« L’émergence de nouvelles énergies peut améliorer le sort de l’humanité »
Alain Prinzhofer est géologue biochimiste, co-auteur du livre “Hydrogène naturel, la prochaine révolution énergétique ?” publié en 2015. Pour Alain Prinzhofer, l’hydrogène naturel s’est imposé en 2010 comme solution, après la découverte en Russie d’émanations d’hydrogène qui pourraient être exploitables. Depuis lors, il mène des travaux sur cette source potentielle d’énergie.
L’hydrogène naturel continental est encore mal compris des scientifiques. Où se situe la recherche dans ce domaine ?
Alain Prinzhofer : Nous sommes dans une période charnière, comme en 1850 quand on commençait à s’intéresser au pétrole. On me dit souvent qu’en 50 ans, on n’a pas bougé. L’arrivée d’une nouvelle source d’énergie induit forcément des doutes : est-ce vraiment une innovation ou est-ce marginal ? Est ce que ce n’est pas dangereux ? On ne peut pas investir tout de suite un milliard d’euros, il faut réaliser des tests. De plus, certains lobbies voient d’un mauvais œil l’hydrogène naturel. Ils gagnent de l’argent avec la fabrication d’hydrogène de synthèse, donc ils cherchent à nous ralentir. C’est normal, c’est de bonne guerre.
Pourquoi miser sur l’hydrogène naturel ?
L’avantage de cette source potentielle, c’est qu’elle est renouvelable à l’échelle humaine. On dit que le pétrole est une énergie fossile, mais en toute rigueur scientifique, ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, du pétrole se forme au coeur de la Terre, sauf qu’il met des millions d’années à se reconstituer, et qu’en deux siècles l’humanité a presque tout pompé.
Pensez-vous que cette énergie puisse être utilisable à court terme ?
Il faut que la société s’adapte. Je parlais récemment avec un grand raffineur, qui me disait que l’hydrogène naturel ne pourrait jamais atteindre des quantités suffisantes pour faire fonctionner son usine. Il n’imaginait même pas un autre système. L’émergence de nouvelles énergies permet d’imaginer une relation décentralisée entre l’homme et l’énergie. On peut se questionner, est-ce que ça va améliorer le sort de l’humanité ? Je crois personnellement que oui.
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Les manifestants peuvent-ils bloquer l’économie ?
Le mouvement de lutte contre la loi travail se poursuit et sera caractérisé cette semaine par la pénurie de carburant qui affecte déjà des centaines de stations-service. Le blocage des sites pétroliers est une stratégie récurrente dans la lutte syndicale, afin de verrouiller l’économie et de toucher le plus grand nombre. Les automobilistes, les groupes pétroliers, les entreprises et le gouvernement partagent la peur de voir les pompes à sec, mais les manifestants peuvent ils réellement fermer le robinet à essence ?
Lundi, six raffineries de pétrole sur les huit existantes en France étaient concernées par les mouvements de grève de leurs salariés et des routiers selon la CGT. Les raffineries Total sont notamment touchées par ces arrêts à Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), Donges (Loire-Atlantique), Feyzin (métropole de Lyon) et à Martigues (Bouches-du-Rhône). Les raffineries de Grandpuits (Seine-et-Marne) et Provence-la-Mède (Bouches-du-Rhône) ne sont pas arrêtées mais les grévistes bloquent toute entrée ou sortie de produits. Mardi matin, la CGT annonçait que la grève avait été votée maintenant dans toutes les raffineries restantes, où le blocage commencera dès mercredi.
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— Le Figaro (@Le_Figaro) 24 mai 2016
Les grévistes investissent également les dépôts de carburant qui approvisionnent les stations-service, même si le gouvernement a plusieurs fois affirmé sa volonté de débloquer les sites occupés. Vendredi dernier, « six sites (étaient) libérés soit par la négociation, soit par l’intervention des forces de l’ordre », indiquait Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, sur TF1 vendredi soir. Lundi, cinq dépôts étaient encore cernés par les manifestants, dont celui de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), investi par les militants CGT dans la nuit. Mardi matin, la police évacuait les manifestants de Fos-sur-Mer, accentuant le conflit entre le syndicat et le gouvernement.
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— le marin (@_lemarin) 24 mai 2016
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— Le Monde (@lemondefr) 24 mai 2016
Y a-t-il pénurie de carburant ?
« Le terme pénurie serait inapproprié. Il y aurait plutôt un risque de rupture partielle d’approvisionnement des stations-service », explique Frédéric Plan, délégué général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage. Il existe une centaine de dépôts de carburant en France, rendant en effet improbable un blocage généralisé des dépôts et donc limitant le risque d’une pénurie durable dans le pays. Plus qu’un problème de production, c’est une difficulté logistique qui provoque aujourd’hui les ruptures de stock dans les stations-service. « Nous avons les produits nécessaires mais nous ne pouvons pas les distribuer normalement », explique l’Union Française des Industries Pétrolières dans un communiqué.
Les camions citernes devant se rendre vers des sites plus éloignés pour fournir les stations, le blocage de certains dépôts pétroliers provoque donc des pénuries temporaires dans les stations environnantes. Lundi, 1500 stations sur les 12000 existantes en France étaient en situation de rupture de stock totale ou partielle. Les régions du Nord et de l’Ouest sont notamment concernées, comme à Amiens, où toutes les stations étaient fermées lundi ou à Nantes, fortement touchée par l’arrêt de la raffinerie de Donges. Un effet d’anticipation des automobilistes a également accentué ce phénomène, avec une consommation doublée voire triplée dans certains départements.
Selon Frédéric Plan, la situation de rupture de stock que connaissent actuellement certaines stations-service est « en voie de résorption », les stations pouvant davantage anticiper les blocages des dépôts, mais il faudra encore quelques temps avant de retrouver un fonctionnement classique : « Le fait que des raffineries se mettent à l’arrêt, ça va mettre une dizaine de jours avant un retour à la normale », explique-t-il, l’arrêt et le redémarrage des raffineries se faisant en plusieurs jours.
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Quelles sont les solutions de secours si le mouvement de blocage perdure ?
Pour pallier ces pénuries, plusieurs départements ont déjà instauré des arrêtés pour restreindre la distribution de carburant aux automobilistes. Le gouvernement a également autorisé les camions citernes à circuler le week-end dernier afin de pouvoir approvisionner les stations impactées par les blocages. Selon la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage, les stocks actuels peuvent suffire pour 7 à 10 jours d’approvisionnement des stations-service.
Si le mouvement de blocage venait à durer, il resterait encore la possibilité pour les groupes pétroliers d’avoir recours à l’importation ou, le cas échéant, de se tourner vers des raffineries non occupées. En cas d’urgence, l’État peut également puiser dans ses stocks stratégiques : 17,4 millions de tonnes de pétrole brut et de produits pétroliers permettant de tenir 98,5 jours. Ces stocks sont en théorie prévus pour faire face à des crises internationales graves et doivent être utilisés en accord avec l’Union Européenne et l’Agence Internationale de l’Énergie. Toutefois, l’État les a déjà utilisé partiellement par le passé pour faire face à des grèves, comme en 2010 lors du mouvement social contre la réforme des retraites.
Si cette batterie de solutions peut théoriquement compenser l’arrêt des raffineries, les cas de pénurie existants aujourd’hui sont davantage dus à des problèmes d’acheminement du carburant plus difficiles à anticiper. Les outils existent pour prévenir une pénurie générale mais tant que dureront les actions ponctuelles des grévistes sur les dépôts pétroliers, les ruptures temporaires dans les stations-service risquent donc de perdurer.
Simon Chodorge