Révision constitutionnelle : les échéances à venir

La déchéance de nationalité a été adoptée par les députés à une courte majorité mardi 9 février au soir. Mais la réforme constitutionnelle devra encore passer plusieurs étapes pour être définitivement adoptée.

 L'Assemblée nationale a adopté hier, mardi, l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution. Crédit JACQUES DEMARTHON / AFP
L’Assemblée nationale a adopté hier, mardi 9 février, l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution. Crédit
JACQUES DEMARTHON / AFP

Les débats étaient vifs mardi soir à l’Assemblée. L’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution a finalement été adoptée par les députés, avec 162 voix pour et 142 contre. Parmi les opposants se trouvaient 92 socialistes, chiffre qui témoigne des controverses soulevées par ce texte. Mais rien n’atteste que cet article 2 du projet de loi constitutionnelle entrera un jour en vigueur. Plusieurs échéances pourraient encore tuer dans l’œuf la mesure contestée qui, tout comme le régime d’exception de l’état d’urgence, fait partie du projet de loi de révision de la Constitution.

  • Étape 1 : vote du projet de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale

Les députés sont appelés ce mercredi 10 février, dans l’après-midi, à se prononcer sur le projet de loi constitutionnelle. L’article 1er, concernant l’état d’urgence, ainsi que l’article 2 sur la déchéance de nationalité ont déjà été adoptés. Le texte doit désormais être étudié dans son ensemble. L’issue du vote est encore incertaine, bien qu’une adoption semble être l’hypothèse la plus probable. Un refus marquerait l’abandon immédiat du projet.

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  • Étape 2 : vote du Sénat

Si le texte est adopté, le Sénat l’étudiera à son tour dans un délai minimal de quatre semaines. Le projet doit impérativement être entériné dans les mêmes termes par les deux assemblées. Cette étape est indispensable pour que le Parlement soit ensuite réuni en Congrès. Mais avec une majorité de droite, tout laisse à penser que l’ambiance sera tendue au perchoir. D’autant que, pour que l’article 2 soit validé par l’Assemblée nationale, le texte a dû être retoqué en supprimant la référence à la binationalité. Or, Les Républicains étaient opposés à cette modification susceptible de créer des apatrides. Cette étape pourrait donc bien marquer l’enterrement final du projet.

  • Étape 3 : nouveau Congrès à Versailles

Dernière étape et pas des moindres, les deux chambres du Parlement doivent être réunies lors d’un nouveau Congrès de Versailles. Une majorité des trois cinquièmes est nécessaire pour valider la révision constitutionnelle. À nouveau, les chiffres jouent contre l’exécutif qui ne dispose pas d’une majorité solide et dont les divisions internes annoncent un échec quasi-inévitable.

Laura Daniel

Procès Cahuzac : à peine débuté, déjà suspendu

Le procès pour fraude fiscale de l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac est suspendu, deux jours seulement après son ouverture. Son avocat avait déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité pour contester le cumul de sanctions pénales et fiscales, ce qui a bloqué la procédure. Le tribunal correctionnel de Paris a annoncé la reprise du procès pour le 5 septembre prochain. 

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Etats-Unis : la Cour suprême suspend le plan climat d’Obama

Après examen des plaintes de 25 États, la Cour suprême des États-Unis a décidé mardi 9 février de suspendre le « Clean Power Plan » de Barack Obama, censé lutter contre le réchauffement climatique.

US President Barack Obama delivers remarks at a Clean Power Plan event at the White House in Washington, DC, August 3, 2015. President Barack Obama described climate change as one of the key challenges of our time Monday as he announced the first ever limits on US power plant emissions. As a step to try to adapt, Obama announced power plant owners must cut carbon dioxide emissions by 32 percent from 2005 levels by 2030. AFP PHOTO/JIM WATSON / AFP / JIM WATSON
US President Barack Obama présente le Clean Power Plan à la Maison Blanche, Washington, DC. Le 3 août 2015. crédits / JIM WATSON / AFP

C’est une très mauvaise surprise pour le président américain. La Cour suprême, la plus haute instance de justice américaine, a suspendu mardi 9 février son programme, censé limiter les émissions polluantes des centrales thermiques de 32 % d’ici à 2030 par rapport à 2005, en laissant aux États la souplesse nécessaire pour y parvenir. Les différentes mesures du « Clean Power Plan » avaient été finalisées en août dernier et le président américain les avait présentées lors de la COP21 à Washington. Mais 27 États américains, dont la majorité sont républicains, ont saisi la Cour Suprême début décembre et ont voté contre le projet du président, demandant son annulation. La décision de la Cour suprême, qui a voté avec une majorité de cinq juges sur neuf, a réagi avec une rapidité étonnante et a finalement annulé le « Clean Power Plan » d’Obama.

5 voix contre 4 : une majorité fragile

Concrètement, l’application de ces nouvelles règles n’est que retardée, au moins jusqu’à l’été, le temps qu’une cour d’appel examine les arguments avancés par les États détracteurs. Malgré ce déboire, la Maison Blanche a réaffirmé sa « confiance » en son plan de lutte contre le réchauffement climatique. « Nous sommes en désaccord avec la décision de la Cour suprême de suspendre le ‘Clean Power Plan' », a souligné l’exécutif dans un communiqué, tout en affirmant que le plan repose sur des bases « techniques et légales solides ».

Un retard pour la COP21

Les clans républicain et démocrate se déchirent une fois de plus face à cette décision. Le candidat à la primaire démocrate américaine Bernie Sanders, qui a emporté haut la main la primaire dans le New Hampshire, a jugé « profondément décevante » la décision de la Cour suprême. Le procureur de Virginie occidentale Patrick Morrisey, un des frondeurs du plan d’Obama, a, quant à lui, salué sur son compte Twitter une « victoire monumentale ».

