AS Monaco : un club aux avantages fiscaux et aux handicaps princiers ?

Avec 9 000 spectateurs de moyenne, le stade Louis II sonne souvent creux.
Avec 9 000 spectateurs de moyenne, le stade Louis II sonne souvent creux.

L’amour aura duré quatre ans. Nommé entraîneur de l’AS Monaco en juin 2014, Leonardo Jardim est sur le point d’être débarqué de son poste contre un joli chèque. Il laissera derrière lui l’image d’un homme proche de ses joueurs et à même de les faire progresser. Celle d’un tacticien bâtisseur d’une équipe en perpétuelle reconstruction, dans un contexte monégasque ô combien particulier.

« Les avantages fiscaux de Monaco sont plus dégueulasses que le recrutement du PSG ». A l’image de son défunt père Louis, Laurent Nicollin, le président du MHSC, ne mâche pas ses mots quant aux particularités du régime fiscal appliqué à l’AS Monaco. Car contrairement à ses concurrents en Ligue 1, il n’est pas soumis aux réglementations fiscales françaises. La raison ? Son siège social se situe dans la principauté, c’est donc le droit monégasque qui s’applique aux salariés du club.

Une particularité qui « permet » aux joueurs étrangers d’être exonérés d’impôts sur le revenu. Non négligeable lorsque l’on sait que, selon L’Equipe, neuf des dix plus gros salaires du club étaient accordés à des joueurs étrangers la saison dernière. A salaire brut égal, un joueur sera donc plus enclin à signer à Monaco que dans un autre club. Christian Vieri, Jan Koller, Oliver Bierhoff ou Eidur Gudjohnsen : nombreux furent les anciennes gloires trentenaires venus s’offrir une dernière pige dorée dans le club princier.

Le Rocher, morne plaine

Avec 37 000 habitants, Monaco ne peut pas s’appuyer sur un bassin de population semblable à la plupart des autres clubs de Ligue 1. Une démographie alliée à une sur-représentation de catégories socio-professionnelles traditionnellement moins attachées au football dont pâtit ou profite le club monégasque selon les périodes.

Journaliste à Nice Matin et suiveur régulier du club, Vincent Menichini va dans ce sens auprès de Celsalab : « c’est toujours très calme à Monaco et ça peut être un avantage pour travailler sereinement. Même dans une période de crise comme actuellement, c’est certain que l’on ne verra pas 500 supporters à la Turbie (le centre d’entraînement de l’AS Monaco, NDLR) pour manifester leur mécontentement ». Une situation qui a sans doute permis de faire passer plus facilement la pilule des ventes massives de l’ère Jardim.

Mais au-delà de l’environnement favorable au travail dans la sérénité, le calme plat monégasque a aussi son revers de la médaille. Ces 10 dernières saisons (huit en L1, deux en L2), l’AS Monaco a affiché six fois l’affluence la plus faible de son championnat. Une affluence de 9 000 spectateurs de moyenne qui peut être un frein pour les performances des joueurs. « La dernière fois contre Rennes, un match important pour se relancer, c’est sûr qu’il ne régnait pas une atmosphère propice au dépassement de soi », confesse Vincent Menichini.

Joueur de l’AS Monaco à plus de 300 reprises entre 1980 et 1989, Manuel Amoros confirme à Celsalab : « Par rapport à Marseille où la motivation est naturelle du fait de la ferveur, c’est certain qu’à Monaco on devait trouver nous-mêmes les ressources nécessaires pour gagner. Ceux qui venaient du Nord de la France ou de Bretagne où il règne des ambiances plus chaleureuses, ont pu avoir du mal à s’adapter à ce climat plus paisible ».

Un déficit de ferveur qui se retrouve dans les diffusions télévisés du club. Champion de France 2017 et dauphin du PSG en 2018, l’AS Monaco n’a été cette saison programmé qu’une seule fois en clôture d’une journée de Ligue 1 par le diffuseur Canal +. A titre de comparaison, les clubs de même envergure tels que l’OM, le PSG ou Lyon l’ont respectivement été à six, trois, et deux reprises.

Rybolovlev et les poupées russes

Si les deux particularités précédemment évoquées sont invariables, la dernière est plus conjoncturelle. Arrivé en 2011 à la tête d’un club monégasque alors en Ligue 2, Dmitri Rybolovlev a profondément changé le fonctionnement de l’AS Monaco. Depuis 7 ans, investissements massifs et ventes records rythment les intersaisons monégasques. De l’équipe type championne de France il y a 17 mois, ils ne sont plus que cinq à toujours évoluer sous les couleurs monégasques. Un business plan lucratif, mais qui cloisonnent à l’instabilité constante.

