La longue route vers la rémission des patients Covid

Selon des chiffres du gouvernement datés du 18 juin, près de 74000 patients atteints du Covid-19 se sont rétablis après avoir été hospitalisés. Mais que l’on soit passé par l’hôpital ou non, le rétablissement peut être long, et certains malades font face au rejet de leur entourage. Comment vit-on l’après-Covid-19 ?

Pour les patients les moins gravement atteints, l’usage du paracétamol est largement recommandé. Photo Elisa Fernandez

“On entend souvent “Vous avez de la fièvre ou de la toux ? Vous êtes peut-être malade”. Ça me fait rire. Ma fille et moi, on avait bel et bien le Covid, pourtant on n’avait pas ces symptômes-là”. À l’hôpital d’Aix-en-Provence, Murielle Bonati s’est portée volontaire pour travailler en service Covid. Mais lors de sa première nuit, l’aide-soignante de 44 ans ne sent plus le goût des aliments. À cela s’ajoute une difficulté pour respirer. Elle et sa fille de 14 ans sont testées positives et Murielle est arrêtée pendant près d’un mois.

Mais alors qu’elle récupère ses capacités et que ses derniers tests sont négatifs, elle perçoit une certaine méfiance dans son entourage : “Ma fille avait prévu d’aller dormir chez une copine, et finalement sa mère a refusé parce que personne ne sait réellement combien de temps on est malade. On a laissé tomber. Si par malheur elle l’attrapait de son côté, elle aurait pu dire que c’était de notre faute”. Une réaction qu’elle trouve légitime, mais qui lui donne l’impression d’être considérée comme une “pestiférée” : “Cette joie de retrouver nos proches après le confinement, c’est quelque chose qu’on n’aura pas tout de suite. Je comprends qu’on puisse se méfier, avoir de l’appréhension. Mais on n’est plus contagieuses et je n’ai pas envie que les gens aient peur de nous côtoyer”

Cette sensation de rejet, Joseph Amzallag en témoigne également alors que toute sa famille a contracté le virus au début du confinement. Pour l’étudiant en sciences politiques, confiné avec ses parents et son frère, le caractère inconnu du virus a pu nourrir cette méfiance : “Quand on disait aux gens de notre entourage qu’on avait le virus, ils étaient, peut-être pas dégoûtés, mais surpris. C’était au début du confinement, et on ne connaissait encore personne qui l’avait attrapé”.

À lire également : “Il y a des similitudes entre ce que l’on vit et ce que nos ancêtres ont vécu”

 

“Un grand coup de massue” 

Le docteur Leborgne a été hospitalisé après de fortes difficultés respiratoires. Photo Colette Aubert

J’ai commencé à être malade le 20 mars. Le premier symptôme que j’ai eu, c’est comme si j’avais pris un grand coup de massue, je me suis senti fatigué comme rarement. Le lendemain, j’étais très essoufflé, je toussais énormément, les bronches me brûlaient et j’avais de la fièvre”À 66 ans, Patrick Leborgne, médecin généraliste à La Roche Blanche dans le Puy-de-Dôme, a passé quatre jours en réanimation sous assistance respiratoire à la suite d’un test positif.

Ayant directement pris un traitement à base de chloroquine, il note une nette amélioration de son état au bout de cinq jours. Avant une sévère rechute : “J’allais très bien jusqu’au septième jour, c’était un samedi. Je disais même à une amie que j’allais reprendre le travail le lundi. Et le samedi après-midi, d’un seul coup, j’ai été profondément épuisé. Le lundi soir, mon fils appelait les pompiers pour me faire hospitaliser car j’étais passé en détresse respiratoire.” À l’heure actuelle, après sept semaines d’arrêt de travail, il ressent encore la trace laissée par la maladie sur son corps : “J’aime bien faire du golf, et un parcours fait 12km. Aujourd’hui je ne pourrais pas le faire, c’est trop”. 

