La culture dit « NON » au FN

Mardi, à la Cité de la musique à Paris, plus de 1 600 personnes ont répondu présentes à l’appel d’un rassemblement citoyen intitulé « la culture contre le Front national ». 70 organisations, syndicats et associations culturelles sont à l’origine de ce rassemblement. L’objectif ? Voter le 7 mai pour faire barrage à Marine Le Pen. Ils n’ont qu’un seul mot à la bouche : #StopFN7mai.

Sur l’écran géant, le message est clair et l’appel est lancé : #StopFN7mai. A cinq jours de l’élection présidentielle, le monde de la culture s’est mobilisé mardi soir à la Cité de la musique à Paris contre le Front national. Un appel à participer au scrutin du 7 mai et à voter pour faire barrage à la candidate Marine Le Pen.

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Grande absente de la campagne présidentielle, la culture a été, hier, remise sur le devant de la scène.

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Au total, plus de 1600 personnes ont répondu à l’appel d’un rassemblement citoyen, en présence de la ministre de la culture Audrey Azoulay. La salle était comble et, plus que jamais, déterminée à faire barrage au Front national.

« Le monde de la culture est inquiet quant à son avenir. Je demande l’art, plus que la culture. Je demande les arts. (…) L’objectif, c’est que dans cinq ans, le Front national redevienne un groupuscule » a déclaré le comédien Jean-Pierre Vincent, sur la scène de la Philharmonie.

Accueilli sous les applaudissements, le président de la Philharmonie, Laurent Bayle, s’est lui aussi engagé et a appelé « à voter massivement pour le seul candidat républicain, Emmanuel Macron ». 

Près de 70 organisations dont la Sacem, l’Association des scènes nationales, la Ligue des droits de l’Homme, la CGT Spectacle et la CGT Culture, avaient appelé à cette mobilisation avec pour ambition d’inciter à « voter pour faire barrage au FN »« Nous ne pouvons accepter la banalisation du Front national et de ses idées antidémocratiques de rejet de l’autre et de repli sur soi dans une société identitaire et fragmentée contraire aux valeurs républicaines », précisait l’appel signé par les acteurs culturels et les organisations.

Pour Jean-Frédérick Grevet qui travaille dans le secteur culturel depuis plusieurs dizaines d’années, il était « important de se déplacer au rassemblement ». « Il faut absolument que Macron passe. Je lui souhaite d’obtenir 80% face à Marine Le Pen« , a-t-il déclaré. « On le voit dans certaines villes que le FN gouverne, comme Orange, Béziers, ou encore Fréjus. Le parti a sabré la culture dans ces villes-là. Il n’y a aucun budget de prévu », a-t-il expliqué d’un ton désolé. « Remarque, tous les gouvernements totalitaires rejettent la culture, ce n’est pas si nouveau », a réagi son ami Eddy Chausse.

Jusqu’à présent, il n’y avait eu aucun rassemblement dans le monde de la culture contre le Front national, sauf en meetings. « #StopFN7mai » est une incitation au vote anti-FN, et une occasion particulière pour « rassembler des citoyens qui ne sont pas forcément d’accord sur tout, pour dépasser ce qui divise, pour partager avec l’autre, celui et celle que l’on ne connaît pas« , comme le précisait le discours de la comédienne Céline Sallette, au nom des 70 organisations à l’origine de ce rassemblement.

Les appels du monde de la culture contre le Front national se sont multipliés partout en France. Ce mercredi, à Avignon, des acteurs du monde culturel se réunissent contre l’extrême droite en présence de l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon et du directeur délégué du Festival d’Avignon, Paul Rondin. Jeudi, la place de la République, à Paris, accueillera un concert, auquel une vingtaine d’artistes et de personnalités seront attendus. De nombreuses personnalités ont d’ailleurs clairement appelé à voter Emmanuel Macron pour s’opposer au Front national, comme Luc Besson, Olivier Py ou  Dany Boon. « Nous ne pouvons pas lâcher prise. Pas maintenant. Il n’y a pas de fatalité ».

Aux portes du pouvoir, le Front national résistera-t-il aux rassemblements citoyens ? Réponse le 7 mai prochain.

Marie Lecoq.

Front national : à Villepinte, un fossé entre les marinistes et les indépendants

Lundi midi, Marine Le Pen et son nouvel allié, Nicolas Dupont-Aignan, ont tenu un meeting à Villepinte, devant 6 000 militants plus ou moins impliqués. Etudiants, cadres, mélenchonistes, retraités ou anciens du GUD ; le public était pour le moins éclectique.

