Ozempic, Mounjaro…quand les réseaux sociaux banalisent des médicaments à haut risque

Sur TikTok, #Ozempic cumule des centaines de millions de vues. Les vidéos « avant/après » de perte de poids se multiplient, incitant de plus en plus de jeunes à détourner ces traitements destinés au diabète ou à l’obésité sévère en produits tendance. Face à la prolifération de ventes illégales en ligne, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a saisi, jeudi 11 septembre la justice et alerte sur les dangers d’un phénomène qui prend de l’ampleur.

L’Ozempic est un antidiabétique dont l’usage a été détourné en produit amaigrissant © 

Sur Instagram et TikTok, impossible d’y échapper. Le #Ozempic s’affiche sous des vidéos cumulant des millions de vues : jeunes femmes exhibant une perte de poids spectaculaire, témoignages enthousiastes, conseils pour se procurer le produit sans passer par un médecin. Certaines vidéos atteignent plusieurs centaines de milliers de partages, donnant l’impression que ce médicament est devenu un simple allié minceur.

Une banalisation qui inquiète les autorités. Car derrière ce succès numérique se cache un usage massif et illégal de traitements à base d’aGLP-1, tels qu’Ozempic, Wegovy ou Mounjaro, qui ne devraient être prescrits qu’aux patients atteints de diabète de type 2 ou d’obésité sévère. « La vente et la promotion sans autorisation de médicaments aGLP-A sur internet est illégale. Les produits vendus peuvent être contrefaits et mettre en danger la santé des personnes qui les utilisent », rappelle l’ANSM, qui a déjà saisi le procureur de la République et signalé une dizaine de sites au portail Pharos du ministère de l’Intérieur.

« Ce ne sont pas des produits miracles, mais des traitements lourds »

Derrière l’écran des réseaux sociaux, les risques sont bien réels. Le docteur Assad, endocrinologue à Paris, insiste sur la dangerosité de ces détournements. « Ce ne sont pas des produits miracles. Ce sont des traitements lourds, qui modifient l’équilibre hormonal et digestif du patient. Pris sans suivi médical, ils peuvent provoquer des nausées sévères, des pancréatites, voire des troubles cardiaques ».

Sur TikTok, une tendance baptisée « Ozempic Face » illustre déjà certains effets indésirables : visages émaciés et rides creusées par une perte trop rapide de la graisse. « Ce phénomène est le signe que le corps est malmené par une perte de poids brutale. Il ne faut pas sous-estimer les conséquences à long terme, car nous manquons encore de recul sur les effets secondaires », prévient le médecin.

Le parallèle avec le scandale du Médiator, révélé en 2010, s’impose. Ce médicament, initialement prescrit aux diabétiques mais détourné comme coupe-faim, a entraîné entre 500 et 2 000 décès. « L’histoire nous rappelle combien les détournements de médicaments peuvent être tragiques », souligne le docteur Assad.

Une course à la minceur qui inquiète les autorités sanitaires

Si l’attrait pour ces traitements explose, c’est parce qu’ils promettent une perte de poids rapide et sans effort. Mais cette illusion d’efficacité séduit particulièrement les jeunes femmes, vulnérables aux injections sociales relayées par les réseaux. « L’effet de mode autour de ces médicaments est préoccupant. Il banalise un produit qui doit rester un traitement encadré médicalement, et non une solution esthétique », souligne un médecin généraliste et esthétique.

Pour endiguer le phénomène, l’agence nationale de sécurité du médicament multiplie les actions : saisines judiciaires, fermetures de sites, travail avec les plateformes de vente en ligne pour interdire toute publicité. Mais la viralité des réseaux sociaux rend la tâche complexe. « Les jeunes trouvent toujours des moyens de contourner les interdictions », admet ce même médecin toulousain.

Face à cette dérive, médecins et autorités appellent à la vigilance. Le docteur conclut : « Derrière chaque stylo injecteur acheté sur internet, il y a un risque sanitaire majeur. Les patients doivent comprendre qu’on ne joue pas avec ces traitements comme on testerait un régime à la mode ».

Ava Ouaknine 

Groupe Nestlé : quelle issue pour ces scandales qui ont terni son image ?

Des bactéries dans les pizzas Buitoni jusqu’au traitement illégal des eaux minérales, le groupe Nestlé s’est trouvé impliqué dans plusieurs scandales sanitaires ces dernières années. Mais comment ces affaires ont-elles abouti ?

Le fin mot de l’histoire est tombé hier soir : Nestlé Waters évite bel et bien le procès dans la double affaire ciblant sa production d’eau minérale. La multinationale agroalimentaire doit toutefois verser, dans un délai de trois mois, une amende de 2 millions d’euros pour indemniser, entre autres, des associations de défense de l’environnement.

