Éliminer le virus plutôt que d’aplanir la courbe, la stratégie efficace de la Nouvelle-Zélande

Après cinq semaines de restrictions, le niveau d’alerte le plus élevé en Nouvelle-Zélande descendra d’un cran ce lundi 27 avril, en fin de journée. Une victoire dans ce pays où l’objectif depuis mars n’a pas seulement été d’aplanir la courbe des cas de coronavirus mais bien son élimination. Une stratégie unique au monde et qui semble en passe de réussir.

La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern informe les médias à propos du covid-19 au Parlement à Wellington le 27 avril 2020. (Photo by Mark Mitchell / POOL / AFP)

« Nous avons gagné cette bataille« , s’est félicitée ce lundi la Première ministre de la Nouvelle-Zélande Jacinda Ardern alors que son pays entreprend la levée de certaines restrictions prises pour lutter contre le coronavirus.

« Il n’y a pas de transmission (du virus) généralisée et non détectée en Nouvelle-Zélande« , a déclaré Mme Ardern. Au cours des 24 dernières heures, seul un nouveau cas de maladie Covid-19 a été recensé dans ce pays de cinq millions d’habitants. Une preuve que la stratégie d’élimination du virus adoptée par le pays fonctionne.

Une stratégie efficace d’élimination du virus

La Nouvelle-Zélande se distingue des autres pays par la prise de décisions strictes en amont de la crise. Tous les voyageurs venant de Chine ont été interdits dès le début du mois de février, avant même que le pays ait enregistré un cas du virus. A partir du 15 mars, tous les voyageurs arrivant dans l’archipel ont dû se maintenir en quarantaine pendant quatorze jours. Surtout, un confinement total a été mis en place dès le 23 mars. A cette date pourtant, la Nouvelle-Zélande ne comptait (que) 102 cas et aucun mort.

Michael Baker et Nick Wilson, deux épidémiologistes néo-zélandais montrent que les décisions radicales qui ont été prises ont permis au gouvernement de mettre en place des mesures éliminant la transmission du Covid-19. Ces précautions sont par exemple la mise en quarantaine des personnes arrivant sur le territoire néo-zélandais, la généralisation de tests et le traçage des points de contacts, permettant de repérer tout nouveau cas.

Une stratégie qui semble fonctionner puisqu’en tout, 1 122 cas de Covid-19 ont été enregistrés dans cet archipel qui déplore « seulement » 19 décès. Mme Ardern a cependant rappelé qu’il n’existait aucune certitude quant au moment où tout risque de transmission aurait disparu.

Une communication de crise rassurante pour les Néo-Zélandais

La gestion de la crise en Nouvelle-Zélande s’est également démarquée des autres pays par la communication de sa Première ministre. Des briefings quotidiens ont été mis en place pour informer de la situation du pays. A travers des FacebookLive plus informels, Jacinda Ardern s’est montrée proche de ses concitoyens, répondant à leurs questions et montrant son soutien dans cette crise.

Le gouvernement néo-zélandais s’est plié à une transparence totale. Ainsi pour gérer la crise, un système d’alerte à quatre niveaux a été mis place et au plus fort de la crise, celui-ci a été expliqué aux Néo-Zélandais. Le chercheur en relations internationales à la Victoria University de Wellington Van Jackson explique que le dévoilement de ce plan a été un moyen pour les Néo-Zélandais de comprendre que la situation était sous contrôle.

Après cinq semaines de confinement au niveau 4, la Première ministre a donc annoncé aujourd’hui le passage au niveau 3 permettant une levée des restrictions dès la fin de journée. Certaines entreprises, des établissements proposant des plats à emporter ainsi que des établissements scolaires ont désormais le droit de rouvrir.

Une situation géographique particulière

La prise de ces décisions a malgré tout aussi été facilitée par la situation géographique particulière de la Nouvelle-Zélande. Composé de plusieurs îles isolées les unes des autres au fin fond de l’océan Pacifique, le pays était dans une position favorable pour éradiquer le virus, comme le met en avant Hélène Clark, ancienne Première ministre de 1999 à 2008.