Une clameur d’enthousiasme s’élève dans le hangar 4B du parc des expositions de Villepinte lorsque Nicolas Dupont-Aignan arrive sur l’estrade. Les drapeaux s’agitent, le prénom du fondateur de « Debout la France » est repris en choeur, tandis que les retardataires pressent le pas pour traverser la salle, aux trois quarts vide. Marine Le Pen a vu les choses en grand pour ce meeting : énorme hangar, musique épique, milliers de drapeaux tricolores, Nicolas Dupont-Aignan en première partie, service d’ordre omniprésent et journalistes parqués dans des espaces dont ils ne pouvaient pas sortir. La mise en scène est maîtrisée.

Collecte de dons pour le service d'ordre du Front national
Collecte de dons pour le service d’ordre du Front national

Les fidèles soldats du Front

Certains militants ont totalement intégré la rhétorique de la candidate du Front national. Devant l’énorme drapeau français qui sert à recueillir les dons faits au parti et au service d’ordre, Nicolas Grandjean, 22 ans et étudiant en alternance dans le commerce international, explique pourquoi il soutient Marine Le Pen : « La mondialisation, c’est un piège à cons. L’économie n’est pas la base de la société ; il faut savoir où sont les priorités. Je n’ai pas peur que les entreprises quittent la France si Marine Le Pen est élue. Cela n’arrivera pas. Même mon patron, qui fait partie du comité d’En marche ! m’a dit qu’après avoir écouté Marine Le Pen sur TF1, il avait douté de son vote ». Pour ce jeune homme qui a participé aux manifestations contre le mariage pour tous, la priorité, c’est la famille : « Le Front national abrogera la loi Taubira et mettra en place des aides pour les familles en difficulté. Mais pas pour les familles étrangères qui bénéficient déjà des aides de l’Etat. C’est surtout pour cette politique familiale que j’ai choisi Marine Le Pen dès le premier tour ».

Quelques personnes ont choisi de suivre le meeting au fond de la salle. C’est le cas d’Arthur, Rennais de 21 ans qui cherche à acheter un bar, venu jusqu’à Villepinte avec son ami Maxime : « Je suis venu ici pour faire acte de présence. Je connais déjà le discours de Marine Le Pen mais ce qui me plaît le plus, c’est de favoriser la France et les Français, d’avoir une politique nationale comme la majorité des autres pays ».  » Mais Marine Le Pen ne parle plus trop de cela parce qu’elle cherche le plus d’électeurs possibles. Je pense qu’elle peut être élue mais cela va être compliqué. En tout cas, je connais beaucoup de jeunes qui vont voter pour elles, notamment quelques mélenchonistes », ajoute-t-il.

L’arrière garde

Mais, en marge du meeting, on pouvait aussi croiser des personnes moins policées. Les groupuscules d’extrême droite sont discrets mais présents. Loïc, un ancien du GUD (Groupe Union Défense), frontiste depuis 1983 et ancien garde du corps de Marie-France Stirbois, a préféré rester dehors plutôt que d’écouter le discours de Marine Le Pen. Ce quinquagénaire, arborant des lunettes d’aviateur et une mèche péroxydée, est venu à Villepinte en scooter après avoir assisté au discours du 1er mai de Jean-Marie Le Pen. « Je suis un peu nostalgique des débuts du Front national quand on était plus indépendants. Aujourd’hui, le GUD ne représente quasiment plus rien », déplore Loïc en fumant une énième cigarette alors que le slogan « On est chez nous ! » s’échappe du hangar.

Jean-Michel, 64 ans, ancien électeur de gauche qui votera pour Marine Le Pen
Jean-Michel, 64 ans, ancien électeur de gauche qui votera pour Marine Le Pen

Un homme qui est resté au fond de la salle pendant tout le meeting a également attiré l’attention des photographes. Jean-Michel, retraité de 64 ans, arbore un panneau « La gauche avec Marine » mais refuse de dire pour qui il a voté au premier tour. « On peut être de gauche et voter pour Marine Le Pen. Moi, je ne vote pas pour les banquiers. Je trouve que Mélenchon n’a pas eu de couilles en refusant de se positionner. De toute façon, les trotskystes ne sont pas des gens fiables. Moi, je suis un indépendant », explique-t-il. En plus, du protectionnisme économique, Jean-Michel est également d’accord avec la politique de réduction voire de suppression de l’immigration que veut mettre en place Marine Le Pen : « Je suis pour la paix civile. Je considère que tout le monde devrait pouvoir vivre et travailler dans son pays sans être bombardé par les Américains. Dans les années 60 et 70, l’immigration ne posait pas de problèmes parce qu’elle était européenne et chrétienne, alors que l’immigration musulmane d’aujourd’hui a tendance à favoriser la création de ghettos ethnico-culturels et le système libéral s’en sert pour faire baisser les salaires », considère celui qui se présente comme de gauche, avant d’ajouter : « Les réfugiés syriens sont des déserteurs ».

