Avec Ben,  » l’art était partout »

Ben : "Je suis le plus important" - vers 1972 - sérigraphie sur toile (Exposition "le Rêve d'être un artiste - Palais des Beaux-Arts de Lille - Octobre 2019)

Du musée à la papeterie, les œuvres de Ben Vautier ne sont jamais cantonnées à un monde. Décédé le 5 juin, l’artiste a popularisé l’art durant sa longue carrière, en a fait un objet de la vie quotidienne, loin du huis clos des galeries.

« Tout est question d’envie » écrivait Ben, de son vrai nom Benjamin Vautier sur des objets du quotidien : qui n’a jamais vu cette graphie si particulière, arrondie et légère, estampillée sur ces agendas, trousses et autres gadgets ? C’est l’œuvre de l’artiste, décédé ce mercredi 5 juin. Pionnier de l’art post-moderne, il laisse un vaste héritage, car sa plume s’est baladée en de nombreux endroits. 

Mettre de l’art partout

Artiste italien né à Naples, il bâtit sa carrière en France où il arrive à tout juste 5 ans. Ben produit durant des décennies une multitude d’œuvres. Des installations colossales comme le magasin de Ben (1973) aux timides stylos, il laisse son empreinte partout. 

Dès 1959, il décide de signer les objets qui l’entourent. Tour de force qui métamorphose de banals outils en objets d’art.  » N’importe quoi, n’importe comment, n’importe où peut être une belle œuvre  » affirmait-il en 1989, dans un article de L’INA.

La commercialisation de son style si caractéristique n’était d’ailleurs pas un problème à ses yeux. Ben revendiquait sans aucune retenue la visée lucrative de ses œuvres. « Je veux la gloire, je veux des sous. Achetez moi » écrivait-il avec humour sur l’une de ses toiles ; mais toujours avec une distance ironique vis-à-vis de ce monde de l’art dont on ignore qui sera le prochain élu. « L’art ce n’est qu’une histoire d’ego » constatait-il d’ailleurs, désabusé, lors d’une interview en 2015. 

Portrait de l’artiste réalisé en 2013 à la fondation du doute. Mars 2013, Soardi, via Wikimedia Commons

Un artiste entre deux mondes

En sortant des musées pour innerver le quotidien, son art est finalement devenu populaire. Certains critiques y ont vu une forme de paupérisation. Une vulgarisation de l’art, devenant objet d’artisanat. 

Mais en réalité, Ben a très finement opéré ce double jeu. Un pied dans les expositions huppées d’art contemporain ; un autre dans toutes les papeteries de France. 

Alors certes, c’est une simple police d’écriture qui a créé sa notoriété. Mais accompagnée d’un propos. Ben glissait son esprit incisif et spontané, dans de petits aphorismes. Le plus souvent, c’était des phrases simples, reflets de ses interrogations personnelles.  » Qu’est-ce que l’art ? « , « je n’ai rien à vous montrer, il y a tout à voir. » Il incitait aussi, sur un ton plus christique, à la cohésion. « Aimez-vous les uns les autres ». 

Ben a rompu la frontière entre art et vie quotidienne. Le premier monde n’était plus, pour lui, une sphère éthérée, dédiée aux initiés. L’art était partout. Dans le sillage de Fontaine de Marcel Duchamp (1917) et des boîtes de soupe d’Andy Wahrol, il revendiquait cette force créative, en puissance dans chaque chose. Il s’agissait seulement de la révéler. En cela, Ben n’était pas en reste. « J’ai trop d’idées » avait-il griffonné sur l’une de ses toiles. 

Radidja Cieslak

La complexe restitution des œuvres d’art spoliées durant la Seconde Guerre mondiale

La Seconde Guerre mondiale a été le théâtre de nombreuses spoliations d’œuvres d’art, particulièrement chez les familles juives. Près de 80 ans après, ces différentes œuvres se retrouvent dispersées à travers le monde, et leur restitution reste toujours une tâche complexe pour les familles touchées.