« Parce que nous avons eu très peu de cas ici, nous avons pu travailler à une stratégie d’élimination« , a ainsi déclaré Mme Clark à The Atlantic, « C’est sans aucun doute un avantage d’être situé à la périphérie [du monde], parce que vous avez la chance de voir ce qui circule à l’étranger« .

Aurélie LOEK

Le confinement, une source de création pour les cinéastes en herbe ?

Un court-métrage sur la production d’œufs, un film sur une ville malade ou encore une chaîne YouTube de critiques ciné : ils sont nombreux à commencer ou continuer leur processus de création malgré le confinement. Focus sur ces jeunes qui font vivre le cinéma français depuis leur chambre.

Le confinement, une source de création pour les cinéastes en herbe ? (Crédit : Pixabay)

« Ce sont des projets pour s’amuser et divertir les autres »

Vianney Dumay est étudiant en dernière année à l’ESRA (École supérieure de réalisation audiovisuelle), à Paris. Dès le début du confinement, cet étudiant de 22 ans est rentré chez ses parents, du côté de Roubaix. Il se retrouve alors dans la maison familiale, avec un jardin et en compagnie de poules, lapin, chien et chat. Il décide de mettre en scène ces acteurs insolites. Le cinéaste en herbe écrit et réalise entièrement seul La Gallinette Confinée, un court-métrage sur Gallo, un coq dominant et cupide, responsable d’une entreprise de production d’œufs.

« Il y a plein de gens qui n’ont pas accès à la nature en ce moment, du coup je voulais faire en sorte que les animaux arrivent chez eux »

Pour ce fan de Martin Scorsese, « il fallait faire quelque chose de fun et amusant, mais avec quand même un aspect un peu intello ». Derrière les personnages loufoques, se cache une réflexion sur la production d’œufs en France (la surproduction, le broyage de poussins, etc).

Pour préparer son court-métrage, Vianney Dumay a fait appel à deux camarades de son école : Valentin Prime et Renan Pardillos, qui doublent les personnages. Il les a choisis grâce à un critère en particulier : le matériel. « Valentin a beaucoup de matériel audio chez lui, par rapport à moi, et mine de rien c’est un gain de qualité énorme, surtout quand on travaille à distance ». Il a fallu deux semaines pour retravailler les textes, les intonations et les accents.

Chez lui, le réalisateur n’a que très peu de matériel, « juste le vieil appareil Reflex de mon frère et un logiciel de montage ». Un défi nouveau pour lui : « Le tournage a été particulier. J’ai tourné sur plusieurs jours, exactement aux mêmes horaires pour avoir une lumière similaire. Mais, les animaux sont très imprévisibles et les poules en particulier sont peureuses. Il fallait les espionner et avancer tout doucement. Parfois, certains plans étaient donc juste complètement improvisés. »

La Gallinette Confinée, Vianney Dumay (Capture d’écran youtube)

Pour Vianney, les projets dans le cadre de ses études sont en suspens à cause du confinement. Il devait tourner un court-métrage dans une boucherie et un autre dans un appartement. Les deux sont retardés pour la fin de l’année 2020 et le mois d’avril 2021. Il utilise donc son temps pour préparer un deuxième film de confinement. Le récit ? Deux ordinateurs discutent entre eux de leur perte d’idéaux face au monde actuel. « Cette fois-ci, je veux mettre plein d’effets spéciaux, parce que je veux m’entraîner à les faire. »

Un court-métrage qui sera lui aussi publié uniquement sur Youtube. « Ce sont des projets pour s’amuser et divertir les autres. Je n’ai pas vraiment d’ambition professionnelle avec ces petits films.» « C’est juste pour m’amuser un peu, et puis ça aurait été trop bête de ne pas se servir de la situation pour créer quelque chose. » Pas de pression donc pour le jeune cinéaste. Sa prochaine vidéo sera disponible prochainement sur sa chaîne : Vianney Dumay.

« Je veux raconter l’histoire d’une ville malade »

Grégoire Benoist-Grandmaison est étudiant à l’IMT Atlantique (École Mines-Télécom). Du cinéma, il en fait depuis le lycée, mais a choisi la « voix de la stabilité » pour ses études. « Ado, j’ai toujours eu des envies changeantes, alors mes parents ne pouvaient pas être sûrs que le ciné me passionnait vraiment ». Mais finalement, si. Grégoire enchaîne les projets variés : il coréalise des films avec sa sœur en école d’Art et de design, et ses lieux de tournages passent du jardin de ses grands-parents à un court-métrage filmé au Québec.

