la candidate Sara Tij (Nupes), à la Garenne-Colombes, peu d’habitants acceptent les flyers. (© Alyssia Gaoua)

Agnès Laffite, candidate du Rassemblement national (RN), connaît la même difficulté : « On va essayer de toucher les abstentionnistes. Le pays se désintéresse de la politique. Je peux comprendre que les gens soient déçus mais il faut qu’ils sachent que si eux ne vont pas à la politique, la politique ira de toute manière à eux », avertit-elle.

Les législatives ont aussi moins d’intérêt que les autres élections aux yeux de la population. Pas assez « impliqués » au niveau local, les Altoséquanois de la troisième circonscription n’ont pas d’attentes précises pour les candidats aux législatives. « On a toujours voté, mais cette fois-ci, c’est moins important », analyse un retraité garennois, qui préfère rester anonyme. Son vote sera identique à celui de la présidentielle. « Nous avons un peu mis de côté les propositions locales : entre ce que propose le maire de la Garenne-Colombes (Philippe Juvin), et ce qu’on ressent chez nous, il y a une différence », poursuit-il. Son épouse et lui déplorent les immeubles qui ne cessent d’être construits – parfois au détriment d’espaces verts – et une ville de plus en plus peuplée. Sur les jeunes, ils portent un regard tout aussi critique. « On a l’impression que les jeunes sont moins intéressés par le vote », souligne la retraitée. Un choix qu’ils jugent « regrettable »

Autre raison : le peu d’informations sur les législatives. Nicolas Lacara a 34 ans. Réalisateur-scénariste, il vit et vote à Bois-Colombes depuis quatre ans. D’un point de vue local, il regrette le manque de communication autour des législatives, à tel point qu’il ne connaît pas le nom du candidat investi par son parti. «Je suis surpris de voir qu’on ne reçoit pas tous les programmes », ajoute-t-il. Adèle, la trentaine, professeure dans le Val d’Oise, soulève le même problème. « On n’est pas assez bien informé, il y a moins de sensibilisation : on a pas assez parlé des législatives », estime-t-elle. 

La droite en terrain conquis 

Le fait que les électeurs de la circonscription soient déjà convaincus par les candidats de droite peut également expliquer la lenteur du démarrage de la campagne. Demandez aux passants dans les rues de la Garenne-Colombes ou de Bois-Colombes quels sont les candidats dans le 92.3 et tous résumeront ces élections à deux personnes : Aurélie Taquillain et Philippe Juvin. Un scénario qui s’est déjà produit en 2017 avec d’autres candidats. «Même si on arrive au second tour, on a aucune réserve de voix : LREM appellera à voter LR, et LR votera LREM”, note Waleed Mouhali. La candidate LREM n’était d’ailleurs pas présente au débat sur France 3 Paris, une absence que ses homologues ont dénoncé en chœur sur Twitter.

Dans la 3ème circonscription des Hauts-de-Seine, le manque de communication sur la campagne fausse les choix des habitants. (© Alyssia Gaoua)

Pourquoi changer de bord quand il fait bon vivre dans la circonscription. Les habitants des trois communes semblent satisfaits. Claudie Thilloy, 80 ans, n’a pas encore totalement fait son choix : « Il y a de grandes chances pour que je sache pour qui je vais voter, mais on hésite tout de même », indique-t-elle. Garennoise depuis 70 ans, elle n’a pas beaucoup de reproches à faire à ses élus. Même les immeubles qui sortent de terre ne la dérangent pas. « Ils sont très jolis », commente-t-elle lorsqu’elle en parle. La seule chose dont elle pourrait se plaindre serait l’absence de métro entre Levallois-Perret et la Garenne-Colombes. « Mais on a beaucoup de transports autrement. Il y a le bus, c’est très bien », nuance-t-elle peu après. 

Andreia Barros, commerçante, partage le même avis. Elle a toujours voté pour les législatives. Plus soucieuse des enjeux locaux, elle demande tout de même aux candidats plus d’honnêteté, de « dire la vérité, de plus écouter les gens qui ont des besoins, qui veulent aider ». Mais elle ne souhaite qu’une chose : « que ça continue comme ça, on est très bien à la Garenne-Colombes ». « On ne peut rien dire, on a tout ce qu’il faut, je conseille à tout le monde », continue-t-elle. Pourtant, dans ses yeux, les larmes ne sont pas loin. L’émotion la gagne. Sans franchise et face à l’augmentation des loyers, Andreia n’a plus les moyens de maintenir son commerce.

Même s’il fait « bon vivre » dans cette région des Hauts-de-Seine, les loyers en constante augmentation poussent des franciliens à quitter la commune. (© Alyssia Gaoua)

Elle devra bientôt céder son magasin, pour s’installer ailleurs. Elle ignore encore où.

Sa fille a déjà vendu son studio garennois pour acheter un deux pièces dans une autre commune des Hauts-de-Seine. A-t-elle remarqué d’autres changements ? « Ce n’est pas comme avant…», élude-t-elle. Elle n’en dira pas plus.

Nupes et RN : battus mais pas abattus 

Claudie aussi a pu observer les changements dans sa ville. « Il n’y a pas beaucoup de commerçants, ils essaient de venir… Moi j’ai connu la Garenne il y a 40,50 ans, et il y avait plein de commerçants, ça marchait bien », se souvient-elle, « ça a beaucoup augmenté, c’est très prisé, même mes enfants sont partis vers Colombes »

Si Emmanuel Macron est arrivé en tête des scores, c’est Jean-Luc Mélenchon qui s’est hissé à la seconde place, avec près de 20% des voix, à la présidentielle. Un témoignage des mutations électorales dans cette circonscription où la droite semble déjà l’avoir remportée. « Le territoire est en train de changer », constate Waleed. Un résultat qui s’explique aussi par la diversité de la population : la circonscription abrite beaucoup de cadres mais également une classe moyenne basse, en quête de programme social et écologique, à l’image de Nicolas ou d’Adèle. Mais ces derniers « sont trop peu nombreux pour peser sur le vote », souligne l’élu. 

Malgré tout, Nupes a senti le vent tourner et s’est engagé dans la brèche, tentant de changer les habitudes de vote.  Entre la finale de la Ligue des Champions et une rencontre avec Caroline de Haas diffusée sur Twitch, Sara Tij multiplie les réunions publiques et s’affiche sur le terrain; Pour Adèle, le choix était « plutôt facile ». Elle qui « veut être entendue sur des questions sociales et écologiques » va suivre la ligne directrice de la présidentielle, où elle avait voté Mélenchon, et voter Nupes le 12 juin prochain. « J’aimerais bien que les idées soient plus tournées vers le social et l’éducation », justifie-t-elle. Nicolas quant à lui votera pour la première fois aux législatives. « Je crois qu’il y a une urgence politique : c’est le moment, et n’importe quelle voix compte », déclare-t-il. Il s’est même étonné de « la mobilisation surprenante » pour ces élections. 

A l’autre extrémité du spectre politique, tout aussi est mis en œuvre pour tenter de séduire les électeurs. Malgré une campagne « très difficile », Agnès Laffite veut « faire barrage à l’abstention ». Et de continuer : « le département des Hauts-de-Seine n’est pas trop favorable au RN, même s’il y a une progression des voix depuis 2017 ». Si la droite semble croire en sa victoire, dans la troisième circonscription des Hauts-de-Seine, la gauche et l’extrême-droite n’ont pas encore rendu les armes.

Danaé Piazza et Alyssia Gaoua