Ils combattent des messages haineux avec du street art

Le XVe arrondissement de Paris regroupe de nombreux tags haineux.

A l’aide de pochoirs et de bombes de peinture, un collectif d’anonymes parisiens lutte depuis un an contre les messages haineux et homophobes laissés dans les rues de la capitale.

Utiliser le street art pour recouvrir les messages haineux, racistes ou homophobes : c’est l’initiative lancée par Pochoirs pour tous, un collectif d’amateurs d’art urbain créé il y a tout juste un an. En août 2018, alors que Paris célèbre les Gay Games, Sophie, la présidente et fondatrice du collectif, remarque une multiplication des tags injurieux, racistes et homophobes sur la place de l’Hôtel de Ville.

Le contraste entre l’événement et les tags injurieux lui paraît saisissant. « Elle ne pouvait pas laisser passer ça, surtout à un moment où l’on fêtait la diversité et la tolérance », explique François, l’un des membres du collectif. Peu de temps après, Pochoirs pour tous voit le jour et part à la chasse aux messages haineux dans les rues.

Le collectif compte à présent une cinquantaine de membres, qui se retrouvent régulièrement pour recouvrir ces tags disséminés dans Paris, munis de pochoirs en forme de cœur. « On trouve que c’est plus efficace d’utiliser des cœurs que de répondre avec des messages. Le cœur est un symbole qui a une portée universelle, et il montre aussi que l’on est ouvert au dialogue », précise François. Les actions du collectif ne manquent d’ailleurs pas de faire réagir : les passants s’arrêtent, s’interrogent, et cherchent parfois à débattre avec les membres présents. « Cela montre que de nombreux parisiens connaissent encore mal des problématiques comme la PMA. Mais c’est positif, car cela nous permet d’en parler ». A plusieurs reprises, les street artistes croisent même des policiers, qui les laissent systématiquement poursuivre leur opération anti-haine.

Une recrudescence de messages haineux

Pochoirs pour tous signale systématiquement les messages trouvés à la mairie de Paris, à travers l’application DansMaRue. Mais face à l’inaction des pouvoirs publics, le collectif n’a pas hésité à interpeller directement Anne Hidalgo, la maire de Paris, en avril 2019. En réponse, l’adjoint à la mairie en charge de la propreté, Paul Simondon, s’est engagé personnellement à lutter contre le phénomène. Mais le collectif n’a observé aucune amélioration réelle. « Rien n’a été fait depuis. Ces dernières semaines, on a même observé une multiplication de slogans plus bas que terre, notamment au sujet de la PMA », explique François en prenant pour exemple le slogan « Après les légumes sans OGM, les enfants à un seul parent » qu’il a récemment observé dans la rue. Selon le collectif, les XIV, XV et XVIe arrondissements sont particulièrement touchés et concentrent une grande partie de ces tags illégaux.

Malgré des signalements qui se sont multipliés par trois sur les réseaux sociaux et qui aident le collectif à repérer les messages injurieux, ses membres attendent toujours qu’un message clair soit envoyé aux auteurs en question. « La rue est à tout le monde, on ne peut pas lui faire dire n’importe quoi. La mairie de Paris doit repréciser la loi et punir les organisations responsables de ces tags. Leurs auteurs doivent comprendre que ces messages haineux ne sont pas autorisés dans l’espace public ». En attendant une prise en main de la part des autorités, Pochoirs pour tous encourage les amateurs de street art à se joindre à leurs actions et à se réapproprier les rues de Paris.

Valentin Berg

Extinction Rebellion : quel est ce mouvement écologiste de désobéissance civile ?

Ce mouvement, né au Royaume-Uni en 2018, multiplie les actions coups de poings comme l’occupation samedi du centre commercial parisien “Italie 2”. En France, ils seraient plus de 6.000 à avoir rejoint les rangs d’Extinction Rebellion (XR) pour protester contre l’inaction climatique.

Les militants d’Extinction Rebellion (XR), un mouvement social écologiste fondé sur la désobéissance civile, font parler d’eux. Samedi 7 octobre, ils occupaient le centre-commercial Italie 2. Ce lundi, ils lancent la semaine de désobéissance civile. Mais que sait-on sur ce mouvement relativement récent en France ?

