L’extrême droite a gagné des élections régionales allemandes pour la première fois depuis la fin du IIIe Reich, mais reste privée de gouvernement. En face, la coalition dite de « la mûre » tente de marier des partis que presque tout oppose au nom du cordon sanitaire.
Le feu tricolore, le Kenya, et désormais la mûre. La baie pourrait donner son nom à la toute nouvelle coalition dont les contours s’imaginent en Allemagne, dans les Länder de Thuringe et de Saxe, après les élections du 1er septembre qui ont vu l’Alternative für Deutschland (AfD) atteindre un score historique. Cette coalition « mûre », car noire, violette et rouge, regrouperait l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de centre droit, l’inclassable nouvelle Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), et le Parti social-démocrate (SPD) de centre gauche, qui mettraient de côté leurs différends pour empêcher l’extrême droite de gouverner. Le même schéma pourrait se répéter dans le Brandebourg, autre Land d’ex-Allemagne de l’Est, le 22 septembre prochain. Une coalition contre nature qui met le cordon sanitaire à rude épreuve.
C’est le BSW qui attire tous les regards, ayant obtenu le deuxième total de sièges le plus important parmi les partis prétendants à la coalition. La nouvelle alliance, fondée par l’éponyme Sahra Wagenknecht, est issue d’une scission fin 2023 des marxistes de Die Linke, qui reprochent au parti une approche de la gauche trop citadine. « Son idéologie est difficilement classable », analyse Nathalie Le Bouëdec, professeure de civilisation allemande à l’Université de Bourgogne. Alors que le BSW a conservé la plupart du parti économique de Die Linke, il prend une ligne « conservatrice notamment sur l’immigration, sujet très central en Allemagne, mais aussi sur la famille et la transidentité ». Assez pour plaire à la CDU, plus droitière dans l’est du pays ?
Un mariage forcé qui fait débat
L’échelle de gouvernement, ici régionale, facilite les négociations. Car si le BSW prône principalement l’abandon de l’aide à l’Ukraine et un rapprochement avec Vladimir Poutine – ce qui est hors de question pour la CDU et le SPD –, cette revendication ne trouve que peu de résonance dans un parlement régional. Du reste, la CDU, partenaire se gratifiant du plus de sièges, navigue en eaux troubles. Le programme du BSW présente des non-dits importants qui rendent les accords difficiles. Paradoxalement, le flou idéologique, tout comme l’absence d’historique entre BSW et CDU, peut aussi rendre une alliance plus facile à justifier auprès des militants de cette dernière.
Mais à la CDU, « la coalition reste très contestée en interne », tempère Nathalie Le Bouëdec. La partie économique du programme de Die Linke, que l’on retrouve donc dans celui de BSW, fait partie des raisons pour lesquelles « la CDU n’a jamais voulu avoir quoi que ce soit à faire avec Die Linke ». La coalition « mûre » est donc encore loin d’être conclue. « On vante souvent la capacité des Allemands à faire des compromis, mais là, on atteint les limites de la cohérence politique », observe la professeure.
La CDU, le BSW et le SPD peuvent néanmoins converger sur quelques points. Les trois partis veulent tirer les leçons du Covid-19 pour revoir leur politique sanitaire. Tous veulent aussi mieux pourvoir les zones rurales en services publics. Puis, la CDU comme le BSW veulent mettre fin à l’immigration – et le SPD d’Olaf Scholz vient de durcir sa ligne à l’échelle nationale.
Un cordon qui s’effrite sur le fond ?
Ce revirement de la coalition gouvernementale de centre-gauche sur l’immigration illustre justement la pression grandissante qui pèse sur le cordon sanitaire. Les alliances contre nature « peuvent aussi faire débat chez les électeurs, ajoute Nathalie Le Bouëdec. Pour l’instant, il tient […] car il s’agissait des sections de l’AfD les plus radicales avec un néo-nazi à la tête de la liste en Thuringe, mais la pression s’accroît. »
C’est cette pression, accentuée par le récent attentat de Solingen, l’abyssale popularité d’Olaf Scholz et les résultats électoraux catastrophiques des partis gouvernementaux en ex-République démocratique d’Allemagne, qui a poussé les Verts et le SPD à adopter des politiques plus sévères sur l’immigration à un an des élections fédérales. Premier test le 22 septembre dans le Brandebourg. Si le SPD devrait pouvoir compter sur la banlieue de Berlin pour freiner l’hémorragie, l’AfD reste favorite des sondages.