Paul, un policier de 26 ans touché par le virus fin mars, a aussi eu à supporter une rémission physique lente : “Parler, monter les escaliers, faire de tout petits efforts était devenu pénible, j’étais essoufflé très vite”. Si la récupération physique a pu être vue comme une étape courte et sans séquelles a posteriori, elle n’a pas toujours été bien vécue : Louis Delahaye, 17 ans et amateur de triathlon, explique que le Covid-19, en plus de l’avoir isolé de sa famille, a largement limité ses capacités physiques : “Le temps que ça aille mieux, que je puisse reprendre le sport et revoir ma famille, il m’a bien fallu une semaine en plus pour vraiment être en pleine forme”. Au-delà de la fatigue, Joseph Amzallag souligne la persistance de la perte de goût, deux mois après avoir été infecté : “L’odorat est revenu, mais le goût, ça va ça vient.” 

À lire également : Au Québec, un soutien virtuel face au Covid-19

 

Une rééducation balbutiante

Si les symptômes dépendent largement de chaque individu, l’étendue des séquelles physiques a été largement sous-estimée selon le Dr Leborgne : “Au début, on a tous cru que c’était une grippe habituelle. On s’est rendu compte ensuite que le virus atteignait le système vasculaire, le coeur, le foie, les intestins… il y a même des lésions neurologiques, et on l’ignorait.”

La maladie pourrait engendrer, au lieu des huit semaines de rémission présumées, plus d’une année de rééducation pour les patients les plus atteints : “Pour 85% des cas c’est une petite grippe, pour 15% c’est une maladie sévère” explique le médecin généraliste. Et si les patients les plus sévèrement touchés ne peuvent a priori pas être de nouveau contaminés par le virus, les rechutes ne sont pas exceptionnelles ; elles surviennent le plus souvent entre le huitième et le dixième jour après l’apparition des premiers symptômes.

Pourtant, la rééducation des patients semble encore difficile. D’autant qu’il est encore difficile pour les kinésithérapeutes de les recevoir : “Pour accueillir les patients, il faut du matériel qu’on n’a pas encore : sur-chaussures, gants, charlottes, visières… pour l’instant, on n’est pas équipés” dénonce Guillaume Chambas, kinésithérapeute à Clermont-Ferrand.

Quant au traitement à la chloroquine préconisé par l’infectiologue Didier Raoult, le médecin généraliste puydômois rappelle qu’il fait encore débat : “Dans l’ensemble des CHRU, on ne le dit pas officiellement, mais tous les patients en reçoivent. Sauf à Paris, où il y a un certain ostracisme. C’est un médicament que l’on manipule depuis longtemps, des milliers de personnes en prennent chaque année pour traiter des maladies auto-immunes. Mais, par précaution, il faut faire un électrocardiogramme car il y a une contre-indication.” 

 

“Je pensais que j’allais mourir”

Pour lutter contre la propagation du virus, au moins quatorze jours de quarantaine sont recommandés pour les malades. Photo Elisa Fernandez

L’isolement est la première mesure recommandée par le corps médical afin de freiner la propagation du virus. Mais il n’est pas sans conséquences pour certains malades ; dans plusieurs cas de figures, il a généré du stress : “J’étais enfermé dans ma chambre toute la journée. Pour ne pas contaminer les autres, c’était l’enfer. Je restais dans ma chambre, et ils me mettaient mes repas devant la porte”, se souvient Louis Delahaye. Paul a lui aussi souffert de cet isolement, doublé du sentiment d’être un danger pour les autres : “Ma copine ne voulait pas me voir pendant quelques jours après la fin de ma quarantaine.”

Chez certains patients, la peur de la maladie a pris un tournant plus grave. Laurence Trastour-Isnart, 48 ans, députée française et conseillère municipale dans les Alpes-Maritimes, a été contaminée “sûrement lors du premier tour des municipales”. Sévèrement atteinte, le virus a fortement atteint son moral : “À certains moments, je pensais que j’allais mourir. Je me sentais tellement mal que je pensais que je n’allais jamais surmonter ça.” Angoissée à l’idée de ne jamais guérir, la députée appréhende le retour au travail : “Je veux désinfecter toute la permanence, prendre des précautions, ne laisser entrer qu’une personne à la fois.”

Afin d’aider les patients en convalescence, une aide psychologique leur est proposée, notamment après les hospitalisations. “Je n’en ai pas eu besoin’ explique le Dr Leborgne ; “beaucoup d’amis et de patients m’ont demandé si j’avais eu peur. Non, mais le fait d’être médecin m’a aussi permis de prendre du recul”. 

