Remaniement : changement de statut pour les droits des femmes

Remaniement oblige, les Droits des Femmes sont rattachés au ministère de la Famille et de l’enfance depuis le 11 février 2016. Une énième évolution pour la représentation de la gent féminine au sein du gouvernement, qui a migré de ministères en secrétariats d’État durant toute la durée du quinquennat de François Hollande. Histoire d’une rétrogradation. 

French Junior Minister for the Family, Elderly People and Adult Care, Laurence Rossignol addresses lawmakers during a session of questions to the government at the National Assembly on October 20, 2015 in Paris. AFP PHOTO / JACQUES DEMARTHON / AFP / JACQUES DEMARTHON
Source: AFP photo / Jacques Demarthon. Laurence Rossignol, actuelle ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes.

Ministère de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes : depuis le 11 février 2016, c’est désormais en dernière position de cette drôle d’association que se trouvent les questions d’égalité entre les sexes. Et c’est à Laurence Rossignol qu’incombe la responsabilité de les porter. Une triste fin à l’heure de ce qui est censé être le dernier remaniement du quinquennat, pour un poste qui disposait de son propre ministère il y a encore quatre ans.

Une belle promesse

En 2012, lorsque François Hollande est élu, un Ministère des Droits des femmes, entièrement dédié à cette cause, est créé. Il faisait partie des engagements de campagne du candidat du Parti socialiste. Avec à sa tête Najat Vallaud-Belkacem, la promesse est belle. Qui mieux qu’une femme, jeune et d’origine étrangère (Elle est née au Maroc et a été naturalisée française à 18 ans) pour comprendre et lutter contre les discriminations de genre ? Cependant, la ministre est aussi porte-parole du gouvernement, ce qui lui laisse moins de temps à consacrer au jeune ministère. Elle a tout de même engagé de nombreux chantiers : la parité dans les instances dirigeantes des entreprises, dans les fédérations sportives, la lutte contre le temps partiel fragmenté et la réduction des stéréotypes sexistes dans les programmes scolaires. Et ce, dans le but de faire émerger « une troisième génération de droits des femmes », pour faire suite à la génération des droits politiques et à celle de l’égalité économique.

En 2014, le ministère des Droits des femmes se retrouve accolé au ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports en suivant la ministre qui l’a vu naître. Quatre mois après, les Droits des femmes se font rétrograder sans ménagement : de ministère, ils deviennent l’objet d’un secrétariat d’État au sein des Affaires sociales. C’est Pascale Boistard, peu connue pour ses opinions féministe, qui en sera chargée.

Depuis le 11 février 2016, les Droits des femmes sont de retour dans un ministère… avec famille et enfant. Un symbole fort pour un poste indépendant quatre ans plus tôt.

« Manque juste les tâches ménagères »

Par ce choix, l’Etat vient ancrer jusqu’au sein du gouvernement un stéréotype sexiste que féministes de tous bords s’acharnent à déconstruire. Danielle Bousquet (Présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes), Chantal Jouanno (Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Sénat) et Pascale Vion (Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Conseil économique social et environnemental) se demandent dans un communiqué: « Mettre sous un même Ministère ‘la famille, l’enfance et les droits des femmes’, n’est-ce pas enfermer les femmes dans le rôle stéréotypé qui leur est assigné depuis des siècles: celui d’épouse et de mère ?« .

Inégalités salariales, violences, harcèlement dans la sphère publique, sous-représentation dans les institutions… Autant de dossiers qui n’ont aucun rapport avec la famille et les enfants. L’idée d’une femme égale à l’homme dans ses choix de vie et de carrière semble s’éloigner petit à petit avec cette association d’idée malheureuse.

Cependant, pour bon nombre de féministes, Laurence Rossignol est légitime pour défendre les droits des femmes. Un tweet rassurant de la nouvelle ministre laisse espérer que l’association de mauvais goût relève seulement de l’erreur symbolique et non de réels bâtons dans les roues des futures avancées concernant les droits des femmes.



Anne-Charlotte Dancourt

A l’école, la lutte contre l’antisémitisme passe par la prévention

Dix ans après le meurtre antisémite d’Ilan Halimi par le gang des barbares, les actes anti-juifs ne reculent pas en France. Ils auraient doublé entre 2014 et 2015. Pour lutter contre ceux-ci, de nombreuses initiatives se créent pour gérer le problème le plus vite possible à l’école.

