République démocratique du Congo : au moins 50 morts dans une attaque

Au moins 50 personnes ont été tuées dans la nuit de dimanche 30 mai à lundi 31 mai dans l’attaque de deux villages dans la région du Beni, au nord-est de la République démocratique du Congo, selon un groupe d’experts.

Une attaque a fait au moins 39 morts dans la province d’Ituri, en République démocratique du Congo. © Illustration Daniel Stuben

Deux villages du nord-est de la République démocratique du Congo ont été attaqués dans la nuit nuit de dimanche 30 mai à lundi 31 mai. Selon un bilan provisoire, au moins 50 personnes ont été tuées.

«Le bilan des attaques de la nuit dernière (dimanche 30 mai à lundi 31 mai) s’est alourdit à au moins 50 civils tués : 28 à Boga et 22 à Tchabi» dans le territoire d’Irumu en Ituri, a indiqué le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST). Un premier bilan, communiqué par cette source, faisait état d’au moins 39 civils tués.

Un responsable de la société civile locale a attribué ces tueries de ces deux villages aux rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (FDA).Les assaillants ont attaqué le site de déplacés de Rubingo, non loin du centre de Boga, selon deux responsables locaux, précisant que les corps étaient encore en train d’être comptabilisés.

Des motivations méconnues

Les FDA, essentiellement composées d’islamistes du mouvement tabligh, se sont illustrées depuis 2014 par une série de massacres brutaux. Leurs motivations sont méconnues, principalement parce qu’elles n’ont pas pour habitude de revendiquer leurs attaques et qu’elles n’ont pas de porte-parole.

En mars dernier, 23 civils avaient été tués dans la même région du Beni par des membres présumés du groupe armé des FDA.

Lise Cloix

 

Mort du Che : « Il voyait le Congo comme un territoire stratégique au cœur du continent africain »

Che Guevara et Fidel Castro en 1961 Crédit Photo : Alberto Korda
Che Guevara et Fidel Castro en 1961
Crédit Photo : Alberto Korda

Amzat Boukari-Yabara est un historien spécialiste de l’Afrique et docteur de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il est également auteur de plusieurs livres dont Africa Unite, une histoire du panafricanisme. Pour les 50 ans de la mort de Che Guevara, retour sur les ambitions révolutionnaires de Cuba en Afrique.

 

Quels étaient les liens entre Cuba et le Congo (aujourd’hui République Démocratique du Congo) à l’époque de Lumumba ?

Avant l’assassinat de Lumumba il n’y avait pas de lien officiel en tant que tel. La révolution cubaine a lieu en 1959, le Congo devient indépendant en 1960 et la crise s’installe tout de suite donc Lumumba n’a pas vraiment le temps de créer des liens politiques et diplomatiques avec Cuba. En revanche, il y a beaucoup de lien culturel notamment musical, une petite diaspora cubaine est aussi présente au Congo, et on retrouve un héritage congolais très fort à Cuba issu de l’époque de la traite et de l’esclavage qui se manifeste également dans la langue.

Pourquoi Che Guevara décide d’aller faire la révolution au Congo ?

Parce qu’il y avait des difficultés au niveau de la révolution en Amérique latine. De l’autre côté du globe, le Vietnam causait beaucoup de soucis aux Américains. Donc pour Che Guevara, il voyait le Congo comme un territoire stratégique au cœur du continent africain. Et on est également dans une période où les pays au sud du Congo sont encore des colonies (Zimbabwe, Zambie, Afrique du Sud etc.) Donc il voyait le pays comme le point de départ pour libérer le reste du continent africain. En plus de cela, les Américains sont intervenus en Afrique en manipulant les Nations Unies et ils ont pris position de manière ferme pour bloquer les soviétiques. Il y avait donc un enjeu géopolitique important.

Que deviendront les aspirations révolutionnaires cubaines sur le continent africain ?

Depuis la crise de 1962, les Cubains désirent développer leur propre ligne de soutien aux armées de libération. Suite de l’échec de la révolution congolaise, Fidel Castro organise la conférence tricontinentale à La Havane en janvier 1966 où un véritable soutien de Cuba est mis en place pour les mouvements africains de libération. Mais Fidel Castro devra attendre les années 70 et les guerres d’indépendance des colonies portugaises, comme l’Angola, pour vraiment participer à une révolution africaine, avec le soutien de Moscou. L’échec au Congo a permis à Fidel et Raul Castro de réaliser qu’une révolution sur le continent africain nécessitait plus de temps et surtout beaucoup plus de moyens.