Depuis le début du confinement, il est en télétravail pour son stage en conseil en transformation numérique. « Je ne peux travailler sur mes projets ciné que le week-end. Finalement, je ne m’arrête jamais. Je ne me reconnais pas trop dans ces gens qui s’ennuient sur leur canapé ».

Depuis le mois de novembre, après avoir visionné le film Hiroshima mon amour d’Alain Resnais, il travaille sur le scénario d’un long-métrage. Il explique, « je voudrais raconter l’histoire d’une ville malade, où la ville serait comme une entité, un personnage à part entière. Au début, ça n’avait pas de lien avec une situation réelle, mais maintenant, il y a forcément une résonance. »

Même si le confinement ne change finalement pas grand-chose à ses projets, « sans le confinement, je n’aurais pas pu canaliser autant mon énergie dans l’écriture du scénario ». Pour organiser son temps et son espace dans sa collocation parisienne, il utilise une technique particulière : « Je suis allé au supermarché, j’ai acheté une grande nappe en papier et du scotch. J’avais peur que la police me dise que ce ne sont pas des produits de première nécessité ! J’ai donc désormais un mur de papier dans ma chambre que j’utilise pour noter toutes mes idées. »

Le mur de papier dans la chambre de Grégoire Benoist-Grandmaison (Crédit : Grégoire Benoist-Grandmaison)

Le jeune cinéaste amateur utilise donc son confinement pour être le plus actif possible. En parallèle de son scénario en cours d’écriture, il participe à l’appel à projet On s’adapte de Canal+ et à un appel à films de genre organisé par So Film. Il ne ressent pas énormément la pression du confinement, mais il avoue qu’il « aurait préféré passer deux mois à être oisif et juste regarder des films et lire des livres. Mais je ne peux pas. Les gens qui ne font rien culpabilisent de ne rien faire. »

« C’était vraiment l’occasion de me lancer »

Léa Melloul est étudiante en chiropraxie. Pour elle, le cinéma est « une deuxième passion ». Cela faisait un an qu’elle voulait se lancer dans la critique. Elle a ouvert, depuis le 20 avril 2020, sa chaîne Youtube Ça tourne mal.

« Ce confinement, c’était vraiment l’occasion de me lancer. »

Elle a un déclic quand Mathilde Brachanet, son amie étudiante en audiovisuel, l’appelle pour demander des nouvelles. Les deux complices sont confinées seules dans leurs petits appartements parisiens. Le duo se crée par téléphone et les rôles sont distribués : Léa écrit les vidéos et les anime, alors que Mathilde s’occupe du montage.

Tous les projets audiovisuels de Mathilde sont actuellement suspendus : « Je m’ennuie vraiment, donc je suis contente de pouvoir continuer à pratiquer grâce à Léa. Je n’aime pas passer devant la caméra donc je n’aurais jamais monté mon propre projet. »

Sans matériel professionnel, Léa a déjà tourné la première vidéo, qui est sortie. « Je filme juste avec mon téléphone, que je pose sur un porte-lunette et une pile de livre. Le décor, c’est une bibliothèque de ma chambre. C’est vrai qu’à cause du confinement je suis obligée d’utiliser les moyens du bord, mais sans cette situation, je ne me serais pas lancée dans le projet. »

Le décor de la chaîne Ça tourne mal (Crédit : Léa Melloul)

Pour sa première vidéo, Léa veut se focaliser sur les films remake. « Ces films sont souvent négligés et considérés immédiatement comme mauvais. Je voudrais apporter un regard nouveau sur tout ça. » Elle parlera donc du film You got mail, réalisé par Nora Ephron en 1999. Ce projet sera le premier épisode d’une série consacrée entièrement aux films remake, qui s’intitule Version Deux.

Le duo espère que leur toute nouvelle chaîne perdurera aussi après la période de confinement : « Ce sera différent. Là on a tout notre temps et même la chaîne nous sauve de notre ennui. Après, on devra trouver du temps dans notre quotidien pour la chaîne. On verra bien mais j’ai bon espoir », conclut Léa.

