Confinement : le e-cinéma, une vraie séance de cinéma chez vous

Depuis le début du confinement, il est devenu impossible de se rendre dans son cinéma de quartier pour y regarder des films. Pour continuer à faire vivre le 7e art et les petites salles, un nouveau type de vidéo à la demande est né, la plateforme de e-cinéma créée par « 25e heure ». 

Une femme fait son jogging devant le cinéma fermé de Bretagne à Paris, le 20 avril 2020, au trente-cinquième jour du confinement en France visant à freiner la propagation de la maladie COVID-19, causée par le nouveau coronavirus.
Philippe LOPEZ / AFP

Achetez vos tickets, prenez votre popcorn, et installez-vous bien confortablement : la séance va commencer. Avec la plateforme de e-cinema créée par la société de production et de distribution « 25e heure » vous pouvez continuer à vous rendre (virtuellement) dans l’un de vos cinémas de quartier.

Lancée depuis le 1er avril avec le film de Bastien Simon, Les grands voisins : la cité rêvée » , les séances de cinéma virtuelles ont déjà rassemblé 20 000 spectateurs. Le site regroupe 50 films pour 200 salles. Pour cela, les spectateurs sélectionnent un film et choisissent une séance dans le cinéma de leur choix (dans un périmètre de 5 à 50 kilomètres). Ils peuvent ensuite prendre un ticket sur la plateforme, en choisissant un horaire indexé sur les séances habituelles. Le prix de la séance est de 5€, et de 6€ si elle est suivie d’un débat avec des intervenants ou des associations. Chaque ticket fait l’objet du reversement d’une contribution carbone dont le montant est de 10 centimes.

Une offre complémentaire au cinéma

Contrairement aux plateformes de vidéo à la demande traditionnelles,  25eheure.com ne concurrence pas les cinémas. Le e-cinéma se veut être une offre complémentaire, qui vient compenser les pertes engendrées par les salles obscures pendant la période de confinement.

La programmation est choisie par les exploitants de cinéma.  À l’écran, les spectateurs auront le choix entre le documentaire « 16 levers de soleil » qui retrace l’aventure de l’astronaute Thomas Pesquet, le film césarisé « Papicha », et bien d’autres films dont la sortie au cinéma était prévue en cette période de printemps.

Les recettes sont partagées entre les distributeurs, les exploitants, et le site 25eheure.com hébergeant la salle virtuelle.

Recréer un rendez-vous

La plateforme proposée par la 25eheure n’est pas un site de vidéo à la demande classique. Elle permet de recréer un rendez-vous convivial autour d’une séance de cinéma virtuelle. « On avait eu l’idée depuis plusieurs mois de fonder une salle de cinéma virtuelle », raconte le fondateur de la 25eheure, Pierre-Emmanuel Le Goff . De base, le site permettait aux petits cinémas d’organiser des vidéo-conférences à distance pour rencontrer les réalisateurs après les séances. « Cette plateforme permet également à des publics qui habitent loin de leurs salles d’art et d’essai de continuer à être fidèles à leurs cinémas ». 

Sur le site, l’équipe de la 25eheure explique que « les séances peuvent être suivies d’une rencontre avec un membre de l’équipe du film ou des intervenants en lien avec sa thématique ». À l’issue de la séance, la plateforme permet aux spectateurs de pouvoir poser leurs questions à un intervenant grâce au dispositif de tchat vidéo intégré. Les intervenants ont accès aux questions qui leurs sont posées et la rencontre peut durer jusqu’à une heure et demie.

L’idée de Pierre-Emmanuel Le Goff est également de proposer cette solution aux cinémas pour la phase de transition pour permettre « l’accès aux personnes en Ephad, malades, ou fragile d’accéder aux séances des cinémas indépendants, d’art et d’essais« . 

Léa Sirot

La presse quotidienne régionale fragilisée par le confinement

La chute des revenus publicitaires et des ventes des journaux depuis le début du confinement pourrait affecter durablement la trésorerie des quotidiens régionaux français qui, pour certains, étaient déjà en difficulté avant l’épidémie de coronavirus. 

Entre la réduction des tournées postales et la chute de fréquentation des tabac-presse et des revenus publicitaires, l’épidémie de coronavirus affecte durement l’économie des titres de presse quotidienne régionale. Crédit: Zoetnet

C’est l’un des dégâts collatéraux de la crise du coronavirus : les ventes et les revenus publicitaires des journaux ont considérablement chuté. Des difficultés économiques subies de plein fouet par les titres de la presse quotidienne régionale dont le modèle économique est déjà fragile.

Après six semaines de confinement, Jean-Michel Baylet, PDG du groupe La Dépêche du Midi et président du syndicat de la presse quotidienne régionale, a fait un état des lieux de la situation sur France Inter: « Le bilan est dramatique puisque nous avons perdu en moyenne 80% de nos recettes publicitaires et la diffusion a baissé de 20%. […] Nos comptes sont dans le rouge. […] Si rien n’est fait ça sera une véritable hécatombe ».

