A la fin du match OM-Angers-SCO ce mercredi soir, des violences ont éclaté entre les supporters des deux clubs.
Énième affrontement ce mercredi sur terrain de football. Après Lens la semaine dernière, c’est au tour des supporters de l’Olympique de Marseille et de l’Angers-SCO de faire preuve de violence.
Fumigènes, insultes, deux interpellations : après 90 minutes conclues par un match nul, la situation a dégénéré de manière confuse. « Il y a eu une provocation de la part de la tribune angevine, avec des doigts d’honneur et des pétards qui ont été envoyés du côté angevin vers les Marseillais », explique Jacques Cardoze, responsable de la communication de l’OM. « Les Marseillais ont répondu, c’est un schéma classique et stupide, d’un côté et de l’autre. Je n’accuse personne.»
Xavier Thuilot, directeur général de l’Angers-SCO, ne souhaite pas enter dans «une quelconque guerre des clubs». «Pour moi, la solution à ce type d’incidents ne peut être que collective», analyse-t-il. «Pour moi, il n’y a pas eu de dysfonctionnement dans l’organisation, et je ne vois pas en quoi nous avons failli. »
500 à 600 supporters de l’OM étaient attendus dans le stade angevin. Le match était placé sous surveillance, avec la présence d’une compagnie de gendarmes mobiles et de la police. Aucun heurt à déplorer jusqu’à la fin du match, même si les olympiens avaient pointé la facilité d’accessibilité à la pelouse pour les supporters, entraînant un potentiel risque de sécurité.
Selon RMC Sport, une commission de discipline exceptionnelle de la Ligue de Football Professionnel se réunit ce jeudi soir pour traiter des derniers événements. Une enquête est ouverte par le Procureur de la République d’Angers (Maine-et-Loire).
Ligue 1 – Solide deuxième du championnat après un début de saison convaincant, l’Olympique de Marseille se déplace ce soir au stade Raymond-Kopa du SCO d’Angers. Avec un objectif simple : enchaîner et ne pas s’essouffler tandis que le calendrier s’accélère. Ou comment résumer l’enjeu de la saison marseillaise.
« Je suis très heureux parce que notre équipe attaque beaucoup ». En marge de la victoire de l’OM face à Rennes dimanche dernier, l’entraîneur Jorge Sampaoli ne cachait pas sa satisfaction. Invaincus depuis le début de saison (4 victoires et un nul), ses joueurs enchaînent les succès en pratiquant un football flamboyant. Seulement, sur les bords de la Canebière, le souvenir d’un autre entraîneur argentin – remuant et charismatique lui aussi – est encore tenace. Personne n’a oublié que Marcelo Bielsa, avait été champion d’automne en 2014-2015 avec l’OM avant de s’effondrer en deuxième partie de saison pour terminer finalement à la quatrième place. En cause, le contrecoup d’un football total, aussi épuisant physiquement que psychologiquement sur le long terme.
« On va continuer à jouer comme ça »
De quoi rappeler le passage de Sampaoli au FC Séville en 2016-2017. Son équipe avait fini à la première place à mi-parcours, devant le FC Barcelone ou le Real Madrid, avant de conclure son exercice à … la quatrième place. Preuve qu’avec le bouillonnant argentin, du rêve au cauchemar, il n’y a parfois que quelques mois. Adil Rami, ancien joueur de l’OM, mais aussi du FC Séville de Sampaoli n’a pas caché ses doutes la semaine dernière. « Ça ne va pas être facile pour eux de tenir cette cadence toute la saison », a estimé le nouveau défenseur de Troyes sur Amazon Prime. Principal problème selon lui, le fait que la méthode du coach chilien demande « beaucoup d’effort, beaucoup de travail, beaucoup de cardio ».