Sarah Ziaï

Transports, économie, éducation… ce que l’on sait à la veille de l’annonce du plan de déconfinement

Après plusieurs semaines de concertation, le gouvernement s’apprête à présenter son plan de déconfinement mardi devant les députés.  L’occasion de revenir sur les mesures déjà annoncées par l’exécutif sur le sujet.

Frontispice de l’Assemblée nationale à Paris(MomentaryShutter/Flickr)

Le lundi 13 avril, le président de la République avait promis qu’un plan de déconfinement serait présenté à l’Assemblée nationale « d’ici quinze jours ». Deux semaines jour pour jour après cette déclaration, Édouard Philippe et Jean Castex, le « M. Déconfinement » du gouvernement, vont présenter la « stratégie nationale » qui devrait permettre aux Français de sortir progressivement de chez eux à partir du 11 mai et de lutter contre l’épidémie de coronavirus. Les mesures serviront à uniformiser les annonces faites ces dernières semaines par les membres du gouvernement. Petit bilan pour s’y retrouver.

  • Transports 

C’est un casse-tête que doit résoudre Élisabeth Borne : comment faire respecter la distanciation sociale dans les transports en commun ? Le déconfinement devrait passer par une augmentation du trafic, fortement réduit depuis la mise en place du confinement pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. « On est entre 10 % et 30 % de l’offre normale de transports en Île-de-France et en région », affirme la ministre de la Transition écologique. En ajoutant « qu’il faut remonter au maximum » tout en s’assurant « qu’il n’y ait pas trop d’affluence dans les transports ». Pour essayer de résoudre ce dilemme, la ministre propose de maintenir le télétravail quand cela est possible et de privilégier le vélo. L’objectif est d’éviter la surcharge de passagers aux heures de pointe.

Élisabeth Borne est aussi revenue sur l’aide de 7 milliards d’euros accordée par l’État à Air France. « Ce n’est pas un chèque en blanc », a t-elle prévenu. La ministre souhaite que la compagnie aérienne réduise « les émissions de CO2 par passager, de 50% les émissions de CO2 sur les vols domestiques d’ici 2024, via l’utilisation de biocarburant ». Six semaines après le début du confinement, 95% du trafic de l’entreprise est à l’arrêt laissant craindre des plans de départs chez les salariés.

  • Économie

En plus d’un prêt à Air France, le gouvernement à débloqué 5 milliards d’euros pour soutenir le constructeur automobile Renault. Le prêt sera « garanti par l’État » a confirmé Bruno Le Maire. Le ministre de l’Économie a aussi déclaré que qu’une décision concernant les bars et les restaurants ne serait pas prise avant « fin mai« . L’accès au fonds de soutien mis en place par le gouvernement sera élargi aux entreprises employant jusqu’à 20 salariés et réalisant jusqu’à deux millions d’euros de chiffre d’affaires dans l’hôtellerie et la restauration, fermées en raison du Covid-19, a annoncé également Bruno Le Maire. En outre le montant de l’aide sera doublé à 10 000 euros pour « l’ensemble de ces entreprises ». Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a aussi annoncé la suspension des charges pour ces secteurs entre mars et juin. « C’est une annonce importante pour un secteur qui souffre«  a ajouté le ministre.

Les députés et le sénateurs ont par ailleurs adopté un nouveau plan de soutien à l’économie pour surmonter la crise. Jeudi 23 avril, le Parlement a définitivement adopté le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) présenté par l’exécutif en un mois. Le texte a plus que doublé l’enveloppe du plan de soutien à l’économie, à 110 milliards d’euros – dont plus de 40 milliards de dépenses publiques, le reste consistant en des reports de charges et garanties de prêts. Le gouvernement n’exclut pas un troisième plan en fonction de l’évolution de la crise.

  • Éducation

La réouverture des écoles le 11 mai s’accompagne d’une certaine cacophonie. Jean-Michel Blanquer avait déclaré que « tout le monde ne rentrera pas au même moment », anticipant une rentrée en décalée selon les classes. Le ministre de l’Education nationale a également indiqué que les classes devraient se faire à partir du 11 mai par petit groupe de 15 élèves au maximum. L’Élysée a précisé dans la foulée que la rentrée se ferait sur la base du volontariat, un véritable casse-tête pour les élus locaux.

