Mondialisation : une autre voie est-elle possible ?

Concept critiqué par les uns, encensé par les autres, créateur de richesses mais creusant aussi les inégalités : la mondialisation nous concerne tous. Mais quelle est réellement la nature de ce système qui régit le monde depuis plusieurs décennies ?

Il y a quelques années, un mème (image ou slogan populaire sur le web) venu du Royaume-Uni avait suscité de nombreuses réactions, tant il décrivait parfaitement les conséquences de la mondialisation dans la vie de tous les jours. Le voici :

being-british-is-about-driving-a-german-car-to-an-irish-pub-for-a-belgian-beer

« Être britannique, c’est conduire une voiture allemande pour aller dans un pub irlandais boire une bière belge,

puis rentrer à la maison en achetant sur le chemin un curry indien ou un kebab turc, qu’on mangera assis sur

canapé suédois en regardant des programmes américains sur une télévision japonaise ».

Les progrès dans les télécommunications (Internet) et les moyens de transports ont généré une accélération des flux économiques et commerciaux. De plus, les frontières ne sont plus une limite au dialogue humain (téléphone, réseaux sociaux). La mondialisation, en connectant l’intégralité de la planète par le biais du commerce et des échanges financiers, a permis de nouveaux modes de vie et de consommation, autrefois bien moins accessibles : achat d’un vêtement cousu en Chine, repas américain dans un fast-food… le tout à des prix très bas.

La mondialisation, une notion qui divise

Différents observateurs ont observé l’accroissement des inégalités entre les pays du nord et les pays du sud, qui seraient les grands perdants de la mondialisation au profits des multinationales occidentales. Mais certains économistes voient le modèle globalisé comme étant, à l’heure actuelle, le meilleur fonctionnement puisqu’il a permis le progrès dans certains pays. C’est le cas de l’économiste Alain Minc, auteur en 1997 d’un livre nommé La mondialisation heureuse, et qui déclarait le 5 janvier 2017 que ce système a bénéficié à « des centaines de millions de gens, chinois, désormais indiens (…) qui sont sortis de la pauvreté et qui ont fabriqué une immense classe moyenne ». Jacques Attali, autre spécialiste des questions économiques en France, regrette également que la mondialisation soit aujourd’hui remise en question. « On a tout pour créer une ­globalisation démocratique et heureuse, et on est en train, progressivement, un peu partout à travers le monde, de se replier sur le national « , déplorait-il dans un article du Monde.

Par ailleurs, il existe depuis les débuts de la mondialisation un courant opposé qui prône la « démondialisation ». Les revendications principales sont la restauration des barrières douanières et le retour des productions sur leurs territoires nationaux. Jacques Sapir, économiste et professeur des universités français, a publié un ouvrage sur la question en 2011.

Il est également reproché à la mondialisation l’interdépendance qu’elle créé entre les acteurs d’un même domaine. Si l’un d’entre eux est en difficulté, alors il entraînera les autres avec lui par effet domino. C’est ce qu’il s’est passé avec l’éclatement de la crise financière de 2008. Ce « krach » boursier a d’abord commencé aux Etats-Unis avec la faillite de Lehman Brothers, puis s’est propagé en Europe à cause du système bancaire mondialisé.

Enfin, certains dénoncent l’uniformisation des modes de vies influencés par la société américaine, le recul des productions nationales, et l’on observe également une volonté de retrouver des barrières pour juguler les flux de population rendus possibles par la mondialisation.

 Vidéo : La première manifestation anti-mondialisation a eu lieu en 2012.

La fin de la mondialisation ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la mondialisation n’est pas un phénomène récent. Le mot « mondialisation » n’apparaît que dans les années 1980, mais le processus commence dès le XVème siècle La colonisation, les grandes explorations maritimes espagnoles et portugaises (notamment la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb) rapprochent les territoires éloignés et l’Europe. Le commerce se développe et les marchandises circulent. Les maladies aussi : les premières pandémies de peste noire se propagent grâce à ces interactions accrues.