 

Propos recueillis par Sarafina Spautz

 

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Les 50 ans de la mort du Che : retour sur l’échec de sa révolution africaine

Célèbre cliché du Che Crédit Photo : Alberto Korda
Célèbre cliché du Che
Crédit Photo : Alberto Korda

Il y a 50 ans, Che Guevara mourait sous les balles de l’armée bolivienne. Mais avant de se rendre en Amérique latine, il passa quelques mois en Afrique dans l’espoir d’exporter la révolution. Retour sur un épisode peu connu de l’histoire du Che.

17 janvier 1961 : Patrice Lumumba, ancien Premier ministre de la République du Congo (aujourd’hui République Démocratique du Congo ou plus communément appelé Congo-Kinshasa), soutenu par l’URSS, est assassiné. Cet évènement marque le début d’une guerre civile entre les forces armées du Général Mobutu soutenu par les États-Unis et les combattants lumumbistes. A l’heure de la décolonisation, Cuba voit cette guerre civile comme l’occasion d’y venger Lumumba et d’exporter la révolution sur le territoire africain. Les espoirs du Che se concentrent sur le Congo, pays stratégique, qui avec ses neuf frontières, pourrait devenir l’épicentre de la révolution qui s’étendrait dans les autres pays. Fidel Castro accepte d’y envoyer Che Guevara qui souhaite retourner se battre.

La mission secrète

Che Guevara sous l’identité Adolfo Mena González en 1966. Une des nombreuses qu’il utilisait pour se déplacer. Crédit Photo : Museo Che Guevara (Centro de Estudios Che Guevara en La Habana, Cuba)

Le Che met alors en place une opération secrète. Il arrive en avril 1965 en Tanzanie (où s’organisent les rebelles) avec ses hommes, des Cubains noirs, pour éviter d’éveiller les soupçons. Peu nombreuses sont les personnes au courant de la présence du révolutionnaire en Afrique où il se fait appeler « Tatu » (qui signifie « trois » en swahili, car il était là en temps que médecin, troisième homme le plus important du corps expéditionnaire). Cela risquerait de mettre en péril la mission. Son objectif : aider militairement les lumumbistes à organiser une révolution.

Mais entre le départ du Che et son arrivée, la situation a changé dans le pays. Laurent-Désiré Kabila, à la tête des opérations congolaises, a perdu les territoires sur lesquels il avait la main, soit les 2/3 du pays. Certains lumubistes ont changé de camps et les forces du général Mobutu écrasent la rébellion grâce à l’aide des États-Unis. Il ne reste à Kabila que quelques poches dans l’est du pays. Ces défaites font éclater des divisions entre les rebelles, la révolution n’est plus donc une priorité, il faut d’abord se réorganiser.

De la désorganisation à l’échec

Che Guevara au Congo en 1965. Crédit Photo : Museo Che Guevara (Centro de Estudios Che Guevara en La Habana, Cuba)

Très vite, l’excitation de la révolution est remplacée par la frustration. Sur place, la situation est confuse. Le rapport de force a changé et les rebelles sont en position de faiblesse. Kabila est plus souvent à Dar es Salaam, en Tanzanie, qu’avec ses hommes sur le front. Le maquis est totalement désorganisé et les résistants africains ne sont pas aussi formés que les Cubains. « Dans ce mouvement révolutionnaire africain, tout était à faire : l’expérience, la préparation, l’instruction. Ça a été une rude tâche » déclara Fidel Castro lors d’une interview. Un fossé culturel se fait vite sentir. Che Guevara se plaint de l’indiscipline des rebelles congolais, de leur manque de compétence militaire, et du peu d’ardeur idéologique.

Mais tout a réellement basculé suite à l’attaque de Fort Bandera qui s’est soldée par une défaite. Quatre Cubains sont morts et dans la précipitation, les soldats n’ont pas pu récupérer les corps de leurs camarades. Or l’un d’entre eux portait un caleçon sur lequel était inscrit « fabriqué à Cuba ». Suite à cet épisode et grâce aux espions sur place, les États-Unis se rendent compte de la présence du Che au Congo, et Mobutu bombarde la zone occupée par les rebelles. La tension monte, les rebelles congolais craignent que Che Guevara se fasse capturer, ou pire, se fasse tuer. Après sept mois de mission, ses hommes et lui rentrent à Cuba. Il écrira dans son Journal du Congo « Ceci est l’histoire d’un échec ».

