Le procès UberPop aura (enfin) lieu

Thibaud Simphal, General Director of Uber France, a transportation network company, poses on Mai 19, 2015 at Uber French headquarters in Paris. AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA / AFP / MIGUEL MEDINA
Thibaud Simphal, directeur général d’Uber France, le 19 mai 2015 à Paris. AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA / AFP / MIGUEL MEDINA

Après avoir été renvoyé en septembre dernier, le procès UberPop s’ouvrira jeudi. Les deux accusés, responsables de l’application de VTC en France et en Europe de l’Ouest, se présenteront devant la justice alors que les tensions entre taxis et VTC sont à leur comble depuis quelques semaines.

Uber France de nouveau sur le banc des accusés. Jeudi 11 et vendredi 12 février, le directeur général Thibaud Simphal et le directeur d’Uber pour l’Europe de l’Ouest Pierre-Dimitri Gore-Coty doivent comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris pour l’application UberPoP, suspendue depuis juillet.

Les deux hommes d’affaire sont poursuivis pour cinq chefs d’accusation, notamment complicité d’exercice illégal de la profession de taxi, traitement et conservation illégaux de données informatiques et organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux. Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison, 300 000 euros pour les deux dirigeants et 1,5 millions d’euros d’amende pour la société.

Cette nouvelle convocation est le dernier épisode d’un feuilleton judiciaire et social qui dure depuis des mois. Le 30 septembre, déjà, les deux responsables de l’application se présentaient devant la justice avant que le procès ne soit renvoyé à aujourd’hui, pour laisser le temps à la justice d’organiser deux expertises sur les disques durs et les ordinateurs saisis au siège d’Uber France.

Cette comparution intervient alors que le conflit qui oppose les taxis aux VTC bat son plein. Le mardi 26 janvier, 2 100 taxis ont manifesté contre la concurrence jugée déloyale des VTC, amenant Manuel Valls à annoncer, entre autres mesures, un renforcement des contrôles de VTC. Une déclaration qui a attisé la colère des chauffeurs concernés, mobilisés aujourd’hui pour la cinquième journée consécutive. L’application Uber annonçait ce matin qu’elle serait suspendue entre 11 heures et 15 heures, en signe de soutien aux chauffeurs.

B.P. (avec AFP)

« L’épilepsie fait peur aux enseignants »

Si la loi de 2005 sur l’accessibilité oblige l’éducation nationale à accueillir tous les enfants handicapés, les parents dénoncent encore des enseignants trop réfractaires à l’arrivée d’un petit épileptique, voire des enfants carrément exclus. Une appréhension liée à une méconnaissance de la maladie. 

«J’ai une fille dont personne ne veut », déplore Raphaëlle Thonnat, maman de Caroline, 12 ans. Pourtant quand on la voit, Caroline est une petite fille « normale ». Sauf qu’elle souffre d’épilepsie. Depuis 10 ans, Raphaëlle a arrêté de travailler, pour pouvoir assurer les trajets entre école le matin, rendez-vous chez l’orthophoniste, le pédopsychiatre ou autre spécialiste l’après-midi. Mais aujourd’hui cette mère divorcée est à bout.

Tabassée par les camarades dans la cour d’école

Caroline a d’abord était scolarisée dans le public, mais c’était « trop dur », se souvient Raphaëlle. « Les enseignants ne faisaient pas l’effort de comprendre ses moments d’absence», regrette-t-elle. Dans la cour de récréation, elle se faisait tabasser par les autres enfants, qui la traitaient de feignasse car elle n’était présente que le matin*, et était traitée de débile à cause de ses absences. Alors Caroline a intégré l’école privée catholique Thérèse Chappuis. « Le corps enseignant avait à l’époque un beau discours. Mais hier, la directrice m’a envoyé un mail m’expliquant que ma fille ne satisfaisait pas les exigences du collège et que je ferais mieux de me renseigner pour un autre établissement», dit-elle désespérée.

A entendre Delphine Dannecker, le cas de Caroline semble banal. «  Il y a un grand nombre d’enfants refusés à l’école, en crèche, ou en club sportif », explique cette mère d’un petit garçon épileptique et par ailleurs responsable communication de l’association Epilepsie France.

Les associations demandent une directive nationale pour une meilleure formation des professeurs à l’épilepsie

Pourtant, en France, la loi de 2005 impose à toutes les écoles publique de recevoir tous les enfants », rappelle Christine Cordiolani, médecin conseiller technique de l’académie de Versailles. « Bien souvent à l’arrivée au collège, les élèves épileptiques ne veulent pas parler de leur maladie. Certains menacent même de se suicider si les parents en parlent à l’infirmière ou au directeur d’établissement », explique cet ancien médecin scolaire. « Or ce défaut d’information, c’est le pire. Il faut dédramatiser et surtout faire en sorte que le professeur sache réagir. »

Justement, en octobre, la fondation française pour la recherche sur l’épilepsie a demandé à Najat Vallaud-Belkacem une directive nationale à ce sujet. La requête : « que les futurs professeurs soient formé aux gestes à adopter face à une crise d’épilepsie et soient capables d’informer leurs élèves à ce sujet », résume Emmanuelle Allonneau-Rouberti, présidente de la fondation.

