A Neuilly, la bataille anti-mégots a commencé

Début septembre, la mairie de Neuilly a lancé une vaste campagne publicitaire anti-mégots. Le but est de responsabiliser les fumeurs et de réduire les coûts de nettoyage, qui reste à la charge exclusive des villes.

La campagne a commencé alors que des débats sur une possible taxation des industriels du tabac sont menés.

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A Neuilly-sur-Seine, les fumeurs n’ont qu’à bien tenir leurs cigarettes en main. Au sol, devant de nombreux magasins et entreprises, des graffitis blancs détonnent. « Les incivilités, c’est vous qui les payez », accompagné d’un mégot écrasé et écrit, en plus petit, « plus de mégots, c’est plus de budget pour les ramasser, c’est moins de budgets pour les fleurs ». Le message est clair.

« Trop de monde à la pause clope »

L’opération de communication, lancée le 5 septembre, a été menée des endroits stratégiques. Notamment devant le lycée Pasteur. Impossible de rater le graffiti, fraîchement peint, à la sortie de l’établissement.

Lila, en première année de classe préparatoire PCSI (Physique chimie sciences de l’ingénieur), cigarette à la main, avoue que cela lui a fait quelque chose. « J’évite au maximum de jeter mes cigarettes par terre mais parfois, y a trop de monde à la pause clope. » Si l’étudiante reconnaît que l’excuse est « facile », le fait qu’il n’existe qu’un point de collecte est un problème, rapporte-t-elle en pointant justement une poubelle dédiée aux mégots qui déborde. « Les collégiens la prennent pour une poubelle normale », déplore-t-elle.

« Discipliner les individus »

Autre endroit stratégique, l’avenue Charles de Gaulle et ses nombreux sièges d’entreprises. « Car, qui dit entreprises, dit pauses café et beaucoup de mégots par terre… », souligne Eve Boulangé, directrice adjointe à la communication de Neuilly. Sur l’avenue, les marquages au sol reviennent à chaque coin de rue.

David, est justement en pause cigarette, devant le siège de RTL. A l’entrée, encore ce même marquage blanc. « Ca n’a pas changé grand chose selon moi. Les salariés avaient déjà l’habitude de jeter leurs mégots. Jusqu’alors, je n’ai jamais été choqué par la quantité de mégots par terre devant l’entreprise », affirme ce salarié qui reconnaît cependant l’utilité d’une telle campagne, au niveau national.

« Ces graffitis doivent servir à faire émerger une prise de conscience personnelle », selon Eve Boulangé. « Le but est de discipliner les individus et de les rendre responsables : tant pour l’impact environnemental qu’économique. »

A Neuilly, pas d’amende de prévue

Car cette incivilité a un coût pour les communes. Et dans un contexte de restriction budgétaire, « il faut faire des économies », précise la communicante. « A Neuilly, nous avons réfléchi à installer des écrase-mégots mais dans certaines villes, certaines poubelles ont pris feu. Nous avons préféré ne pas tenter l’expérience. »

Exit l’amende également. « Le maire [Jean-Christophe Fromentin ndlr] n’a pas évoqué cette option pour le moment. » Contrairement à Paris. Depuis 2015, dans la capitale, jeter un mégot au sol est en effet sanctionné d’une amende de 68 euros.

Si la question de la taxation n’est pas encore évoquée, Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique a annoncé vouloir faire appliquer le principe de pollueur-payeur auprès des industriels du tabac.

Guillemette de Préval

Taxation de l’alcool : une politique de santé publique utilisée avec modération

On estime à 49 000 le nombre de décès liés à l'alcool chaque année en France.
On estime à 49 000 le nombre de décès liés à l’alcool chaque année en France.

Présentée comme une solution pour limiter la consommation d’alcool et supporter les moyens nécessaires à la prévention, la taxation des alcools et spiritueux est quasiment absente du nouveau budget de la sécurité sociale. Un blocage imputé aux traditions françaises, mais surtout à la puissance des lobbys alcooliers.