Le groupe détenteur des marques Vittel, Perrier, Contrex, Hépar et San Pellegrino était effectivement visé par deux enquêtes préliminaires à son encontre, l’une pour exploitation de forages illégaux dans les Vosges et l’autre pour tromperie. En janvier dernier, c’est la cellule investigation de Radio France et le journal Le Monde qui avaient révélé que plusieurs industriels, parmi lesquels Nestlé, utilisaient des procédés non conformes à la réglementation pour traiter leurs eaux minérales dans certains de leurs sites d’exploitation sujets aux contaminations.

Quid du délit de tromperie ?

Si aucune poursuite pénale n’a été enclenchée à l’encontre de Nestlé Waters, c’est parce que la société a signé avec le parquet d’Epinal une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), un procédé introduit en 2016 par la loi Sapin 2, qui permet d’obliger une personne morale à verser une amende d’intérêt public, de mettre en place un programme de conformité et de réparer le préjudice causé à d’éventuelles victimes.

« C’est une alternative innovante aux poursuites [pénales] qui permet de désengorger les tribunaux. Ça évite un long procès, et ça permet d’obtenir une réparation rapide et des engagements pour l’avenir de la part de l’auteur de l’infraction», estime Julia Bombardier, avocate spécialisée en droit de la consommation et alimentaire, qui assiste régulièrement les entreprises dans le cadre des enquêtes effectuées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Destinée aux infractions liées à la corruption, la CJIC peut s’appliquer également depuis 2020 aux atteintes à l’environnement, raison pour laquelle une telle procédure a été utilisée dans le cas de Nestlé Waters. Elle ne concerne cependant pas les délits de tromperie, un point de flou soulevé par l’association Foodwatch, qui déplore dans un communiqué que le groupe puisse ainsi « mettre l’affaire sous le tapis », et « s’en sortir sans autre explication ni conséquence que le versement d’une somme d’argent ».

Pour Maître Julia Bombardier, le montant de l’amende fixée est pourtant un record en droit de la consommation : « 2 millions d’euros c’est très élevé, non pas au regard des sanctions théoriques encourues, mais au regard des amendes que les tribunaux prononcent habituellement […] Et puis contrairement à ce que je lis partout, il ne s’agit pas de mettre l’affaire sous le tapis, ce qui n’aurait aucun sens compte tenu de l’ampleur médiatique de ce dossier dont tout le monde a déjà entendu parler. Ca fait des mois que les consommateurs arrêtent d’acheter les bouteilles d’eau concernées. »

Buitoni, autre scandale retentissant

Si aucune victime n’a été dénombrée dans ces deux affaires, ce n’est pas le cas pour le scandale des pizzas Buitoni qui a ébranlé la filiale Nestlé France en février 2022. Tout commence lorsque des signalements de contamination à la bactérie Escherichia coli forcent la marque à retirer du commerce ses pizzas de la gamme Fraîch’Up. Victimes d’intoxication alimentaire, deux enfants perdent la vie et plusieurs dizaines d’autres tombent malades.

Un an plus tard, le groupe industriel avait décidé de la fermeture définitive de son usine de Caudry (Hauts-de-France) – depuis rachetée par l’industriel italien Italpizza -, et s’était engagé à indemniser les 63 familles des victimes.

Et c’est en juillet dernier que Nestlé France a annoncé avoir été mis en examen pour « homicide involontaire, blessures involontaires et tromperie ». Pour Julia Bombardier, il est à ce stade encore « très difficile » d’estimer la tournure que pourrait prendre le procès. « S’il y avait des sanctions pénales pour les dirigeants, il pourrait y avoir de la peine de prison derrière », explique l’avocate, qui rappelle la distinction à effectuer entre une sanction pénale prononcée à l’égard des dirigeants d’un groupe ou des personnes responsables de la négligence, et une sanction concernant une personne morale.

L’huile minérale dans le lait pour bébés

Trois ans avant l’affaire Buitoni, en octobre 2019, c’est le lait pour bébé des marques Nestlé et Danone qui a suscité la controverse. Des analyses menées par l’association Foodwatch mettaient en lumière la présence d’hydrocarbures aromatiques d’huile minérale, une substance considérée comme « génotoxique et cancérigène » par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Parce que les scandales alimentaires semblent s’accumuler – ce matin encore avec les soupçons de botulisme dans des conserves de pesto de la marque « Ô petits oignons » -, la question de l’efficacité des mesures de prévention et des moyens utilisés pour sanctionner les grands groupes industriels refait surface.

« Depuis janvier 2024, tous les contrôles en matière de sécurité sanitaire et alimentaire ont été transférés à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), l’idée étant d’être beaucoup plus efficaces et de renforcer les contrôles », indique Julia Bombardier. Mais au-delà des sanctions, l’avocate préconise que la DGCCRF adopte une approche plus « pédagogique » avec les entreprises, en leur permettant par exemple de poser des questions sur l’interprétation de certaines réglementations.

Sarah-Yasmine Ziani

 

Don de gamètes : plus de 400 demandes recevables d’identification des donneurs

La commission qui doit permettre aux personnes nées d’un don anonyme de gamètes d’accéder à des informations sur le ou la donneuse a reçu « 434 demandes recevables » depuis sa création il y a un an. Elle n’a pu envoyer pour l’heure que trois réponses positives.

