Le Goncourt, prix du cirque médiatique ?

Le Prix Goncourt n’est pas uniquement le prix littéraire le plus prestigieux de France. Chaque année il est accompagnée d’images impressionnantes de journalistes qui, dans un espace extrêmement restreint, doivent recueillir des images et des témoignages des jurés et lauréats. Cette cuvée 2016 n’a pas fait exception.

Une vingtaine de journalistes sont massés à proximité du restaurant Drouant, dans le deuxième arrondissement de Paris. Duplexs, off, coups de téléphone, le journaliste est en pleine action. A l’intérieur on trouve environ le même nombre de cartes de presse. Les caméras, alignées sur quatre mètres à peine, sont braquées sur l’escalier qui doit voir descendre l’un des jurés du Goncourt, celui qui annoncera dans quinze minutes le nom du vainqueur. L’entrée du restaurant n’est étonnamment pas du tout surveillée, chacun peut aller et venir comme il le souhaite. Claudette est une retraitée curieuse, une amie l’a invitée à venir voir ce qui se passe ici. “Je fais partie d’un club de livres, j’apprécie plutôt les auteurs du 19ème, mais je voulais voir comment ça se passe”, lance-t-elle dans un sourire.

Le Prix Goncourt, c’est une récompense littéraire prestigieuse. Mais c’est aussi, chaque année, une marée de journalistes qui se bousculent pour obtenir les images, les réactions, qui satisferont leur rédaction respective. Cette cuvée 2016 n’a pas fait exception. On s’est bousculé pour avoir les photos de l’annonce du prix Goncourt et du prix Renaudot. Pour recueillir les premières phrases de Yasmina Reza, celles de Leïla Slimani. Du taxi garé à proximité du restaurant à l’entrée dans l’établissement difficile de distinguer un échange entre l’auteure et les journalistes tant c’est la confusion.

L’ambiance paradoxalement est bonne enfant. Les journalistes savent que l’annonce du prix Goncourt est toujours très agitée, et certains médias comme Quotidien (ex-Petit Journal) s’en amusent depuis longtemps. De l’autre côté le jury, Bernard Pivot en tête, joue le jeu et se sent probablement flatté d’être le centre d’autant d’attention. “S’il vous plaît tournez la tête Monsieur Pivot!” ; “Regardez moi Yasmina!” ; “Leïla qu’est-ce que ça vous fait d’avoir remporté le prix Goncourt ?”.

Une minute après l’annonce des résultats, les journalistes se mettent en quête du prochain interlocuteur. Ils attendront notamment une vingtaine de minutes dans l’escalier qui mène à la salle où ont mangé les quatre jurés du Goncourt. On y croise Bernard Pivot, Fréderic Beigbeder également juré qui répondent aux nombreuses interviews avec le sourire. Une dame d’une cinquantaine d’années, verre à la main, est invité à quitter les lieux. “Vous faites quoi Madame?! Vous êtes journaliste?” Visiblement cette dame n’était pas journaliste. Quelques accrochages plus tard pour que chaque média obtienne la réponse à sa question, sa séquence, une dame sonne la fin de la récréation : “Allez tout le monde descend c’est terminé!”. Quotidien aura à n’en pas douter de quoi nourrir une chronique sur cette messe annuelle.

V.W

Affaire Montebourg-Le Pen : les avocats entendus à la Cour d’Appel

Le procès opposant Arnaud Montebourg à Jean-Marie Le Pen a été renvoyé à la Cour d’Appel de Paris. Accusé de diffamation et relaxé en première instance, l’ancien ministre avait déclaré à son propos qu’il faisait « l’éloge de la Gestapo ».

Le jugement final sur l’affaire opposant Jean-Marie Le Pen à Arnaud Montebourg sera connu le 19 janvier. Le jeudi 3 novembre, la Cour d’Appel entendait les avocats des deux hommes politiques, tout deux absents. À 13H30, la juge commence par rappeler les faits. Le 23 février 2014, lors d’un débat face à Marine Le Pen, Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, charge Jean-Marie Le Pen : « Moi je n’oublie pas que le président d’honneur du FN a fait il y a quelques années l’éloge de la Gestapo et de l’occupation allemande ». Des propos qui lui vaudront un procès pour diffamation. Mais en avril, le tribunal correctionnel de Paris relaxait l’ancien ministre et condamnait Jean-Marie Le Pen à lui verser 3000 euros pour procédure abusive.

L’interview donnée par le président d’honneur du Front national au journal d’extrême-droite Rivarol en janvier 2005 a joué un grand drôle dans la décision. La juge en relit de longs extraits : « En France du moins, l’Occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés ». L’entretien lui avait valu une condamnation en février 2008, pour complicité d’apologie de crimes de guerre et contestation de crime contre l’humanité.

