Élections européennes : assiste-t-on à une « guerre des gauches » ?

À quatre jours du scrutin des européennes, les principales forces politiques de gauche apparaissent profondément divisées. De quoi interroger sur l’avenir d’une union qui avait vocation à barrer la route au Rassemblement national, que les sondages donnent vainqueur dimanche 9 juin.

« Il n’y a plus de Nupes […] Ce qu’on a construit est déjà détruit ». Le 1er décembre 2023 à Rochefort, Jean-Luc Mélechon avait définitivement enterré l’union des gauches, celle qui s’était imposée comme première force d’opposition devant l’extrême-droite à l’issue des élections législatives de 2022. À quatre jours du scrutin européen, au terme d’une campagne qui a vu se multiplier les mésententes entre têtes de listes de gauche, la question de divisions « irréconciliables » se pose à nouveau. Du moins, en apparence.

Dès le début de sa campagne, la tête de liste Parti socialiste (PS) – Place publique Raphaël Glucksmann a affiché sa volonté de rompre avec le parti de Jean-Luc Mélenchon, en incarnant une gauche qui ne se prend « ni pour Jupiter, ni pour Robespierre ». En réponse, la candidate de la France insoumise (LFI) Manon Aubry a consacré une belle part de sa campagne à fustiger son homologue, affirmant qu’il agissait en « diviseur de la gauche ». Elle lui reproche certaines prises de positions contraires à celles du programme de la Nupes, notamment sur la défense de la retraite à 60 ans, à laquelle le leader de la liste socialiste s’est finalement dit être opposé. Il avait aussi rejoint Valérie Hayer, tête de liste Renaissance, sur une opposition à une sortie du marché européen de l’électricité.

Des oppositions de fond ?

Raphaël Glucksmann s’était publiquement agacé de ces remontrances : « Vous faites de moi votre cible principale. […] Concentrez-vous un peu sur l’extrême-droite, lâchez-moi un peu les baskets », avait-il répondu à Manon Aubry lors d’un débat sur BFMTV. De son côté, la tête de liste des Écologistes, Marie Toussaint, a déploré que le groupe socialiste européen « cède à la pression » dès qu’advient « une crise sociale, environnementale ou une guerre ».

Sur le papier, les programmes des principaux candidats de gauche ne sont – dans l’esprit – pourtant pas si différents. Manon Aubry, comme Raphaël Glusckmann et Marie Toussaint, souhaitent par exemple renforcer les pouvoirs du Parlement européen en le dotant de l’initiative législative. Tous trois portent des propositions visant à taxer – à hauteurs variables – les superprofits, et mettre fin aux accords de libre-échange, du moins pour l’agriculture, en ce qui concerne Raphaël Glusckmann. Sur le pan écologique, LFI et les Écologistes visent l’objectif des 100% d’utilisation d’énergies renouvelables d’ici 2040. C’est 75% pour le PS – Place publique.

En matière de diplomatie, les trois têtes de listes se disent également favorables à la reconnaissance d’un État palestinien. Un point de divergence majeur réside cependant dans la question de l’élargissement de l’UE : seule Manon Aubry se dit défavorable à toute intégration de l’Ukraine qui se ferait sans « harmonisation sociale, fiscale et environnementale » préalable, tandis que ses homologues du PS et de EELV la soutiennent.

Il y a sans doute une logique de compétition électorale qui peut donner lieu à des tensions – Jérôme Letournel, chercheur en histoire politique

Alors, oppositions de fond ? La chercheuse en science politique Laura Chazel a consacré une étude aux similitudes et aux divergences des votes des eurodéputés LFI, PS et Europe Écologie les Verts (EELV), dans plusieurs catégories et entre 2019 et 2023. Sur cette période, elle a identifié que le pourcentage global de cohésion de votes entre LFI et le PS était de 76%, et de 86% entre EELV et le PS.

Pourcentage de cohésion des voix entre LFI/PS, LFI/EÉLV, PS/EÉLV au Parlement européen entre 2019 et 2023. Crédit : Laura Chazel

« Le PS voit l’occasion de reprendre le leadership à gauche »

Mais alors, pourquoi les divisions sont-elles apparues si marquées pendant la campagne des européennes ? « Il y a sans doute une logique de compétition électorale qui peut donner lieu à des tensions, estime Jérôme Letournel, chercheur en histoire politique. Il y a aussi des stratégies de campagne qui sont assez différentes : la liste de LFI a choisi un axe de campagne très orienté sur conflit israélo-palestinien. La manière de faire campagne autour de ce thème n’est pas forcément partagée [par les autres listes de gauche].»

Il faut aussi rappeler qu’en 2019, LFI et le groupe socialiste avaient terminé aux coudes à coudes aux élections européennes, héritant chacun de six sièges au Parlement européen. Depuis, LFI s’est imposé dans l’offre électorale face au parti à la rose – dont certains avaient diagnostiqué la « mort » après le quinquennat Hollande –, en témoignent les quelques 1,7% des voix recueillies par Anne Hidalgo à la présentielle de 2022.

 

Mais à présent, c’est la liste menée par Raphaël Glucksmann qui prétend concurrencer celle de Valérie Hayer, en se plaçant seulement deux points derrière, avec 13,5% des voix dans les derniers sondages. LFI, elle, pourrait terminer à 9%, à trois points devant les Écologistes. « Le PS voit l’occasion de reprendre le leadership à gauche, durablement ou pas, suggère Jérôme Letournel. Il y aurait là un certain succès symbolique. » Le chercheur de l’université de Caen reste toutefois prudent, estimant qu’il serait « prématuré » de tirer des conclusions sur la durabilité de cette dynamique favorable au PS. Un appel à la prudence notamment lié au fort taux d’abstention traditionnellement associé au scrutin européen.