Invité mardi à réagir lors de la traditionnelle conférence de presse d’avant-match, Sampaoli n’a pas démenti que le club andalou avait réalisé, cette saison-là, une épopée sinusoïdale. « Adil a raison » a-t-il ainsi admis. Avant de préciser qu’il ne changerait pas pour autant son fusil d’épaule avec l’OM : « Je ne m’imagine pas diriger une équipe qui jauge son intensité et sa passion, donc on va continuer à jouer comme ça, tout en se basant sur les expériences passées pour faire des corrections. ». Au risque d’épuiser une équipe qui jonglera cette année entre l’Europa League, la Coupe de France et le championnat.
« Avec Sampaoli, c’est plus contrôlé »
Mais un potentiel effondrement, et un scénario « à la Bielsa » n’est pas à l’ordre du jour selon Sampaoli. « La comparaison est exagérée », a répondu l’Argentin. Reconnaissant que des « crises » viendraient tout de même assombrir le ciel bleu des Marseillais dans la saison, il en a appelé à l’orgueil de son équipe : « on verra ce que les joueurs ont dans le ventre ». Suffisant pour penser qu’il pourrait, tout comme Marcelo Bielsa, être surnommé « El loco » en se lançant à corps perdu dans la bataille sans déroger à sa ligne directrice.
Mais les similitudes entre les deux entraîneurs ont leurs limites. Au contraire de son prédécesseur, Sampaoli effectue de nombreuses rotations dans son équipe, sans que le niveau de sa formation ne s’en ressente. Contre le Lokomotiv Moscou et face à Rennes la semaine dernière, cinq titulaires habituels sont sortis du onze de départ à chaque fois. « On n’en parle pas assez, mais les cinq changements peuvent permettre de réguler cette dépense physique », analyse l’ancien entraîneur de l’OM Elie Baup dans les colonnes de l’Equipe ce mercredi matin. Tout en donnant de l’espoir aux supporters : « Avec Sampaoli, c’est plus contrôlé, je pense que ça peut tenir ». Toute la question est de savoir jusqu’à quand.
Transféré sur le fil d’un mercato rocambolesque, Antoine Griezmann peine à retrouver ses marques après trois rencontres à l’Atlético de Madrid qui l’a révélé aux yeux de l’Europe. Décryptage.
Sorti tête basse à l’heure de jeu du match étriqué face à Getafe de ce mardi soir (victoire 2-1), Antoine Griezmann a encore peiné à marquer les esprits et les supporters pour son retour du côté du Wanda Metropolitano Stadium. Couvé par son entraîneur dont il est très proche, Diego Simeone, Griezmann est toujours « dans un processus d’adaptation » selon son technicien.
«Le plus dur est qu’il revient dans un Atlético entre deux eaux» pour Anne-Elise Carreau, journaliste à Ultimo Diez et RMC Sport, spécialiste du football espagnol. Même si certains joueurs sont toujours là (Oblak, Gimenez, Koke), « l’Atlético est différent de celui qu’il a quitté » ajoute-t-elle. En effet, le Français a évolué entre 2018 et 2021 du côté du FC Barcelone et « l’Atléti » a bien changé entre temps. Habitués à un style de jeu en contre, très porté sur la défense, les Colchoneros ont su se réinventer avec un style plus porté sur l’offensive qui leur a permis de glaner le titre de champion d’Espagne la saison dernière.
Malgré la présence de quelques cadres historiques, l’équipe doit retrouver un nouvel équilibre avec le Français alors que l’Atlético possédait déjà une équipe aux rôles bien définis. Ainsi Griezmann a pris la place d’Angel Correa, décalé sur l’aile droite et l’ailier droit Marcos Llorente a été replacé dans le cœur du jeu. Depuis le retour du tricolore, les deux joueurs affichent d’ailleurs un rendement bien inférieur et obligent Simeone à bricoler de nouvelles compositions d’équipes. A Madrid, tous ses coéquipiers et entraîneurs sont vent debout pour défendre leur star.