« C’est sûr que ça pose un souci d’identité de perdre autant de joueurs tous les ans » ajoute Vincent Menichini.  » De son côté, Manuel Amoros y voit essentiellement des difficultés pour le coach : « le fait de voir partir beaucoup de joueurs fait qu’il ne peut pas s’inscrire dans un programme à long terme. Des joueurs partent, et vous ne pouvez pas savoir si ceux qui arrivent seront aussi forts ». Un son de cloche largement partagé sur les réseaux sociaux lorsque les rumeurs persistantes de son départ commençaient à se faire entendre.

Pour beaucoup symbole d’un football désenchanté, Monaco est-il le chantre des clubs désincarnés ? Pas totalement pour Vincent Menichini : « il y a toujours quelques joueurs formés au club, et certains qui ont le blason du club tatoué sur le corps. Oui la question d’identité du club peut se poser pour les supporters, mais il y a un peu plus d’un an ils étaient tous très fiers de leur club et des joueurs qui composent l’équipe ». Un sentiment plutôt partagé par Manuel Amoros, pour qui ces conditions font désormais partie intégrante du métier de footballeur de haut-niveau : « il s’agit d’une politique de club claire dont l’entraîneur et les joueurs sont parfaitement au courant. Quand on est joueur de football il faut apprendre à se faire aux changements récurrents d’entraîneurs et de joueurs. Il ne faut pas de poser ces questions là ». Sur le cas Jardim, l’exception monégasque est toute relative : en 2017, Claudio Ranieri était lui aussi limogé par Leicester, huit mois seulement après son titre historique de champion d’Angleterre.

 

Théo Meunier

Le football français à une marche des sommets de l’Europe

L’AS Monaco affronte la Juventus Turin ce mercredi soir en demi-finale aller de la Ligue des Champions. Un peu plus tôt, c’est l’Olympique Lyonnais qui rencontrera l’Ajax Amsterdam dans l’autre coupe d’Europe, la Ligue Europa. Une chance unique pour le football français de se hisser au plus haut niveau européen, dont il a souvent été très éloigné ces dernières années.mbappé

Deux clubs français en demi-finale des coupes d’Europe, du jamais vu depuis 2004. A l’époque, c’était déjà l’AS Monaco qui représentait la France en Ligue des Champions. Le club de la Principauté est de nouveau sur le devant de la scène européenne après avoir connu plusieurs années difficiles. En 2013, Monaco était encore en Ligue 2. Il était alors inenvisageable de voir les Monégasques en demi-finale de la plus prestigieuse des compétitions européennes quatre ans plus tard. Pourtant, ce club a déjà tutoyé les sommets au début des années 2000. « Cette performance marque le retour du grand Monaco, en l’absence du PSG (éliminé en huitièmes de finale, ndlr), il a su s’imposer comme le club numéro un en France cette saison », affirme Vincent Duluc, journaliste sportif à L’Equipe.

L’autre formation française engagée en demi-finale d’une coupe d’Europe est l’Olympique lyonnais. Il affrontera mercredi soir les Néerlandais de l’Ajax d’Amsterdam. Le club de Jean-Michel Aulas, auteur d’une saison mitigée en championnat, a fait de la Ligue Europa sa priorité pour la fin de saison. L’OL a l’occasion d’écrire une page de son histoire en disputant sa première finale européenne. Selon Vincent Duluc : « Ce ne sera pas facile pour Lyon, l’Ajax est invaincue depuis onze matchs et possède de très bons joueurs. Mais c’est une opportunité en or pour ce club qui a toujours couru après un succès en coupe d’Europe ».

S’inscrire dans la durée

« Ces résultats, c’est la signature de la Ligue 1, un championnat qui progresse et qui développe de très bons joueurs. Monaco et Lyon récoltent les fruits de leur travail réalisé depuis plusieurs saisons. Avec le PSG qui fait office de locomotive, le football français peut être optimiste » déclare Vincent Duluc. Une constatation qui montre donc que le football français semble être prêt à rejoindre le gratin européen composé aujourd’hui de l’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. Mais il ne suffit pas d’être performant sur une saison pour y arriver. Accéder à une demi-finale de Coupe d’Europe, voire plus, ne sert à rien si le club n’est pas capable de réitérer cette performance les saisons suivantes.

Vincent Duluc estime que ce sera difficile pour Lyon de se maintenir ce niveau. « C‘est la fin d’une génération à Lyon avec le départ de plusieurs joueurs cadres comme Tolisso ou Lacazette. Le club va devoir bien investir et ne pas faire n’importe quoi sur le marché des transferts » explique-t-il. Pour Monaco, il se veut plus positif : « Monaco a les moyens de conserver ses meilleurs joueurs, il peut clairement maintenir ce standing pendant plusieurs saisons ». Ces demi-finales sont donc un tournant pour le football français s’il veut montrer à l’Europe entière qu’il occupe une place forte dans le monde du ballon rond.

Clément Dubrul