 

Des militants d’Extinction Rebellion, samedi 7 octobre,  lors de l’occupation du centre-commercial Italie 2. Crédit : Jacques Demarthon/AFP

 

  • D’où vient le mouvement ?
    XR est implanté dans 58 pays . Ce mouvement n’est pas français mais bien international. Né à Londres en 2018 par des militants de Rising Up, un mouvement social de désobéissance civile, il est rapidement implanté dans  une soixantaine de pays selon l’organisation. Pour la semaine de la désobéissance civile, qui a débuté lundi 7 octobre, les actions seront donc étendues à l’international.

 

  • Quelles sont leurs revendications ?
    Ce mouvement est avant-tout écologiste. Au niveau international, il réclame  trois mesures aux gouvernements à l’international,  quatre en France. Ces mesures sont assez générales : reconnaissance de l’État de l’urgence écologique et demande d’une communication honnête, réduction immédiate des gaz à effets de serre, arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres et création d’une assemblée citoyenne.

 

  • Comment agissent-ils ?
    Le principe de la mobilisation d’XR s’inspire du principe de « désobéissance civile », théorisé par Henry David Thoreau dans son essai éponyme en 1879. Les militants bafouent alors les règles de droit. Pour l’enseignant-chercheur en sciences politiques, François Gemenne, la popularité d’Extinction Rebellion s’explique par l’état climatique actuel. « Beaucoup de gens réalisent l’urgence de la nécessité d’agir. Par ailleurs, la réaction politique n’étant pas à la hauteur, ils passent à des actions plus radicales. » Radicale, oui mais non violente. En effet, cette modalité de l’engagement est un des 10 principes auxquels doivent adhérer les militants. Qui dit non-violence dit actes à visage découvert et interdiction de toute violences physiques. « Par contre, ce principe de non-violence ne comprend pas la non-violence économique, comme ce fût le cas lors de l’occupation du centre Italie 2, samedi 7 octobre » explique Gwenaël*, étudiant de 22 ans qui participe à des actions d’XR.

Un mouvement sans leader :  Chez XR, la hiérarchie n’est pas verticale mais horizontale. On parle alors d' »holacratie » pour désigner ce système de gouvernance organisé selon l’intelligence collective. Un concept logique pour Gwenaël. « Dans un schéma de lutte où tu aspires à une société hiérarchisée, ce n’était pas cohérent d’adhérer à un mouvement vertical » note-t-il. Le mouvement est décentralisé puisqu’il existe 25 organisations locales. N’importe quel militant peut proposer une action. Selon une enquête réalisée par France Info, rejoindre les rangs de l’organisation est plutôt facile.  Les futurs adhérents doivent suivre le « Manuel pour permettre l’auto-organisation d’action de désobéissance civile non violente« , préparer un plan d’action et en devenir l’opérateur. Il doit ensuite recruter des futurs militants et répartir les rôles.

Action visibles et radicales : Blocages, affichages sauvages, sittings et blocus de lieux sont les formes les plus courantes des actions d’XR. Mais d’autres, plus radicales sont également organisées. Sur les marches du Trocadéro à Paris par exemple,  les militants ont  déversé 300 litres de faux sang au printemps 2019. A Strasbourg, le mouvement écologiste a par ailleurs jeté plus de 50kilos de plastique dans une fontaine. Le but,  dénoncer l’accumulation des déchets.  Récemment, les militants ont tapé fort en occupant une journée entière un centre commercial parisien pour dénoncer la surconsommation. Comme dans beaucoup d’actions militantes, le but d’XR est de choquer l’opinion publique et les médias, par des actions fortes et symboliques, facilement relayables sur les réseaux sociaux. Pour le sociologue spécialisé en écologie politique, Hadrien Malier, XR reprend les codes classiques des mouvements écologistes tels qu’Alternatiba ou ANVCOP21. Mais pour lui « on peut émettre l’hypothèse qu’outre l’action symbolique, il vise à perturber le fonctionnement de l’économie et de la vie courante. »

Une communication flashy et artistique :  Le mouvement est  symbolisé par un logo créé par Goldfrog ESP . Il représente un cercle pour la Terre. A l’intérieur, un sablier comme pour rappeler que le temps pour agir pour la planète est compté.  La stratégie de communication, elle, se veut colorée. Sur le compte Twitter de l’organisation, les emojis de fleurs et de baleines illustrent les messages d’appels à l’action. XR revendique l’art comme partie prenante de ses actions. « C’est une forme de carnaval, de catharsis, explique François Gémenne. On exprime un désarroi, celui de l’urgence climatique au travers d’un signal joyeux, comme le chant du signe finalement ».