Souvent très proche de ses entraîneurs et de ses supporters, Antoine Griezmann ne peut ignorer les sifflets qui fusent à l’annonce de son nom dans le stade. Il faut dire qu’en partant du côté du FC Barcelone en clamant «vouloir gagner des titres» en 2018, le Français ne pouvait pas s’attendre à un retour sous les acclamations du public. «Griezmann est préparé à cela depuis longtemps» explique Anne-Elise Carreau. «En revanche, le plus grand risque pour lui est que les supporters le désignent en tant que bouc émissaire avec les mauvais résultats de l’équipe».
Pour Baptiste Desprez, journaliste au Figaro et auteur de Du mondial à l’Euro – L’histoire secrète d’un rendez-vous raté (Hugo Sport), la nature du joueur Griezmann «très sensible à l’affect» est forcément impactée. «L’Atlético est le seul club où il souhaitait revenir dès cet été» mais cela lui prendra du temps «même si je le voyais bien revenir plus rapidement» confie-t-il. Pourtant les maux de l’Atlético ne datent pas exactement du retour de « Grizi » sous les couleurs «Rojiblancos». En 6 journées de championnat, l’Atlético ne s’est jamais imposé par plus d’un but d’écart et peine à convaincre les observateurs après la démonstration de force de la saison dernière.
L’éclaircie bleue ?
Pour Baptiste Desprez qui suit le Mâconnais depuis 2018 en équipe de France, il est «évident» que le salut de l’attaquant français se fera d’abord par l’Equipe de France. Auteur d’un match exceptionnel face à la Finlande (victoire 2-0) avant ses nouveaux débuts compliqués du côté de Madrid, le Français avait affiché un visage conquérant et extrêmement prometteur. «Cela tient au fait qu’il a été placé derrière deux attaquants dans une zone très définie. Lorsqu’il court un peu partout pour tacler, c’est une manière pour lui de se rassurer». Alors qu’il évolue sous deux entraîneurs à la mentalité résolument défensive, peut être Diego Simeone pourra-t-il s’inspirer de Deschamps qui semble avoir trouvé une partie de la solution au problème Griezmann. D’ici là, le Français devrait refouler les pelouses samedi face au Deportivo Alavés (14h).
Légal depuis seulement onze ans en France, le pari sportif en ligne est devenu un véritable phénomène de société chez les 18-24 ans, oscillant entre loisirs et véritable addiction. Une tendance accrue par un marketing ciblé des opérateurs sur les jeunes joueurs.
“Le max que j’ai parié en ligne c’est 500 et 350 euros. Depuis que je me suis inscris, j’en suis à 4 000 euros de perte.” Valentin, 22 ans, est inscrit sur Betclic, Winamax et Unibet depuis sa majorité. “J’ai dû commencer à parier parce que mes potes le faisaient.” Le jeune homme reconnaît avoir une forme d’addiction. “En tout, un pari me prend en général entre 2h30 et 3h.” Un investissement de temps assez commun chez les jeunes parieurs.
Car comme Valentin, 34% des parieurs en 2020 ont entre 18 et 24 ans, selon l’Autorité des jeux en ligne (ANJ), chargée de la régulation des paris sportifs et des jeux d’argent et de hasard. Cette génération, née avec internet et la création des applications, a connu en 2010 la légalisation des jeux d’argent en ligne, au moment de la Coupe du Monde de football. Les paris sportifs sur internet deviennent alors un phénomène de mode.
“Les jeunes ne sont plus supporters, et marchent davantage à la tendance, au “lifestyle” autour du football, d’où leur intérêt accru pour les paris” explique Simon Degas, consultant chez Corpcom, entreprise de communication spécialisée dans la gestion d’image d’entreprise. D’après lui, les adolescents et jeunes adultes se passionnent pour la personnalité etles performances de tel ou tel joueur, comme Kylian M’bappé ou Neymar Jr, que pour une équipe spécifique ou le suivi du football. Une tendance exploitée notamment par Unibet, l’un des sponsors du PSG, qui n’hésite pas à mettre en avant des publicités avec les joueurs vedettes. Une étude de 2019 du cabinet d’audit PwC montre que les matchs en direct n’arrivent qu’en cinquième place dans la consommation sportive chez les jeunes (68.5%), par rapport aux contenus des athlètes ou des équipes sur les réseaux sociaux qui arrivent en deuxième place (81,6%).
