L’épidémie de coronavirus et le confinement mis en place ont modifié la manière de consommer de nombreux Français. Une opportunité pour l’agriculture biologique qui a su notamment adopter de nouvelles pratiques de distribution.
Pour pallier la chute de leur chiffre d’affaires, certains producteurs ont mis sur pied de nouveaux modes de distribution. C’est le cas du maraîcher « Les jardins de l’hermitine », à Vittefleur en Seine-Maritime. Vincent Cavelier qui dirige cette ferme biologique, a mis en place un service de livraison dans sept communes situées à proximité de son exploitation. Tous les jours, le maraîcher se rend dans un village différent pour distribuer ses paniers de légumes. « Nous avons mis ce procédé en place pour compenser la perte de chiffre d’affaires due à la fermeture des marchés », raconte le producteur.
Coronavirus oblige, cette distribution mise en place avec l’aide des mairies répond à des normes très précises. « Toute personne ne respectant pas la distance sociale d’un mètre, ou n’ayant pas passé de commande au préalable se verra refuser le droit de commander un panier », précise la brochure distribuée par Vincent Cavelier à sa clientèle.
Les paniers sont disposés sur une table installée par le producteur devant les différentes mairies. Pendant une heure, les clients se succèdent pour récupérer leurs provisions. Cette formule mise en place à l’occasion du confinement a séduit de nombreux habitants.
« Notre nombre de clients a augmenté, on touche une clientèle plus large »
« Les gens sont plus sensibles aux circuits courts »
A l’origine de cet engouement figure une remise en cause du mode de consommation traditionnel ; une aubaine pour des exploitations locales et biologiques comme celle de Vincent Cavelier.« C’est sûr qu’aujourd’hui les gens sont plus sensibles aux circuits courts, ils rechignent à se rendre dans les grandes surfaces », confirme le maraîcher. « Je ne peux plus aller au marché et je préfère acheter localement. C’est une occasion formidable pour moi d’acheter directement au producteur. C’est vraiment un circuit court », abonde Claire de Maupeou, une des clientes hebdomadaires des Jardins de l’Hermitine.
Ce nouveau mode de consommation, qui fait la part belle aux productions locales, va t-il résister au déconfinement ? C’est la question que se pose Vincent Cavalier, qui espère bien profiter de cette nouvelle dynamique. « Maintenant que j’ai fait connaissance avec ce producteur, je reviendrai le voir », avance Claire de Maupeou. Malgré cet engouement, l’heure n’est pas aux réjouissances prématurées. « Peut-être que 50% des gens vont garder une certaine mentalité vertueuse, mais je pense que les vieux réflexes vont revenir très vite », relativise Vincent Cavelier. « C’est avec le temps qu’on va le découvrir », conclut-il.
Avec le coronavirus et le confinement qui l’accompagne, les lieux de cultes ont du adapter leurs pratiques. Pour maintenir un lien avec les fidèles, certaines paroisses ont fait le choix de diffuser leur célébrations en direct.
Un orgue retentissant, quatre prêtres, un sacristain, un chantre… Au premier abord la messe dominical de la basilique Sainte-Clotilde à Paris ressemble à s’y méprendre à une cérémonie ordinaire. A un détail près, qui n’est pas sans importance : ce dimanche 26 avril point de fidèles dans l’église, les ouailles suivent l’office depuis chez eux, derrière leurs écrans. Retransmise sur la chaîne YouTube de la paroisse, la messe se déroule dans une église étrangement vide.
Depuis un peu plus d’un mois, cette situation inédite est devenue habituelle pour les 14 000 prêtres catholiques répartis en France. Coronavirus oblige, le confinement décrété le 17 mars a sonné le glas des offices religieux célébrés en communauté. Pour pallier la pénurie de fidèles, les paroisses ont été contraintes de s’adapter. Depuis plusieurs semaines, certaines d’entres elles ont fait le choix de diffuser la messe en direct. Un système qui permet aux paroissiens d’assister aux offices. « Ça a été mis en place dès le deuxième dimanche après le confinement. C’est un moyen de rester en lien avec les fidèles, d’avoir un rendez-vous », raconte Edouard Dacre-Wright, l’un des prêtres de la paroisse Sainte-Clotilde.
La messe, un moment important pour les paroissiens
Organisées au cas par cas selon les paroisses, les messes en direct sur Internet sont devenues un élément important pour les prêtres et leurs paroissiens. « Cela permet de dynamiser la spiritualité dans une période compliquée où les gens ont peur, et de garder un lien avec les autres. Ils viennent chercher l’appartenance visible à une communauté», raconte Thomos Binot, curé pour la paroisse Saint-Vincent de Paul à Clichy, en région parisienne.