  • Quels financements ?
    Pour réaliser leurs actions, les militants peuvent compter sur une cagnotte en ligne qui appelle aux dons de chacun. « En réalité, on a besoin de peu de budget.On fait de la récupération et chacun participe comme il le peut » nuance Gwenaël.

 

  • Quels soutiens et quels opposants ?
    Samedi 5 octobre, lors de l’occupation du centre « Italie 2 » de nombreux autres collectifs étaient présent. « La vérité pour Adama » , des Gilets Jaunes et Alternatiba militaient aussi.  Pour les militants d’XR une convergence des luttes est souhaitable. En réaction, Ségolène Royal a demandé au micro de France Inter à ce que ces mouvements soient « réprimés » le lundi 7 octobre. Elle a affirmé voir une « instrumentalisation de l’écologie par ces groupes violents »

* par soucis d’anonymat, le prénom a été modifié

Esther Michon

 

 

Radicalisation : faut-il créer un délit ?

Mickael Harpon, l’assaillant qui a tué quatre policiers à la préfecture de police de Paris, montrait plusieurs signes de radicalisation, selon un rapport de la DRPP. En France, le fait de se radicaliser ne constitue pas un délit en soi, et les députés ne semblent pas prêts à légiférer en ce sens.

En 2015, des signes de radicalisation ont été soulevés. C’est ce qu’assurent plusieurs témoignages au sujet de Mickael Harpon, l’auteur de l’attaque au couteau à la préfecture de police. L’assaillant avait notamment légitimé l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo. Il refusait aussi de serrer la main aux femmes.

Pénalement, la loi ne permet pas de condamner les personnes radicalisées. Mais pour le député LR Eric Ciotti, il faudrait mettre en place le principe de précaution. « Quand il y a autant de signes convergents, on ne peut pas laisser quelqu’un en fonction dans des emplois stratégiques et dans des lieux où la sécurité nationale est menacée. », assure-t-il à Celsalab. Selon le député des Alpes-Maritimes, les personnes concernées par la radicalisation doivent être suspendues ou mutées pour éviter toute menace. « Nous avons des services qui savent détecter les signes de radicalisation, il faut donc agir avant plutôt que de commémorer des drames ».

Une idée partagée par le porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Hervé Berville. Le député de 29 ans explique qu’il faut renforcer la prévention. « Dès qu’il y a danger, il ne faut pas laisser ces personnes à des postes sensibles, et il faut prévoir des actions pour les mettre hors d’état de nuire ».

Un terme extrêmement flou

Aujourd’hui, on estime que la radicalisation est un processus par lequel les croyants d’une religion adoptent des positions extrémistes, souvent caractérisées par le rejet de l’autre et la violence. Mais Hervé Berville estime qu’il faudrait d’abord définir le terme radicalisation, car derrière ce mot se cachent de nombreux cas différents.

« On peut pas vous mettre en prison si vous dites  »bien fait pour eux » à propos de Charlie Hebdo, par contre c’est un signal qui doit alerter les autorités. En revanche, quand les choses se font en dehors de la loi, il faut punir, sanctionner et condamner pour éviter des actes abominables ».

Du côté de la France insoumise, Alexis Corbière estime que ce n’est pas en inventant des délits supplémentaires que le problème sera réglé. « Si on veut lutter contre le terrorisme, il faut donner des moyens pour que les services de police puissent travailler. Aujourd’hui, on est capables d’identifier clairement des gens qui préparent un attentat terroriste ». Pour le député de Seine-Saint-Denis, le terme radicalisation est extrêmement flou. Le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon pendant l’élection présidentielle explique que la loi définit les choses de manière très précise, et donc que l’arsenal juridique existe déjà.

Alexandre Cool

Les lanceurs d’alerte signeront-ils la fin de Donald Trump ?

