Déchets nucléaires à Bure : des opposants au projet Cigéo au tribunal mardi

En 2017, le projet Cigéo de centre de stockage sous-terrain des déchets nucléaires à Bure (Meuse) avait entraîné une vive contestation. Sept opposants au projet seront jugés, à partir du mardi 1er juin, devant le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc (Meuse). Ils sont notamment poursuivis pour « association de malfaiteurs ».

Sept opposants au projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse) seront jugés par le tribunal correctionnel de Bar-le-Dur (Meuse) à partir de mardi 1er juin, pour association de malfaiteurs notamment. ©Illustration Pixabay

En 2017, l’opposition au projet Cigéo de centre de stockage en profondeur des déchets nucléaires était particulièrement virulente. Sept des organisateurs et participants d’une manifestation « illicite » sont poursuivis en justice au tribunal de Bar-le-Duc (Meuse).

Poursuivis pour « association de malfaiteurs »

Trois prévenus poursuivis pour « association de malfaiteurs », se voient reprocher l’organisation de cette manifestation, « participation à un attroupement après les sommations de dispersion » au cours de cette manifestation, et détention de « substances ou produits incendiaires », détaille l’AFP.

Trois autres prévenus ne comparaîtront que pour la détention de « substances ou produits incendiaires » et une septième personne pour avoir exercé des violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, des gendarmes en l’occurrence. À noter que ces violences n’ont pas entraîné d’interruption temporaire de travail.

Le collectif de lutte contre l’enfouissement des déchets radioactifs a d’ores et déjà annoncé son soutien aux opposants au projet traduits en justice, via Twitter. Une manifestation en soutien sera organisée mardi.

De même, l’association Sortir du Nucléaire supporte les sept prévenus à la veille de l’audience correctionnelle qui durera trois jours, du 1er au 3 juin : « Pour tenter de discréditer la lutte contre #Cigéo, des moyens dignes de la lutte antiterroriste ont été déployés : surveillance et fichage massifs, des centaines de téléphones écoutés, une cellule de gendarmerie dédiée… et tout cela pour un dossier creux! »

Ces propos sont approuvés et renforcés par l’un des avocats de la défense : « On a été très très loin, pour revenir à quasiment rien : finalement, on se retrouve avec un débat autour d’une manifestation. La grande association de malfaiteurs, fantasmée par l’accusation, ne ressemble plus à grand chose », a estimé auprès de l’AFP Me Raphaël Kempf. La préfecture attend environ 400 personnes, dont des personnalités politiques écologistes en soutien aux prévenus pour le procès.

Sollicité par l’AFP, le procureur de la République de Bar-le-Duc, Sofiane Saboulard, a souligné que les prévenus ont bénéficié « de l’ensemble des recours permis par le code de procédure pénale ». Décision attendue le 3 juin.

Marine Ledoux

 

Extinction Rebellion : quel est ce mouvement écologiste de désobéissance civile ?

Ce mouvement, né au Royaume-Uni en 2018, multiplie les actions coups de poings comme l’occupation samedi du centre commercial parisien “Italie 2”. En France, ils seraient plus de 6.000 à avoir rejoint les rangs d’Extinction Rebellion (XR) pour protester contre l’inaction climatique.

Les militants d’Extinction Rebellion (XR), un mouvement social écologiste fondé sur la désobéissance civile, font parler d’eux. Samedi 7 octobre, ils occupaient le centre-commercial Italie 2. Ce lundi, ils lancent la semaine de désobéissance civile. Mais que sait-on sur ce mouvement relativement récent en France ?

 

Des militants d’Extinction Rebellion, samedi 7 octobre,  lors de l’occupation du centre-commercial Italie 2. Crédit : Jacques Demarthon/AFP

 

  • D’où vient le mouvement ?
    XR est implanté dans 58 pays . Ce mouvement n’est pas français mais bien international. Né à Londres en 2018 par des militants de Rising Up, un mouvement social de désobéissance civile, il est rapidement implanté dans  une soixantaine de pays selon l’organisation. Pour la semaine de la désobéissance civile, qui a débuté lundi 7 octobre, les actions seront donc étendues à l’international.

 

  • Quelles sont leurs revendications ?
    Ce mouvement est avant-tout écologiste. Au niveau international, il réclame  trois mesures aux gouvernements à l’international,  quatre en France. Ces mesures sont assez générales : reconnaissance de l’État de l’urgence écologique et demande d’une communication honnête, réduction immédiate des gaz à effets de serre, arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres et création d’une assemblée citoyenne.

