Les principaux acteurs du bio en proie au doute

Le bio dans le panier alimentaire des Français est en baisse en raison de la hausse des prix et d’un marché qui sature. Malgré les doutes, les principaux acteurs tentent de rassurer.

Le bio ne voit plus vert, mais rouge. Il fait face à une demande en baisse par rapport à 2021. Le marché bio est en recul pour la première fois de près de 0,5%, bien que cette chute soit moindre que celle envisagée par l’Agence bio, qui a présenté ses données annuelles aujourd’hui.

 

L’Agence bio, Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, a vu se volatiliser près de 600 millions d’euros. Une tendance qui est constatée dans de nombreux pays européens. Un mot d’ordre pour tous les intervenants qui se sont relayés : être rassurants. Pour Laure Verdeau, présidente de l’Agence, « Le marché bio n’est pas une parenthèse qui se referme. L’agriculture bio continue de progresser malgré ce que l’on peut entendre. C’est un recul inédit certes, mais général de la consommation alimentaire.  »

Le panier de consommation des Français évolue.

Un effondrement du secteur

Cela ne peut être une excuse, d’autant plus que l’inflation est moins présente dans le secteur du bio que dans le reste de l’agroalimentaire. Le marché du bio est plongé dans une crise profonde, avec un chiffre d’affaires en baisse de 8,6 %. Le retournement du marché des produits issus de l’agriculture biologique contraint de nombreuses enseignes, en particulier celles des petits réseaux, à fermer boutique. Seul le bio vendu en circuit court connaît une hausse de 3,9 %. 

« Le marché bio ne croit plus, il stagne » – Philippe Camburet, président de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique

 

La Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique tire la sonnette d’alarme. Le principal syndicat de l’agriculture bio en France constate un problème réel. Selon son président Philippe Camburet, « le marché ne croit plus, il stagne face à une concurrence très forte de produits sans pesticides, dits naturels, et c’est là le véritable problème. Nous commençons à avoir du mal à créer de nouvelles grandes surfaces. » Et pour cause, les surfaces en première année de conversion vers l’agriculture biologique sont en baisse de 41%.

Manque d’ambition

Les obstacles juridiques sont pointés du doigt par les agriculteurs, tels que la loi Egalim, visant à équilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et à promouvoir une alimentation saine et durable. Cette loi a eu un impact sur les cantines, avec une augmentation de la part de produits bio dans la restauration collective. Mais elle n’est pas assez ambitieuse, on n’y est pas”, constate Philippe Camburet. Quant à la Politique Agricole Commune (PAC), « elle ne va pas assez loin.« 

EGalim 1 : ce que contient la loi Agriculture et Alimentation | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

 

Ce constat alimente la morosité économique générale du côté des consommateurs, de la grande distribution et des pouvoirs publics, à cause de l’inflation. “Nos produits sont perçus comme chers. Ce qui est faux à la vue de l’inflation aujourd’hui. Il est nécessaire d’expliquer au consommateur ce qu’est réellement un produit bio. Nous devons changer la perception de ces produits dans tous les aspects de notre vie quotidienne. »

Adrien-Guillaume Padovan

Confinement : les maraîchers bio tirent leur épingle du jeu

L’épidémie de coronavirus et le confinement mis en place ont modifié la manière de consommer de nombreux Français. Une opportunité pour l’agriculture biologique qui a su notamment adopter de nouvelles pratiques de distribution. 

Le coronavirus, une aubaine pour les fruits bio (Photo flickr)

Pour pallier la chute de leur chiffre d’affaires, certains producteurs ont mis sur pied de nouveaux modes de distribution. C’est le cas du maraîcher « Les jardins de l’hermitine », à Vittefleur en Seine-Maritime. Vincent Cavelier qui dirige cette ferme biologique, a mis en place un service de livraison dans sept communes situées à proximité de son exploitation. Tous les jours, le maraîcher se rend dans un village différent pour distribuer ses paniers de légumes. « Nous avons mis ce procédé en place pour compenser la perte de chiffre d’affaires due à la fermeture des marchés », raconte le producteur.

Coronavirus oblige, cette distribution mise en place avec l’aide des mairies répond à des normes très précises. « Toute personne ne respectant pas la distance sociale d’un mètre, ou n’ayant pas passé de commande au préalable se verra refuser le droit de commander un panier », précise la brochure distribuée par Vincent Cavelier à sa clientèle.

Les paniers sont disposés sur une table installée par le producteur devant les différentes mairies. Pendant une heure, les clients se succèdent pour récupérer leurs provisions. Cette formule mise en place à l’occasion du confinement a séduit de nombreux habitants.

« Notre nombre de clients a augmenté, on touche une clientèle plus large »

« Les gens sont plus sensibles aux circuits courts »

A l’origine de cet engouement figure une remise en cause du mode de consommation traditionnel ; une aubaine pour des exploitations locales et biologiques comme celle de Vincent Cavelier.« C’est sûr qu’aujourd’hui les gens sont plus sensibles aux circuits courts, ils rechignent à se rendre dans les grandes surfaces », confirme le maraîcher.  « Je ne peux plus aller au marché et je préfère acheter localement. C’est une occasion formidable pour moi d’acheter directement au producteur. C’est vraiment un circuit court »,  abonde Claire de Maupeou, une des clientes hebdomadaires des Jardins de l’Hermitine.

Ce nouveau mode de consommation, qui fait la part belle aux productions locales, va t-il résister au déconfinement ? C’est la question que se pose Vincent Cavalier, qui espère bien profiter de cette nouvelle dynamique. « Maintenant que j’ai fait connaissance avec ce producteur, je reviendrai le voir », avance Claire de Maupeou. Malgré cet engouement, l’heure n’est pas aux réjouissances prématurées. « Peut-être que 50% des gens vont garder une certaine mentalité vertueuse, mais je pense que les vieux réflexes vont revenir très vite », relativise Vincent Cavelier. « C’est avec le temps qu’on va le découvrir », conclut-il.

Paul de Boissieu