Sarafina Spautz

 

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La sapologie, pas qu’une histoire de chiffons (1/3)

Crédit Photo : DR
Crédit Photo : DR

Véritable institution vestimentaire au Congo, la sape est désormais une affaire internationale. Chanteurs, écrivains, journalistes, la « sapomania » s’empare de tous les milieux. Retour sur les origines d’un phénomène de mode, mais pas que.

Si vous allez vous promener le week-end à Paris dans le quartier africain, à Château Rouge ou aux alentours de la Goutte d’Or, il est très probable que vous croisiez sur votre chemin des hommes en costumes, dans un mélange de couleurs souvent détonnant, vert fluo ou rose bonbon, une canne à la main, un mouchoir en soie dans la poche, des chaussures Weston au pied. Ceux que l’on surnomme les sapeurs, autrement dit les membres de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes ont un seul mot d’ordre : être le plus beau. Retour sur une mode moins superficielle qu’elle en a l’air.

Une contre-culture, quand le vêtement devient manifeste politique

Né dans les quartiers de Brazzaville au début du siècle, le mouvement de la sape a évolué avec l’histoire de l’immigration et de la colonisation du Congo pour s’exporter dans les rues du nord de Paris. Le principe : se montrer en étant habillé le plus élégamment possible.

Pendant la colonisation du Congo, certains vont s’approprier cette figure du « dandy » européen qui va devenir une manière de protester contre l’oppression. Cette mode va s’étendre jusqu’aux Etats-Unis. Dans les années 1940, toute une jeunesse issue de la culture afro-américaine souvent marginalisée, va sur-investir dans les vêtements de luxe. Ce sera pour ces jeunes une manière de refuser le travail manuel.

Avec des costumes à la mode occidentale, souvent très chers, le vêtement devient  un moyen, comme l’explique Manuel Charpy, historien spécialiste de la mode et du vêtement, de refuser le statut d’immigré imposé par la société française :

« La vision que l’on se fait de l’immigré dans les années 1980 est celle d’un homme discret, de la main d’œuvre dans le BTP ou l’industrie automobile. Avec ces costumes les sapeurs vont faire l’inverse ».

La sape est tout au long du siècle investie d’une force de contestation. Le costume, cher, affriolant, devient un moyen de revendiquer une forme d’identité. « Nous allons reprendre par le pouvoir par l’exhibition du corps, le corps devient l’élément fondamental pour opposer une résistance face au pouvoir politique », affirme l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou et icône des sapeurs. Une des règles majeures de la sape consistant à laisser apparaitre les étiquettes de ses costumes, d’où vient l’expression « montrer ses griffes », revêt une connotation symboliquement violente.

« Sapés comme jamais » : quand la sape se réinvente avec la pop culture

De moins en moins politisée, la sape continue d’irriguer la culture contemporaine. Son univers est exploité par de nombreux artistes comme le chanteur Papa Wemba, véritable icône du mouvement vestimentaire. Sa mort tragique sur scène, en plein concert avait attristé de nombreux sapeurs congolais qui l’avaient élevé au rang de quasi dieu. Aujourd’hui, de nombreux sapeurs se font connaître sur la toile. Parmi les plus connus, on trouve celui qui se surnomme avec provocation « Chômeur de Luxe » ou « Beauté Numérique ».

Plus récemment, Norbert s’est fait connaître avec l’émission Les rois du shopping sur M6.

https://www.youtube.com/watch?v=lxMDUiFqbCg

Le sapeur cultive son excentricité et aime se faire remarquer. Parfois dans l’autodérision, le second degré est l’une des composantes majeures de l’humour du sapeur. Outre les vêtements, beaucoup misent également sur les pas de danses pour défier leurs concurrents.

Le terme « sapé » est réapparu dans le langage courant grâce au chanteur Maitre Gims et son tube « Sapés comme jamais » qui reprend les clichés de la sapologie.

Plus subtilement, l’univers de Stromae s’inspire aussi des codes vestimentaires : nœud papillons, couleurs pastel et pas de danses.

La sape continue d’être une expression privilégiée pour beaucoup et inspire de nombreux artistes. Une mode qui se renouvelle progressivement et qui attire un nouveau public très éloigné de la cible d’origine. Le quartier de Château Rouge, autrefois haut lieu de la sape qui se gentrifie à vitesse grand V en est l’illustration.

Mathilde Poncet

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