Présentation par Manuel Valls du plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme à la préfecture de Créteil le 17 avril 2015. (Crédit : Alain Bachellier sur Flickr)
Présentation par Manuel Valls du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme à la préfecture de Créteil le 17 avril 2015. (Crédit : Alain Bachellier sur Flickr)

Prendre le problème à la racine. C’est l’ambition du ministère de l’Éducation nationale pour la gestion des actes antisémites. Différents bulletins officiels du ministère ont été diffusés auprès des rectorats. Le premier plan de prévention gouvernemental date de 2005. Le gouvernement, sous la houlette du ministre de l’Éducation de l’époque Gilles de Robien, demandait à ce que chaque acte de nature raciste ou antisémite soit référencé en tant que tel : « La cellule nationale peut être saisie par des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle recueille alors une information précise sur les faits survenus. Elle établit un suivi des réponses apportées (protection de la victime, actions des équipes pédagogiques) », précise ce rapport. L’idée du gouvernement est alors de dégager des comportements types, afin de mieux lutter contre eux. Si le gouvernement supervise les actions de prévention, les initiatives sont surtout prises, au niveau local, par les recteurs d’académies.

Mieux vaut prévenir que guérir

Le gouvernement encourage les actions sur le terrain directement dans les écoles ou via des associations. « Des manifestations sont organisées dans les écoles, auprès des jeunes. Ces missions de sensibilisation ont un bon écho. Même si rien ne remplace le dialogue quotidien des enseignants avec les élèves et l’éducation dans les familles », explique Vincent Séguéla de l’association Démocratie et Courage, qui mène des actions de prévention auprès des jeunes.

Après les attentats de janvier, l’exécutif a nommé la lutte contre le racisme et l’antisémitisme « grande cause nationale de l’année 2015 ». L’idée développée par le gouvernement est de désamorcer la bombe de l’antisémitisme avant même qu’elle éclate. Une déclaration symbolique, qui s’accompagne d’actions concrètes, comme la semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme. Au programme de ces semaines : projection de films tels que « Shoah », de Claude Lanzmann, ateliers débat, journées sportives axées sur le thème de la tolérance.

Une opération qui sera reconduite cette année.

 

Pour Julien Pérault, membre du Cidem, le nouveau centre d’information civique, ces actions « font avancer les choses. Rien de tel que le dialogue entre communautés pour casser les préjugés. Mais il ne faut pas se contenter de ça, il faut plus de mesures ».

Pourtant, quand on l’interroge sur la nature de ces mesures, silence radio. Les acteurs sont tous d’accord sur un point : après l’affaire Ilan Halimi, il faut encore travailler contre l’antisémitisme, mais quant au moyen de lutter contre, les solutions sont beaucoup moins claires.

Clément Brault

Victoires de la musique: ils ont gagné, on les a oubliés

Les 31e Victoires de la musique seront décernées ce vendredi 12 février. Parmi les nommés, on retrouve Kendji Girac, Zaz, Louane ou encore les Frero Delavega. Des têtes d’affiche connues, de nouveaux artistes destinés à percer. Mais qu’en est-il des gagnants des années précédentes ? Pour certains, la gloire a été de courte durée. Le Celsalab vous offre trois exemples des oubliés des Victoires de la musique.

Les anglophones les appellent les « one hit wonders »; des artistes qui ont été récompensés pour un tube, un seul avant de retomber dans l’anonymat le plus total. Même si l’air de ces chansons reste encore dans toutes les têtes, les artistes se sont évaporés de la scène française. Un tube et puis s’en va…

  • Cœur de loup, Philippe Lafontaine

Un des meilleurs exemples, c’est Philippe Lafontaine. Propulsé sur le devant de la scène avec son tube « Cœur de loup », il est nommé révélation de l’année aux Victoires de la musique 1989. Son tube aux influences jazz est vendu à 476.000 exemplaires. C’est un succès fulgurant pour ce Belge venu de Charleroi, mais assez vite, il disparaît des écrans radars. Son dernier album date de 2003.

 

  • La Tribu de Dana, Manau

Autre exemple avec « La tribu de Dana« . Hymne du rap celtique, chanté par le groupe Manau, ce tube sort en 1999 et fait fureur. L’album Panique Celtique est consacré aux Victoires de la musique cette même année et se vendra à 1 million d’exemplaires. Après la sortie d’un second album au succès mitigé, Manau tombe dans l’oubli.

  • Une récompense atypique : Kamini

Si parfois les artistes ne sortent pas du lot après avoir été nommés, c’est aussi parce que leur présence pouvait sembler incongrue. Et ce prix n’aura pas suffi à booster leur carrière.

C’est le cas de Kamini, qui a reçu le prix du meilleur clip vidéo en 2007. « Marly Gomont » n’était au départ qu’une vidéo amateur qui a fait le buzz. Une victoire qui a créé quelques critiques, puisque le rappeur picard était en compétition avec Ayo et son clip « Down on my knees« , Vincent Delerm avec Sous les avalanches ou encore Diam’s avec « La boulette ». Depuis 2009, on n’a plus entendu parler du rappeur.

https://www.youtube.com/watch?v=aR6_p77gmJ4

Alors même si gagner un prix aux Victoires de la musique représente la plupart du temps un tremplin pour la carrière des artistes, c’est loin d’être automatique, et une récompense ne suffit pas à s’imposer sur le long terme.

