« On ne le vit pas bien » : l’hôtellerie redoute le mouvement « bloquons tout »

Après les hausses de charges ou l’évolution de la loi sur les pourboires, ce mercredi, le mouvement social « bloquons tout » inquiète les hôteliers. Déjà fragilisés par des crises antérieures comme les gilets jaunes, les professionnels du secteur craignent  des conséquences économiques liées aux contestations.

dd
Ce mercredi, l’UMIH précise que le mouvement est très « circonscrit ». Crédits : fr.freepik.com

« On a vraiment hésité à tout annuler », confie Melissa en balade dans une avenue près de l’Arc de Triomphe. Sourire aux lèvres, cette touriste américaine originaire de Pennsylvanie profite aujourd’hui sereinement de la capitale, aux côtés de son mari Jonathan. Mais, il y a encore quelques jours, l’annonce du mouvement social « bloquons tout » avait semé le doute auprès du couple. L’appel à une journée de blocages généralisés contre la politique budgétaire du gouvernement Bayrou avait sérieusement inquiété ces touristes, au point de remettre en question leur départ.  « On avait organisé ce voyage depuis plusieurs mois et on avait déjà tout réservé mais quand on a commencé à voir sur les réseaux sociaux des posts qui annonçaient des grèves dans les aéroports et les transports en commun, on a vraiment stressé » explique la jeune femme. « Aux Etats-Unis on a encore tous en tête l’image des gilets jaunes. J’avais peur de me retrouver avec des policiers partout, des casseurs dans les rues, bloqués à l’aéroport et surtout sans logement. On a appelé notre hôtel il y a une semaine et il nous a dit qu’on n’aurait pas de soucis, ça nous a finalement motivé à venir » ajoute la trentenaire qui constate que pour l’instant « tout va bien ».

« Tous les mouvements sociaux dès lors qu’ils prennent de l’ampleur […] ne sont jamais un point positif pour l’attractivité de la destination France », Guillaume Beurdeley, secrétaire général adjoint des Entreprises du Voyage.

Maxime lui, s’est montré plus prudent. Ce commercial de 28 ans devait aujourd’hui se rendre à Lyon dans le cadre de son travail. Il a préféré renoncer à son déplacement. « Je me suis dit que ça allait être la galère pour y aller niveau transport, qu’il y aurait des manifs un peu partout donc j’ai annulé ma réservation d’hôtel » déplore ce parisien, aujourd’hui en télétravail.

Des professionnels inquiets 

En début de semaine déjà, les professionnels de l’hôtellerie s’inquiétaient des conséquences du mouvement social sur leur activité. « On ne le vit pas bien. On constate déjà des annulations de chambres car on sait très bien qu’en Île de France tout le monde sera en télétravail » présageait Franck Delvaux, Président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Paris île de France lundi sur BFMTV. Même si il ne se passe rien, le mal est déjà fait dans l’esprit des gens qui se disent « on ne sait pas ce qui va arriver» donc  on sait que le 10 ne va pas bosser » s’agaçait-il. Le représentant du syndicat patronal du secteur de l’hôtellerie-restauration a défendu clairement sa position vis-à-vis du mouvement : «  Nous sommes contre le blocage du pays mais on partage la colère sur beaucoup de points comme la loi sur les pourboires qui va entrer en vigueur fin décembre ou les charges trop élevées ». 

Des conséquences limitées 

Ce mercredi, l’UMIH précise que le mouvement est très « circonscrit ». « Il n’ y a aucune consigne de fermeture ni d’appel à s’associer à des actions en ce 10 septembre et pas de conséquences au niveau national » précise Ophélie Rota, directrice de la communication et des relations institutionnelles à l’UMIH. Si elle affirme disposer d’aucun chiffre concernant les annulations dans l’hôtellerie, elle attire cependant l’attention sur le boycott des paiements par carte bancaire au profit de ceux en espèces annoncé par certains restaurateurs et établissements hôteliers pour dénoncer le « ras le bol de la profession vis-à-vis des banques » selon Franck Delvaux. « Sur ce point, on indique simplement ce qui est légal ou non pour que nos adhérents n’est pas de mauvaises surprises. Ils peuvent le faire librement mais sous certaines conditions ».

« On constate déjà des annulations de chambres car on sait très bien qu’en île de France tout le monde sera en télétravail », Franck Delvaux, Président de l’UMIH.