Les épreuves du brevet et du baccalauréat ne pourront avoir lieu. Pour le brevet, la moyenne des notes obtenues pendant les trois trimestres sera retenue, à l’exception des notes obtenues pendant la période de confinement. Concernant le bac toutes les épreuves sont suspendues au profit du contrôle continu à l’exception des oraux de français pour les élèves de première.  Les candidats libres et les élèves du privé hors contrat, eux, pourront se présenter à la session de septembre. Il y aura un rattrapage courant juillet pour les élèves entre 8 et 10 de moyenne.

Etienne Bianchi

Confinement : la France aux fourneaux

Elles s’appellent « confineries », « confinades », ou « confinettes ». Elles, ce sont ces recettes par milliers qui ont vu le jour sur internet, et ont été réalisées dans les cuisines des Français. Depuis le début du confinement le 17 mars, de nombreux citoyens ont traduit l’injonction à rester chez soi par une invitation à cuisiner. Novice, chef gastronomique ou styliste culinaire, rencontre avec trois profils culinaires en confinement.

 

Réaliser des macarons : une première pour Eléana B.

1/3 des Français aux fourneaux

Selon un sondage Odoxa réalisé pour franceinfo, 29% des Français placent la cuisine comme activité principale de leurs journées confinées (sondage Odoxo-CGI, réalisé le 7 avril 2020).  En témoignent les rayons vides des supermarchés, désertés par les farines T45 et autre levure boulangère. Avec autant de temps devant elles, les pâtes en tout genre ont le temps de reposer et les brioches de lever…  Et si le confinement avait changé pour de bon, notre rapport à la cuisine ?

Pour Eléana Bonnasse, étudiante de 22 ans, cette période est l’occasion de franchir un cap dans son rapport à la cuisine : « Avant le confinement, je me considérais plutôt comme experte en nourriture mais côté consommation. J’ai toujours adoré découvrir de nouvelles saveurs, essayer des restaurants. Donc les gens me demandaient assez naturellement ‘Tu cuisines ?’ ». Sauf que non. Et je ressentais ce manque de savoir-faire comme une grosse lacune ». L’étudiante s’est mise à la cuisine pendant le confinement et évoque plusieurs facteurs déclencheurs : l’envie d’aider ses parents dans cette tâche, l’opportunité d’être entourée de petits producteurs pour se procurer les ingrédients et le temps libre.

« Je me suis prouvée à moi même que j’étais capable de cuisiner de bons plats. Je me suis même lancée dans des recettes plus élaborées comme les macarons ! »

Pour l’inspiration, l’étudiante évoque des sources multiples : « Sur Instagram j’ai vu plein de belles choses. Le compte du pâtissier Yann Couvreur par exemple, ou encore celui d’une amie qui a lancé son propre compte culinaire au début du confinement. C’est très inspirant », affirme-t-elle. Une dynamique de l’offre et de la demande se joue en effet sur Instagram, où les apprentis-cuisiniers peuvent s’inspirer des chefs confirmés.

Cuisiniers confirmés confinés

Photo du fraisier de Christophe Michalak, recette en live vidéo sur le compte d’ELLE à table, ou en « pas à pas » dans les stories de différents chefs : Instagram est devenu un livre de recettes dont les pages n’en finissent plus de s’accumuler. Source d’inspiration pour les novices comme Eléana Bonnasse, et nouveau support de création pour les professionnels, le réseau social remplace la table de restaurant comme lieu de partage des expériences culinaires.

« Le confinement nous a offert le cadeau du temps, cela faisait deux ans que je n’avais pas cuisiné pour nous des plats que l’on mange réellement » explique Shirley Garrier, l’une des deux membres du compte Instagram @thesocialfood. Elle et son conjoint, Mathieu Zouhairi, sont stylistes culinaires. Habituellement, ils partagent avec leurs 60 000 abonnés la cuisine des autres : « Nous photographions autant des chefs que des producteurs ou des marques, on voyage beaucoup aussi pour des magazines, aucune journée ne se ressemble », développe Shirley G.