Camille Roudet

Y aura-t-il des soldats saoudiens en Syrie ?

L’Arabie saoudite a réitéré cette semaine son intention d’envoyer des troupes au sol en Syrie. Embourbé dans la guerre au Yémen, l’Émirat a-t-il les moyens militaires et financiers nécessaires à cette intervention ?

 

Saudi traditional dancers perform during the Janadriyah festival of Heritage and Culture held in the Saudi village of Al-Thamama, 50 kilometres north of the capital Riyadh, on February 8, 2016. / AFP / FAYEZ NURELDINE

(Crédit photo : AFP)

Déterminée, l’Arabie saoudite ne cache plus ses ambitions. Elle envisage bien d’intervenir au sol en Syrie. L’envoi de troupes se ferait dans le cadre de la coalition contre Daech, qu’elle a elle-même lancée en décembre dernier. Au total, on estime que 150 000 hommes venus de différents pays de « l’alliance sunnite » tels que le Soudan, la Jordanie, l’Égypte et d’autres pétromonarchies du Golfe pourraient poser le pied sur le sol syrien.

Selon Sébastien Abbis, chercheur à l’Iris et interrogé par le CelsaLab, « les Saoudiens ont deux obsessions. La première : ‘avoir la peau’ de Bachar El-Assad, ce qui les a conduits à déployer depuis cinq ans des moyens considérables pour obtenir sa chute, mais ils craignent aujourd’hui de subir une défaite politique sur le terrain syrien. La deuxième : former une alliance politique et militaire sunnite face à ‘l’axe iranien et donc chiite’ dont la Syrie est une pièce maîtresse. »

L’annonce d’intervention en Syrie n’est cependant pas un acte isolé : « Cette intervention s’inscrit dans la lignée de la nouvelle politique étrangère très offensive de Riyad. Menée d’une main de fer par Mohamed Ben Salman, fils ‘préféré’ du roi Salmane et actuel ministre de la Défense, elle vise à asseoir l’hégémonie saoudienne sur le monde arabo-musulman’, raconte Sébastien Abbis.

Car la Syrie n’est pas le seul endroit où l’Arabie Saoudite intervient. Depuis mars 2014, elle est établie militairement au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique où une rébellion chiite a renversé le président sunnite. L' »Opération décisive », qui a débuté en mars 2015 est en train de se transformer en bourbier pour les saoudiens. Différentes ONG accusent le royaume wahhabite d’avoir commis des crimes de guerre en ciblant notamment des civils yéménites.

  • Des ressources militaires limitées

Mais l’Arabie saoudite a-t-elle les moyens de sa politique étrangère ? Pour Marc Epstein, rédacteur en chef du service monde de l’Express contacté par le CelsaLab,  « L’Arabie saoudite ne dispose ni d’une véritable armée, ni d’experts militaires. Il suffit de regarder ce qui se passe au Yémen. Cette opération est un fiasco!”  lance-t-il. Il faut dire qu’investir dans une armée n’a pas toujours été une évidence pour les Al Saoud. Sous le parapluie militaire des États-Unis depuis 1945 avec le pacte de Quincy, les Saoudiens ne se sont jamais préoccupés des questions de défense. « Mais aujourd’hui, les choses changent. Avec l’accord iranien, les saoudiens se sentent abandonnés par leur allié et n’ont d’autre choix que de compter sur eux-mêmes pour assurer leur sécurité, » poursuit Marc Epstein. Et les chiffres sont éloquents : les dépenses allouées à l’armée ont vu une augmentation de 14 % entre 2012 et 2013, atteignant 67 milliards de dollars. Un record. Pour autant, Marc Epstein ne croit pas que les saoudiens enverront leurs propres soldats : « L’armée saoudienne est finalement récente et très peu formée. Les saoudiens ne prendront tout simplement pas le risque d’envoyer leurs ressortissants en Syrie. »

Autre façon pour les saoudiens d’être militairement plus présent : acheter le soutien de pays plus modestes:  « Lorsque L’Arabie Saoudite annonce qu’elle va former une coalition avec 33 pays musulmans pour combattre le terrorisme, en réalité beaucoup de pays ne sont pas au courant de leur participation à la coalition. Le Pakistan, par exemple, a fait savoir qu’il ignorait tout du projet de coalition. Pire, au Liban, c’est dans la presse qu’une partie du gouvernement à découvert son « engagement » dans la coalition saoudienne,” raconte Sébastien Abbis.

 

Alexandra del Peral