Trois œuvres de l’artiste autrichien Egon Schiele, d’une valeur de près de quatre millions de dollars, ont été saisies par les autorités américaines dans trois musées du pays, selon des sources judiciaires contactées par l’AFP. Ces œuvres sont réclamées par les héritiers de Fritz Grünbaum, juif autrichien collectionneur d’art, tué en 1941 dans le camp de concentration de Dachau. Pour la Cour suprême de l’Etat de New York, il « existe des motifs raisonnables de croire » que ces dessins ont été « volés » et « détenus illégalement« . Si l’Art Institute de Chicago, qui possède « Prisonnier de guerre russe », et l’Allen Memorial Art Museum de l’université Oberlin, qui a en sa possession le dessin « Filles aux cheveux noirs », assurent avoir « acquis » et « posséder légalement » ces œuvres, le dernier établissement, le Carnegie Museum of Art de Pittsburgh, a expliqué vouloir aider les autorités dans leurs recherches.

Œuvres spoliées : des familles européennes aux musées américains

Les restitutions d’œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale restent une tâche complexe pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, il est encore complexe d’estimer combien de ces œuvres se retrouvent chez des marchands, des collections privées ou même nationales. En 2009, lors d’une conférence tenue à Terezin, en République Tchèque, on estimait à près de 100 000 le nombre d’œuvres spoliées, sur 650 000, qui n’avaient pas été rendues à leurs propriétaires. Corine Hershkovitch, avocate spécialisée dans la restitution des œuvres volées durant la Seconde Guerre mondiale, expliquait jeudi 14 septembre, dans l’émission « Le cours de l’histoire » de France Culture, que près d’un million et demi d’œuvres ont été déplacées durant le conflit. Certaines d’entre elles sont restées en Europe, mais beaucoup d’autres ont été vendues par les Allemands en Suisse, avant de se retrouver aux États-Unis : « Les Allemands vont comprendre que ce n’est pas seulement une monnaie d’échange contre d’autres tableaux, c’est aussi un moyen de se procurer de l’argent et il va y avoir une porte de sortie en Suisse. La maison de vente Fisher va être très connue pour mettre en vente tous ces tableaux, qui vont être achetés massivement par les américains, et que l’on va donc retrouver dans les musées américains après-guerre, ce qui va poser notamment un gros problème aux musées quand la question de la restitution de ces tableaux va se poser à partir de la fin des années 90 »

Des démarches longues et fastidieuses

La restitution de ces œuvres se heurte à de nombreux obstacles. Pour ces trois dessins, la famille de Fritz Grünbaum justifie leur demande par le fait que leur ancêtre avait signé un document de cession de ces œuvres au régime nazi, alors même qu’il était prisonnier du camp de Dachau. Mais en 2005, la famille s’était heurtée à la justice américaine, qui avait jugé que leur demande intervenait trop tardivement. En 2018, elle avait obtenu gain de cause pour la restitution de deux autres œuvres, deux ans après l’adoption de la loi « Hear », permettant de prolonger le délai pour réclamer une œuvre spoliée.

En France, Ines Rotermund-Reynard, historienne de l’art, illustre ces difficultés d’obtenir gain de cause pour les familles, dans l’émission « Le cours de l’histoire » précédemment citée, par l’histoire d’Hugo Zimon, juif allemand, et collectionneur d’art, qui a dû s’exiler en 1933 en France, puis au Brésil, sous un faux nom. Après le conflit, il lui a été impossible de retrouver ses œuvres à cause de cette fausse identité. Seul le travail de ses descendants a permis à la famille de retrouver les œuvres spoliées.

 

 

 

Deux œuvres de la collection de Charles Aznavour aux enchères

D’après la maison de ventes Christie’s, Charles Aznavour était un passionné d’art. / Crédit photo : Flickr

Deux œuvres de la collection du chanteur Charles Aznavour, dont une célèbre sculpture de Germaine Richier estimée jusqu’à 2,5 millions d’euros, seront proposées aux enchères à Paris le 4 juin, a annoncé lundi la maison de vente Christie’s. Conçue par l’artiste en 1953, cette sculpture avait été acquise par Charles Aznavour auprès de son ami le chanteur Fred Mella, membre des Compagnons de la chanson. La deuxième œuvre, intitulée « Plaque Tesconi » et conçue en 1958, est quant à elle estimée entre 60.000 et 80.000 euros.

Décédé en octobre dernier, le chanteur était un grand passionné d’art, souligne Christie’s.

 

Alice Ancelin avec AFP