Pendant toute l’audience, les avocats élaborent sur les nuances de définition entre apologie, éloge et réhabilitation. Pour François Wagner, qui défend Jean-Marie Le Pen, l’interview de 2005 constitue seulement une preuve de réhabilitation, pas d’éloge. L’avocat met aussi en valeur le contexte électoral dans lequel l’ex-ministre a tenu ses propos, avant les élections municipales 2014. Il a agi selon lui dans « un but d’attaque politique » et « d’hostilité ».

« M. Montebourg n’a fait que paraphraser les propos de Jean-Marie Le Pen », répond son avocat, Christian Charrière-Bournazel. Observateur judiciaire pour la Fédération internationale des droits de l’homme, ce dernier parle plus longuement, cite Jean Racine et insiste sur la minimisation des crimes de l’occupation. L’avocat est un habitué du sujet : il a participé aux procès de Klaus Barbie et de Maurice Papon.

La défense rappelle également les précédents procès dans lesquels Jean-Marie Le Pen fut impliqué : « 20 juges ont dit la même chose : une présentation flatteuse de faits qui étaient des crimes ». À la fin de sa plaidoirie, il conclut gravement en regardant son homologue : « M. Le Pen est vivant mais il est mort au Front national, alors qu’il se taise ! »

Les sorties de Jean-Marie Le Pen : éloge, apologie ou réhabilitation ? La Cour d’Appel donnera sa réponse en janvier. Le 17 novembre, autre échéance : le tribunal de grande instance de Nanterre rendra son délibéré dans l’affaire qui oppose le Front national à son président d’honneur concernant son exclusion du parti.

Simon Chodorge

Une lettre ouverte pour sauver le patrimoine français

A l’occasion du Salon international du patrimoine culturel, plusieurs institutions sont venues présenter cet après-midi leur « Lettre ouverte aux Français et à leurs élus », paru hier. Lors d’une conférence au Carrousel du Louvre, ils ont présenté vingt-deux propositions concrètes pour améliorer la protection du patrimoine français ainsi que sa sauvegarde et contourner les failles du système actuel.

 

C’est sous la forme d’un livret blanc à la couverture épurée que onze institutions de la société civile ont souhaité s’adresser aux Français et à leurs élus. Une vingtaine d’exemplaires sont parfaitement alignés dans la salle de conférence et les spectateurs ne tardent pas à s’en procurer un. Membres d’associations, professionnels du patrimoine ou bien simple amateurs concernés, ils sont venus nombreux afin de découvrir les vingt-deux propositions retenues pour la protection du patrimoine français. Une grande première, comme le souligne Philippe Toussaint, membre de l’association « Vieilles maisons françaises » : « Nous avons réfléchi pendant un an à des propositions utiles pour l’avenir du patrimoine. Et c’est la première fois que différentes institutions se rassemblent pour en faire part ».

 

Une délégation interministérielle pour encadrer cette sauvegarde

Au fil d’une centaine de pages, ces différentes idées reviennent sur quatre grands thèmes : la définition du patrimoine, sa gouvernance, sa transmission et les aspects économiques qui lui sont liés. La date de cette publication n’est pas anodine non plus : les institutions souhaitaient faire paraître leur livre blanc avant 2017 et ses élections, afin de créer le débat et d’attirer l’attention des politiques. Pour Philippe Toussaint une chose est sûre, « il n’y a pas d’action efficace dans le domaine du patrimoine s’il n’y a pas d’action globale ».  Pour se faire, cette lettre ouverte souligne l’importance de l’Etat dans sa mission de protection. Et pour aller plus loin, elle propose également la création d’une délégation interministérielle aux patrimoines et aux sites qui aurait un rôle auprès des politiques, ainsi qu’un certain pouvoir hiérarchique envers les administrations. L’objectif : mettre en valeur les enjeux sociaux, économiques, touristiques et historiques de la politique du patrimoine. Un délégué interministériel pourrait ainsi aider à la coordination des décisions prises pour les sites par exemple.

 

Le « petit patrimoine », ou les failles d’un inventaire exhaustif

Les différentes propositions s’enchaînent et sont décryptées, et plusieurs membres d’institutions prennent la parole. De l’éducation au développement des filières en apprentissage pour transmettre le patrimoine, en passant par la revalorisation des métiers d’art pour le faire perdurer : beaucoup de domaines permettent la sauvegarde du patrimoine français et doivent se développer. Mais cette protection a de nombreuses failles, notamment en ce qui concerne « le petit patrimoine », cette culture de proximité mal recensée qui passe notamment par le bâti rural. « La difficulté du patrimoine non protégé est qu’aujourd’hui personne ne peut le chiffrer », poursuit Philippe Toussaint. Depuis 2005, un processus de décentralisation a confié les services de l’inventaire aux régions, ce qui empêche un recensement exhaustif et identique sur l’ensemble du territoire. Beaucoup de « trésors français » sont ainsi oubliés et se dégradent au fil du temps : en trente ans, un tiers du « petit patrimoine » a disparu. Pour pallier ce problème, la lettre ouverte propose de reconnaître ce patrimoine non-protégé à travers un inventaire, en suivant le modèle allemand. Ce qui faciliterait l’encadrement des travaux et l’attribution des aides financières. Mais à l’échelle des villes, cette notion d’inventaire global dépendra également de l’intérêt des maires pour faire valoir leur patrimoine, comme l’ajoute Alain de la Bretesche, membre de la fédération « Patrimoine et environnement » : « La grande difficulté sera celle des maires de petites communes, il faudra qu’ils défendent leur territoire ».