Dans les faits, aucune réglementations n’empêche la venue d’associations dans les classes. Reste que les enseignants sont parfois réfractaires. Le professeur Rima Nabbout, spécialiste de l’épilepsie a essayé à plusieurs reprises de se rendre dans les classes d’élèves épileptiques pour sensibiliser à la maladie et répondre aux questions des autres élèves. Elle a enregistré refus sur refus.

Une maladie qui fait peur

« On ne peut que constater une méconnaissance incroyable autour de ces maladies dans les écoles et dans la société en général alors qu’elle concerne 1% de la population », note Stéphane Auvin, neuropédiatre spécialiste de l’épilepsie. « L’image de l’épilepsie a toujours été extrêmement négative, souvent rapprochée à la possession du diable… L’image de quelqu’un en crise d’épilepsie est très chargée émotionnellement, car on est face à un sentiment de mort imminente. Alors la maladie fait peur », analyse le docteur.

Cette méconnaissance est à relier au nombre de spécialistes apte à la prise en charge de cette maladie : en France on compte 250 neuropédiatres et environ 500 neurologues pour environ 500 000 malades.  « Nous sommes beaucoup trop peu », déplore le docteur Derambure, epileptologue et directeur de la ligue contre l’épilepsie.

 

Marine Brossard

 

*Caroline bénéficie d’horaires adaptées

 

Le programme économique du FN divise… le FN

Réuni en séminaire du 5 au 7 février, le Front national est confronté à un problème : comment confirmer au second tour des élections les bons scores observés aux premiers ? Au programme donc, un changement de nom, la sortie de l’euro et surtout la préparation de 2017.

Depuis cinq ans, le Front national a su conquérir une partie de l’électorat de droite sur ses thématiques traditionnelles de l’immigration et de la sécurité. Mais il a aussi progressé en séduisant à gauche et jusqu’à l’extrême gauche anti-libérale grâce à son discours social et économique. Reste à devenir crédible et passer la barre du second tour. Problème, ce programme économique anti-libéral, anti-euro et protectionniste est largement décrié par la plupart des économistes. Voici les principales mesures avancées par le parti frontiste.

French Front National (FN) far-right party's President Marine Le Pen delivers New Year's wishes to the press at the FN headquarters in Nanterre on January 7, 2016. / AFP / LIONEL BONAVENTURE
Marine Le Pen lors d’un discours au siège du Front national le 7 janvier 2016. (Photo AFP / LIONEL BONAVENTURE)

« Le retour au franc pour retrouver la prospérité » : ce projet reste central dans le programme du Front même si les termes et la date de cette sortie ont évolué avec le temps. Il ne s’agit pas « d’une sortie unilatérale de l’euro ». A l’image des Britanniques de l’Ukip, le parti souhaite organiser un référendum en France. Tout en renégociant les traités européens, le parti prévoit le démontage « coordonné de l’euro unique par un euro commun qui coexisterait avec l’euro ». L’objectif : « agir sur notre monnaie en refusant les plans dramatiques d’austérité sociale ». Après avoir repris le contrôle de la politique monétaire, le FN envisage de dévaluer le franc (de 20% à 25% selon les prises de parole).

« Déprivatiser l’argent public pour désendetter la France » : « en 40 ans, la France a versé 1400 milliards d’euros d’intérêts aux marchés financiers ». Partant de ce constat, le FN propose de briser le monopole des banques, ce qui permettrait à la France de s’endetter auprès de la banque de France à des taux bas et non plus sur les marchés privés. Cette proposition est commune avec l’extrême gauche et les souverainistes comme Nicolas Dupont-Aignant.

« Le retour de la retraite à 60 ans et la revalorisation des retraites » : Là encore, une proposition de l’extrême gauche. La retraite pleine à 40 annuités serait restaurée et l’âge légal de départ en retraite ramené à 60 ans. De plus, les pensions de retraites seraient revalorisées. En revanche, le minimum vieillesse pour les étrangers sera supprimé. Ces mesures seront financées en taxant les revenus du capital.

« Augmenter le SMIC de 200 euros nets en instaurant une taxe douanière » : cette mesure de relance du pouvoir d’achat serait financée par une « contribution sociale aux importations égale à 3% du montant des biens importés », c’est à dire une taxe aux frontières.

 

Avec ce programme qui promet souveraineté et politique sociale, le FN a cherché à faire le grand écart. Il souhaite rassurer sa base historique sensible aux problématiques identitaires, continuer de rafler les « laissés-pour-compte de l’UMPS » tout en séduisant les classes moyennes. Un choix entre libéralisme et étatisme qui va s’avérer crucial dans la stratégie de campagne de 2017. Sans compter que le parti n’affiche pas un front uni sur ces questions.

