Le pèlerinage à La Mecque : un tourisme religieux en vogue

Cette année à la Mecque, entre 2 et 3 millions de musulmans du monde entier sont attendus dès le 2 juin pour le grand pèlerinage. On estime que 20 000 à 30 000 musulmans français s’y rendent chaque année. Depuis quelques décennies, ce voyage est devenu un business.

Il existe en réalité deux pèlerinages : le petit pèlerinage, « Umra », peut s’effectuer tout l’année et le grand pèlerinage, « Hajj », qui doit s’effectuer sur une période bien précise.

Kaaba_2Un voyage qui n’est plus signe de « fin de vie »

Omar Saghi, enseignant à SciencesPo Paris et auteur d’un livre sur le pèlerinage* expliquait en 2012 que ce voyage sacré a adopté les codes du tourisme : « Les agences doivent fidéliser les pèlerins car ils comparent désormais les offres […] Elles gèrent les groupes de pèlerins comme des groupes de touristes ». Un tel changement de pratiques est dû, selon lui, à l’évolution des pèlerins. Autrefois réservé aux personnes âgées ayant économisé pour accomplir le voyage en terre sainte, le pèlerinage à la Mecque a perdu son caractère unique et sa connotation de « fin de vie ». Désormais, parmi les pèlerins, il y a des jeunes couples qui n’hésitent pas à faire le voyage plusieurs fois.

Organisation millimétrée… et lucrative

Le grand nombre de fidèles attendus obligent l’Arabie Saoudite à prendre des mesures de sécurité importantes. Le royaume met en place des quotas par pays pour la distribution des visas. De plus, il est impossible d’organiser seul son séjour, celui-ci étant extrêmement codifié et ritualisé. Il faut passer par une agence de voyage, spécialisée ou non. Les mosquées françaises mettent également en place une aide logistique.

Ce « tourisme religieux » s’avère très lucratif. « Selon les formules et les hôtels, nous proposons des voyages entre 4500€ et 11000€. Cela prend en compte le billet d’avion et la vie sur place », explique Amina Harar, conseillère voyage dans une agence spécialisée dans l’organisation des pèlerinages à Paris. «Nous proposons aussi une assistance médicale».

Le pèlerinage est depuis plusieurs années un enjeu de taille pour l’Arabie Saoudite, qui cherche à diversifier son économie essentiellement basée sur les hydrocarbures. Celui-ci aurait rapporté 40 milliards d’euros en 2015, d’après une étude effectuée par la Chambre de commerce de La Mecque. Le pays a également lancé en 2013 des travaux d’agrandissement du lieu saint et espère accueillir 20 millions de visiteurs annuels d’ici à 2020, ce qui représenterait un bénéfice de 80 milliards d’euros.

* Paris-La Mecque. Sociologie du Pèlerinage (Editions PUF, 2010)

Asmaa Boussaha et Alice Pattyn

Sabéra, youtubeuse voilée : « Je souhaite faire évoluer les mentalités »

Sabéra Hassanally Goulam, 27 ans, est une blogueuse et youtubeuse voilée. Son blog est sa passion, elle le considère comme « son échappatoire ». Elle partage ses connaissances, recettes de cuisine, astuces beauté et mode.

Crédits photos : sosab.fr
Crédits photos : sosab.fr

Votre blog s’adresse aux musulmanes uniquement ou avez-vous une cible plus large ?

J’aimerais inspirer les femmes qui souhaitent s’habiller de façon plus « modeste ». Ce n’est pas parce qu’on choisi d’être conservatrice qu’on ne peut pas être sociable, abordable ou avoir l’air cool ! Mon blog s’adresse aux femmes qui veulent se sentir bien dans leur peau. Je pense que la beauté de la femme est sublimée par le fait qu’elle ait conscience de ce qu’elle possède mais qu’elle décide par elle-même de ne pas tout dévoiler. Je vise une cible beaucoup plus large. Citoyenne du monde, j’aime à croire que mon message touche d’autres religions. La tolérance et le respect sont mes maîtres-mots.

Comment expliquez-vous l’essor des blogueuses et Youtubeuses voilées ?

L’identification et l’inspiration : ce sont les deux principaux arguments que l’on me donne lorsque mes abonnées commentent. Si les internautes sont présentes, c’est parce qu’elles se sont reconnues dans mon discours. Un des témoignages reçus : « Merci d’avoir dit tout haut ce que la majorité pense tout bas.» ou encore « votre témoignage est magnifique, surtout bien exprimé car nous le vivons toutes de la même manière… ».