 

  • Comment agissent-ils ?
    Le principe de la mobilisation d’XR s’inspire du principe de « désobéissance civile », théorisé par Henry David Thoreau dans son essai éponyme en 1879. Les militants bafouent alors les règles de droit. Pour l’enseignant-chercheur en sciences politiques, François Gemenne, la popularité d’Extinction Rebellion s’explique par l’état climatique actuel. « Beaucoup de gens réalisent l’urgence de la nécessité d’agir. Par ailleurs, la réaction politique n’étant pas à la hauteur, ils passent à des actions plus radicales. » Radicale, oui mais non violente. En effet, cette modalité de l’engagement est un des 10 principes auxquels doivent adhérer les militants. Qui dit non-violence dit actes à visage découvert et interdiction de toute violences physiques. « Par contre, ce principe de non-violence ne comprend pas la non-violence économique, comme ce fût le cas lors de l’occupation du centre Italie 2, samedi 7 octobre » explique Gwenaël*, étudiant de 22 ans qui participe à des actions d’XR.

Un mouvement sans leader :  Chez XR, la hiérarchie n’est pas verticale mais horizontale. On parle alors d' »holacratie » pour désigner ce système de gouvernance organisé selon l’intelligence collective. Un concept logique pour Gwenaël. « Dans un schéma de lutte où tu aspires à une société hiérarchisée, ce n’était pas cohérent d’adhérer à un mouvement vertical » note-t-il. Le mouvement est décentralisé puisqu’il existe 25 organisations locales. N’importe quel militant peut proposer une action. Selon une enquête réalisée par France Info, rejoindre les rangs de l’organisation est plutôt facile.  Les futurs adhérents doivent suivre le « Manuel pour permettre l’auto-organisation d’action de désobéissance civile non violente« , préparer un plan d’action et en devenir l’opérateur. Il doit ensuite recruter des futurs militants et répartir les rôles.

Action visibles et radicales : Blocages, affichages sauvages, sittings et blocus de lieux sont les formes les plus courantes des actions d’XR. Mais d’autres, plus radicales sont également organisées. Sur les marches du Trocadéro à Paris par exemple,  les militants ont  déversé 300 litres de faux sang au printemps 2019. A Strasbourg, le mouvement écologiste a par ailleurs jeté plus de 50kilos de plastique dans une fontaine. Le but,  dénoncer l’accumulation des déchets.  Récemment, les militants ont tapé fort en occupant une journée entière un centre commercial parisien pour dénoncer la surconsommation. Comme dans beaucoup d’actions militantes, le but d’XR est de choquer l’opinion publique et les médias, par des actions fortes et symboliques, facilement relayables sur les réseaux sociaux. Pour le sociologue spécialisé en écologie politique, Hadrien Malier, XR reprend les codes classiques des mouvements écologistes tels qu’Alternatiba ou ANVCOP21. Mais pour lui « on peut émettre l’hypothèse qu’outre l’action symbolique, il vise à perturber le fonctionnement de l’économie et de la vie courante. »

Une communication flashy et artistique :  Le mouvement est  symbolisé par un logo créé par Goldfrog ESP . Il représente un cercle pour la Terre. A l’intérieur, un sablier comme pour rappeler que le temps pour agir pour la planète est compté.  La stratégie de communication, elle, se veut colorée. Sur le compte Twitter de l’organisation, les emojis de fleurs et de baleines illustrent les messages d’appels à l’action. XR revendique l’art comme partie prenante de ses actions. « C’est une forme de carnaval, de catharsis, explique François Gémenne. On exprime un désarroi, celui de l’urgence climatique au travers d’un signal joyeux, comme le chant du signe finalement ».

  • Quels financements ?
    Pour réaliser leurs actions, les militants peuvent compter sur une cagnotte en ligne qui appelle aux dons de chacun. « En réalité, on a besoin de peu de budget.On fait de la récupération et chacun participe comme il le peut » nuance Gwenaël.

 

  • Quels soutiens et quels opposants ?
    Samedi 5 octobre, lors de l’occupation du centre « Italie 2 » de nombreux autres collectifs étaient présent. « La vérité pour Adama » , des Gilets Jaunes et Alternatiba militaient aussi.  Pour les militants d’XR une convergence des luttes est souhaitable. En réaction, Ségolène Royal a demandé au micro de France Inter à ce que ces mouvements soient « réprimés » le lundi 7 octobre. Elle a affirmé voir une « instrumentalisation de l’écologie par ces groupes violents »

* par soucis d’anonymat, le prénom a été modifié

Esther Michon