Deux nouveaux témoignages viennent confirmer les faits reprochés à Donald Trump dans l’affaire ukrainienne. Cette annonce rend la menace d’impeachment un peu plus tangible et aura un impact certain sur la campagne présidentielle de 2020.
Une Impeachment March s’est tenue à Los Angeles en juillet 2017. (Photo de RINGO CHIU / AFP)

Un nouveau lanceur d’alerte anonyme a fait une déposition dimanche. Il assure que le Président des États-Unis a demandé à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, d’enquêter sur son adversaire démocrate Joe Biden. Ses propos confirment le témoignage du premier lanceur d’alerte. Celui-ci a affirmé que plusieurs de ses responsables avaient écouté un appel entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky passé le 25 juillet dernier. Il raconte que ceux-ci ont été “très troublés” par cette conversation téléphonique.

Selon ces informations, le Président des États-Unis aurait “sollicité l’ingérence” de l’Ukraine en vue de préparer sa campagne présidentielle pour 2020. C’est après cette révélation qu’une procédure de destitution a été lancée, le 24 septembre dernier, par Nancy Pelosi. La présidente de la Chambre des Représentants a d’ailleurs été vivement attaquée par Donald Trump sur Twitter. Il accuse la chef de file démocrate de « crimes graves, délits et même trahison« , et a réclamé sa destitution.

Selon l’avocat Andrew Bakaj, qui fait partie du cabinet assurant la protection juridique des deux lanceurs d’alertes, d’autres témoins susceptibles de fournir des informations sur cette affaire pourraient témoigner à leur tour.

La procédure d’impeachment a-t-elle une chance d’aboutir ?

Selon Sébastien Mort, maître de conférences en civilisation américaine, ces révélations ont provoqué “un frémissement de la presse américaine qui commence à prendre au sérieux la possibilité d’un vote à la Chambre des représentants”. Ce serait la première étape vers une potentielle destitution de Donald Trump.

Cette procédure a lieu en deux temps. D’abord, la Chambre des représentants mène une enquête sur le Président des États-Unis. Elle vote ensuite la mise en accusation de celui-ci. Puisque les démocrates ont la majorité dans cette institution, la première étape de l’impeachment pourrait être validée. Mais “même si on arrive jusque là, ça ne sera certainement pas suffisant” estime Sébastien Mort.

Car la procédure se poursuit ensuite au Sénat qui organise le procès du Président. À ce stade, pour que la destitution soit votée, il faudrait que Donald Trump soit jugé coupable par ⅔ des sénateurs. Comme les Républicains disposent de la majorité, il faudrait que les démocrates rallient à leur cause 20 républicains et 2 sénateurs indépendants. Un scénario peut convaincant pour Sébastien Mort : “Il n’y a quasiment pas de résistance à Donald Trump au sein de son parti. Les Républicains ne veulent pas se mettre Trump à dos pour ne pas se mettre en danger aux primaires du parti”.

Donald Trump quittant le cabinet d’avocats Pillsbury Winthrop Shaw Pittman lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. (Photo d’Alex Wong / AFP)
Trump joue à la fois sa réélection et sa propre survie

Pour certains, la destitution de Donald Trump serait tout sauf une bonne nouvelle. Le journaliste du New York Times, Frank Bruni, estime par exemple que cette procédure accentuera le clivage de la société américaine : “Les sympathisants de Trump seront furieux qu’il ait subi une procédure alambiquée dont on pouvait anticiper le dénouement. Pendant ce temps,l’exaspération des détracteurs de Trump sera démultipliée” écrit-il.

Vous devriez être terrifiés par la procédure de destitution, car elle va constamment nous contraindre à ne plus nous concentrer que sur le mépris de Trump pour la loi, sur ses singeries, ses délires et ses tweets débiles. Nul doute qu’il sera prêt à faire son maximum pour persuader les Américains que les démocrates sont malfaisants. Nul doute que sa stratégie consistera à calomnier les personnes, les procédures et les institutions en affirmant qu’il faut s’en méfier comme de la peste.” ajoute Frank Bruni dans un article du New York Times.

Et les révélations de ces deux lanceurs d’alerte ont d’ores et déjà un impact sur la présidentielle de 2020 : la procédure “occupera le paysage médiatique pendant toute la campagne” assure Sébastien Mort. Pour lui, elles offrent aux démocrates la possibilité “de demander des comptes aux Républicains et à Donald Trump, sans donner l’impression d’être dans une entreprise partisane de mise en défaut.”

C’est la première fois qu’une procédure d’impeachment survient en même temps qu’une campagne présidentielle. “Cette campagne sera d’une brutalité sans précédent. Trump joue à la fois sa réélection et sa propre survie” projette Sébastien Mort.