 

Maintenir les consultations à distance 

 

Mesures de distanciation sociale oblige, beaucoup de psychologues ont opté pour la téléconsultation afin de continuer à répondre à la demande. Au début du confinement, Marie-Jo Brennstuhl et ses collègues du centre Pierre Janet à Metz décident de mettre en place un dispositif de rendez-vous téléphoniques inédit : “C’est quelque chose qui se fait très peu en psychologie. On a dû trouver des solutions pour garder le contact. Et s’adapter aux contraintes qui s’imposent d’elles-même : le manque de réseau ou de matériel informatique…”. Les patients prennent rendez-vous sur la plateforme Doctolib et échangent gratuitement avec un psychologue pendant une heure. “Pour les patients Covid, il y a un choc lié à l’annonce. L’idée d’être diagnostiqué positif peut déclencher de l’anxiété, voire du trauma”, explique Marie-Jo Brennstulh.

Si le maintien d’un lien peut être bénéfique, reste encore à savoir comment envisager l’après-Covid-19. Sophie Riou, psychologue à Nice, soulève les prochains enjeux de l’accompagnement psychologique : “Une fois qu’ils s’en sont sortis, qu’est-ce qu’il se passe ? Il est encore difficile de se projeter. C’est une source d’interrogation qui est angoissante chez l’être humain en général”. Même une fois le patient rétabli, la psychologue tente de garder un contact avec lui : “Comme pour d’autres expériences traumatisantes, on verra peut-être apparaître des formes de mal-être, de décompensation. C’est pour ça que j’essaie de maintenir le lien absolument”

 

Colette Aubert et Elisa Fernandez

 

 

Quand les journalistes sportifs racontent leurs plus grands souvenirs

Depuis la mi-mars la plupart des compétitions sportives professionnelles sont à l’arrêt, au grand dam des téléspectateurs. Pour réactiver notre sécrétion d’adrénaline, des journalistes sportifs nous racontent leurs plus grands souvenirs. 

Il faudra attendre le mois d’août pour la reprise des compétitions sportives. (Jonas Hasselqvist / Pixabay)

De « l’apothéose des Experts », au « cinquième relayeur » Nelson Monfort : les meilleurs souvenirs des journalistes sportifs

Thomas Villechaize, journaliste à beIN Sports se remémore la victoire des Experts au Mondial 2017 de handball en France, « l’apothéose d’une équipe qui avait tout connu ».

« C’est un match que j’ai eu la chance de commenter, un moment de grâce. En 2017, la finale du championnat du monde masculin de handball en France contre la Norvège, c’est l’époque bénie pour le handball français, et la fin de la génération des Experts. J’ai vécu ça de l’intérieur, c’était incroyable, l’apothéose d’une équipe qui avait tout connu et qui ne pouvait pas mieux terminer son histoire, à la maison devant les 17 000 personnes de l’AccorHotels Arena. J’ai été pris par les émotions, ça ne m’arrive pas souvent. Avoir accompagné à mon humble mesure l’équipe de France dans ce moment-là, ça a été une chance inouïe, c’est là qu’on se rend compte que le sport est un vecteur d’émotions incroyables. »

Patrick Montel, journaliste sportif à France Télévisions, commente l’athlétisme depuis plus de 30 ans. Parmi cette myriade de souvenirs il a opté pour la finale du 10 000 mètres féminin aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992, « un pied de nez au racisme ».