Paris-Normandie en liquidation judiciaire

Les conséquences de cette crise n’ont pas tardé à se faire sentir. Le journal Paris-Normandie, déjà lourdement endetté, annonçait, jeudi 16 avril, sa demande de placement en liquidation judiciaire. Le quotidien anticipait trois millions d’euros de déficit dû à la crise sanitaire, après avoir vu ses revenus publicitaires chuter de 90%. Il a été autorisé par la justice à poursuivre son activité pendant trois mois, le temps de trouver un éventuel repreneur.

Le journal Sud-Ouest qui distribue un peu moins de 200 000 exemplaires quotidiens dans sept départements connaît, lui, une baisse de la distribution de 12%. « Ce n’est pas si mal par rapport à nos estimations qui étaient entre 6 et 9% et il y a très peu de désabonnements », constate le secrétaire général de la rédaction, Rémi Monnier.

« Acheter le journal, ce n’est jamais vital et encore moins maintenant »

Ce qui tire les chiffres vers le bas, ce sont les ventes au numéro qui ont chuté de 20% en moyenne. « Acheter le journal, ce n’est jamais vital et encore moins maintenant, d’autant plus qu’il y a la queue devant certains tabac-presse, ce qui peut décourager nos lecteurs d’y aller et le journal est peut-être considéré comme dégradé par certains lecteurs », explique Rémi Monnier.

En effet, les conditions sanitaires contraignent considérablement le travail des rédactions qui ont dû s’adapter en réduisant leurs effectifs et leur pagination. Chez Sud-Ouest, tous les journalistes sont en chômage partiel et la vingtaine d’éditions locales a été regroupée en une seule édition. « Que vous achetiez le journal à Bayonne ou à La Rochelle, ce sera le même, avec deux à quatre pages consacrées à chaque département », illustre le secrétaire général du journal.

La publicité locale, particulièrement affectée

Les revenus publicitaires sont essentiels pour les quotidiens régionaux. Or, alors que les Français ne peuvent plus sortir de chez eux pour consommer, les annonceurs nationaux et locaux ont pour la plupart retiré leurs publicités des pages des journaux.

Pour Sud-Ouest, les revenus de la publicité extra-locale ont baissé de 20%. Mais, c’est la publicité locale qui est la plus affectée avec une diminution de 80% ce qui représente un manque à gagner de 2,4 millions d’euros au mois d’avril. « C’est essentiellement dû à l’annulation des événements et à l’arrêt du tourisme », précise Rémi Monnier.

Un report sur le numérique?

Sur le site Internet de Sud-Ouest, « il y a eu un pic pendant les dix premiers jours de confinement mais depuis ça s’est tassé », souligne Rémi Monnier. Le journal compte plus de 25 000 abonnés numériques, avec 3 000 abonnés supplémentaires au mois de mars et 2 000 au mois d’avril.

Une hausse des abonnements qui va dans le sens de la stratégie économique du journal qui cherche, comme tous les quotidiens régionaux, à accroître son audience sur le web alors que la diffusion papier ne cesse de diminuer. « Coronavirus ou pas, ce n’est pas avec le papier qu’on va se sauver, aujourd’hui les entreprises de presse cherchent à gagner de l’argent avec le web et l’événementiel », précise le secrétaire général de Sud-Ouest.

Face à la crise conjoncturelle qu’elle traverse, la presse quotidienne régionale cherche à réinventer son modèle économique en se diversifiant. Une priorité que la crise sanitaire actuelle a d’autant plus mis en évidence.

 

Juliette Guérit

Coronavirus : le moral des ménages connaît une chute historique en avril

Après plus d’un mois de confinement, l’enquête de l’Insee publiée ce mardi indique que les ménages français n’ont jamais été aussi pessimistes quant à leur avenir économique.

La confiance des ménages envers le niveau de vie futur connaît, en avril, une baisse inédite. Unsplash – Markus Spiske

Le coronavirus n’est pas venu seul et apporte avec lui son lot d’inquiétudes : chômage à venir, impossibilité d’épargner, hausse de l’inflation et baisse du niveau de vie. Comment les Français perçoivent-ils leur avenir économique ? L’indice de confiance des ménages en France, publié ce mardi par l’Insee, montre une chute historique en avril après la mise en place des mesures de confinement pour lutter contre le coronavirus.

C’est d’abord la confiance des ménages dans la situation économique qui chute fortement par rapport à début mars : l’indicateur qui la synthétise perd 8 points, soit sa plus forte baisse depuis la création de l’enquête en 1972. Par ailleurs, la proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants chute lourdement. Le solde correspondant perd ainsi 43 points et atteint son plus bas niveau depuis la création de l’enquête.

Peu de perspective d’épargner

Depuis le début de la crise sanitaire, et la fermeture conjointe des commerces, les Français considèrent qu’ils ont eu l’opportunité d’épargner (+4 points d’opinion). Pourtant, le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne future diminue légèrement et perd 2 points.