 

Plusieurs cadres frontistes aimeraient que la sortie de l’euro soit beaucoup moins mise en avant dans les discours afin de ne pas effrayer l’électorat de droite, notamment les retraités, inquiets pour leur épargne, et les CSP+. Parmi eux, il y a Jean-Lin Lacapelle. Le nouvel homme fort du Front national depuis sa nomination au poste de secrétaire national aux fédérations et à l’implantation, a annoncé la couleur dans une interview à l’hebdomadaire d’extrême droite Minute : « Nous devons réfléchir pour voir si l’on peut préserver l’euro et le faire évoluer ou s’il faut changer de monnaie, c’est-à-dire revenir au franc« .

L’arrivée de l’ancien directeur commercial de L’Oréal, et de ses réseaux dans le secteur privé, est aussi cohérente avec le visage pro-business que souhaite désormais afficher le FN, soucieux de contrer les piques de la droite sur son programme économique «de gauche». Quant à la sortie de l’euro, l’intéressé relativise : « ce n’est pas ça l’idée, c’est différent. On veut challenger l’euro. On n’en sort pas du soir au lendemain. Cela se prépare, s’anticipe, se discute avec les entrepreneurs. »

Marion Maréchal-Le Pen, en bonne petite fille de son grand père (« le Reagan Français » pour reprendre ses propre mots) penche du côté du libéralisme. Robert Ménard allait même plus loin vendredi dernier. « Si le Front national veut gagner, il faut qu’il change« , a-t-il insisté au micro de France Info. « Faire de la sortie de l’euro l’alpha et l’omega de toute politique me semble être une mauvaise idée. »

Au contraire, Florian Philippot, qui incarne la ligne « sociale » et étatique du FN s’oppose à toute remise en question de la sortie de l’euro. Celui-ci menace de quitter le parti si cette mesure devait être abandonnée.

Reste à savoir où se placera Marine Le Pen. Idéologiquement plus proche de la ligne Philippot elle doit aussi composer avec les autres mouvances de son parti. Invitée lundi soir sur le plateau de TF1, la présidente du Front national devrait clarifier la situation.

Antoine Etcheto

« On demande aux chômeurs de se passer de nous »

Trois questions à… Véronique Bleuse, conseillère pôle emploi en Picardie et déléguée CGT. L’agence dans laquelle elle travaille applique depuis octobre 2015 les réformes lancées par la direction. Ce lundi, elle est venue manifester son mécontentement devant la Direction générale de Pôle emploi, à Paris.

La direction de Pôle emploi souhaite fermer les agences, l’après-midi, aux demandeurs d’emploi sans rendez-vous. Quels ont été les conséquences d’une telle mesure dans votre agence ?

Ça a été catastrophique. Depuis que l’agence ferme à 12h30, on a assisté à un flux incessant de personnes qui cherchent à prendre rendez-vous l’après-midi. Nous, on ne peut plus les accueillir, alors tout le monde essaye de venir le matin, la queue est interminable, les conseillers sont débordés. On a dû mettre en place un système D pour répondre à toutes ces demandes. Des conseillers « jokers », c’est-à-dire des conseillers supplémentaires pas prévus au planning, viennent nous épauler le matin pour gérer le flux. Nos conditions de travail et l’accueil des demandeurs d’emploi ne s’est pas amélioré avec cette mesure.

N’avez-vous pas, grâce à cette réforme, plus de temps l’après-midi pour mieux traiter les demandes ?

L’après-midi, nos boîtes mails explosent parce que ceux qui n’ont pas obtenus de rendez-vous le matin tentent de nous contacter par e-mail. Sachant que certains conseillers ont jusqu’à 900 demandeurs d’emploi à suivre, ça nous prend énormément de temps de répondre à toutes ces nouvelles demandes de rendez-vous. Beaucoup de gens s’énervent, ils essayent de communiquer avec l’interphone de l’agence. On en arrive à une situation où les demandeurs d’emplois sont obligés d’envoyer un mail à leur conseiller qui se trouve de l’autre côté de la porte. En quelque sorte, on est en train de demander aux chômeurs de se passer de nous.

Qu’en est-il du passage au « tout internet » concernant l’inscription et les demandes d’allocations ?

Ça a eu pour conséquence une dépendance des demandeurs d’emploi à internet. Les échanges de mails entre conseillers et demandeurs ont explosé. Seulement, il ne faut pas oublier que 20% des chômeurs n’ont pas d’accès à internet. Ces personnes là se retrouvent discriminées. Ce sont ces mêmes personnes que nous sommes obligés d’aider en agence. Mais la procédure est longue, ça prend au moins 50 minutes pour rentrer toutes les informations dans le logiciel. Internet, ça a peut-être permis à certains de gagner du temps, mais nous, on en a encore perdu.

Léo Pierrard