« Pour la première fois, l’Afrique du Sud est réintégrée dans le concert des nations olympiques après des années d’exclusion de toutes les compétitions sportives pour cause de l’apartheid. En finale du 10 000 mètres, il y a une Sud-Africaine blanche, Elena Meyer, qui va faire la course en tête avec derrière elle Derartu Tulu, une Éthiopienne noire. Ces deux femmes vont se livrer un duel absolument exceptionnel. Le 10 000 mètres, en général, ça peut être très ennuyeux, c’est quand même 25 tours de piste ! Et là, les deux jeunes femmes sont si proches l’une de l’autre qu’on ne voit pas le temps passer. Finalement, c’est Tulu qui gagne d’un rien devant Meyer. Mais ce n’est pas tellement cela qui est intéressant. Ce qui m’a provoqué cette émotion dont je me souviens encore aujourd’hui, c’est le tour d’honneur qu’elles ont fait ensemble avec les drapeaux sud-africain et éthiopien mêlés, cette femme blanche et cette femme noire qui avaient oublié leur couleur de peau et partageaient leur bonheur ensemble. Un pied de nez au racisme. »

Malgré un répertoire tout aussi large, le meilleur souvenir de Nelson Monfort, reporter de terrain à France Télévisions, est à la portée des plus jeunes. Quand après la victoire du relais français au 4×100 mètres nage libre, un nageur lui fait une déclaration.

« C’est un moment où l’émotion a rejoint la performance. L’Equipe de France jouait entre la 5e et la 3e place dans le meilleur des cas. On annonçait plutôt les Etats-Unis, la Chine, l’Australie… Jusqu’au bout on n’était pas sûrs de la composition, au dernier moment Clément Lefert avait remplacé Alain Bernard, ça avait créé une controverse. Après leur victoire incroyable, Yannick Agnel, un des nageurs français, m’a soufflé à l’oreille : ‘Tu es notre 5e relayeur’. C’est pour ce genre de moments que je fais ce métier. »

Le cauchemar de Furiani de Jacques Vendroux, et les désillusions du XV de France : leurs pires souvenirs

« Sans réfléchir », Cécile Grès, journaliste spécialisée rugby à France Télévisions, a évoqué le souvenir d’une blessure encore ouverte : l’élimination du XV de France face au Pays de Galles lors de la dernière Coupe du Monde de rugby au Japon à l’automne dernier.

« C’était mon premier événement de cette ampleur avec France Télévisions, j’étais envoyée à l’autre bout du monde pendant un mois. Au fur et à mesure du match, on se dit que cette équipe, qui n’a pas montré grand-chose depuis bien longtemps, est capable de le faire. On sent qu’il se passe un truc. J’essaye dans la mesure du possible d’être neutre quand je suis au stade pour le travail, mais quand Vahaamahina fait son coup de coude… A la télé ça met un peu plus de temps, mais dans le stade on voit tout de suite le geste et on comprend que ça sera rouge, et les conséquences sur la fin du match. Après, en zone mixte, c’est très particulier, on n’est pas juste face à des joueurs qui viennent d’être éliminés de la Coupe du monde, on est face à des joueurs qui doivent assumer un fait de jeu difficilement défendable. Ça s’est fini comme ça. Le lendemain dans l’avion c’était un sentiment bizarre. C’était juste nul comme fin d’aventure, oui, c’est ce que j’ai ressenti, c’était juste nul. Dans la même veine que le coup de boule de Zidane ou le coup de poing de Haouas, des moments où tu te dis « mais pourquoi ? » ».

https://twitter.com/FOXRUGBY/status/1185838263107342336?s=20

Jeune journaliste à la rédaction de France TV Sport, Emilien Diaz n’a pas vécu son pire souvenir en tant que journaliste « mais en tant que supporter du FC Sochaux ». Forcément.

« Je suis originaire de Franche-Comté et j’ai grandi avec le FC Sochaux. Je garde un souvenir très douloureux de la défaite 3-0 contre Evian lors de la finale pour le maintien en Ligue 1 en 2014. Sochaux avait réalisé une deuxième partie de saison exceptionnelle, le club revenait de nulle part et s’était donné une chance de rester parmi l’élite avec Hervé Renard en s’offrant cette finale pour le maintien à domicile. Toute la région était derrière ses joueurs, je n’avais jamais vu le stade Bonal comme cela et malheureusement le match a tourné à la catastrophe et le club est descendu en Ligue 2. Terrible à vivre pour tout le monde après tant d’espoir. »

Le pire souvenir de Jacques Vendroux est à classer dans un tout autre registre, celui de l’effroyable. Le 5 mai 1992, le journaliste commentait la demi-finale de Coupe de France Bastia-Olympique de Marseille au stade Furiani lorsque la tribune s’est effondrée.

