Le député PS de l’Ardèche, Pascal Terrasse, a remis aujourd’hui au Premier ministre Manuel Valls son rapport sur l’économie collaborative. Souvent qualifiée d' »ubérisée », en référence à l’application de VTC Uber, pour désigner le fait qu’une start-up numérique menace un modèle économique classique, l’économie collaborative est-elle forcément synonyme de ce phénomène ?
« L’économie collaborative, c’est tout sauf l’ubérisation », ce sont par ces mots que commence le rapport sur l’économie collaborative de Pascal Terrasse. Ce rapport propose 19 mesures afin d’apporter un cadre juridique et fiscal à l’économie collaborative. Cette économie repose sur des échanges de biens et de services se faisant via des plateformes numériques, sites ou applications. Cette économie sert notamment à donner de la valeur et à amortir des biens de particuliers. Uber, Blablacar, Le Bon Coin, Airbnb… Elles sont de plus en plus nombreuses à provoquer la colère des acteurs « classiques » de l’économie comme les hôteliers ou les taxis, pour qui ces plateformes ne sont ni plus ni moins que de la concurrence déloyale. C’est là qu’intervient le terme d' »ubérisation » de l’économie.
Souvent utilisé par les médias et dans le discours public, il est devenu « une vraie tarte à la crème » pour Grégoire Leclercq, président de la Fédération des auto-entrepreneurs (FEDAE) et co-fondateur de l’observatoire de l’ubérisation, interrogé par le Celsa Lab : « D’où cet observatoire pour « expliquer, vulgariser, analyser et proposer » autour de ce phénomène inexorable ». Dans son utilisation courante, « Ubérisation» est surtout teinté de négatif : pas de sécurité de l’emploi, pas d’assurance, absence de professionnels… Pour Grégoire Leclercq, « ce mot définit tout d’abord un phénomène de société. La plupart des acteurs voient dans ce phénomène des menaces fiscales telles que le manque de protection sociale ou la déréglementation à outrance. Et aussi des opportunités, avec un service de qualité, disponible sur le web, une facilité d’utilisation et une modernisation des métiers ». Ce phénomène résulte de « la convergence de trois leviers : l’accès au digital et à la numérisation pour tous, l’émergence d’une très nombreuse population d’indépendants et la révolution de la consommation, plus impatiente et plus sélective », précise-t-il.
Economie collaborative ou « ubérisée » ?
Pour le président de la FEDAE : « Il ne faut pas confondre économie ubérisée et économie collaborative, d’ou l’importance de bien définir cette dernière ». Le point commun principal de ces deux concepts est la présence du numérique. L’économie collaborative est basée sur la confiance que s’accordent les utilisateurs au sein de ces communautés digitales. Elle est d’ailleurs quantifiée par le « scoring », la notation des utilisateurs. Elle vise à mettre en commun services, biens et avis. Selon Grégoire Leclercq, la crise serait l’une des origines de ce phénomène. Mettre en commun sur une plateforme numérique revient à faciliter les échanges et à réduire les coûts en supprimant les intermédiaires. Ce qui, pour lui, différencie les deux concepts est qu’à la base, cette économie n’est pas lucrative, elle vise seulement à amortir les coûts. Comme Blablacar qui permet d’amortir son trajet en voiture.
L' »ubérisation », mère de tous les maux
Cependant, cette pratique est devenue pour certains une source de revenus, d’ou les problèmes de fiscalité et l’arrivée du concept d' »ubérisation » (en référence à Uber Pop) : entre « économie collaborative, innovation numérique et travail indépendant (freelance) ». Une solution pour pallier le chômage. L' »ubérisation » est toujours lucrative et se passe entre trois acteurs : le prestataire qui veut gagner sa vie en rendant service au consommateur qui veut le payer en passant par une plateforme qui se paie en commissions contre la garantie d’une expérience de qualité. Notamment grâce à la notation du prestataire et à la réception du paiement. La seule façon de sortir le terme « ubérisation » du péjoratif et d’apaiser les tensions est d’encadrer cette forme d’économie, la plaçant ainsi sur un plan plus égalitaire avec l’économie classique, bien que toujours différent. Pour Grégoire Leclercq, « s’il y a un point négatif dans ce phénomène, c’est bien son nom ! Il aurait fallu utiliser un nom plus neutre mais les médias et les commentateurs se sont emparés de celui-ci ».
Anne-Charlotte Dancourt