La dispersion des troupes

A la fin du meeting, la Marseillaise est reprise avec vigueur par les militants. Ceux qui sont venus de province se dirigent vers la gare routière, tandis que certains frontistes prennent à parti les médias. Quelques enfants courent dans l’herbe en s’amusant avec des drapeaux tricolores en criant « Marine présidente ! ». Les forces de l’ordre souhaitent une bonne journée aux militants qui les remercient pour leur présence. Dans le RER, les frontistes se mêlent aux voyageurs qui reviennent de l’aéroport Charles de Gaulle. La dernière trace visible de ce meeting se retrouve dans le doigt d’honneur qu’un militant esquisse dans le dos d’un journaliste en souriant à sa femme d’un air complice.

 Anaëlle De Araujo

Un 1er mai sous le spectre de l’élection présidentielle

A moins d’une semaine du second tour de l’élection présidentielle entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le défilé du 1er mai 2017 a réuni entre 142 000 et 280 000 personnes dans toute la France. Au coeur de la manifestation : la question du Front national.

A l’arrière du cortège syndical, dominé par ses autocollants rouges, des affiches jaunes et noires attirent l’oeil. Ce sont celles du collectif #LePenNON. Un seul mot d’ordre : faire barrage à Marine Le Pen, coûte que coûte. Clara, 25 ans, a voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour, pourtant elle votera Macron au second. « Je me souviens de 2002. Mes parents m’avaient emmenée manifester et il était important pour moi de se rassembler autour du rejet des idées véhiculées par le Front national. Je n’ai pas envie que l’idée du Front national, au second tour de la présidentielle soit banalisée« , explique-t-elle, même si elle admet qu’elle votera Emmanuel Macron à contre-coeur. Un discours que l’on retrouve sur les affiches, qui appellent toutes à voter le candidat d’En Marche !. « En Marche forcée » ou « voter blanc c’est voter FN à 50%« , peut-on lire sur certaines affiches.


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Le Front national en ligne de mire

Si le 1er mai est traditionnellement la Journée internationale des travailleurs, elle revêt tous les cinq ans un caractère plus politique que syndical à l’occasion de l’élection présidentielle. Ce 1er mai 2017 n’échappe pas à la règle même si les différents appels à manifester contre le Front national n’ont pas eu autant d’écho qu’en 2002. Selon le ministère de l’Intérieur, 142 000 personnes ont manifesté dans toute la France, contre 280 000 pour la CGT. La qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002 avait fait descendre entre 1,3 et 2 millions de personnes dans les rues. A Paris, ils étaient entre 30 000 et 80 000 personnes à avoir rejoint la place de la République dès 14 heures 30.

A Paris, le cortège, bon enfant, réunit des familles avec enfants, des jeunes et des moins jeunes. La sono diffuse des titres populaires, qui font danser des pancartes anti Marine Le Pen, entre deux slogans contre le Front national. Dans le cortège, peu sont ceux qui invitent ouvertement à l’abstention le 7 mai, malgré un appel lancé, par des militants de la France Insoumise, à défiler contre Le Pen et Macron. Voter Macron ou s’abstenir, la question divise en ce 1er mai.

Un rassemblement en ordre dispersé

A l’inverse de 2002, les différentes organisations n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le mot d’ordre à adopter. Le cortège syndical, dominé par une intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires, appelle à faire barrage au Front national sans pour autant se prononcer en faveur d’Emmanuel Macron. Un peu plus loin au métro Jaurès à Paris, dans une autre manifestation, la CFDT et l’UNSA, appellent ouvertement à voter Emmanuel Macron au second tour.

