Convention citoyenne sur le climat : la publicité en ligne de mire

La Convention citoyenne sur le climat s’est ouverte vendredi dernier. Jusqu’à janvier 2020, les participants vont devoir faire des propositions de lois au gouvernement pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles pourrait se trouver la réglementation de la publicité, accusée par les experts de participer au réchauffement climatique.
Vendredi 4 octobre, le premier ministre Edouard Philippe a livré un discours lors du premier jour de la Convention Citoyenne sur le climat. Une initiative souhaitée par Emmanuel Macron en marge du « grand débat ». (Photo by Ian LANGSDON / POOL / AFP)

 

Ils ont quatre mois pour légiférer sur le climat. Les 150 citoyens tirés au sort pour participer à la Convention Citoyenne sur le climat ont pour mission de proposer des textes de lois au gouvernement, qui feront ensuite l’objet d’un référendum, d’un vote au Parlement, ou d’un décret. Pour parvenir à cet objectif, les participants ont la possibilité d’auditionner de nombreux spécialistes sur leurs domaines d’expertise. L’une des premières à avoir été convié : la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, également co-présidente du groupe n°1 du GIEC depuis 2015. Au terme d’une conférence d’initiation aux effets concrets de l’activité humaine sur le climat, on lui a demandé LA mesure qu’elle prendrait en premier. « Je pense que la question de la publicité est à considérer,  a-t-elle répondu. Parce qu’on dit aux gens que d’un côté, il faut baisser les émissions de gaz à effet de serre, et de l’autre, on est submergés de publicité qui poussent à faire l’inverse. »

 

 

« Pour moi, il y a un encouragement permanent à une consommation massive par la publicité, et c’est quelque chose que les Français ont compris, développe Valérie Masson-Delmotte, qui se félicite de la réception positive des participants de la Convention à sa proposition. Mais surtout, il n’y a aucun encadrement de cette publicité. Quand on voit le nombre de pub pour de nouveaux SUV [NDLR : sport utility vehicle] ou des voyages avec avion qui vont à l’encontre d’une certaine conscience écologique, c’est inquiétant  », ajoute-t-elle. Pour cause, l’automobile est l’un des plus gros publicitaires en France. A commencer par Renault, qui, selon des chiffres de Kantar Media, a dépensé près de 95,8 millions d’euros en publicité rien qu’au 1er trimestre de l’année 2018.

 

Une « double pollution »

 

En 2001, dans un article pour la revue Ecologie et Politique, le géographe environnemental Estienne Rodary expliquait déjà qu’un changement en faveur du climat devrait concerner « non seulement la production, mais aussi la consommation ».« C’est le type de consommation actuel, fondé sur des faux besoins […] qui doit être mis en question ». Un avis que partage Thomas Bourgenot, porte-parole de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire, pour qui publicité et impact négatif sur le climat vont de paire. « C’est une double pollution : d’abord intrinsèque, liée au numérique, aux prospectus, mais également extrinsèque, liée à une certaine surconsommation », explique-t-il.

Chez les experts et les militants écologiques, le message est donc le même : la publicité est une cause indirecte du réchauffement climatique. Et chez les politiques, des voix engagées commencent elles-aussi à se faire entendre. Dans son bulletin hebdomadaire diffusé sur les réseaux sociaux ce matin, François Ruffin, député de la Somme (80) assurait que l’« on ne peut pas aller vers une réduction de 40% des gaz à effet de serre d’ici 2030 sans rompre avec le productivisme-consumérisme, qui nous dit que le bonheur c’est le produit, c’est l’achat »

« Le lobby publicitaire est très puissant »

 

Selon des chiffres communiqués par le BUMP (Baromètre unifié du marché publicitaire), les investissements publicitaires devraient atteindre 12,3 milliards d’euros cette année. Un chiffre en hausse de 3,9% par rapport à 2018, qui témoigne de la puissance du marché. « Le lobby publicitaire est très puissant », affirme Thomas Bourgenot.« Nous avons déjà pu le constater lors du Grenelle pour l’environnement de 2012 auquel nous avons participé avec l’association », raconte-t-il. Résistance à l’Agression Publicitaire y avait effectué plusieurs propositions, qui portaient majoritairement sur les formats publicitaires. Ils réclamaient qu’ils soient revus à la baisse, ce qui « entrainerait une démarche active des citoyens pour aller vers la publicité, et non l’inverse », explique le porte-parole de l’association. Mais aucune de leurs propositions n’a été retenue. « Alors que celles de l’Union des annonceurs, oui », ajoute-t-il.

Pour Valérie Masson-Delmotte, la solution réside surtout dans la prévention et l’information auprès des consommateurs. « On arrivera jamais à une totale suppression de la publicité, assure-t-elle, mais je pense qu’il devrait y avoir un étiquetage sur chacune d’entre elles, pour informer sur l’impact environnemental de chaque produit ou service qu’elle promeut. Et il y a un réel manque de courage des élus sur ce sujet », martèle-t-elle.  

Le dernier espoir des anti-pub semble donc résider dans la Convention citoyenne sur le climat. Mais pourra-t-elle agir concrètement sur une réglementation de la publicité ? «J’ai peur qu’ils se heurtent à la même problématique que nous lors du Grenelle de l’environnement, regrette Thomas Bourgenot. Mais voir des citoyens s’emparer de ce sujet, c’est déjà un énorme pas en avant ».

 

Alice Ancelin