Le pari sportif devient un prolongement de cette façon de suivre le sport. “ La nouvelle pub Betclic le montre bien, avec le slogan “No bet, no game.” analyse Simon Degas. Ça distille auprès des jeunes une nouvelle forme d’intérêt pour le football : maintenant, tu suis le foot parce que tu as parié, tu ne paries plus parce que tu suis le foot.” Le spot publicitaire d’une trentaine de secondes montre un homme entre 25 et 30 ans, projeté suite à son pari d’une soirée au centre du match. “Le rapport de force est inversé, on regarde le sport avec un nouveau prisme, différent du supportérisme : le pari. Ça permet de ramener un public qui n’aime pas forcément le foot, qui n’est pas passionné,” ajoute le consultant en communication.
Cette manière d’appréhender le football, très facile d’accès, séduit la jeune génération par les décharges d’adrénaline qu’elle procure. C’est ce qui est désigné en psychologie comme le “système de récompense”. Quand une personne gagne un pari, ce mécanisme s’active. Le cerveau du joueur libère des décharges de dopamine, qui intensifient l’événement vécu. “ Pour les jeunes joueurs, parier est une manière de vivre le sport avec davantage de passion,” précise Mathilde Auclain, psychologue au Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) de Trappes. Pour elle, le parieur sportif recherche des sensations fortes que ne procurent pas les autres jeux de hasard, comme le Loto. Regis, 20 ans, étudiant en alternance, dit avoir parié cinquante euros sur la victoire de la France contre l’Argentine, lors de la Coupe du Monde de 2018. Un pari qui lui a permis de vivre très intensément ce match. “ Lorsqu’on était mené, après le but de Di Maria, j’avais la giga haine pendant une vingtaine de minutes. J’étais vraiment au fond du gouffre. Par contre sur le but de Pavard, la joie était clairement double.” Un sentiment que Jean-Baptiste, 22 ans, partage : “Je parie souvent 2 ou 3 euros sur un buteur quand le PSG joue en Ligue 1. Comme ils gagnent à chaque fois, ça me permet de vibrer plus fort. Le match est plus intéressant.”
Mais cette décharge de dopamine envoie un message clair au jeune joueur : “tu as gagné, c’est chouette, recommence.” détaille Mathilde Auclain. « Si le pari sportif devient une addiction et n’est plus un simple loisir, le jeune joueur ressent le besoin de parier de manière répétitive, et se connecte automatiquement sur les applications dédiées. Le système de dopamine est dérégulé. “C’est à ce moment que le manque est créé. Les personnes dépendantes vous diront qu’elles n’ont plus de plaisir, elles éprouvent un besoin.” Victor, 22 ans, a déjà ressenti ce manque : “Quand il n’y a pas de matchs fous, et que tu as envie de parier, tu te tournes vers d’autres trucs. Une fois, j’ai parié sur un match de deuxième division féminine ukrainienne.”
L’addiction aux paris sportifs devient d’autant plus forte que les jeunes joueurs arrivent au sentiment d’être expert. Ils ont l’idée répétitive qu’ils vont pouvoir se refaire, qu’ils contrôlent leurs actions.Ces notions sont employés avec précaution par Aurélie Willenstein, documentaliste à l’Hôpital Marmottant, centre hospitalier pionnier dans les addictions comportementales. Les jeunes joueurs tentent alors de justifier leurs gains comme leurs pertes. Certains évènements peuvent cependant agir comme un déclic pour leur faire prendre conscience de leur dépendance. Pour Guillaume, étudiant en alternance de 22 ans, cela a été un violent accès de rage suite à un but “tout fait” d’un joueur de Bordeaux face à Strasbourg, qui lui a fait manquer de gagner 1500€. “Avant, je m’enfermais pendant des week-ends entiers pour parier. Depuis ce match, je me tiens à un budget mensuel, m’interdisant de parier si je dépasse la mise prévue la semaine précédente.”