« Je suis tombé de la tribune, et je suis resté dans le coma je ne sais combien de jours. On y pense tous les jours quoi qu’il arrive, ça reste une plaie qui ne se refermera jamais. Dès qu’on voit une ambulance on y pense. Mais ça ne m’a jamais fait penser que j’arrêterai ce métier : j’essaie de positiver, j’ai pu rejouer au football, faire mon métier…Mais ça reste. Celui qui dit qu’il va passer à autre chose est un menteur : c’est impossible. Si vous avez un minimum d’affect, le sens de l’émotion, de la joie et de la peine, c’est impossible d’oublier. »

Le « pionnier » Nelson Monfort et le Mondial 98 de Yassine Khiri : les naissances d’une vocation

Lors de la couverture d’un événement, les « reporters de terrain » sont désormais monnaie courante pour recueillir les émotions des sportifs. Mais quand Yannick Noah remporte Roland Garros en 1983, personne ne tend le micro au tennisman français. Un manque à l’origine de la vocation d’un certain Nelson Monfort.

La victoire à domicile des Bleus en Coupe du Monde 1998 a été pour beaucoup de journalistes le point de départ de la vocation de journaliste sportif. Yassine Khiri, journaliste à l’AFP évoque cet événement avec un brin d’amertume.

« Le Mondial 98 en France. Je pense n’avoir pratiquement raté aucun Téléfoot, à ce jour, depuis ma découverte de l’émission culte du football français lors de la compétition. J’avais suivi tous les matches des Bleus, j’avais essayé de mémoriser le noms de tous les joueurs principaux de la compétition et les drapeaux de toutes les équipes en lice. Au point de les avoir dessinés et compilés sur un cahier spécial ! Pouvoir raconter en tant que journaliste la liesse après la finale, analyser le triomphe de la France « black, blanc, beur », ou encore décrypter les raisons du boom économique post-Mondial, aurait été génial. »

A. Diop – H. Roux – L. Augry – K. Gasser

Déconfinement : ce qu’il faut retenir du plan présenté par Édouard Philippe

C’était l’une des prises de parole les plus attendues de ces dernières semaines. Édouard Philippe s’est exprimé mardi durant une heure devant les députés pour présenter le plan de déconfinement du gouvernement, alors que l’épidémie de Covid-19 semble se stabiliser. 

Édouard Philippe s’est exprimé à 15 heures devant les députés pour présenter le plan de déconfinement. Flickr / Public Sénat

Les rangs de l’hémicycle étaient parsemés en ce mardi 28 avril : seuls 75 députés ont pu assister à la présentation du plan de déconfinement par Édouard Philippe, pour maintenir les règles de distanciation sociale.

Très attendu, le Premier ministre a abordé, comme annoncé, six domaines-clés : écoles, entreprises, commerces, masques, tests et isolements des malades, et rassemblements. Un maître-mot régnera pour tous : progressivité. Aucun secteur ne rouvrira de manière totale dès le 11 mai. Cette première date constituera la première phase du déconfinement, qui s’étendra jusqu’au 2 juin, pour aller jusqu’à l’été.

Des différenciations territoriales devront aussi s’observer en fonction de l’intensité de la circulation du virus. Dès jeudi prochain, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon présentera chaque soir une carte département par département. Le 7 mai sera ensuite déterminé quels départements basculeront le 11 mai dans la « catégorie rouge » – circulation élevée du virus – ou « verte » – circulation limitée.

Réouverture des écoles : pas de date pour les lycées

Après les annonces partielles de Jean-Michel Blanquer la semaine dernière, le Premier ministre a éclairci la situation quant aux écoles. En rappelant « l’impératif pédagogique et de justice sociale » de rouvrir les établissements scolaires, Édouard Philippe a expliqué les différentes étapes que devront suivre ces réouvertures.

Dès le 11 mai, les écoles maternelles et élémentaires accueilleront de nouveau des élèves, à raison de groupes de dix enfants maximum. La présence de ces derniers s’effectuera sur la base du volontariat des parents, et ce sur tout le territoire.

