La complexe restitution des œuvres d’art spoliées durant la Seconde Guerre mondiale

La Seconde Guerre mondiale a été le théâtre de nombreuses spoliations d’œuvres d’art, particulièrement chez les familles juives. Près de 80 ans après, ces différentes œuvres se retrouvent dispersées à travers le monde, et leur restitution reste toujours une tâche complexe pour les familles touchées.

Trois œuvres de l’artiste autrichien Egon Schiele, d’une valeur de près de quatre millions de dollars, ont été saisies par les autorités américaines dans trois musées du pays, selon des sources judiciaires contactées par l’AFP. Ces œuvres sont réclamées par les héritiers de Fritz Grünbaum, juif autrichien collectionneur d’art, tué en 1941 dans le camp de concentration de Dachau. Pour la Cour suprême de l’Etat de New York, il « existe des motifs raisonnables de croire » que ces dessins ont été « volés » et « détenus illégalement« . Si l’Art Institute de Chicago, qui possède « Prisonnier de guerre russe », et l’Allen Memorial Art Museum de l’université Oberlin, qui a en sa possession le dessin « Filles aux cheveux noirs », assurent avoir « acquis » et « posséder légalement » ces œuvres, le dernier établissement, le Carnegie Museum of Art de Pittsburgh, a expliqué vouloir aider les autorités dans leurs recherches.

Œuvres spoliées : des familles européennes aux musées américains

Les restitutions d’œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale restent une tâche complexe pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, il est encore complexe d’estimer combien de ces œuvres se retrouvent chez des marchands, des collections privées ou même nationales. En 2009, lors d’une conférence tenue à Terezin, en République Tchèque, on estimait à près de 100 000 le nombre d’œuvres spoliées, sur 650 000, qui n’avaient pas été rendues à leurs propriétaires. Corine Hershkovitch, avocate spécialisée dans la restitution des œuvres volées durant la Seconde Guerre mondiale, expliquait jeudi 14 septembre, dans l’émission « Le cours de l’histoire » de France Culture, que près d’un million et demi d’œuvres ont été déplacées durant le conflit. Certaines d’entre elles sont restées en Europe, mais beaucoup d’autres ont été vendues par les Allemands en Suisse, avant de se retrouver aux États-Unis : « Les Allemands vont comprendre que ce n’est pas seulement une monnaie d’échange contre d’autres tableaux, c’est aussi un moyen de se procurer de l’argent et il va y avoir une porte de sortie en Suisse. La maison de vente Fisher va être très connue pour mettre en vente tous ces tableaux, qui vont être achetés massivement par les américains, et que l’on va donc retrouver dans les musées américains après-guerre, ce qui va poser notamment un gros problème aux musées quand la question de la restitution de ces tableaux va se poser à partir de la fin des années 90 »

Des démarches longues et fastidieuses

La restitution de ces œuvres se heurte à de nombreux obstacles. Pour ces trois dessins, la famille de Fritz Grünbaum justifie leur demande par le fait que leur ancêtre avait signé un document de cession de ces œuvres au régime nazi, alors même qu’il était prisonnier du camp de Dachau. Mais en 2005, la famille s’était heurtée à la justice américaine, qui avait jugé que leur demande intervenait trop tardivement. En 2018, elle avait obtenu gain de cause pour la restitution de deux autres œuvres, deux ans après l’adoption de la loi « Hear », permettant de prolonger le délai pour réclamer une œuvre spoliée.

En France, Ines Rotermund-Reynard, historienne de l’art, illustre ces difficultés d’obtenir gain de cause pour les familles, dans l’émission « Le cours de l’histoire » précédemment citée, par l’histoire d’Hugo Zimon, juif allemand, et collectionneur d’art, qui a dû s’exiler en 1933 en France, puis au Brésil, sous un faux nom. Après le conflit, il lui a été impossible de retrouver ses œuvres à cause de cette fausse identité. Seul le travail de ses descendants a permis à la famille de retrouver les œuvres spoliées.

 

 

 

Deux œuvres de la collection de Charles Aznavour aux enchères

D’après la maison de ventes Christie’s, Charles Aznavour était un passionné d’art. / Crédit photo : Flickr

Deux œuvres de la collection du chanteur Charles Aznavour, dont une célèbre sculpture de Germaine Richier estimée jusqu’à 2,5 millions d’euros, seront proposées aux enchères à Paris le 4 juin, a annoncé lundi la maison de vente Christie’s. Conçue par l’artiste en 1953, cette sculpture avait été acquise par Charles Aznavour auprès de son ami le chanteur Fred Mella, membre des Compagnons de la chanson. La deuxième œuvre, intitulée « Plaque Tesconi » et conçue en 1958, est quant à elle estimée entre 60.000 et 80.000 euros.

Décédé en octobre dernier, le chanteur était un grand passionné d’art, souligne Christie’s.

 

Alice Ancelin avec AFP