« N’emmerdez pas les français ! ». La phrase est signée George Pompidou, mais a connu une seconde jeunesse en février dernier. Alors interrogé sur l’éventualité d’un durcissement de la Loi Evin concernant la publicité des produits alcoolisés, Emmanuel Macron reprend le second président de la cinquième République et ajoute : « Je bois du vin midi et soir. Il y a un fléau de santé publique quand la jeunesse se saoule à vitesse accélérée avec des alcools forts ou de la bière, mais ce n’est pas avec le vin ». Une sortie effectuée en marge du salon de l’agriculture qui illustre, selon les professionnels de santé, les difficultés à aborder de front les problématiques de santé liées à l’alcool.

« On fait face à des lobbys extrêmement puissants »

Ce jeudi 11 octobre, neuf médecins et spécialistes des addictions adressent une lettre ouverte à la ministre de la santé Agnès Buzyn. Selon eux, la taxation de l’alcool est la « grande absente » du futur plan de prévention des substances psychoactives (cannabis, alcool, tabac) dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Celui-ci prévoit dix millions supplémentaires alloués à la prévention, financé par le produit des amendes sur la consommation de cannabis mais aucunement par la taxation de l’alcool. Une dichotomie dénoncée par Jean-Claude Tolczak, président de la Fédération Nationale des Amis de la Santé : « Les Ecossais ont opté pour ces taxes et on observe déjà des résultats. Il y a un lobbying alcoolier qui est très fort et une tradition française qui honore le vin, c’est très difficile de toucher à ce qui constitue une partie du patrimoine français ».

En France, on impute 49 000 décès à la consommation d’alcool, première cause de mortalité chez les 15-30 ans. « Ces chiffres attirent l’attention, mais n’évoquent pas l’entièreté du problème. On ne parle pas de tous les cancers et de tous les licenciements » poursuit Jean-Claude Tolczak, alors que le coût social de l’alcool est estimé par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) à 120 milliards d’euros par an. Dès lors, pourquoi les pouvoirs publics n’optent pas pour une politique de santé semblable à celle initiée sur le tabac ? Pour Bernard Basset, vice président de l’Association nation de prévention en Alcoologie et addictologie (Anpaa) et co-signataire de la lettre ouverte à la ministre de la santé, le frein est tout trouvé : « Nous sommes dans un pays producteur d’alcool et notamment de vin, on fait donc face à des lobbys extrêmement puissants ».

« On imagine mal un député de la Côte d’Or se mettre à dos toute une partie de l’économie de sa circonscription »

Contactée par Celsalab, une ancienne lobbyiste du secteur précise le fonctionnement de ces groupes de pression. Pour elle, leur influence s’explique d’abord par le caractère « made in France » de la production : « c’est en cela que le lobby de l’alcool se distingue d’autres lobbys comme celui du tabac. C’est un secteur qui génère beaucoup d’emplois, et c’est un ressort sur lequel s’appuient les lobbyistes. Cela explique aussi la plus forte taxation des spiritueux et des bières comparé au vin, précise-t-elle. On imagine mal un député de la Côte d’Or se mettre à dos toute une partie de l’économie de sa circonscription et ses électeurs ». Outre cet ancrage dans l’économie locale, le secteur du vin compte parmi ceux qui s’exportent le mieux, au même titre que le luxe ou l’industrie automobile. En retrait d’une vision manichéenne qui opposerait par essence professionnels de santé et producteur de vins et de spiritueux, cette lobbyiste estime que ces derniers ont aussi intérêt à une certaine régulation : « les producteurs et lobbyistes craignent qu’une affaire de malformation ou de maladie due à l’alcool éclate et qu’elle fasse la une des médias pendant un an. Dans ce sens ils ont aussi intérêt à une consommation raisonnable et ont sans arrêt le cul entre deux chaises ».

Côté associatif, le son de cloche est différent. Investi dans des négociations auprès des pouvoirs publics en vue d’une plus forte réglementation, Jean-Claude Tolczak détaille : « Rien que lorsqu’il s’agit d’augmenter la taille du pictogramme de prévention pour les femmes enceintes au dos des bouteilles, on bute sur l’opposition de Vin et Société, le plus gros lobby du vin. Sur ce point, on ne peut que constater l’influence de ces groupes de pression auprès du pouvoir. On sait notamment que la conseillère du président sur les questions agricoles, Mme Bourelleau, est l’ancienne Directrice Générale de Vin et Société« .