« Le fait de savoir que nous prions ensemble ça nous aide tous »
Avec internet, l’Eglise s’est découverte un allié inattendu pour affronter la crise du coronavirus. « Ça c’est montré fort utile. Grâce à Facebook et YouTube on a pu célébrer tous les jours la messe en direct et avoir pas mal de monde », confirme Thomas Binot.
Pour l’occasion les fidèles ont du se frotter à internet; une découverte pour certains d’entres eux. «Très clairement certains se sont mis aux nouvelles technologies. Ils y en avaient qui n’avaient jamais utilisé YouTube. Ils s’y sont connectés pour la première fois, ils étaient fiers d’y être arrivés», confirme le père Dacre Wright. Dans certains cas, les prêtres se sont mêmes transformés pour l’occasion en professeurs d’informatique « On les a aidés à faire les manipulations nécessaires, on les a guidés par téléphone », raconte le père Thomas Binot.Cette solution reste toutefois un expédient bien éphémère; suspendue aux annonces du gouvernement, l’Eglise attend avec impatience la réouverture des lieux de culte. « Nous espérons retrouver rapidement nos ouailles » conclut le père Dacre Wright.
Face à la fermeture forcée des espaces sportifs à cause du confinement lié au Covid-19, l’offre de coaching en intérieur connaît une croissance fulgurante. Les réseaux sociaux et autres applications deviennent un refuge salutaire pour la population confinée ; un eldorado de circonstance pour les professionnels du secteur.
« Encore une fois, c’est la dernière ! Et on relâche, soufflez bien. » Alors que de fines gouttes de sueur terminent leur course sur le tapis du salon, Charlotte retrouve sa respiration. La séance sportive, qu’elle suivait sur son ordinateur portable, est terminée. Depuis l’interruption de son service civique à cause du confinement, la jeune femme de 22 ans a dû troquer son bureau de l’Opéra national de Paris pour son appartement exigu, situé en banlieue parisienne. Elle remarque avec joie les progrès réalisés depuis sa reprise du sport, échappatoire aux trente mètres carré dans lesquels elle demeure enfermée et à l’isolation physique.
Comme elle, un grand nombre de sportifs néophytes ont décelé en cette période de confinement un moment propice pour s’essayer aux pompes et autres exercices de musculation. Contrer l’inactivité et se défouler ont incité une partie croissante de la population cloîtrée chez elle à user des contenus sportifs sur Internet. A l’heure où piscines, salles de sport et terrains sont fermés, ce sont notamment les réseaux sociaux qui ont accueilli à bras ouverts les professionnels du secteur sportif.
Renouer en direct ou en différé avec l’effort
« Ça m’est venue très naturellement, cette idée de proposer des cours en live sur les réseaux sociaux », s’enthousiasme Erika Arzac. Depuis 2016, la coach sportif met à profit son entrain dans une grande enseigne de salles spécialisées. C’est dorénavant derrière un écran que la pétulante femme de 38 ans offre gratuitement ses services. 30 personnes en moyenne participent à ses séances quotidiennes, diffusées en direct sur Facebook. « Je mets toujours beaucoup de conviction, beaucoup de passion dans la réalisation de ces vidéos. Je m’efforce de rester le plus naturel possible, fais en sorte de reproduire ce que je fais réellement en cours », souligne-t-elle. Corollaire de cette recette authentique gagnante, la croissance galopante du nombre de ses abonnés est constituée de fidèles, mais aussi de petits nouveaux du monde du sport qui ont fait le choix d’investir les réseaux sociaux.
Pour sa part, c’est lors d’une intervention sur un feu que Maxime a décidé de redresser la barre, avant même le confinement. Ce pompier volontaire résidant à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, a opté pour un entraînement personnalisé via une application. « Elle me permet d’avoir un suivi régulier, je pense que l’intelligence artificielle, un coach virtuel, analyse nos performances et nous envoies sur d’autres exercices afin de progresser », détaille ce directeur de centre de loisirs de 26 ans. Le temps libre octroyé par l’obligation de rester chez lui l’enjoint à conserver sa motivation. Et de ne pas retomber dans des travers peu diététiques. Comme le précise Elodie Dincuff, community manager de l’application à l’échelle européenne, Maxime semble faire partie du pic habituel d’abonnements, en phase avec les bonnes résolutions du Nouvel an et de la rentrée. Reste que l’application a grimpé de la 750e à la 113e place au classement des applications quotidiennement téléchargés sur iPhone, d’après les données analytiques d’App Annie, spécialiste du suivi des industries des applications mobiles.
Face à l’instauration de la limite d’une heure de jogging quotidienne, les pouvoirs publics s’efforcent tout autant de proposer des alternatives sportives en intérieur. Le ministère des Sports, qui recommande une heure d’activité physique par jour pour les enfants, a développé une nouvelle offre en partenariat avec certaines fédérations : la Fédération française de cyclisme (FFC) a ainsi lancé son #RoulezChezVous, tandis que la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV) propose sur son site des vidéos d’activités supervisés par des professionnels.