Dans la nuit du 23 au 24 septembre, Donald Trump tiendra un meeting de campagne à Wilmington, en Caroline du Nord. Il y réaffirmera son soutien au républicain Ted Budd, candidat à la Chambre des représentants pour les élections de mi-mandat états-uniennes. L’ancien président apparaît comme le leader de la campagne républicaine, malgré les réticences de plusieurs membres du parti.
« En général, les présidents battus sont en retrait pour les midterms », souligne Simon Grivet, maître de conférence en histoire et civilisation états-uniennes à l’université de Lille. Pourtant, Donald Trump, battu lors de l’élection présidentielle en 2020 par Joe Biden, apparaît comme le chef de file du parti républicain pour les élections de mi-mandat. Dans la nuit du 23 au 24 septembre (à 19h heure locale), il tiendra un meeting à Wilmington, en Caroline du Nord, pour soutenir le candidat républicain à la Chambre des représentants Ted Budd.
⭕️ TRUMP : « Les démocrates radicaux considèrent 75 millions d’Américains comme des ennemis à annuler et à réprimer. Ça n’arrivera pas. Ils veulent vous censurer sur Internet, vous bannir de la place publique, vous faire licencier de votre emploi, vous cibler pour destruction ⬇️ pic.twitter.com/2rKaehTQTd
« Il reste le favori chez les républicains » explique l’enseignant. Un sondage d’USA Today et d’Ipsos Survey publié le 28 août révèle que 59% des électeurs républicains sont favorables à une candidature de Donald Trump à la présidentielle 2024. Ses partisans sont nombreux à faire le déplacement lors de ses meetings, arborant pour la plupart l’acronyme MAGA, en référence au slogan de l’ancien président : « Make America great again ».
Ces midterms se tiennent deux ans après la dernière élection présidentielle, soit au milieu du mandat de Joe Biden. Les 435 sièges de la Chambre des représentants seront entièrement renouvelés. Ce sera également le cas d’un tiers des sièges du Sénat. L’objectif principal des Républicains est de décrocher la majorité dans ces deux instances, jusque-là dominée par le parti démocrate.
Imposer des candidats trumpistes
La campagne a débuté au mois de juin par des primaires dans de nombreux États. Elles ont permis aux partis d’élire leurs candidats en interne. Donald Trump a aussitôt pris position en faveur de candidats trumpistes, fidèles à ses idées. « Il a en quelques sortes sortes utilisé l’argent collecté pendant des mois depuis sa défaite pour créer un parti républicain à son image, explique Simon Grivet. Il s’est attaché à éliminer les adversaires dans son propre parti, comme Liz Cheney. » La candidate républicaine dans le Wyoming a été battue le 16 août dernier par Harriet Hageman, soutenue par l’ancien président états-unien.
L’omniprésence de Donald Trump dans les médias et sur la scène politique ne satisfait pas tous les membres du parti républicain. « Certains Républicains lui reproche de trop s’impliquer et de nuire au parti », explique Marie-Christine Bonzom, politologue spécialiste des États-Unis. Au-delà de son engagement politique, l’ancien président occupe le devant de la scène à cause des affaires judiciaires qui le visent. Fraude fiscale, responsabilité dans l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021 et conservation illégale de documents classés « secret défense » : l’ancien président a fort à faire avec la justice.
Donald #Trump dénonce une « nouvelle chasse aux sorcières » après la plainte pour fraude fiscale adressée par la procureure générale de New York, l’accusant de poursuites politiques #AFPpic.twitter.com/xgdNWCr4hK
« Avec sa personnalité et sa situation judiciaire, il fait de l’ombre au programme républicain », développe la politologue. Ces élections de mi-mandat sont traditionnellement l’occasion, pour les électeurs américains, de s’exprimer sur la politique menée par le président actuel. Les républicains entendent jouer ce qu’ils considèrent comme les points négatifs de la première moitié du mandat de Joe Biden, tels que l’inflation ou l’afflux de migrants à la frontière mexicaine. Mais avec Donald Trump, « les questions de l’ordre du personnel prennent le pas sur le programme », complète Marie-Christine Bonzom.