“Ils opèrent une distorsion mathématique de la réalité de leurs gains”
Avec l’expansion d’internet et des applications, l’argent parié par les jeunes joueurs devient abstrait. “Le pari en ligne, c’est que des chiffres, on n’a plus le sens de la réalité” témoigne Jean-Baptiste. Victor ajoute : “La semaine dernière, j’ai misé 70 euros, et j’ai tout perdu. Je n’avais aucune notion de l’argent que ça représentait, je ne me rendais pas compte d’avoir 70 euros sur mon compte, j’ai juste appuyé sur un bouton.” De ce fait, les jeunes parieurs entretiennent une relation ambigüe avec l’argent. “Ils veulent s’affranchir financièrement de l’influence familiale. Mais les joueurs ont tendance à exagérer leurs gains, et à oublier leurs pertes,” précise Mathilde Auclain. Pour Victor, le réveil est dur : “Je pensais que ça allait, mais je viens de faire le calcul, j’ai injecté 800 euros en un an. Donc j’ai perdu 417 euros.” Le risque de dépense incontrôlée devient accru, à cause des mécanismes de mémoire sélective : les joueurs ne se souviennent que de leurs paris gagnés. Les gains misés sont tirés de leur argent de poche, ou de jobs étudiants, de stage. Pour certains d’entre eux, parier au tabac permet de contrebalancer l’aspect virtuel des paris en ligne. “L’avantage de l’application, c’est que tu as tout en direct. Mais au tabac tu as ton argent en vrai, tu as ton billet.” explique Régis.
Si certains parieurs ont commencé en étant mineurs à jouer en bar-tabac avant d’avoir 18 ans, c’est aussi à cause d’une contrainte importante des sites de paris en ligne : la vérification d’identité. Il s’agit pour l’instant d’une des méthodes de contrôle les plus efficaces en France. Les paris sportifs sont en effet interdits aux mineurs. Et les sites vérifient de façon efficace. Chacun peut s’y inscrire comme il le souhaite, quel que soit son âge. Cependant, si un joueur veut récupérer ses gains, il doit faire parvenir au bookmaker une pièce d’identité valide prouvant sa majorité ainsi qu’une adresse postale sous 30 jours. Le parieur reçoit ensuite un code d’activation par voie postale. Autant de démarches qui peuventempêcher les jeunes de se lancer massivement dans le pari en ligne sans être majeurs à moins de recourir à des méthodes d’usurpation d’identité.
Malgré ces restrictions légales, les paris en ligne explosent chez la jeune génération. Mais c’est une habitude récente : la première application dédiée est crée en 2017. Depuis sa majorité, Victor est inscrit sur six d’entre elles. Selon Mathilde Auclain, cet accès virtuel permanent à son compte et à la possibilité de parier en permanence “permet une stimulation exacerbée du système de récompense”. En d’autres termes, il est possible de parier et de suivre un match à tout moment depuis son smartphone, avec la perspective d’un gain facile. Il suffit de cliquer sur le bouton “parier” de son application. Une stratégie redoutable pour Valentin, qui s’est surpris à beaucoup parier pendant le confinement. “ Comme je n’avais rien à faire après mes partiels, j’étais beaucoup sur mon téléphone. Je me suis rendu compte que je faisais de la merde, que je pariais de 20 à 100 euros deux à trois fois par semaine.” Pour Victor, l’application lui permet de parier à tous moments : “Tu es en soirée, tu parles avec un pote, tu lui dis: “attends je reviens 5 min”, et tu vas parier.”