Vous considérez-vous comme une « hijabista » ?

Si le voile permet de donner une autre image de la femme musulmane en utilisant le monde de la mode, si je me considère comme actrice du changement et que je souhaite faire évoluer les mentalités, alors oui, je veux bien me considérer comme une hijabista.

Propos recueillis par Asmaa Boussaha et Alice Pattyn

A l’école, la lutte contre l’antisémitisme passe par la prévention

Dix ans après le meurtre antisémite d’Ilan Halimi par le gang des barbares, les actes anti-juifs ne reculent pas en France. Ils auraient doublé entre 2014 et 2015. Pour lutter contre ceux-ci, de nombreuses initiatives se créent pour gérer le problème le plus vite possible à l’école.

Présentation par Manuel Valls du plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme à la préfecture de Créteil le 17 avril 2015. (Crédit : Alain Bachellier sur Flickr)
Présentation par Manuel Valls du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme à la préfecture de Créteil le 17 avril 2015. (Crédit : Alain Bachellier sur Flickr)

Prendre le problème à la racine. C’est l’ambition du ministère de l’Éducation nationale pour la gestion des actes antisémites. Différents bulletins officiels du ministère ont été diffusés auprès des rectorats. Le premier plan de prévention gouvernemental date de 2005. Le gouvernement, sous la houlette du ministre de l’Éducation de l’époque Gilles de Robien, demandait à ce que chaque acte de nature raciste ou antisémite soit référencé en tant que tel : « La cellule nationale peut être saisie par des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle recueille alors une information précise sur les faits survenus. Elle établit un suivi des réponses apportées (protection de la victime, actions des équipes pédagogiques) », précise ce rapport. L’idée du gouvernement est alors de dégager des comportements types, afin de mieux lutter contre eux. Si le gouvernement supervise les actions de prévention, les initiatives sont surtout prises, au niveau local, par les recteurs d’académies.

Mieux vaut prévenir que guérir

Le gouvernement encourage les actions sur le terrain directement dans les écoles ou via des associations. « Des manifestations sont organisées dans les écoles, auprès des jeunes. Ces missions de sensibilisation ont un bon écho. Même si rien ne remplace le dialogue quotidien des enseignants avec les élèves et l’éducation dans les familles », explique Vincent Séguéla de l’association Démocratie et Courage, qui mène des actions de prévention auprès des jeunes.

Après les attentats de janvier, l’exécutif a nommé la lutte contre le racisme et l’antisémitisme « grande cause nationale de l’année 2015 ». L’idée développée par le gouvernement est de désamorcer la bombe de l’antisémitisme avant même qu’elle éclate. Une déclaration symbolique, qui s’accompagne d’actions concrètes, comme la semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme. Au programme de ces semaines : projection de films tels que « Shoah », de Claude Lanzmann, ateliers débat, journées sportives axées sur le thème de la tolérance.

Une opération qui sera reconduite cette année.

 

Pour Julien Pérault, membre du Cidem, le nouveau centre d’information civique, ces actions « font avancer les choses. Rien de tel que le dialogue entre communautés pour casser les préjugés. Mais il ne faut pas se contenter de ça, il faut plus de mesures ».

Pourtant, quand on l’interroge sur la nature de ces mesures, silence radio. Les acteurs sont tous d’accord sur un point : après l’affaire Ilan Halimi, il faut encore travailler contre l’antisémitisme, mais quant au moyen de lutter contre, les solutions sont beaucoup moins claires.

Clément Brault

À Levallois, une expo qui redonne la foi

La mairie de Levallois-Perret aurait-elle oublié le principe de laïcité? Depuis 10 jours, une photo grand format de La Mecque trône dans le hall d’entrée de L’Hôtel de Ville. Et juste en haut de l’escalier principal, les Dix Commandements sont projetés autour du buste de Marianne. Mais aucune inquiétude, il n’est pas question de remettre en cause la loi de 1905. En fait, le bâtiment accueille jusqu’au 21 février l’exposition « Il était une foi(s)« , sur le thème des religions. L’occasion pour les visiteurs de découvrir ou redécouvrir les liens unissant les trois principales croyances monothéistes. 

Continuer la lecture de « À Levallois, une expo qui redonne la foi »