En attendant 2017 et d’éventuelles nouvelles réformes pour la protection du patrimoine français, cette longue lettre ouverte souhaite prouver que la culture d’hier contribue au dynamisme d’aujourd’hui, en considérant le patrimoine non pas comme une charge, mais comme une richesse.

 

Marie-Hélène Gallay

Manifestation des forces de l’ordre devant l’IGPN pour soutenir un policier convoqué

 

Guillaume Lebeau a été accueilli par des ovations ce jeudi après-midi devant les locaux de l’Inspection générale de la police nationale, dans le sud de Paris. Des hourras, des applaudissements, puis une marseillaise entonnée en chœur. Plusieurs centaines de personnes étaient venues protester contre sa convocation par la police des polices. Ce fonctionnaire de la BAC, leader du mouvement de mobilisation des policiers de ces trois dernières semaines, est accusé de n’avoir pas respecté le devoir de réserve imposé aux fonctionnaires en prenant la parole devant les médias à visage découvert.

Capuches et masques enfantins

En première ligne des personnes mobilisées pour le soutenir, des policiers, le visage souvent dissimulé par une écharpe ou un masque enfantin à l’effigie de Guillaume Lebeau. « Nous voulons exprimer notre soutien », explique une gardienne de la paix parisienne qui préfère rester anonyme. « On veut montrer qu’on s’identifie à Guillaume, on aurait pu se retrouver à sa place aujourd’hui. » Certains crient des slogans, font sonner des cornes de brume. L’ambiance est calme mais la méfiance envers le gouvernement, l’IGPN et les médias est palpable. Les policiers présents disent voir cette arrestation comme une entrave à leur liberté d’expression, une façon de masquer les problèmes qu’ils dénoncent : trop peu de moyens, trop peu de reconnaissance de leur travail. Alors que Bernard Cazaneuve a déjà annoncé le déblocage de 250 millions d’euros, notamment pour du matériel supplémentaire. Mais l’une de leurs principales revendications, c’est la modification de la loi sur la légitime défense. « Les voyous savent qu’ils ne payeront pas les conséquences de leurs actes. Un policier sur lequel on jette un cocktail molotov ne peut rien faire. Je connais des jeunes dans les quartiers qui disent que de toutes façons ils se sont jamais punis, donc qu’ils n’ont aucune peur de la police », dénonce une Seaade Besbiss, une ex-gendarme qui a fait parler d’elle il y a quelques années pour avoir dénoncé dans les médias le harcèlement sexuel qu’elle subissait au travail. Contactée par des meneurs de la contestation des policiers, elle est venue pour dénoncer une « pression intenable qu’elle juge commune à la police et à la gendarmerie, en raison du « manque de moyens et de respect ».

« Guillaume est resté dans son droit »

Francis, la soixantaine et le regard calme, observe l’agitation à quelques mètres de distance. Ce policier travaille au commissariat de Gennevilliers (92), c’est l’un des collègues de Guillaume Lebeau. Il est venu soutenir un « ami », qui n’a pour lui commis aucune faute. « Il est resté dans son droit car lors de ses prises de parole devant les journalistes, il n’a pas critiqué le ministère de l’Intérieur en lui-même, ni le gouvernement. Il a simplement dénoncé nos conditions de travail, ce qu’on subit tous les jours. Et c’est un sujet dont il faut parler ».

Robert Paturel, ancien champion de boxe et policier, s’est érigé en porte-parole de ce sentiment de délaissement. Cet ex employé du RAIDa annoncé devant l’IGPN la création de l’association « Mobilisation des policiers en colère », pour relayer les revendications des forces de l’ordre qui « ne se sentent pas représentées par les syndicats », et leur donner une voix au-delà des manifestations.

Des civils étaient également présents : ici, un petit groupe de retraitées enthousiastes, là, de jeunes travailleurs. Une agent de sécurité tout sourire tient un panneau où on peut lire « Stop aux enquêtes de l’IGPN ». « J’ai l’impression que les manifestants sont traqués par l’IGPN », dénonce-t-elle. « C’est comme s’il était plus important pour elle de trouver ceux qui se mobilisent que les véritables délinquants, ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre ».

 

Célia Laborie