Pas de mot d’ordre officiel de la part de l’intersyndicale et des militants laissés à leur libre arbitre. Guillaume, 29 ans, syndicaliste CGT, reconnaît faire face à un dilemme. « Je me suis battu toute l’année dernière contre Macron et sa loi Travail, et ce second tour c’est, pour moi, choisir entre la peste et le choléra« , déclare-t-il. Pourtant, ce syndicaliste qui s’est toujours abstenu aux élections confie qu’il votera pour le candidat d’En Marche! dimanche. « Ce sera le début de la lutte« , conclut-il. Une vision critiquée par un collègue syndicaliste, qui refuse de voter Macron. « Pour moi, ce sera le vote blanc, je ne peux pas mettre un bulletin Macron dans l’urne, ce serait une trahison. Mais ça ne nous empêche pas de trinquer tous ensemble !« , expose ce quinquagénaire, béret vissé sur la tête et mojito à la main.

Une ambiance joviale, qui tranche avec l’atmosphère tendue qui règne en tête du cortège. Une centaine de manifestants s’est rassemblée, prête à en découdre. Les slogans « Tout le monde déteste la police » remplacent les considérations électorales. Dès la place de la Bastille, des affrontements avec les CRS éclatent. Vers 18 heures, les premiers manifestants arrivent eux place de la Nation où ils se dispersent dans le calme.

A Paris, six CRS ont été blessés, selon le ministre de l’Intérieur Mathias Fekl, et deux manifestants ont été placés en garde à vue.

Dorine Goth

Affaire Montebourg-Le Pen : les avocats entendus à la Cour d’Appel

Le procès opposant Arnaud Montebourg à Jean-Marie Le Pen a été renvoyé à la Cour d’Appel de Paris. Accusé de diffamation et relaxé en première instance, l’ancien ministre avait déclaré à son propos qu’il faisait « l’éloge de la Gestapo ».

Le jugement final sur l’affaire opposant Jean-Marie Le Pen à Arnaud Montebourg sera connu le 19 janvier. Le jeudi 3 novembre, la Cour d’Appel entendait les avocats des deux hommes politiques, tout deux absents. À 13H30, la juge commence par rappeler les faits. Le 23 février 2014, lors d’un débat face à Marine Le Pen, Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, charge Jean-Marie Le Pen : « Moi je n’oublie pas que le président d’honneur du FN a fait il y a quelques années l’éloge de la Gestapo et de l’occupation allemande ». Des propos qui lui vaudront un procès pour diffamation. Mais en avril, le tribunal correctionnel de Paris relaxait l’ancien ministre et condamnait Jean-Marie Le Pen à lui verser 3000 euros pour procédure abusive.

L’interview donnée par le président d’honneur du Front national au journal d’extrême-droite Rivarol en janvier 2005 a joué un grand drôle dans la décision. La juge en relit de longs extraits : « En France du moins, l’Occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés ». L’entretien lui avait valu une condamnation en février 2008, pour complicité d’apologie de crimes de guerre et contestation de crime contre l’humanité.

Pendant toute l’audience, les avocats élaborent sur les nuances de définition entre apologie, éloge et réhabilitation. Pour François Wagner, qui défend Jean-Marie Le Pen, l’interview de 2005 constitue seulement une preuve de réhabilitation, pas d’éloge. L’avocat met aussi en valeur le contexte électoral dans lequel l’ex-ministre a tenu ses propos, avant les élections municipales 2014. Il a agi selon lui dans « un but d’attaque politique » et « d’hostilité ».

« M. Montebourg n’a fait que paraphraser les propos de Jean-Marie Le Pen », répond son avocat, Christian Charrière-Bournazel. Observateur judiciaire pour la Fédération internationale des droits de l’homme, ce dernier parle plus longuement, cite Jean Racine et insiste sur la minimisation des crimes de l’occupation. L’avocat est un habitué du sujet : il a participé aux procès de Klaus Barbie et de Maurice Papon.

La défense rappelle également les précédents procès dans lesquels Jean-Marie Le Pen fut impliqué : « 20 juges ont dit la même chose : une présentation flatteuse de faits qui étaient des crimes ». À la fin de sa plaidoirie, il conclut gravement en regardant son homologue : « M. Le Pen est vivant mais il est mort au Front national, alors qu’il se taise ! »

Les sorties de Jean-Marie Le Pen : éloge, apologie ou réhabilitation ? La Cour d’Appel donnera sa réponse en janvier. Le 17 novembre, autre échéance : le tribunal de grande instance de Nanterre rendra son délibéré dans l’affaire qui oppose le Front national à son président d’honneur concernant son exclusion du parti.

Simon Chodorge