À l’image de l’UMIH, l’Entreprise des voyages, organisation de représentation des experts du tourisme, reconnaît ne pas disposer de chiffres sur les conséquences de « bloquons tout » sur les recettes des établissements hôteliers ou les annulations de réservations mais observe cependant quelques perturbations liées au mouvement. « On a aujourd’hui des conséquences qui sont immédiates pour nous et pour nos clients notamment en ce qui concerne les déplacements. L’accès à certains aéroports comme à Toulouse ou à Nantes est bloqué. Certains départs sont perturbés mais on a pas de cas d’annulations notables ou de perspectives de fortes baisses de la fréquentation ou des réservations dans les établissements hôteliers ou les agences de voyage » observe Guillaume Beurdeley, secrétaire général adjoint des Entreprises du Voyage. Il espère cependant que le mouvement ne va pas s’étendre et va se limiter à la journée. « Tous les mouvements sociaux dès lors qu’ils prennent de l’ampleur et qu’ils sont repris dans la presse étrangère ne sont jamais un point positif pour l’attractivité de la destination France par rapport à d’autres pays européens plus attractifs qui peuvent prendre des parts de marchés dans notre secteur. Il y a toujours un impact sur l’accueil des touristes étrangers comme c’était le cas avec les gilets jaunes » met-il en garde même si pour l’instant cela ne semble pas être (encore) le cas. 

Ana Escapil-Inchauspé

L’avionneur Boeing dans les turbulences après la décision d’une grève massive

Coup dur pour Boeing, le géant de l’aviation américaine. Vendredi 13 septembre 2024, les salariés de la firme concurrente d’Airbus ont voté largement pour une grève à effet immédiat, dans une usine de Seattle aux États-Unis, berceau de l’entreprise depuis 1916. La raison? Un désaccord sur leur nouvelle convention collective qui n’avait pas été changé depuis 2008.

Le syndicat de machinistes de Boeing, situé à Seattle, a décidé de se mettre en grève, vendredi 13 septembre 2024. LUC OLINGA / AFP.

La situation ne semble pas s’améliorer pour l’avionneur américain Boeing. À Seattle, sur la côte ouest des États-Unis, le syndicat des machinistes a voté une grève à effet immédiat avec une écrasante majorité: 96 %. Cette décision n’est pas sans justifications et trouve ses racines dans les négociations salariales découlant d’une nouvelle convention de la direction. Cela faisait 16 ans que cette dite convention n’avait pas été changée, date à laquelle la dernière grève a eu lieu durant 57 jours.

Un grand syndicat

À l’origine de ce mouvement social, le syndicat des machinistes IAM-District 751 (Association Internationale des Machinistes), comptant environ 33.000 membres dans la région de Seattle: « Nous ferons grève à minuit (heure locale) », annonce le syndicat dans une publication sur leur compte X (Twitter).


Il y a quelques semaines, l’IAM réclamait une augmentation des salaires d’au moins 40 % sur l’espace de trois ans, ainsi que de meilleurs avantages, notamment sur les retraites. D’après Jon Holden, président du syndicat, les salaires « stagnent depuis des années, malgré une inflation massive ».
Sous la menace d’une grève depuis plusieurs mois, l’avionneur et le syndicat avaient pourtant trouvé un accord quant à cette nouvelle convention collective en début de semaine. IAM-District 751 réclamait 40 % de hausse des salaires, la direction avait décidé qu’elle serait de 25 %. Jon Holden s’était d’ailleurs félicité de ces négociations, « c’est le meilleur contrat que nous n’ayons jamais eu ».

Boeing dans la tourmente

Ces efforts n’ont pas convaincu les machinistes qui ont rejeté cette convention à une majorité écrasante de 94.6 %. Cette décision est un coup dur pour Boeing, la grève va entraîner la fermeture de deux grandes usines de la firme dans la région de Seattle. Contacté, le siège de Boeing France n’a pas souhaité en dire plus sur la suite des événements. Quelques heures après le vote des salariés, le groupe Boeing, au travers d’un communiqué, assure entendre les réclamations: « Le message a été clair (…). Nous restons déterminés à rétablir nos relations avec nos employés et le syndicat, et nous sommes prêts à retourner à la table des négociations pour parvenir à un nouvel accord. »
Bien « qu’engagés » dans la négociation, les jours à venir sont encore incertains pour le géant de l’aviation déjà dans la tourmente

Jon Holden, le président du syndicat des machinistes IAM-District 751, jeudi 12 septembre 2024. JASON REDMOND / AFP.