Quatre cent trente-quatre. C’est le nombre de demandes d’identification du donneur recevables reçues en un an. Une centaine de personnes ont été identifiées, a précisé la Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (Capadd).

Parmi les donneurs, certains sont décédés – ce qui met fin à la procédure – et d’autres ont refusé de dévoiler leur identité. Pour l’heure, la commission n’a pu envoyer aux demandeurs que trois réponses positives.

Pour les retrouver, la commission s’adresse d’abord au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos, communément appelé « banque du sperme ») où le don a été effectué. Celui-ci consulte ses archives afin d’identifier le donneur ou la donneuse recherchés.

La commission se charge ensuite de le contacter afin de savoir s’il consent ou non à communiquer ses informations. Si oui, ses données sont ajoutées à un registre géré par l’Agence de biomédecine puis communiquées à la personne (devenue adulte) née du don de gamètes.

Loi de bioéthique

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de bioéthique du 1er septembre 2022, le donneur de spermatozoïdes ou la donneuse d’ovocytes doit nécessairement consentir à la divulgation future de son identité aux enfants qui naîtront de ce don, si ceux-ci en font la demande une fois devenus adultes.

La commission a par ailleurs reçu 435 consentements spontanés de donneurs, qui avaient effectué un don avant l’évolution de la loi et acceptent que leur identité soit intégrée au registre afin d’être dévoilée si une personne conçue par leur don en fait la demande.

Depuis la création des banques de spermes et d’ovules en 1973, on estime que plus de 70.000 enfants sont nés grâce aux dons de gamètes.

Avec AFP

Ehpad : le reste à charge encore trop élevé pour les résidents et leur famille

Les trois quarts des séniors en Ehpad n’ont pas les revenus nécessaires pour payer la facture de leur résidence. Face à ce constat, la députée PS Christine Pirès-Beaune propose des solutions dans un rapport qui doit être examiné cet automne.

Le reste à charge reste trop cher. Soixante-seize pourcent des résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’ont pas les entrées d’argent suffisantes pour le payer. Même après les aides auxquelles ils peuvent avoir droit. « L’accessibilité financière pour les familles demeure un vrai problème », pointe Christine Pirès-Beaune, députée PS du Puy-de-Dôme. Elle a été mandatée par la Première ministre pour suggérer des solutions censées alléger le reste à charge en Ehpad. A l’occasion des assises nationales des Ehpad ces 12 et 13 septembre, elle revient sur ses propositions.

Le reste à charge pour les résidents ou leur famille s’élève à 1957 euros par mois. Il n’est que de 47 euros mensuels quand le sénior est hébergé à domicile, selon une étude de la Dress sur les données de 2019. Il y a plus d’un an, le journaliste Victor Castanet épinglait hyper profits d’établissements privés dans son livre-enquête Les Fossoyeurs.

« Le niveau de vie des retraités va continuer d’augmenter, mais moins vite que celui des actifs », assure Jean-Philippe Vinquant, président du Haut Conseil de l’Âge (HCFEA). Concrètement, les séniors vont connaître une perte relative de pouvoir d’achat. Aujourd’hui, leur niveau de vie est « trop souvent inférieur au reste à charge », déplore Jean-Philippe Vinquant. Il rappelle que « le niveau de vie des résidents en Ehpad est en-deçà d’une centaine d’euros à celui des non-résidents ».

Aides insuffisantes

Aujourd’hui, les personnes vivant en Ehpad peuvent bénéficier d’aides au logement, de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), et de l’aide personnalisée d’autonomie (APA). La loi permet aussi des réductions d’impôts jusqu’à 25 %, quand le retraité intègre un Ehpad. Cette mesure est « insuffisante » pour Christine Pirès-Beaune. « Il n’y a que ceux qui payent des impôts que ça aide », pointe-t-elle. Les résidents les moins aisés se retrouvent lésés.

« Il persiste des disparités territoriales très importantes », souligne Jean-Philippe Vinquant. Pour Christine Pirès-Beaune, il y a « presque autant de règles que de départements pour l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ». Des règles « disparates » qui compliquent leur accès. « L’ASH en est le meilleur exemple », rappelle-t-elle. Le taux de recours à cette aide stagne à 28%.

Solutions

Face à ce constat, Christine Pirès-Beaune propose de fusionner les quatre aides auxquelles peuvent avoir droit les résidents. « Cela limiterait les non-recours », explique-t-elle. Place à une allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (Ausae). Une aide unique « plus juste, car elle varierait en fonction des revenus », selon la députée.

Autre proposition : transformer l’actuelle réduction d’impôts en crédit d’impôt. Christine Pirès-Beaune imagine aussi une fusion des sections soins et dépendances. « Ce serait 150 euros de moins dans le reste à charge pour les familles », déclare-t-elle. Enfin, la députée aimerait que les établissements privés payent une contribution. Son rapport doit être examiné cet automne, à l’occasion du prochain projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS 2024). « Cela fera débat », plaisante-t-elle.

 

Léo Guérin