Pour les collégiens, les élèves de 6e et de 5e seront les premiers à pouvoir retourner à l’école à partir du 18 mai, dans une limite de quinze élèves par classe. Tous les enseignants et encadrants de la vie scolaire auront des masques qu’ils devront porter lorsqu’ils ne pourront pas respecter les règles de distanciation.

Le Premier ministre a affirmé que le port du masque ne sera pas obligatoire pour les enfants, mais que les collégiens devront en revanche en porter. « Nous fournirons des masques aux collégiens qui n’ont pas pu s’en procurer« , a-t-il précisé.

Quant aux lycées, leur réouverture ne sera décidée que fin mai en fonction de l’évolution de la situation. Le gouvernement se penchera dans un premier temps sur le cas des lycées professionnels, pour envisager une potentielle réouverture de ces derniers au début du mois de juin.

Enfin, les crèches rouvriront à partir du 11 mai par groupes de dix enfants maximum. Le port du masque sera « obligatoire pour les professionnels de la petite enfance. »

Le télétravail devra rester la référence

Le télétravail, lorsqu’il est possible, devra être maintenu au moins « dans les trois prochaines semaines » à compter du 11 mai. Pour permettre cela, « le dispositif d’activité partielle restera en place jusqu’au 1er juin. Il faudra ensuite l’adapter progressivement« , a affirmé Édouard Philippe.

Lorsque le travail en présentiel sera inévitable, le Premier ministre a appelé à mettre en place des horaires décalés, pour éviter le nombre de personnes en contact les unes avec les autres.

Le maintien de la généralisation du télé-travail devra notamment permettre de limiter les déplacements des personnes et l’utilisation des transports en commun.

Éviter au maximum les transports

Édouard Philippe s’est ainsi penché sur la question épineuse des transports en commun, dans lesquels la distanciation physique est particulièrement complexe à mettre en place.

« Nous allons augmenter au maximum l’offre de transport urbain. Nous voulons aussi baisser la demande, en continuant le télétravail, et en rappelant aux Français que les transports en heures de pointe doivent être laissés aux gens qui travaillent. »

Si 70 % de l’offre de la RATP sera théoriquement disponible au 11 mai, les citoyens continueront à être appelés à limiter au maximum leurs déplacements, afin de ne pas saturer les transports. « Le port du masque sera rendu obligatoire dans les transports, métros et bus », a expliqué Édouard Philippe.

Pour le cas des transports scolaires, seul un siège sur deux devra être utilisé, et les chauffeurs et collégiens devront obligatoirement porter un masque. Il en sera de même pour les taxis et VTC ne disposant pas d’une séparation en plexiglass.

L’offre de la SNCF continuera elle aussi à être réduite pour limiter les déplacements entre départements. Les attestations pour se déplacer près du domicile ne seront plus obligatoires, sauf pour les déplacements au-delà de 100 kilomètres qui continueront à être autorisés uniquement pour « motif impérieux, familial ou professionnel« , dans le but de « ne pas propager la circulation du virus. »

Une réouverture majoritaire des commerces

« Tous les commerces, sauf les cafés et restaurants, pourront rouvrir à compter du 11 mai », a déclaré le Premier ministre. Comme indiqué la semaine dernière, une date de réouverture des cafés et restaurants sera communiquée à la fin du mois de mai, et concernera donc la deuxième phase du déconfinement.

Pour l’heure, les commerces pourront rouvrir à condition de respecter les règles de distanciation d’un mètre entre chaque personne. Le port du masque grand public sera quant à lui recommandé lorsque ces mesures ne pourront être garanties. Les marchés seront « en général » autorisés à rouvrir, en suivant les mêmes mesures de sécurité.

« Les commerces devront respecter un cahier des charges strict (…) pour faire respecter les distances minimales. Le port du masque sera recommandé pour le personnel et les clients. Un commerçant pourra subordonner l’entrée au port du masque. »

À une exception près : le cas des centres commerciaux sera laissé à l’appréciation des préfets qui pourront décider de ne pas laisser ouvrir les centres de plus de 40 000 m2 « qui risqueraient de susciter d’importants mouvements de population« .

Des masques en quantité suffisante à partir du 11 mai

Le Premier ministre est revenu longuement sur la question des masques et a tenu à justifier le choix d’avoir réservé exclusivement ces derniers aux soignants.