Au cours du XIXème siècle, de nombreux progrès (révolution industrielle, créations de firmes multinationales) vont contribuer à faire tomber les barrières entre états. Les deux guerres mondiales et l’affrontement entre les Etats-Unis et l’URSS communiste ayant cristallisé les enjeux politiques et économiques, il faut attendre la chute de l’URSS et l’avènement de la superpuissance américaine pour voir apparaître le développement de la production délocalisée, l’abaissement des droits de douane, l’essor des pays asiatiques, la naissance d’un marché mondial déréglementé avec des capitaux qui circulent. Pour le monde de l’économie et de la finance, le soleil ne se couche plus : Lorsque la bourse américaine ferme, le CAC 40 français prend la relève. Puis c’est au tour de la bourse japonaise.

La mondialisation est donc un phénomène ancien, éprouvé et aujourd’hui plus en plus remise en cause. L’impact sur l’environnement (marées noires, pollution, gaspillage alimentaire ou encore agriculture intensive) est également sévèrement critiquée et les états reconnaissent qu’il est aujourd’hui urgent de renouveler ce modèle. Depuis la crise financière de 2008, les Etats n’ont pas retrouvé le même niveau d’échanges, et le système est de plus en plus contesté. Cependant, même si la mondialisation s’essouffle, il est pour l’instant difficile d’entrevoir une autre voie.

Asmaa Boussaha et Clément Dubrul.

Le circuit court : alternative à la mondialisation ?

24992806_10213444244172924_611805087_o

Chaque client présente son nom pour récupérer sa commande passée sur internet. Crédits : Lou Portelli

La Ruche qui dit oui organise chaque semaine des ventes sur le modèle du circuit court. Les commandes passent directement de la main du producteur à celle du client. Des initiatives fleurissent partout en France.

« Je viens chercher mes poireaux ». Rue de la verrerie, dans le 4e arrondissement de Paris, les clients de la Ruche qui dit oui viennent tous les mercredis soir récupérer leur commande. Elles se réservent sur Internet jusqu’à 36 heures avant la vente. Ici, le circuit court prend le contre-pied de mondialisation. L’objectif : valoriser le produire local et la rencontre avec les producteurs. Selon Cécile, de la Ruche qui dit oui, « acheter par ce biais ne revient pas beaucoup plus cher qu’en grande surface ». Par exemple, six œufs valent 1,92 euros, un prix « imbattable » pour l’organisatrice de cette vente. 20 euros pour un poulet bio d’1,5 kg. « Pour un prix abordable on a des produits de meilleure qualité », confirme Belen Aguirre. La jeune femme est perdue dans la longue file d’attente devant le stand de légumes. Autour d’elle, trois autres étals proposent du pain, du miel et de la viande. Mais à La ruche qui dit oui, on ne trouve pas de tout. Belen Aguirre, comme beaucoup d’autres clients, est obligée de compléter ses quelques emplettes par des achats au supermarché.

La Ruche permet aux clients de rencontrer les producteurs. Tous sont choisis dans un rayon de 250 km maximum autour du point de vente. « Les gens sont sensibles au système du circuit court, affirme Cécile. Les producteurs fixent eux-mêmes leurs prix et sont moins pris à la gorge que lorsqu’ils commercent avec les grandes surfaces ». Cécile va démarcher elle-même les agriculteurs de sa Ruche. Elle les rencontre et observe leurs techniques de productions. « Ce qui rassure les consommateurs, c’est que je peux leur rendre compte de ce que je vois. Je peux leur expliquer que les bœufs sont soignés à l’aromathérapie. Il n’y a pas de scandale sanitaire ici ». En raison de ce service, la Ruche touche une commission de 8,3 % sur chaque vente hebdomadaire. Cécile s’en sert de complément à son revenu de juriste.

 Un « concept de bobo » ?

