A priori, tout oppose les deux vainqueurs des primaires républicaine et démocrate dans le New Hampshire. Pourtant, Donald Trump comme Bernie Sanders sont l’incarnation d’une révolte populaire contre l’establishment américain.
Une vague a submergé les candidats républicains et démocrates de l’establishment. Cette vague, c’est celle de la révolte populaire. Lassés par la classe politique américaine, les électeurs du New Hampshire ont choisi d’accorder leur confiance à des candidats anti système. Donald Trump a remporté, lundi, la primaire républicaine dans le New Hampshire, reléguant son poursuivant à plus de 18 points. Le magnat de l’immobilier a su séduire grâce à un discours sécuritaire et anti-immigration. De son côté, Bernie Sanders, socialiste revendiqué, a écrasé l’ancienne secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Hilary Clinton, en obtenant 60% des voix contre 39% pour sa concurrente. Dans un pays où le terme « socialiste » est souvent considéré comme une injure, l’exploit est de taille.
Les deux hommes, pourtant si éloignés politiquement, défendent une même idée : faire tomber un système politique corrompu par le lobbying. Dans un article du Monde, Laurence Nardon, politologue, et responsable de l’Institut français des relations internationales, souligne que ces «derniers mois ont porté au premier rang des candidats inattendus, qui remettent profondément en cause la manière de faire des deux grands partis». Un contexte qui profite aux deux candidats.
Des programmes économiques loin de la réalité
Pendant longtemps « les deux candidats ont été sous-estimés par l’establishment des deux partis » soutient Laurence Nardon. Au fil des sorties provocatrices du candidat républicain, les spécialistes misaient sur son explosion en vol. Manifestement, leurs prophéties ne se sont pas réalisées. Crédité de 38% des intentions de vote, Donald Trump fait figure de favori dans la course à l’investiture républicaine et continue de surfer sur la vague de la provocation et de la démagogie. Défenseur du rêve américain, il mise sur un programme économique jugé caduque, en promettant une suppression de l’impôt sur les sociétés et les successions et prône le gel du SMIC local. Dans les faits, même s’il est élu, les promesses du milliardaire se verront contrées par un Congrès peu convaincu par la viabilité de ces réformes.
Même constat pour le sénateur démocrate du Vermont. Si les intentions du candidat démocrate sont à l’opposé de Trump, Bernie Sanders risque d’être bien seul à les défendre face au Congrès. Le socialiste a fait de la lutte contre les inégalités son cheval de bataille. Pour ce faire, il mise sur une couverture de santé universelle. Compte tenu des difficultés rencontrées par le président sortant, Barack Obama, pour faire adopter l’Obamacare, on peut douter de la faisabilité d’une telle réforme. Pour Laurence Nardon, « il ne faut pas oublier qu’aux États-Unis, le président ne peut presque rien faire sans l’accord du Congrès, qui ne voterait ni les décisions sociales d’un Sanders, ni les décisions xénophobes d’un Trump. » Pour elle, malgré les très bons résultats des deux hommes, il n’y a aucune chance qu’ils atteignent la plus haute marche du pouvoir. « Ils pourraient peut-être remporter les primaires, mais certainement pas l’élection finale, car l’électorat national dans son entier les rejettera. On est dans la même dynamique que celle du FN en France. »
Un ennemi commun: la finance
Si Donald Trump et Bernie Sanders ont deux visions à des années lumières l’une de l’autre, ils ont un ennemi en commun: le monde de la finance. « Ce sont des types qui jouent avec du papier et qui ont de la chance […] Ils gagnent des fortunes et ne paient pas d’impôts, c’est ridicule. Je veux sauver la classe moyenne », avait expliqué « The Donald » dans une interview à CNN. De son côté, Bernie Sanders ne cache pas son envie d’en finir avec les avantages octroyés aux cols blancs. Tous deux veulent augmenter de manière significative les impôts pour les plus riches. Une proposition qui a le mérite de convaincre. « On peut donc voir dans la campagne de 2016 la fin d’une époque de la politique américaine, celle de l’argent-roi – car l’électeur, in fine, refuse de jouer le jeu. En délaissant les candidats ‘mainstream’, dont les programmes privilégient les élites contre les classes moyennes, il montre que l’argent des donateurs ne peut acheter une élection » explique Laurence Nardon.
Victoire Haffreingue-Moulart