Des blocages également culturels

Des liens qui contribuent à expliquer les blocages institutionnels, combinés aux facteurs culturels. Membre de Alcool Assistance, Auguste Charnier les constate au quotidien : « lorsque l’on parle de tabac, de cannabis ou d’héroïne, on a une oreille attentive. En revanche, lorsque l’on parle d’alcool il y a un frein naturel. Contrairement aux autres produits, on a beaucoup de chances d’avoir un consommateur en face de nous. Du fait de nos traditions, on n’est pas très à l’aise avec ce sujet. » « Chape de plomb », « pot de fer contre pot de terre », les métaphores d’une lutte disproportionnée se suivent dans les propos associatifs. Alors comment changer les termes du débat ? Reçu à l’Assemblée Nationale ce jeudi 11 octobre, Bernard Basset tente de rester positif : « on reçoit le type d’arguments classiques lorsque l’on ne veut rien faire. Il faut continuer à faire des actions comme celles d’aujourd’hui, à être actifs sur les réseaux sociaux, afin d’alerter l’opinion. »

 

Théo Meunier

 

 

Le Var doit-il se préparer à de plus en plus d’inondations ?

 

Une pelleteuse enlève les débris charriés par les violentes pluies de la nuit du 10 Octobre (Photo Valery HACHE / AFP)
Une pelleteuse enlève les débris charriés par les violentes pluies de la nuit du 10 Octobre, à Fréjus (Var) 
(Photo Valery HACHE / AFP)

 

En quelques heures, il est tombé l’équivalent de 47 jours de pluie sur le département du Var. Au moins deux personnes sont mortes après avoir été emportées vers la mer par la montée de la rivière Garonnette, à Sainte-Maxime. En 8 ans, le Var compte à lui seul près de 40 décès suite à des inondations. Faut-il s’habituer à vivre de plus en plus d’inondations dans le Sud de la France ? 

 

Depuis 2010, cela fait 6 fois que le Var est soumis à de violentes inondations, 6 fois que ces inondations se soldent pas des décès. Au total, ce sont près de 40 morts qui sont à décompter sur cette période de huit ans. Seuls les années 2011 et 2012 n’ont pas connues d’inondations meurtrière. Ces événements semblent de plus en plus fréquents.

Le changement climatique, une facteur déterminant ?

« On ne peut pas le nier, sur les dernières décennies, les épisodes pluvieux sont plus nombreux, surtout, plus intenses confirme Loïc Spadafora, prévisionniste météo chez Agate Météo. Sur les dix dernières années on note la recrudescence de phénomènes ultralocalisés, des orages diluviens qui frappent surtout les littoraux.  » Des phénomènes pluvieux, plus intenses, avec des orages qui se stabilisent sur un territoire, saturant les sols et les rivières. Ce sont les « crues éclaires », et ce sont elles qui sont responsables des récents épisodes en Provence Alpes Cote d’Azur.

Pour autant, ces précipitations amènent-elles forcément plus d’inondations ? « Les couches d’incertitudes demeurent nombreuses » tempère Pierre Javelle, hydrologue à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (ISTREA). Pour l’hydrologue, si l’intensification des précipitations est une certitude, impossible de savoir s’il y a plus d’inondations qu’avant, ou non. » Des événements extrêmes comme celui de cette nuit, il y en a déjà eu. Par contre, il faut arriver à caractériser s’ils reviennent plus souvent ou pas. Il nous manque encore 10 ou 15 ans d’observation pour déterminer si c’est le cas ou non » explique le spécialiste de l’ISTREA.

En analysant le nombre de communes varoises (voir graphique ci-dessous) ayant été reconnues comme victimes de « catastrophe naturelle » suite à une inondation, on voit bien qu’il y a depuis 2008 une tendance à la concentration de tels phénomènes. On remarque cependant entre 1992 et 1996 une séquence similaire dans laquelle de nombreuses communes ont été reconnues catastrophes naturelles.

 

Mais cet état de catastrophe naturelle est notamment décrété afin de permettre le remboursement des personnes touchées par l’inondation. Ici, le principal critère de décision n’est donc pas la hauteur d’eau . Il s’agit des dégâts causés, matériels ou humains.