Pour elle, cette situation bénéficie surtout à Joe Biden et aux démocrates. « Ils sont en train de faire en sorte que ce scrutin, qui en général est une sorte de référendum sur le bilan du président, soit un référendum anti-Trump. » L’ancien président républicain apparaît alors comme un leader dérangeant pour son parti contraint, pour le moment, de l’accepter, comme l’explique le maître de conférence Simon Grivet : « Beaucoup aimeraient se passer de lui mais sont, pour l’instant, obligés de lui être fidèles » à cause de son influence dans le paysage politique états-unien.
À l’approche des élections législatives, les habitants de la première circonscription des Hauts-de-Seine semblent traversés par un désintérêt politique. Le territoire est toutefois marqué par un ancrage communiste depuis des décennies.
« Avec les politiques, on se sent complètement abandonné. On est délaissé », déplore Ouarda, 57 ans, habitante de Colombes-Nord depuis sa naissance. Son amie Khadija renchérit : « je ne voterai pas pour les législatives, on est tellement déçu aujourd’hui ». Et elles ne sont pas les seules. Dans la 1ère circonscription des Hauts-de-Seine, l’abstention est à la hausse. En 2017, elle a atteint un taux record. Plus de 65% des habitants de Colombes-Nord, Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne, les trois villes qui composent la circonscription, se sont abstenus au second tour des élections législatives. La circonscription déplore le taux d’abstention le plus élevé du département. Elle dépasse même la moyenne nationale, qui obtenait son taux le plus élevé depuis 1958 aux dernières élections. Lors du second tour, 57,36% des électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux urnes. Un mauvais présage pour les élections législatives qui approchent à grands pas.
Pour Jean-Marie, retraité de 69 ans, cette abstention est justifiée. « Les députés perdent leur identité et ne sont plus en lien avec la population. Si c’est simplement une fois tous les cinq ans pour les élections qu’on les voit faire le tour du marché, ça n’a aucun intérêt. » Le villenogarennois déposera, malgré cela, son bulletin dans l’urne les 12 et 19 juin prochain. Cette abstention s’explique, en partie, par les difficultés qui composent le territoire. Dans le deuxième département le plus riche de France (Insee, 2021), la première circonscription comptabilise le taux de pauvreté le plus élevé. Plus de la moitié des ménages, soit 55,3%, sont considérés comme pauvres ou modestes. En comparaison, 40,2% des ménages sont considérés comme tels au niveau national.
À travers une précarité prédominante, les habitants de la circonscription ne se sentent pas représentés par les potentiels futurs députés. « La dernière élue que j’ai vu dans mon quartier est morte il y a une dizaine années, se désole Bernardier, habitant de Gennevilliers depuis les années 1970. La communication superflue ça y va, mais pourtant rien ne vaut le porte à porte. » Il ira tout de même voter. Ce qui n’est pas le cas d’Angie, étudiante de 19 ans. « Les politiques ne m’intéressent pas et, en plus, ici on ne voit rien. Les candidats ne viennent même pas à notre contact. » Un ressenti qui pourrait bouleverser l’ancrage politique de la circonscription.
Un bastion communiste coûte que coûte
« Elsa Faucillon (PCF) a de la bouteille. Elle est accessible. On la trouve devant les écoles et sur le marché le matin… j’ai beaucoup d’admiration pour elle », avoue Fedoua, membre du conseil citoyen apolitique de Villeneuve-la-Garenne. Depuis 1967, la première circonscription des Hauts-de-Seine appartient au Parti communiste français. Cet ancrage politique à gauche se caractérise notamment par la catégorie socio-professionnelle de la circonscription. Les actifs du territoire sont composés à plus de 50% d’ouvriers et d’employés.
Les socialistes avaient raflé la circonscription en 2012 lors de l’élection présidentielle de François Hollande (PS), avant qu’Elsa Faucillon ne la rende au PCF en 2017. Désormais, elle est la seule député de gauche du département. Mais elle ne fait pourtant pas l’unanimité. « Je ne suis pas sûre qu’Elsa Faucillon soit réélue car elle s’est alliée à Jean-Luc Mélenchon (LFI), s’avance Ginette, villenogarennoise de 69 ans et bénévole du secours catholique. À mon avis, ça va être très difficile pour elle. » Avec l’alliance de gauche nommée NUPES et composée notamment du PS, EELV, LFI et PCF, Elsa Faucillon devient la candidate d’une gauche unie. Mais pourtant, pas toute la gauche. Le NPA, qui n’a pas souhaité s’allier à ces quatre partis, a décidé de déployer des candidats dans tout le département. Et pour la première circonscription, c’est Gaël Quirante qui les représente. Une candidature qui a fait réagir Patrice Leclerc (PCF), suppléant actuel d’Elsa Faucillon et maire de Gennevilliers.