Le confinement confirme en parallèle un phénomène autrement plus circonstanciel : une communication accrue entre les différents sportifs à domicile, mus en une communauté à part entière. « Cela a été un facteur décisif dans le choix d’utiliser une application, avec l’entraide et les conseils qui vont avec », confirme Elodie, qui profite de la fin de sa reconversion professionnelle dans la mécanique ferroviaire pour s’atteler à reprendre le crossfit. Preuve que le sport sous-tend un lien social recherché à l’occasion du confinement. « J’ai fortement été surpris de voir que, lors de mes lives, il y avait des gens de ma région normande, mais aussi des gens du Grand-Est, de Lyon, de Marseille et de Paris », explique Erika, dont les vidéos ont fait l’objet de l’engrenage numérique de partages et commentaires. Ce rôle social associé à son métier, la coach sportif s’efforce de le faire prospérer par l’intermédiaire des claviers, entre réconfort pour une motivation défaillante et encouragements.
Contre l’isolation suscitée par le confinement, il y a une unanimité des néo-sportifs d’intérieur sur l’intérêt mental de l’exercice physique. « J’ai tiré parti du confinement pour débuter le sport et dynamiser ma condition physique, mais aussi pour garder le moral et éviter le canapé », confie Charlotte, alors qu’elle conclut ses étirements à l’aide d’une chaise. Tout comme Maxime, elle met en exergue une confiance en soi revigorée et une activité ranimée alors que le spectre de la procrastination n’est jamais loin. « Les journées se ressemblent cruellement toutes. Et la séance de sport est un peu devenu le rendez-vous bien-être du quotidien », ajoute l’étudiante.
Toutefois, le secteur du sport essuie un étonnant contraste dans les conséquences économiques de cette période de confinement. Alors que d’innombrables offres de coaching, par application ou vidéos, font florès, il est encore difficile d’établir le développement financier de ces structures. D’autres demeurent dans l’appréhension, tel Erika Arzac qui a acquis un statut d’autoentrepreneur en 2018. L’ancienne militaire espère ainsi que le déblocage exceptionnel de l’Aide à l’entreprise (ARCE), décidé en mars par le gouvernement, sera reconduit au mois d’avril. « Avec un déconfinement le 11 mai et une réouverture bien plus tardive des salles de sport, j’ai peur des retombées économiques par rapport au fait que, si on ne peut plus disposer de cette aide, cela risque d’être très compliqué », pointe-t-elle. Surtout, la pugnace coach de l’Eure espère retrouver le plus rapidement possible le monde concret, où sport rime, de toujours, avec le plaisir de se retrouver.
Le 26 avril dernier, l’IGPN, souvent appelée la « police des polices », a été saisie de deux enquêtes pour des propos racistes proférés par des policiers lors d’une interpellation en Seine-Saint-Denis. Depuis le début du confinement, des vidéos d’interpellations violentes se multiplient, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Pour Sébastien Roché, sociologue et chercheur au CNRS, spécialisé dans les relations entre police et populations, « il faut des outils pour faire évoluer les comportements des agents ».
Sébastien Roché, sociologue et chercheur au CNRS, spécialisé dans les relations entre police et populations, nous explique pourquoi malgré ce recensement inédit des violences policières, le changement des comportements de policiers n’en sera pas accéléré car « beaucoup de maillons manquent« . Pour lui, il faut une « reconnaissance par le Premier ministre du problème. Si le ministre de l’Intérieur n’est pas aussi convaincu du problème de violences dans la police, il n’y aura pas de changement« . Ensuite, « il faut des outils de diagnostic du problème, et des outils pour faire changer la formation« .
Comment expliquer que le confinement donne l’impression d’un accroissement des violences policières, depuis quelques semaines ?
Sébastien Roché : On retrouve des déterminants structurels connus des violences policières dans cette situation de confinement. Le confinement donne un instrument supplémentaire aux policiers, puisqu’il leur permet de vérifier toute personne, en tout lieu, et à tout moment. Il n’y a plus de nécessité pour la police de justifier le contrôle. Et à partir de là, l’outil qui est confié aux policiers est alors dangereux. On leur donne un pouvoir extraordinaire. Mais on voit que le déroulement des vérifications est différent, selon l’endroit où il se déroule. On n’a pas de prise à partie violente dans le 16ème arrondissement de Paris par exemple. Les éléments objectifs matériels que nous avons montrent que c’est le détournement de l’usage de l’outil de surveillance qui est dangereux. Cet usage est limité à certains territoires en pratique : souvent les territoires les plus pauvres, où il y a davantage de mixité ethnique. Aucune personne ne peut se soustraire au contrôle, et les policiers n’ont pas à justifier le motif. De façon alors très soudaine, le niveau de contrôle des comportements devient extrêmement préoccupant.