Cette inquiétude envers les possibilités futures d’épargner va de pair avec l’anticipation de l’inflation estimée par de nombreux ménages. Ce mois-ci, ils sont nettement plus nombreux que le mois précédent à estimer que les prix vont augmenter au cours des douze prochains mois. Le solde correspondant au prédiction d’inflation augmente ainsi de 27 points.

L’ombre portée du chômage

Les craintes concernant le chômage à venir sont en forte hausse en avril. Le solde correspondant gagne 42 points et atteint un niveau inégalé depuis juillet 2015.

Graphique de l’Insee issu de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages – avril 2020

Les Français se montrent ainsi globalement inquiets quant à l’avenir économique du pays. Interrogés sur le niveau de vie futur en France, les ménages paraissent nettement plus pessimistes qu’en mars (-35 points). Cette baisse de confiance est la plus forte jamais enregistrée sur un mois.

Les résultats de l’Insee illustrent toutefois que les Français ont tendance à s’inquiéter davantage pour l’avenir global de la nation que pour celui de leur propre foyer.

Morgane Mizzon

Maisons d’enfants à caractère social : « Le confinement a permis d’expérimenter des nouveaux modes de relations »

En cette période de confinement, tous les enfants faisant l’objet d’une mesure de protection de l’enfance ne sont pas rentrés chez eux, notamment dans les Maisons d’enfants à caractère social (MECS). Benjamine Weill, formatrice consultante pour un organisme de conseil auprès des secteurs sociaux, revient sur la gestion de la protection de l’enfance au moment de la crise du coronavirus. 

Maison d’enfants à caractère social à Aulnay-sous-bois dans le 93.

Sur les 300.000 mineurs français qui font l’objet d’une mesure de protection de l’enfance, 55 000 sont placés dans les Maisons d’enfants à caractère social. Et nombreux sont ceux qui sont restés dans ces structures au moment de la mise en place du confinement le 17 mars pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. « C’est important de rappeler que le confinement a permis d’expérimenter des nouveaux modes de relations. On ne retire pas que du mauvais, au contraire« , explique Benjamine Weill, formatrice consultante pour un organisme de conseil auprès des secteurs sociaux. Interview.

Réduction des effectifs des éducateurs, plus d’école ni de stages pour les adolescents, rupture de longue durée avec la famille… Comment les Maisons d’enfants à caractère social ont-elles réagi face aux mesures de confinement ? 

Benjamine Weill : Dans le secteur de la protection de l’enfance, les éducateurs sont restés très impliqués. La plupart des travailleurs sociaux ont continué à travailler, certains en ont même fait plus que d’habitude. Ils se sont notamment placés en mode séjour en restant 24h/24 dans les foyers pour limiter le risque de contamination avec leurs familles. En réponse à la crise, chaque structure a développé des modalités spécifiques. Une directrice a par exemple fait le choix de renvoyer certains enfants chez eux, notamment ceux qui étaient concernés par un retour prévu avant la fin de l’année. Les juges n’ont pas toujours été satisfaits mais les directions ont dû rapidement agir, faute de décision des autorités compétentes… 

Au sujet des autorités compétentes, la protection de l’enfance relève du département, notamment des directions des solidarités. Quelles réponses ont-elles apporté ? 

Benjamine Weill : Chaque département décide de ses modalités d’action. La plupart se sont retrouvés le bec dans l’eau parce que la protection de l’enfance n’était pas leur priorité à l’origine. La priorité est souvent donnée aux secteurs les plus visibles. C’est la raison pour laquelle le secteur social est systématiquement le parent pauvre. Les départements ont mis plusieurs semaines à réagir. Certaines Mecs n’ont pas reçu de consignes qui leur étaient spécifiques, seulement les gestes barrières à appliquer.

Comment expliquez-vous cela ? 

Benjamine Weill : Avant même la crise du coronavirus, l’enveloppe sociale accordée aux départements est problématique. Identique depuis 15 ans, la répartition de cette enveloppe dépend d’un vote. Les départements peuvent par exemple décider d’axer le financement sur la prévention en caméra de surveillance. Le système de la protection de l’enfance devrait être harmonisé au niveau national, la décentralisation créée de trop grandes inégalités entre les territoires. Il est temps de se rendre compte que ces enfants ont besoin d’un accompagnement réel. C’est épuisant de passer son temps à bricoler pour des enfants qui sont déjà en vrac. On répare un vase avec du scotch.

Finalement, qu’est-ce que le confinement a changé dans l’organisation au sein des Mecs ? 

Benjamine Weill : C’est important de rappeler que le confinement a permis d’expérimenter des nouveaux modes de relations. On ne retire pas que du mauvais, au contraire, cette période a permis de renforcer le lien entre les parents et les équipes éducatives, notamment à travers la multiplication des appels téléphoniques lorsque les enfants étaient de retour chez eux. Les éducateurs ont pu prouver aux parents que le travail social est là pour les aider et pas pour leur retirer leurs enfants. Du côté des adolescents restés en foyer, certains ont compris qu’ils pouvaient faire sans drogue. La mise en place d’activités collectives a également permis aux jeunes de penser le placement en tant que séjour et non pas comme un enfermement.

Propos recueillis par Victoire Radenne