 

Une vulnérabilité nouvelle face aux inondations

Après la question des précipitations se pose la question de la vulnérabilité face à celles-ci. » Il y a une pression urbaine de plus en plus forte, explique Pierre Javelle. on construit dans des zones ou l’on ne construisait pas avant. Dans ces territoires, on met des choses qui peuvent potentiellement être détruites.  » C’est ce que les spécialistes appellent l’exposition.  » Il y a beaucoup plus d’enjeux exposés en zone inondable qu’avant » poursuit-il.

 

« il y a tout de même beaucoup de choses qu’on peut faire en matière d’aménagement du territoire » explique Pierre Javelle . Réduire les dégâts est aussi une question d’aménagement du territoire. Les bons gestes et bons réflexes, déplorent les spécialistes, sont encore trop peu répandus, que ce soit du côté des particuliers, ou des communes qui peuvent tardent à donner l’alerte.

Plus d’inondations ? Impossible de le dire donc pour l’instant. Mais des phénomènes pluvieux qui ont changé: plus soudains, avec des événements plus concentrés. Et si la nature du risque a changé, la préparation à celui-ci n’a que peu évolué, expliquant peut-être la recrudescence des inondations constatée ces dernières années.

 

Gaël Flaugère 

 

Liban. Le plus vieux quotidien du pays publie une édition vierge pour dénoncer la classe politique

Les lecteurs du quotidien libanais An-Nahar ont été surpris ce jeudi matin car les huit pages de l’édition du jour étaient blanches. La directrice de ce journal arabophone, Nayla Tuéni, a expliqué que ce geste visait à dénoncer la situation politique du pays et la crise de la presse qui touche la presse libanaise. 

Les copies blanches du quotidien an-Nahar sur un stand de journaux de la ville de Byblos (Photo par JOSEPH EID / AFP)
Les copies blanches du quotidien an-Nahar sur un stand de journaux de la ville de Byblos (Photo par JOSEPH EID / AFP)

Des pages blanches contre le vide de la classe politique libanaise 

Le quotidien, fondé en 1933, a publié huit pages vierges, et mis en ligne des blocs vides sur la page d’accueil de son site internet pour dénoncer cette situation. Le compte Twitter du journal a également publié une image blanche jeudi matin.

Lors d’une conférence de presse, Nayla Tuéni a exprimé son inquiétude quant à la situation politique du Liban : « La plume est une arme, et les pages blanches du Nahar aujourd’hui sont notre arme. L’objectif de notre plume est de transmettre la douleur du peuple. Et le peuple est fatigué. Le Nahar est fatigué de reproduire vos promesses non tenues« . La directrice fait référence à l’absence de gouvernement à la tête du pays. En effet, depuis les législatives qui se sont tenues en mai dernier, le Premier Saad Hariri n’a toujours pas réussi à désigner de nouveaux ministres.

Cette difficulté est dû au régime politique multi-confessionnel qui exige de répartir les sièges politiques en fonction de la répartition des confessions présentes au Liban.

 

La presse libanaise tire la sonnette d’alarme

Les quotidiens libanais traversent une crise économique. La plupart des titres sont financés par les partis politiques et les titres indépendants peinent à survivre. Ainsi, le journal As-Safir a dû arrêter sa publication en décembre 2016. Le groupe de presse Dar as-Sayyad a aussi fermé ses portes récemment.

Concernant An-Nahar, Nayla Tuéni se veut rassurante : « Bien sûr, nous allons continuer à imprimer notre journal en version papier, et la version électronique continuera aussi« . Elle insiste également sur le lien entre cette crise de la presse et la crise plus générale que traverse ce pays du Proche-Orient : « Le pays connaît une grande crise, et nous devons tous nous mobiliser. Que deviendra le Liban sans la presse ? Nous voulons un pays sain, une économie saine, ne plus craindre les maladies et la dégradation de l’environnement, ou l’exil de nos enfants. Chaque secteur dans ce pays est en crise« .

Le 1er octobre dernier, le président Michel Aoun avait lui-même déploré la situation que traverse la presse au Liban.

A.D.A