Par ailleurs, beaucoup d’études montrent qu’il y a une réalité des discriminations sur une base ethnique. Les études de l’Agence européenne des droits fondamentaux, celles du Défenseur des Droits, notamment. On a beaucoup de preuves de la discrimination policière, mais elle n’est pas reconnue en dépit de ces preuves par le ministre de l’Intérieur. Le président de la République l’a d’ailleurs aussi reconnu pendant sa campagne, mais ne le reconnaît plus depuis qu’il a été élu.
De plus en plus de vidéos circulent sur les réseaux sociaux, et permettent un recensement, au moins partiel, des violences policières. Cela a-t-il un effet sur l’institution policière ?
Avant l’usage généralisé des médias sociaux, il n’y avait que des myriades de petites associations, fragmentées, isolées les unes des autres, qui se plaignaient des violences commises par les policiers et essayaient de poursuivre les policiers en justice. Ça concernait alors peu le public. Avec les médias sociaux, et l’épisode des gilets jaunes, il y a eu cet usage beaucoup plus généralisé des vidéos. On a pu constater l’effet que ça a eu sur le gouvernement. La prise de conscience a été longue, mais il est arrivé un moment où le gouvernement n’a pas pu nier les violences policières plus longtemps. Mais aujourd’hui encore, ce n’est pas l’Etat qui est capable de recenser les violences de manière précise : c’est la mobilisation des citoyens qui produit ça. C’est un petit résultat, ça ne changera pas les pratiques des policiers rapidement, mais c’est aussi un énorme changement. C’est la première fois dans l’histoire qu’il y a une sorte de mobilisation à travers cet outil, pour dire que certains comportements ne sont pas acceptables.
La médiatisation des violences policières pourrait-elle apporter un changement radical et rapide à venir dans les comportements policiers ?
Non, ça ne peut pas être rapide. Ces organisations sont énormes. La police, c’est 150 000 agents. Et les outils pour faire changer ces comportements réellement n’existent pas, en fait. Cette sensibilité nouvelle du public ne se transforme pas en une modification quelconque. Beaucoup de maillons manquent pour cela. Quels sont-ils ? La première chose, c’est la reconnaissance par le Premier ministre du problème. Si le ministre de l’Intérieur n’est pas aussi convaincu du problème de violences dans la police, il n’y aura pas de changement. La deuxième chose, c’est qu’il faut des outils de diagnostic du problème, et des outils pour faire changer la formation. Il faut un contrôle sur ces formations et ces jeunes policiers. Et pour l’instant on a rien de tout ça.
En ce qui concerne la formation des policiers, le ministère de l’Intérieur n’a pas d’outils pour diagnostiquer par exemple la bonne connaissance par les agents des droits fondamentaux. Le ministère ne sait pas comment évaluer le fait que les agents ont bien compris ou non comment respecter ces droits. Il n’a pas d’outils pour former les commissaires de police au leadership. Le ministère ne sait pas non plus comment former des commissaires, pour que le racisme n’ait pas sa place dans la police. Ils n’ont pas d’outils pour enregistrer ces phénomènes au niveau local non plus. Il faut qu’une personne se noie pour que l’IGPN enquête. Et c’est trop tard, l’enquête devrait avoir lieu avant le drame.
Les violences policières serait donc un problème intrinsèque à la formation des policiers ?
Ce que nous savons, c’est que les élèves policiers sont plus respectueux de la loi, plus ouverts, plus empathiques envers la population quand ils arrivent à l’école. Le problème est donc en partie dans la formation, mais c’est surtout après le passage en école, que le plus important se déroule. Les élèves font des stages, et sont pris en charge par un tuteur. Ensuite, dans le groupe professionnel, ils désapprennent un certain nombre de choses, les collègues ont tendance à les former autrement encore. Et ça, c’est ce qu’on appelle la culture professionnelle, les normes que partagent les agents. Ce n’est pas en changeant la formation qu’on va changer le système donc.
Il faut changer aussi l’encadrement local, les retours d’expériences. Il faut des outils pour faire évoluer les comportements des agents, on ne peut pas juste changer les nouveaux policiers. Il faut changer aussi ceux qui vont les former. Mais ces retours d’expériences, ces outils, sont peu existants. Cette analyse des pratiques devrait se faire au niveau des commissariats. Le patron du commissariat doit faire en sorte que ses agents réfléchissent à ce qu’ils font. Ce ne serait pas une sanction, ni une formation, mais des pratiques qui permettraient d’analyser la qualité de la police tout au long de l’exercice du métier.