Les opérateurs savent attirer les jeunes joueurs en employant leur langage. Dans le dernier spot de publicité de Betclic intitulé No Bet, No Game, diffusé sur internet et à la télévision,de nombreux jeunes sont mis en scène en train de parier dans des situations du quotidien (salle de sport, chez le dentiste ou justement en soirée avec des amis). Pour Simon Degas, ce côté immédiat est l’argument principal de la publicité de Betclic : grâce à l’application, on peut parier à tout moment, aussi facilement qu’écrire un sms.
Cette impulsivité est également une caractéristique de l’adolescence, exacerbée par l’utilisation compulsive d’internet et des smartphones. Selon Mathilde Auclin, “à cet âge-là, le système rationnel de l’adolescent n’est pas encore mature, il est donc plus facilement sujet à céder à ses impulsions”. Les adolescents sont plus “vulnérables” notamment à cause d’un “besoin de reconnaissance”. L’attrait pour les paris sportifs chez les jeunes adultes de 18-24 ans se forme aussi autour de l’effet de groupe. Une idée bien présente dans le spot publicitaire de Winamax Le roi du pari.Simon Degas y voit une représentation allégorique de l’application dans l’acteur qui joue la personne venant chercher le parieur gagnant. Elle le porte en triomphe, le spot publicitaire reprenant des scènes inspirées du Roi Lion. Tous les autres joueurs s’inclinent respectueusement face à ce “nouveau roi” des parieurs. Le tout suivi par le slogan “Grosse cote, Gros gain, Gros respect”, où le respect se mesurerait entre jeunes à la hauteur de la côte, et donc du risque pris par le joueur avec son argent. “Ils cherchent à tout prix à se distinguer de leurs pairs. Il y a également une forme d’égo en jeu, celui qui sera à même d’avoir réussi le plus le beau coup bénéficiera du respect de ses pairs.” analyse Mathilde Auclain.
“Sur Twitter, les sites de paris sportifs se donnent un côté proche”
La publicité, ciblant particulièrement la tranche des 18-24 ans, tient un grand rôle : ”En entretien, on les incite à exercer leur regard critique.”
Si la publicité à la télévision ou à travers des panneaux publicitaires en ville reste l’opération de séduction la plus visible des bookmakers, il en existe un autre qui parle particulièrement à la génération des 18-24 ans : les réseaux sociaux. Les opérateurs de paris sont présents sur la quasi-totalité des réseaux sociaux, c’est bien le réseau social. Et Twitter qui reste le média privilégié des plus grosses entreprises (Winamax, Unibet et Betclic). Le plus suivi est de loin Winamax et ses 605.000 abonnées, loin devant ses concurrents (environ 325 et 125). Avec plus d’une vingtaine de tweets par jour, l’un des community managers les plus en vus de la twittosphère française s’efforce de réagir à l’actualité sportive – mais pas que. En plus du langage, ce sont tous les codes des jeunes joueurs qui sont repris par les sites de paris sportifs: musiques, images, tendances, etc. C’est aussi grâce à tout un univers issu des memes et des « hashtags » propre à la jeunesse comme #BetclicKhalass (comprenez Betclic vous paye) que ses plateformes se bâtissent un important capital sympathie en combinant un humour ciblé et des paris gratuits offerts aux followers leur assurant potentiellement l’arrivée d’un nouveau public qui ne s’intéresse pas forcément au sport.