Le « révolutionnaire » professionnel Gaël Quirante se se présente à Gennevilliers contre la seule députée du 92 qui a soutenu les mouvements sociaux et divise son mouvement le @NPA_officiel qui a Gennevilliers appelle à voter @ElsaFaucillon. pic.twitter.com/VYFFOK20Oj
— Patrice Leclerc – Gennevilliers 🔻🐝 (@patrice_leclerc) May 22, 2022
Cependant, cette candidature ravit des électeurs qui ne se reconnaissent pas dans cette alliance de la NUPES. « Moi je suis de gauche, mais je ne voterai jamais pour une alliance avec Jean-Luc Mélenchon. Je me reconnais plus dans le candidat du NPA, qui défend une vraie gauche », reconnaît Bernardier. Pour certains habitants, la gauche au pouvoir dans la circonscription n’a pas permis le changement. Et ce constat pourrait bien favoriser l’un des onze autres candidats de la première circonscription.
Candidats de droite, siège de gauche
À Colombes-Nord, à Gennevilliers et à Villeneuve-la-Garenne, une problématique se distingue : l’accessibilité des logements. Plus de 70% des logements sont occupés par des locataires au coeur de la circonscription. « Les logements ne sont pas accessibles. Ils font des nouveaux logements très chers et on ne peut pas y accéder. Et depuis des années, il n’y a aucun changement : on nous a oublié », s’attriste Ouarda. Certains candidats espèrent devenir le visage de ce changement. « Si les gens ne votent pas, c’est parce qu’ils ont besoin d’une offre qui leur parle. Les uns et les autres doivent s’approprier une candidature », affirme Abdelaziz Bentaj, candidat Les Républicains.
Pour Mariam Camara, candidate du Rassemblement National, « il y a trop d’exclusion dans ce territoire et il y a beaucoup de souffrance. Avec le Rassemblement National, je pourrai enfin vraiment les rassembler. » La question se pose puisque, depuis l’ascension politique de Marine Le Pen, le parti d’extrême droite recueille principalement les voix des ouvriers. Malgré cette volonté de concilier électorat et urnes, les candidats de la première circonscription ne semblent toujours pas établis sur le territoire. « Je vote à toutes les élections, mais cette fois-ci, les visages politiques ne me parlent pas trop », s’étonne Amélie*. Pour beaucoup, les élections législatives paraissent abstraites.
Avec une dynamique de dépolitisation, la population de la première circonscription perd espoir. Jamel, épicier dans le quartier du Stade (Colombes-Nord) depuis 1988, se désole.
« Il n’y a plus beaucoup d’espoir. On ne croit plus que les choses vont changer. Les candidats ont même peur de venir dans le quartier. »
Un client entre dans la boutique et s’accorde avec le commerçant. « Je suis né ici il y a 60 ans et, pour moi, les politiques travaillent pour eux et c’est tout. C’est de l’entre soi. J’irai voter mais sans grande conviction. C’est vraiment malheureux. »
Une campagne électorale qui ne parvient pas à s’imposer, des habitants qui se sentent délaissés et des candidats qui tentent le tout pour le tout : les résultats des élections législatives de la première circonscription des Hauts-de-Seine seront véritablement déterminants pour le dernier bastion communiste du département.
La course aux législatives est lancée. Et dans une circonscription qui a tendance à voter à droite, le RN et la Nupes n’ont pas dit leur dernier mot et tentent de convaincre les indécis qu’un autre choix est possible les 12 et 19 juin prochains.
Sous le grand dôme du marché des Vallées à la Garenne-Colombes (Haut-de Seine), les habitants sont plus prompts à négocier les prix des légumes qu’à discuter des législatives. « Tous des pourris », peste une passante. Et pourtant, le 12 et le 19 juin, les Français devront élire les députés qui siègeront à l’Assemblée nationale. Mais à quelques jours du scrutin, la campagne n’a pas l’air d’avoir totalement démarré.