Mais depuis le début du confinement, le couple d‘instagrammeurs s’est lancé le défi de réaliser une recette par jour. 42 recettes (et ce soir 43 !) sont ainsi consultables sur leur compte instagram. Des réconfortants pancakes (jour 41) aux plus techniques sushis (jour 25), les recettes préparées dans leur appartement parisien s’accumulent. L’occasion pour le couple de s’atteler à des préparations longtemps envisagées mais jamais entreprises : « J’ai fait des recettes que j’avais ratées et que je voulais réessayer, et d’autres que je voulais faire depuis longtemps. C’est le cas du banh bot loc, des raviolis à base de fécule de tapioca garnis de porc et de crevettes», poursuit la photographe.

 

Capture d’écran du compte Instagram de @thesocialfood. (16 avril 2020)

Pour le couple de stylistes culinaires, ce confinement est donc l’occasion de se reconnecter intimement à la nourriture. Un rapport à la cuisine différent du quotidien d’avant-confinement, où l’appareil-photo s’interposait toujours entre-eux et les plats.

Repenser notre rapport à la cuisine

Si la période actuelle force tout un chacun à s’alimenter différemment, le confinement invite aussi à réfléchir plus globalement à notre rapport à la cuisine. Pour Pierre Carducci, chef du restaurant gastronomique Éclosion (Saint-Paul-en-Jarez, Loire), cette période n’est pas uniquement l’occasion de créer du contenu en ligne mais aussi de réfléchir au futur visage de la cuisine. Le chef d’Éclosion envisage la vente à emporter pour l’après-confinement : « L’idée serait de pallier le manque de clients à venir en proposant des plats à emporter. Du coup forcément, ça implique de réfléchir à des manières plus accessibles d’approcher la gastronomie ».

Le jeune chef explique également prendre plus de temps pour penser ses prochains menus sans pour autant se lancer de défis techniques culinaires : « Quand je suis chez moi, confinement ou pas, je n’ai pas envie de manger la cuisine que je fais au restaurant. Je n’ai pas poussé ma technique mais j’ai eu le temps de me poser davantage pour créer les nouveaux menus, un peu comme si c’était l’occasion d’une nouvelle ouverture ».

Manger plus local

Si les Français revendiquent un attachement de longue date à la gastronomie, ce confinement aura été pour beaucoup l’occasion, non seulement de changer de comportement alimentaire, mais aussi de s’interroger plus profondément sur les pratiques culinaires. Shirley G. s’étonne ainsi des ruptures de stocks dans les supermarchés :

« Pourquoi la farine et les pâtes ? Je réalise que les gens sont totalement déconnectés de ce dont leur corps a réellement besoin et de ce qui est bon pour nous »

La jeune femme se montre cependant optimiste pour les changements à venir : « Je pense que le confinement va pousser les gens à manger plus local ». Pour Eléana Bonnasse, la cuisine s’est révélée être un outil de confiance en soi : « C’est très gratifiant de se délester d’un préjugé dégradant sur soi-même. On peut être bon en cuisine, il suffit de s’y mettre. Ça a quelque chose d’assez émancipant de cuisiner pour soi. C’est un peu se montrer qu’on est capable d’être auto-suffisant, avec le support des producteurs bien sûr », se réjouit l’apprentie-cuisinière. 

Si la fermeture de son restaurant évoque peu de points positifs à Pierre Carducci, le chef se réjouit d’avoir plus de temps pour cultiver son potager :

« On a planté de nouvelles plantes aromatiques et de nouvelles essences. On se concentre sur le produit brut plutôt que sur la façon de le transformer en somme »

Capture d’écran de la page Facebook du restaurant Éclosion. ( 20 avril 2020)

 

Novice ou confirmé, photographe ou cuisinier, le temps long du confinement est l’occasion pour nombre d’entre nous de jouer des couteaux et autres moules à gâteau. Une tendance sur laquelle les chaînes télé n’ont d’ailleurs pas tarder à surfer. Ce soir à 18H45, comme tous les soirs de la semaine, vous pourrez regarder Cyril Lignac, en direct sur M6, concocter une de ses recettes en 50 minutes chrono. Ou Juan Arbelaez dans Quotidien sur TMC.

 

Morgane Mizzon