« Réserver les masques aux soignants, c’est un choix difficile, contesté, mais que j’ai jugé nécessaire. »

Édouard Philippe a aussi justifié la pénurie qu’a connue la France dès le début de la crise sanitaire par le blocage de l’importation de masques, provenant de Chine, et la considérable augmentation de consommation de ces derniers en France. Il a toutefois été assuré qu’il y aurait « assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai. »

Pour cela, les collectivités territoriales seront soutenues par l’État à hauteur de 50 % pour l’achat de masques lavables. Les pharmacies et la grande distribution seront elles aussi invitées à mettre en vente des masques en tissu ou lavables.

« Progressivement, nous parviendrons à une situation classique, où les Français pourront, sans risque de pénurie, se procurer des masques grand public dans tous les commerces. »

Les personnes testées positives devront s’isoler

« L’objectif final de cette politique est de permettre d’isoler au plus vite les porteurs du virus. L’isolement n’est pas une punition ni une sanction. C’est une mesure de précaution collective », a affirmé Édouard Philippe.

Avec un objectif de 700 000 tests virologiques disponibles en France chaque semaine à compter du 11 mai, chaque personne testée positive devra procéder à un isolement. Deux options se présenteront à elle : s’isoler dans le domicile familial, entraînant l’isolement de toute la famille pour une durée de 14 jours, ou s’isoler dans des « hôtels réquisitionnés« . Ces tests seront pris en charge « à 100 % par l’Assurance maladie. »

Les cas contacts – autrement dit les personnes ayant été en contact avec une personne déclarée positive – seront eux aussi incités à procéder au test virologique.

Le Premier ministre a ainsi rapidement évoqué l’application StopCovid, qui suscite selon lui un « débat prématuré ».

« Lorsque l’application fonctionnera, nous organiserons un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique. »

Des rassemblements limités à 10 personnes

« La vie sociale va reprendre progressivement », a tenu à assurer le Premier ministre à l’hémicycle et aux Français. Il sera par exemple possible de se rendre à nouveau dans les parcs et jardins, mais uniquement dans les départements où le virus ne circule pas « de façon active« .

Un certain nombre de lieux publics ne pourront toutefois pas accueillir du public avant la deuxième phase du déconfinement. Les plages resteront inaccessibles « jusqu’au 1er juin« . Même son de cloche pour les « salles de fêtes et salles polyvalentes » qui rouvriront leurs portes le 2 juin.

Les lieux de culte pourront quant à eux rester ouverts mais ne devront pas organiser de « cérémonies religieuses » avant cette même date. Les cérémonies funéraires continueront à être organisées dans les mêmes règles que celles qui valent durant le confinement : pas plus de 20 personnes, personnel funéraire compris. Les cimetières seront néanmoins ouverts dès le 11 mai.

Les « grands musées, cinémas et théâtres » ne pourront pas rouvrir pour le moment. Enfin les grands rassemblements de plus de 5 000 personnes ne s’organiseront pas avant le mois de septembre. Cela met fin notamment à la saison sportive 2019-2020.

« D’une façon générale, il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d’occasions de propagation du virus. Les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux privés seront dont limités à 10 personnes. »

Après une heure de prise de parole, le Premier ministre a donné rendez-vous aux Français à la fin du mois de mai pour « évaluer les conditions dans lesquelles nous pourrons poursuivre le déconfinement. » Édouard Philippe proposera aussi dès samedi d’adopter prochainement une loi « qui permettra de proroger l’urgence sanitaire au-delà du 23 mai et autorisera la mise en œuvre des mesures nécessaires à l’accompagnement du déconfinement. »

Dinah Cohen

Réouverture des écoles pour le déconfinement : « J’ai peur de retourner enseigner »

Mardi 28 avril à 15h, le Premier ministre Edouard Philippe a présenté devant l’Assemblée nationale son plan de déconfinement. L’éducation fait partie des axes majeurs de ce plan, et plus précisément la réouverture des écoles. Celle-ci sera sur la base du volontariat, progressive, adaptée localement et dans le respect de mesures strictes.