L’affaire des 737 MAX

En plus de la grève massive, l’affaire de son modèle phare, le 737 MAX, ne fini de faire parler de lui avec les différentes affaires, l’une des dernières en date, l’incident début janvier sur un 737 MAX d’Alaska Airlines qui avait perdu une porte en plein vol.
Autorisé à voler en 2017 par le régulateur américain de l’aviation, le 737 MAX devait faire la fierté de Boeing. Le premier accident sur ce modèle intervient l’année d’après, en 2018, avec le crash d’un Boeing de la compagnie Lion Air faisait 189 morts. La flotte des 737 MAX est par la suite clouée au sol pendant plusieurs mois dans le monde entier. Tous ces déboires ont précarisé la situation financière du constructeur, en concurrence directe avec Airbus, dont la réputation ne cesse de chuter.
Selon les analystes de TD Cowen, banque d’investissement américaine, une grève de 50 jours priverait Boeing de 3 à 3.5 milliards de dollars de liquidités et aurait un impact de 5.5 milliards sur le chiffre d’affaires. Dans les échanges électroniques avant l’ouverture de la Bourse de New York vendredi, le titre du constructeur chutait d’ailleurs de près de 4 %.

Yan Daniel

Préavis de grève illimité chez Easyjet

La compagnie aérienne britannique Easyjet a déposé un préavis de grève illimité qui débutera le lundi 16 septembre 2024. Le syndicat union des navigants de l’aviation civile (UNAC) conteste la fermeture de la base de Toulouse.

Un jour après l’annonce surprise par Easyjet de la fermeture de sa base de Toulouse et d’un plan de départs volontaires, le syndicat Union des navigants de l’aviation civile (UNAC) a déposé un préavis national de grève illimitée.

Les syndicats dénoncent la fermeture brutale et inattendue d’une base plutôt performantes ces dernières années et donc la mise en danger des postes des 125 salariés présents à Toulouse.

Selon le syndicat, la grève débutera le lundi 16 septembre. Le syndicat appelle tous les travailleurs basés en France à se mobiliser et à cesser le travail pour une durée illimitée afin de soutenir les salariés de Toulouse.

Le quotidien des employés en danger

La compagnie a annoncée mardi la fermeture de sa base à Toulouse d’ici mars 2025 à cause de nombreux facteurs comme la reprise post-covid et la pression due à l’inflation.

Easyjet va transférer les 2 avions présents sur la base vers d’autres bases françaises. La compagnie a proposé à ses salariés de poursuivre leur aventure au sein de la compagnie mais dans d’autres bases en France, une décision qui ne satisfait pas les syndicats. La majorité des salariés étant des couples ou des familles ayant acquis des biens à Toulouse.

Les dates clés pour « une action commune d’envergure » seront prochainement communiquées par le syndicat.

Mohamed Sadat

Corée du Sud : une grève historique des salariés de Samsung Electronics

Pour la première fois de son histoire, le plus grand groupe d’électronique du monde, Samsung Electronics, a subi une grève de ses employés à Séoul, ce vendredi 7 juin. Un moment historique pour le conglomérat sud-coréen, qui a vu plusieurs milliers de ses employés se mobiliser pour faire entendre leur colère. Explications.  

Des milliers d’employés se sont réunis devant le siège de Samsung Electronics à Séoul ce vendredi 7 juin. Leur revendication : une augmentation des salaires d’au moins 6%. Cela fait suite à plusieurs mois de négociation entre les syndicats et la direction qui peinent à dialoguer entre eux. D’un côté, les représentants des employés dénoncent la responsabilité de l’entreprise dans ce dialogue de sourds. D’un autre côté Samsung répond en instaurant un sixième jour de travail pour les managers afin de rassembler les cadres de l’entreprise le weekend pour discuter des stratégies de gouvernance. Face à cette situation, des milliers d’employés ont posé une journée de congé ce vendredi pour faire entendre leur revendication.

Si pour la France, la grève est un droit fondamental régulièrement utilisé pour faire pression sur la direction d’une entreprise, en Corée du Sud cela est loin d’être habituel. En témoigne cette toute première grève au sein de ce groupe mondialement connu qui rassemble plus de 125.000 employés. Au-delà du fait que la Corée du Sud ne soit pas proche de cette culture de la grève, ce moment est aussi historique car Samsung a longtemps été engagé dans une lutte antisyndicale. C’est seulement en 2010, 41 ans après la création de l’entreprise, que le premier syndicat a été créé.

« Il n’y a aucun impact sur la production et les activités commerciales »

Cette première journée de grève historique n’aura sûrement pas une conséquence forte sur la production de Samsung. Dans un communiqué, l’entreprise explique « qu’il n’y a aucun impact sur la production et les activités commerciales. Le taux d’utilisation des congés payés le 7 juin est inférieur à celui du 5 juin de l’année dernière ». En effet, ce jour de perturbations tombe un vendredi après un jour férié et avant le week-end, une journée où les employés des grands conglomérats sud-coréens font généralement le pont.

 

Noa Perret