Dans la troisième circonscription des Hauts-de-Seine, les panneaux d’affichage sont encore vides. Dans le cas contraire, le duel se joue entre les candidats de droite, Aurélie Taquillain (Ensemble) et Philippe Juvin (LR).
Dans cette circonscription, qui unit les cantons de la Garenne-Colombes, Bois-Colombes, Courbevoie-Nord et Courbevoie-Sud, le vote se situe traditionnellement à droite. Aux dernières législatives (2017), c’est LREM qui a remporté la circonscription sous la bannière de Christine Hennion. Avec 46,59% des voix au premier tour, la députée sortante a pu bénéficier du vote d’une population plutôt aisée composée majoritairement de cadres sup quadragénaires. Un résultat proche de l’abstention dans la circonscription : 44,40% au premier tour et plus de 50% au second.
« C’est l’abstention qui va nous tuer »
Une des causes d’un tel taux d’abstention : le désintérêt des habitants pour ces élections. « Il faut aimer se prendre des vents », ironise Waleed Mouhali, élu EELV à la Garenne-Colombes et militant pour Sara Tij, la candidate investie par la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). En ce matin de tractage à l’arrêt du T2 de Charlebourg, il essuie les refus des passants. Un phénomène symptomatique, selon lui, de la déception et de la lassitude envers les politiques, deux maux qui contaminent la conscience des électeurs. Une seule issue : « c’est l’abstention qui va nous tuer ».
Agnès Laffite, candidate du Rassemblement national (RN), connaît la même difficulté : « On va essayer de toucher les abstentionnistes. Le pays se désintéresse de la politique. Je peux comprendre que les gens soient déçus mais il faut qu’ils sachent que si eux ne vont pas à la politique, la politique ira de toute manière à eux », avertit-elle.
Les législatives ont aussi moins d’intérêt que les autres élections aux yeux de la population. Pas assez « impliqués » au niveau local, les Altoséquanois de la troisième circonscription n’ont pas d’attentes précises pour les candidats aux législatives. « On a toujours voté, mais cette fois-ci, c’est moins important », analyse un retraité garennois, qui préfère rester anonyme. Son vote sera identique à celui de la présidentielle. « Nous avons un peu mis de côté les propositions locales : entre ce que propose le maire de la Garenne-Colombes (Philippe Juvin), et ce qu’on ressent chez nous, il y a une différence », poursuit-il. Son épouse et lui déplorent les immeubles qui ne cessent d’être construits – parfois au détriment d’espaces verts – et une ville de plus en plus peuplée. Sur les jeunes, ils portent un regard tout aussi critique. « On a l’impression que les jeunes sont moins intéressés par le vote », souligne la retraitée. Un choix qu’ils jugent « regrettable ».
Autre raison : le peu d’informations sur les législatives. Nicolas Lacara a 34 ans. Réalisateur-scénariste, il vit et vote à Bois-Colombes depuis quatre ans. D’un point de vue local, il regrette le manque de communication autour des législatives, à tel point qu’il ne connaît pas le nom du candidat investi par son parti. «Je suis surpris de voir qu’on ne reçoit pas tous les programmes », ajoute-t-il. Adèle, la trentaine, professeure dans le Val d’Oise, soulève le même problème. « On n’est pas assez bien informé, il y a moins de sensibilisation : on a pas assez parlé des législatives », estime-t-elle.
La droite en terrain conquis
Le fait que les électeurs de la circonscription soient déjà convaincus par les candidats de droite peut également expliquer la lenteur du démarrage de la campagne. Demandez aux passants dans les rues de la Garenne-Colombes ou de Bois-Colombes quels sont les candidats dans le 92.3 et tous résumeront ces élections à deux personnes : Aurélie Taquillain et Philippe Juvin. Un scénario qui s’est déjà produit en 2017 avec d’autres candidats. «Même si on arrive au second tour, on a aucune réserve de voix : LREM appellera à voter LR, et LR votera LREM”, note Waleed Mouhali. La candidate LREM n’était d’ailleurs pas présente au débat sur France 3 Paris, une absence que ses homologues ont dénoncé en chœur sur Twitter.
