Sans surprise, la Banque Centrale Européenne vient d’annoncer une diminution de ses taux directeurs d’un quart de point. Une première depuis 2019. Une baisse qui marque un vrai virage politique.
Après des mois de taux élevés pour lutter contre l’inflation, la Banque Centrale Européenne veut envoyer un message encourageant aux marchés financiers. La BCE a annoncé une diminution de ses taux d’intérêts. Le taux de dépôt – versé par la BCE aux banques déposant de l’argent dans ses coffres – passe ainsi à 3,75% alors que le taux de refinancement – qui correspond à celui auquel les banques et institutions financières empruntent – et le taux de facilité – qui représente l’intérêt que les banques perçoivent lorsqu’elles déposent des liquidités pour vingt-quatre heures – s’établissent respectivement à 4,25% et 4,5%. C’est une décision historique car c’est la première baisse depuis la pandémie et la guerre en Ukraine. Cette réduction généralisée marque la fin des augmentations successives des taux directeurs. Le 14 septembre 2023, ces derniers avaient par exemple été relevés, atteignant un niveau historique à 4,5%. C’était alors la dixième hausse successive.
We cut our key interest rates by 0.25 percentage points.
Keeping interest rates high for nine months has helped push down inflation.
It is now appropriate to moderate the degree of monetary policy restriction.
Read our monetary policy decisions https://t.co/AaaLd3hGEB pic.twitter.com/dTTYKg7itm
— European Central Bank (@ecb) June 6, 2024
« Maintenir nos politiques restrictives »
Cet assouplissement s’explique par le recul de l’inflation dans de nombreux pays de la zone euro. Les 20 pays membres sont tous passés d’une inflation à près de 10% en 2022 à un chiffre qui se rapproche désormais des 2,5%. Mais qui reste encore trop loin de l’objectif fixé par l’institution : passer sous les 2%. Un chiffre considéré comme le compromis entre un maintien de la stabilité des prix et des conditions idéales pour la croissance économique. Les responsables politiques de la BCE estiment que cet objectif sera atteint en 2026. Une prévision repoussée d’un an.
Cette décision de l’institution de Francfort est plus mesurée que l’optimisme dont faisaient preuve les gouverneurs des banques centrales nationales. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, affirmait par exemple le 14 avril dernier que la bataille contre l’inflation était en passe d’être gagnée. Il justifie cette approche par « une confiance de plus en plus grande dans la trajectoire de désinflation ». Un discours que Christine Lagarde, présidente de la BCE, n’a pas partagé ce 6 juin. « Nous continuerons à maintenir nos politiques restrictives » a prévenu la Française. L’inflation a connu un léger rebond en mai – la première hausse des douze derniers mois – atteignant 2,6%. Mais ce sursaut n’inquiète pas non plus tant que ça les économistes de la BCE.
President Christine @Lagarde introduces the inflation outlook for the euro area pic.twitter.com/5mq1KDiJQX
— European Central Bank (@ecb) June 6, 2024
« Nous sommes dans une trajectoire de désinflation. Nous connaissons la méthodologie, la politique à mettre en œuvre. ». Tout semble donc être sous contrôle à en écouter la BCE. Mais Christine Lagarde s’engage avec prudence : « On enlève un niveau de restriction », explique-t-elle avant d’insister sur des facteurs extérieurs qui pourraient tout faire changer. L’une des grandes variables est l’économie américaine. Pour la première fois de son histoire, la BCE a annoncé cet assouplissement avant la Fed. Tous les regards sont désormais portés outre-Atlantique et la Réserve fédérale qui doit prendre sa décision dans quelques jours. La Fed devrait suivre la décision européenne et conforter ainsi la BCE dans sa lutte contre l’inflation.
De faibles répercussions sur le marché français
Mais quelles sont les conséquences de ces déclarations pour le consommateur français ? L’une des principales conséquences réside dans les crédits demandés aux banques. La baisse des taux par la BCE devrait inciter les banques à assouplir les conditions de crédits des ménages, à des conditions plus avantageuses. Un coup de pouce bienvenu alors que le secteur de l’immobilier est en proie à une importante crise depuis 2022 liée à la hausse des taux successifs. Mais le marché français a déjà anticipé cette baisse depuis plusieurs semaines.
Une décision également anticipée par les banques centrales nationales. Cela fait quelques temps qu’elles desserrent leurs conditions de crédits. Les décisions de la BCE auront des conséquences positives et durables sur les marchés financiers si une nouvelle baisse est annoncée lors de la prochaine réunion des gouverneurs de la banque le 18 juillet. Mais la récente hausse de l’inflation instaure une légère incertitude quant à cette décision.
François-Xavier Roux