« Les écoles maternelles et primaires rouvriront sur tout le territoire à partir du 11 mai », annonce Edouard Philippe. (Piqcels.)

Lors de son allocution devant l’Assemblée nationale mardi 28 avril, Edouard Philippe a annoncé une adaptation locale du plan de déconfinement, mis en place pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, avec des spécifications par département. Néanmoins, sur tout le territoire, les maternelles et les écoles primaires seront les premiers établissements scolaires à rouvrir leurs portes à partir du 11 mai. Les collèges rouvriront la semaine suivante (à partir du 18 mai), mais seulement dans les département à faible risque de propagation, et en commençant par les classes de 6ème et de 5ème. Les lycéens, quant à eux, restent dans l’incertitude: « Nous déciderons fin mai si nous pourrons rouvrir les lycées début juin » a annoncé le Premier ministre.

Priorité est faite aux plus jeunes donc, une décision qui soulage certains parents d’élèves, comme l’estime Caroline Leman. Cette mère de trois enfants entre 3 et 9 ans les renverra sur les bancs de l’école « sans hésitation« . En cause, les limites de l’école à la maison :

« Cela ne peut être que provisoire. Les enfants ont besoin de la figure de la maîtresse pour apprendre, de leurs copains pour s’émanciper. Et puis, à Paris, on n’a pas de cour de récréation dans chaque logement.« 

Vie scolaire et gestes barrières

Pourtant, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info, Caroline Leman fait partie des rares Français favorables au retour de leurs enfants à l’école (un tiers seulement). En effet, bien que les enfants présentent peu de risques d’aggravation de la maladie, certains redoutent des contaminations en tant que porteurs asymptomatiques. L’annonce de la réouverture des écoles s’est donc accompagnée d’inquiétudes, comme celle qu’exprime le docteur Hamon à l’AFP: « Les enfants risquent de ramener le virus à la maison« .

Pour pallier ces risques de contamination à l’école, le gouvernement prévoit des mesures restrictives : pas plus de 15 élèves par classe, port de masque obligatoire pour le personnel scolaire ainsi que pour les élèves à partir du collège et distribution de gel hydroalcoolique. Des mesures qui ne convainquent pas Kadiatou Camara, mère de quatre enfants.

« Je comprends tout à fait que les enfants en bas âge ne portent pas de masque, mais cela ne me rassure pas« 

Trois de ses quatre enfants sont trop jeunes pour être soumis aux règles barrière. Un risque auquel cette « mère de famille nombreuse » ne souhaite pas exposer ses proches: « Le 11 mai, la première chose que je veux faire c’est emmener mes enfants voir leurs grands-parents. Sauf que mon père est diabétique, donc si mon fils s’approche de lui, qu’il s’est fait contaminer à l’école mais qu’on ne le sait pas parce qu’il est asymptomatique, cela pose problème. Je préfère garder mes enfants avec moi à la maison« .

Pour Caroline Leman, au contraire, ces mesures sont déjà « trop restrictives« . « On ne peut pas imposer à des enfants en bas âge de porter des masques, ce serait leur créer des peurs et des appréhensions » explique la mère de famille. « Et puis la distanciation d’un mètre, en toute logique, si les enfants restent des enfants, ils ne vont pas la respecter« , ajoute-t-elle.

Même dans les collèges et les lycées, où le port de masque serait obligatoire, l’heure est aux inquiétudes. Isabelle Mézaltarim est professeur d’éco-gestion en lycée professionnel à Metz :

« J‘ai peur de retourner enseigner. Après trois mois de confinement, je vois mal mes élèves de 16 ans ne pas s’embrasser, ne pas se toucher. Ni même porter un masque toute la journée. Il vaut mieux que tout le monde reste chez soi« 

Le retour en classe s’annonce donc lent, progressif et surtout soumis aux aléas de la propagation du virus une fois le déconfinement entamé. Malgré les mesures strictes prévues par le gouvernement, le facteur de contamination dans les écoles inquiète. En témoigne notamment les 64% de Français qui, s’appuyant sur le critère « volontaire » de cette première mesure de déconfinement, feront le choix de ne pas renvoyer leurs enfants à l’école le 11 mai.

Eléana Bonnasse