Mais le concept ne fait pas l’unanimité, même parmi ses membres. Le producteur d’épinards Gérard Munier, fournit toutes les semaines la Ruche mais reste critique sur son mode de fonctionnement. « C’est un concept de “bobo“ de rencontrer les agriculteurs», lance-t-il, après avoir livré une dizaine de Ruche dans la soirée. D’après lui, les producteurs sont rarement présents sur les stands. Des vendeurs viennent à leur place remettre les commandes. « La logistique n’est pas prise en charge ». Gérard Munier rapporte que les horaires de la Ruche imposent aux agriculteurs de se rendre à Paris pendant les heures de pointe. « Notre bilan carbone est parfois plus important que pour les produits venant d’Espagne livrés aux supermarchés », assure-t-il.

« Le circuit court se développe mais ne permet pas à la grande majorité des producteurs d’en vivre »

« En 2014 nous avons enregistré 25 millions d’euros de transactions quand un seul supermarché réalise en moyenne 100 millions », déclare à Arrêt sur image Marc-David Choukroun, co-fondateur de la plateforme. Avec environ 650 ruches, l’entreprise prospère mais n’opère pas pour autant un changement radical du mode de consommation. « Le circuit court se développe mais ne permet pas à la grande majorité des producteurs d’en vivre », regrette Gérard Munier. Outre la Ruche, ce dernier vend ses jeunes pousses à des épiceries indépendantes, à des restaurateurs, ainsi qu’à des grandes surfaces. Selon le ministère de l’agriculture, un exploitant sur cinq vend en circuit court (21 % des exploitants).

Lou Portelli & Ambre Lepoivre

A voir aussi :

Manger local, partout en France

Paris n’est pas forcément la meilleure ville pour boire un verre tranquille !

La ville de Rouen compte plus de 75 bars pour 100 000 habitants. Crédit : Frédéric BISSON
La ville de Rouen compte plus de 75 bars pour 100 000 habitants.
Crédit : Frédéric BISSON

 

Les Français sont très attachés à leurs bars et bistros. Mais quelles villes présentent le meilleur ratio d’établissement par habitant ? La réponse n’est pas mitigée, pourtant il s’agit d’une ville normande : Rouen. Avec plus de 75 bars pour 100 000 habitants. En deuxième position vient Lille, repère nordique bien connu des étudiants. Et troisième sur le podium, Bordeaux. La capitale sort grande perdante de ce classement avec un bar pour 1964 habitants.

 

Nombre de bars en fonction du nombre d'habitants
Nombre de bars en fonction du nombre d’habitants

Dans les autres villes bien placées au classement, citons dans l’ordre : Caen, Rennes, Montpellier, Angers, Strasbourg, Nantes. Jeunesse et culture étudiante semblent inspirer la création d’établissements dédiés à la boisson et à la convivialité. Mais avant de choisir votre prochaine destination en fonction de ce classement, mieux vaux vérifier la qualité des établissements !

 

Louise B.

 

Inauguration du monument aux enfants juifs déportés, entre souvenir et transmission

Le monument de mémoire aux enfants juifs déportés a été inauguré au cimetière du Père-Lachaise jeudi 12 octobre par la maire de Paris. Un moment plein d’émotions. L’importance de transmettre la mémoire de cet événement aux jeunes générations a été soulignée. Il s’agit du premier monument dédié à ces 11 450 victimes.

Anne Hidalgo lors de l’inauguration du monument, jeudi au Cimetière du Père LachaiseCrédits : Louise Boutard

Au fond du cimetière du Père-Lachaise, allée du mur des fédérés, la foule est plus nombreuse que prévue. Les chaises manquent pour accueillir les 300 personnes venues assister à cet événement sous surveillance militaire. La moyenne d’âge dépasse les 70 ans. Survivants de la déportation, représentants des associations de mémoire, enseignants et élus ont été invités à l’inauguration du monument aux enfants juifs déportés entre 1942 et 1945.