Sarah-Yasmine Ziani

Les stratégies des “Jeunes Ecolos” pour attirer la jeunesse

“Les Jeunes écolos” fonctionne un peu comme une ONG qui essaie de convaincre la jeunesse à la transition écologique” explique Théo Garcia-Badin, co-secrétaire fédéral Jeunes Écolos, le parti jeune d’Europe-Ecologie-les-Verts. Les actions militantes vont du simple tractage et affichage à des actions plus sensationnelles : les actions de “light-off” où les jeunes militants éteignent les lumières des magasins la nuit, grâce à un boîtier extérieur, ou encore des “Plastic attack” pour dénoncer la sur-consommation de plastique.

Deux Jeunes Ecolos dans leur local à Paris.

« On joue sur la mise en scène et le côté fun » explique-t-il. Pour inciter les jeunes à militer, ils organisent des formations en ligne une fois par semaine. Facebook et Twitter ayant été délaissés par la nouvelle génération, la communication du parti bat son plein sur Instagram où il publie des visuels ludiques et des slogans accrocheurs tels que « nique pas ta mer ».

Camille Kauffmann et Esther Michon

5 questions à Aminata Niakaté, candidate écologiste dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine

Cette jeune avocate est la candidate d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine. Si son nom ne vous disait rien avant les législatives, c’est normal, Aminata Niakaté vient de Vitry-sur-Seine. Rencontre pour comprendre ce qui l’a poussée à se présenter.

Aminata Niakaté (à droite) est la candidate EELV sur la 9e circonscription des Hauts-de-Seine avec pour suppléant David Gau (à gauche). Crédit: Chloé Tixier
Aminata Niakaté (à droite) est la candidate EELV sur la 9e circonscription des Hauts-de-Seine avec pour suppléant David Gau (à gauche). Crédit: Chloé Tixier

D’où vient votre engagement écologique ?

Etant originaire du Mali je me sens concernée par cette problématique. Là-bas il y a la pollution des plastiques, j’ai vu des fermiers faire faillite parce que de gros industriels du secteur agroalimentaire sont venus s’y installer, ce qui les a ruinés. Je suis donc très sensible à ce genre de sujet. Et de manière générale, les questions de santé publique, le non-gaspillage et le commerce équitable sont des thèmes qui me touchent particulièrement.

Pourquoi Europe Ecologie Les Verts ?

J’ai toujours voulu m’engager en politique pour pouvoir participer aux décisions qui vont régir ma vie, je ne voulais pas seulement être spectatrice. J’ai décidé de m’engager en 2009, juste après les européennes, car je me suis rendue compte que les écologistes ce n’est pas que l’environnement, c’est aussi les questions d’égalité, auxquelles je suis sensible, et l’idée de faire de la politique autrement. Ce sont ces principes là qui m’ont fait franchir le pas et m’engager politiquement chez EELV.

Pourquoi être candidate à Boulogne-Billancourt alors que vous venez de Vitry-sur-Seine ?

C’est vrai que ce n’est pas du tout mon territoire mais les militants avaient besoin d’une candidate, ils m’ont sollicitée et j’ai accepté d’y être la porte-parole des écologistes. De toute façon, je n’avais pas vocation à l’être sur mon territoire puisque qu’EELV a décidé de soutenir le candidat socialiste. Et comme l’enjeu est national, peu importe que je sois d’ici ou d’ailleurs, le programme porté est le même pour tous les candidats écologistes. On pourrait croire que ça dérangerait les gens mais au final, quand on va leur parler, on a plutôt un bon accueil.

Pensez-vous que vous avez une chance dans cette circonscription ancrée à droite ?

Ah c’est sûr qu’en venant ici je savais que c’était une terre de mission. Mais en même temps, le contexte est aussi compliqué pour la droite, puisqu’il y a deux candidats LR-UDI. En plus il n’y a pas de candidat En Marche. Quant au PS il soutient l’Union des Démocrates et des Ecologistes (UDE) mais de loin, donc on a une chance. Après, moi je suis une optimiste incorrigible. Ce qui ne veut pas dire que j’ai peur de l’échec. Car même si on ne remporte pas les élections, on sait qu’on progresse dans le débat d’idées, que la société devient de plus en plus sensible aux questions écologiques. Et si je suis venue faire campagne ici c’est aussi pour faire avancer ce débat là.

Comment vous imaginez-vous la vie en tant que députée ?

Alors je me suis toujours dit « si t’y vas, il faut que t’aie ton gagne pain à côté». Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que j’ai vu des gens changer au fur est à mesure des années parce que c’était devenu un enjeu financier et alimentaire de garder son mandat. Or, à partir de ce moment là, l’engagement passe au second plan. Donc je tiens à rester avocate malgré tout.

Sarafina SPAUTZ

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L’écologiste Noël Mamère votera Macron « sans se pincer le nez »

Le député-maire de Bègles Noël Mamère a déclaré ce matin dans un entretien à France Bleu Gironde : « J’irai voter pour Emmanuel Macron, sans me pincer le nez. »

Pour l’écologiste, si Emmanuel Macron est élu, « on peut aller dans la rue, on peut combattre sa politique ». A l’inverse, le député estime que Marine Le Pen représente « le risque d’avoir une démocratie complètement défigurée ». Il appelle à battre le Front National avec un pourcentage de voix important au second tour mais également aux législatives afin d’éviter un mandat instable.

Noël Mamère avait déclaré en janvier qu’il ne se représenterait pas aux élections législatives et quitterait en même temps son mandat de maire.

 

Louise Boutard