Pourquoi changer de bord quand il fait bon vivre dans la circonscription. Les habitants des trois communes semblent satisfaits. Claudie Thilloy, 80 ans, n’a pas encore totalement fait son choix : « Il y a de grandes chances pour que je sache pour qui je vais voter, mais on hésite tout de même », indique-t-elle. Garennoise depuis 70 ans, elle n’a pas beaucoup de reproches à faire à ses élus. Même les immeubles qui sortent de terre ne la dérangent pas. « Ils sont très jolis », commente-t-elle lorsqu’elle en parle. La seule chose dont elle pourrait se plaindre serait l’absence de métro entre Levallois-Perret et la Garenne-Colombes. « Mais on a beaucoup de transports autrement. Il y a le bus, c’est très bien », nuance-t-elle peu après.
Andreia Barros, commerçante, partage le même avis. Elle a toujours voté pour les législatives. Plus soucieuse des enjeux locaux, elle demande tout de même aux candidats plus d’honnêteté, de « dire la vérité, de plus écouter les gens qui ont des besoins, qui veulent aider ». Mais elle ne souhaite qu’une chose : « que ça continue comme ça, on est très bien à la Garenne-Colombes ». « On ne peut rien dire, on a tout ce qu’il faut, je conseille à tout le monde », continue-t-elle. Pourtant, dans ses yeux, les larmes ne sont pas loin. L’émotion la gagne. Sans franchise et face à l’augmentation des loyers, Andreia n’a plus les moyens de maintenir son commerce.
Elle devra bientôt céder son magasin, pour s’installer ailleurs. Elle ignore encore où.
Sa fille a déjà vendu son studio garennois pour acheter un deux pièces dans une autre commune des Hauts-de-Seine. A-t-elle remarqué d’autres changements ? « Ce n’est pas comme avant…», élude-t-elle. Elle n’en dira pas plus.
Nupes et RN : battus mais pas abattus
Claudie aussi a pu observer les changements dans sa ville. « Il n’y a pas beaucoup de commerçants, ils essaient de venir… Moi j’ai connu la Garenne il y a 40,50 ans, et il y avait plein de commerçants, ça marchait bien », se souvient-elle, « ça a beaucoup augmenté, c’est très prisé, même mes enfants sont partis vers Colombes ».
Si Emmanuel Macron est arrivé en tête des scores, c’est Jean-Luc Mélenchon qui s’est hissé à la seconde place, avec près de 20% des voix, à la présidentielle. Un témoignage des mutations électorales dans cette circonscription où la droite semble déjà l’avoir remportée. « Le territoire est en train de changer », constate Waleed. Un résultat qui s’explique aussi par la diversité de la population : la circonscription abrite beaucoup de cadres mais également une classe moyenne basse, en quête de programme social et écologique, à l’image de Nicolas ou d’Adèle. Mais ces derniers « sont trop peu nombreux pour peser sur le vote », souligne l’élu.
Malgré tout, Nupes a senti le vent tourner et s’est engagé dans la brèche, tentant de changer les habitudes de vote. Entre la finale de la Ligue des Champions et une rencontre avec Caroline de Haas diffusée sur Twitch, Sara Tij multiplie les réunions publiques et s’affiche sur le terrain; Pour Adèle, le choix était « plutôt facile ». Elle qui « veut être entendue sur des questions sociales et écologiques » va suivre la ligne directrice de la présidentielle, où elle avait voté Mélenchon, et voter Nupes le 12 juin prochain. « J’aimerais bien que les idées soient plus tournées vers le social et l’éducation », justifie-t-elle. Nicolas quant à lui votera pour la première fois aux législatives. « Je crois qu’il y a une urgence politique : c’est le moment, et n’importe quelle voix compte », déclare-t-il. Il s’est même étonné de « la mobilisation surprenante» pour ces élections.
A l’autre extrémité du spectre politique, tout aussi est mis en œuvre pour tenter de séduire les électeurs. Malgré une campagne « très difficile », Agnès Laffite veut « faire barrage à l’abstention ». Et de continuer : « le département des Hauts-de-Seine n’est pas trop favorable au RN, même s’il y a une progression des voix depuis 2017 ». Si la droite semble croire en sa victoire, dans la troisième circonscription des Hauts-de-Seine, la gauche et l’extrême-droite n’ont pas encore rendu les armes.