A 14h55, la Maire de Paris Anne Hidalgo arrive, en même temps que quelques gouttes de pluie. Cependant, les parapluies se referment bien vite, alors que Frédérique Calandra, maire du XXe arrondissement prend la parole. « Parmi ces 11 000 enfants, plus de 1 000 viennent du XXème arrondissement, rappelle-t-elle avant de poursuivre, émue. Beaucoup, n’avaient pas un an. Il est de notre devoir, de notre responsabilité de se souvenir de ce crime auquel la France a participé. »

Frédérique Calandra et Anne Hidalgo pendant l'inauguration. Crédits : Louise Boutard
Frédérique Calandra et Anne Hidalgo pendant l’inauguration.
Crédits : Louise Boutard

Chaque discours se termine par un morceau de musique, interprété au violoncelle et/ou en chœur par les étudiants du lycée Jean de la Fontaine. Ainsi, la jeunesse d’aujourd’hui se mêle à celle d’hier. Pour André Panczer, président du Conseil national pour la mémoire des enfants juifs déportés, c’est par l’éducation des jeunes que doit passer la mémoire des abominations passées. « Les enseignants ont le devoir de faire passer cette mémoire pour que les jeunes soient prémunir contre la haine et le rejet de l’autre », souligne-t-il.

Cet homme a dédié sa vie au devoir de mémoire envers les enfants juifs. L’émotion n’est donc pas feinte. Après un silence, il décrit la statue, toujours recouverte d’un voile blanc. « Chaque visage devenu transparent sur ce monument, permet de voir le visage d’un enfant que nous avons connu et qui a disparu dans la fumée, raconte l’homme qui avait huit ans pendant la guerre lorsqu’il est parti se réfugier en Suisse sans ses parents. 11 450, ce n’est qu’un nombre, mais chacun représente un enfant de chair et d’os. Ils ne sont plus que cendres. » Enfin, il s’adresse à Anne Hidalgo pour lui témoigner sa gratitude : « grâce à ce travail de mémoire, votre nom et ceux de vos adjoints resteront dans l’Histoire. »

La maire lui répond d’un signe de tête. Mais l’Histoire n’est pas la seule raison d’ériger ce monument. Anne Hidalgo affirme sa volonté de faire barrage à la haine d’hier comme à celle d’aujourd’hui :  « tous ceux qui sont tentés par le racisme, l’antisémitisme doivent savoir qu’ils trouveront toujours Paris sur leur route. »

Le monument des enfants juifs déportés a été inauguré jeudi au Cimetiè-re du Père Lachaise. Crédits : Louise Boutard
Le monument des enfants juifs déportés a été inauguré jeudi au Cimetiè-re du Père Lachaise.
Crédits : Louise Boutard

Soixante-douze ans après la Shoah, tous les intervenants ont mis en évidence un parallèle avec l’époque actuelle et ses nouveaux défis. Des enfants de migrants mourants aux portes de l’Europe, à la montée du racisme, de l’antisémitisme et de la violence. Cette haine transparaît dans les propos tenus sans honte sur internet mais aussi par le nombre croissant d’attentats à caractère antisémite. Ces craintes rendent cet hommage d’autant plus important pour Frédérique Calandra : « c’est assez effarant. Aujourd’hui il y a des gens qui dans leur tête permettent le retour de ces actes. Et il y a des gens pour leur trouver des excuses. Ce monument est important car la mémoire fait partie de la culture, et ce sont toujours l’éducation et la culture qui permettent d’empêcher les drames de ce type. Les enfants de France doivent apprendre cette histoire, aussi dure soit-elle. »

De même, la Maire de Paris compare « les petits parisiens d’aujourd’hui » aux disparus auxquels elle rend hommage. Avant de conclure sur un message de paix « d’autant plus important lorsqu’il est difficile à proférer ».

Pour conclure la cérémonie, le monument de style moderne est révélé. Dix-sept enfants et adolescents sont représentés par des silhouettes métalliques, penchées les unes vers les autres. Dix-sept ombres pour représenter 11 450 individus dont certains avaient moins d’un an. « C’est vrai qu’il est beau. C’est moderne, mais c’est beau ! » glisse l’une des invitées à sa voisine en prenant le monument en photo avec son téléphone.

C’est la première fois qu’un monument en France rend mémoire à ces 11 450 enfants.

Louise Boutard

Anne Hidalgo déposent une gerbe de fleurs devant le monument. Crédits : Louise Boutard
Anne Hidalgo déposent une gerbe de fleurs devant le monument.
Crédits : Louise Boutard