Le sport et sa diffusion sur internet ne sont pas non plus des facteurs anodins dans l’expansion des paris sportifs en ligne au sein de cette tranche d’âge. Le sport a l’avantage d’être un “élément très fédérateur” comme le souligne Aurélie Wellenstein, documentaliste à l’hôpital Marmottan. Victor témoigne: “Tu en parles avec tes potes. On a regardé ensemble le dernier match Paris-Manchester. J’ai parié 50 euros, et j’ai tout perdu. Du coup t’es deux fois plus déçu : ton équipe perd et t’as perdu” Ce phénomène s’accroît souvent avec le bon parcours des clubs français dans les coupes intercontinentales, mais aussi de l’équipe nationale lors des grandes compétitions. Un potentiel afflux de parieurs dont les opérateurs ont bien conscience. Winamax a par exemple doublé son offre de bienvenue pour la Coupe du Monde 2018, avec un premier pari remboursé jusqu’à 200 € (contre 100€ en temps normal). Mathilde Auclin a pu constater les effets de cette promotion : “on a clairement eu plus de demandes d’admissions après la Coupe du Monde 2018, soit de gens qui ont sombré, soit de jeunes qui ont commencé.”. Guillaume, 23 ans, originaire de Toulouse s’est aussi laissé séduire par cette offre. Celle-ci a constitué un élément déclencheur. Il parie aujourd’hui tous les week-ends, lui qui jouait avant de temps à autres au tabac.
L’été 2021 et son Euro de Football, Roland Garros ou encore ses Jeux Olympiques, amèneront peut-être de nouveaux jeunes joueurs à s’inscrire massivement sur les plateformes en ligne.
Louis de Kergorlay et Charlotte de Frémont
Le pari chez les mineurs
“Dès que j’ai 18 ans, je passe sur internet pour parier.” Evan, élève de terminale, parie au bar-tabac deux fois par jour, injectant en moyenne cinq euros par pari. Pendant le confinement, il a commencé à jouer avec un ticket à gratter offert par sa mère, grâce auquel il gagne vingt euros. Et il témoigne du fait qu’il est plus facile pour un mineur de parier au tabac du coin, que sur internet.
Même s’ils parient aujourd’hui majoritairement en ligne, la dizaine de jeunes de 17 à 23 ans que nous avons interrogé ont tous avoué avoir commencé au lycée en bar-tabac, encouragés par leur entourage. “ Moi j’étais en internat, et nous allions tous parier au même tabac le week-end,” témoigne Régis. Nous avons pu faire le même constat à Versailles: près de deux bars tabac que nous avons visité sur trois, ont accepté sans difficulté de prendre le pari d’un mineur sans lui demander de justificatif d’identité.
Pourtant, selon la loi du 12 mai 2010 légalisant les paris sportifs en ligne, la vente de jeux d’argent à un mineur, même émancipé, est punie d’une amende. Cette frontière est souvent franchie : “ On était mineur mais le buraliste s’en foutait […] même notre maître d’internat qui était ami avec le buraliste était au courant de la combine. Mais il laissait faire.”
Charlotte de Frémont
Le jeu : une addiction reconnue
Se faire soigner en France pour une addiction aux jeux d’argents n’est possible que depuis peu. Les premiers traitements adaptés ont vu le jour en 1997 à l’hôpital Marmottan de Paris. “Le plus compliqué a été de faire comprendre que cette addiction était aussi dangereuse que l’addiction aux substances” explique Aurélie Wellenstein, documentaliste de l’hôpital Marmottan.
La difficulté actuelle est de conduire des campagnes de prévention alors que la communication des opérateurs est très efficace. Pour cela, Mathilde Auclin, psychologue au Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie de Trappes, participe à des ateliers de préventions dans les lycées où elle place les élèves en situation : “Les jeunes se rendent souvent compte souvent compte qu’ils sont ciblés une fois mis face aux publicités. Ils doivent juste en prendre conscience »
Les messages de prévention sur les sites et panneaux publicitaires restent très peu visible. Ils ne figurent qu’en petits caractères en bas de page ou dans de minces bandeaux. On y trouve les numéros d’appels pour parieurs en difficulté. Le moyen de prévention le plus efficace en France reste encore de contacter les plateformes pour se faire interdire de pari ; un recours très peu connu et mis en avant par les opérateurs, , et de contacter une ligne d’écoute (Joueurs Info Service : 09 74 75 13 13 ou Drogues Info Service : 0 800 23 13 13) ou un centre spécialisé pour faire un bilan voire entamer une démarche de soin (les CSAPA ).