Au-delà de la rivalité politique, c’est un boulet au pied des États-Unis qui s’ajoute. Si la législation finit tout de même par être adoptée, le pays sera nettement en retard sur le calendrier fixé à l’occasion de la COP21.

Mathilde Pujol

2ème jour de procès en appel pour André Mikano, l’avocat des clandestins

Le procès en appel d'André Mikano, l'avocat des clandestins se déroule à la Cour d'appel de Paris jusqu'au 10 février, Flickr Kate Hopkins
Le procès en appel d’André Mikano, l’avocat des clandestins se déroule à la Cour d’appel de Paris jusqu’au 10 février, Flickr Kate Hopkins

Condamné en 2013 à deux ans de prison dont un an ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier en bande organisée », l’avocat André Mikano est de retour devant la justice. Depuis lundi 8 février, l’homme surnommé l’avocat des clandestins est rejugé en appel avec six co-prévenus.

Le calme plane sur la Chambre 2.8 de la Cour d’appel de Paris ce mardi 9 février. Il est 13h30, l’audience va commencer. André Mikano, principal prévenu, entre calmement, trainant derrière lui une petite valise. L’avocat a été condamné en première instance en 2013 à deux ans de prison dont un ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier en bande organisée ». Il aurait travaillé sciemment avec un réseau de passeurs qui faisait entrer en France des sans-papiers venant du Maroc entre 2007 et 2010.

Déclarations à charge de son coursier

Me Mikano échange quelques mots avec ses avocats, puis s’assoit nonchalamment sur le banc, passant une main dans ses cheveux blanchis. Le procès en appel s’est ouvert hier, lundi 8 février. Le Président Burkol ouvre la séance. Il commence par la lecture des déclarations de Mody Fofana, coursier d’André Mikano. Le témoignage du jeune homme est accablant. Il parle d’un ami marocain, qu’il nomme Abdel, ce dernier « fait partie d’un réseau d’immigration clandestine vers la France », déclare le Président de séance, changeant de voix pour donner un aspect plus théâtral à sa lecture. Avant de poursuivre, citant toujours l’intéressé : « Je sais qu’Abel et Me Mikano travaillent ensemble depuis un an et demi au minimum. » Sur le banc, Me Mikano écoute calmement le Président, une main soutenant sa tête.

Dans sa déclaration, Mody Fofana revient sur tous les points sensibles du dossier : les faux passeports retrouvés chez l’avocat, les 1 500 euros versés par chaque immigré clandestin, la chasse aux garants à laquelle Me Mikano se serait livré.  Deuxième lecture, celle des déclarations de Mohamed Bourg, organisateur de la filière clandestine, qui sera entendu au Maroc. « Mikano est un avocat Français qui travaille avec mon réseau, 1500 euros est le tarif qu’il demande », déclare le passeur dans la voix du Président.

L’homme détaille alors les dessous de son trafic. Le billet acheté à l’agence d’Air France à Casablanca pour un vol avec un transit à l’aéroport parisien de Roissy, l’acquisition d’un téléphone à carte pour se faire guider dans l’aéroport par un passeur qui a appris la couleur des portes par coeur. Quand cette méthode échoue, Me Mikano entre en jeu selon Mohamed Bourg.

« Moi j’ai fait la chasse aux garants ? Je ne vois pas comment ! »

A son tour, André Mikano est appelé à la barre. Le regard dur, d’un pas assuré, l’avocat s’avance. Immédiatement devant la Cour, sa posture se ferme. Ses bras se croisent sur sa poitrine, et l’homme commence par rejeter calmement les arguments avancés par le Président. Très vite, le ton monte. Le Président Burkol interrompt André Mikano et ce dernier le coupe, élevant la voix et marquant chaque parole de grands gestes de la main.

L’avocat, aujourd’hui sur le banc des accusés, est bon orateur. Son discours est organisé, sa prise de parole appuyée par des dossiers qu’il fait circuler au Président, à ses assesseurs et à l’avocat général. « Moi j’ai fait la chasse aux garants ? Je ne vois pas comment j’aurais pu en travaillant tous les jours ! », s’indigne-t-il. Me Cohen-Sabban et Me Stansal, qui assurent la défense d’André Mikano, restent à proximité de leur client, s’avançant doucement tour à tour quand le prévenu hausse trop le ton.

André Mikano ne se prive pas d’accuser les forces de police, qui lui auraient fait « subir des pressions » pendant sa garde à vue et seraient contre lui dans ce dossier. Il se défend de connaître Mohamed Bourg et se dit très déçu des accusations de Mody Fofana, qu’il considère comme une trahison. Il désigne même le jeune homme comme un Marabout. Dès que la Cour questionne André Mikano sur la somme en liquide retrouvée chez lui (205 520 euros et 47 615$), le calme retrouvé est immédiatement remplacé par la cohue. Chacun essaie de parler plus fort que l’autre et une fois de plus, Me Stansal s’approche pour faire revenir le calme.

Après avoir entendu les arguments d’André Mikano, le Président Burkol regarde le prévenu droit dans les yeux, derrière ses petites lunettes carrées. « En gros vous dites que les accusations contre vous ont été faites par quelqu’un que vous ne connaissez pas, quelqu’un d’autre qui vous a trahi, a subi des pressions et voulu vous marabouter », conclut-il sans cacher son scepticisme. Me Mikano a déjà fait l’objet d’une relaxe en 2014 dans un dossier similaire concernant une immigration clandestine venant des Philippines. Le procès en appel devrait se terminer mercredi.

Constance Maria