Vendredi 13: bénédiction ou malédiction ?

La tradition chrétienne a donné une mauvaise réputation au vendredi 13. La croyance s’est largement répandue au point de faire disparaître le chiffre 13 de certains avions, rues et hôtels. Mais le jour maudit est peu à peu devenu un jour de chance… Pour comprendre l’histoire de cette superstition, le Celsalab a interrogé un sociologue et une numérologue.

Croisez un chat noir en passant sous une échelle aujourd’hui et vous serez au comble de la poisse ! Si l’on en croit les superstitieux, le vendredi 13 est synonyme de mauvais présages. Selon un sondage réalisé par la Française des jeux, la superstition touche 34% des Français. Cette croyance a de vraies conséquences : des compagnies aériennes comme AirFrance n’ont pas de rangées “13” dans leurs avions, et optent pour une rangée “12 bis” ou “14a” et “14b”. Certains pilotes refuseraient aussi de voler un vendredi 13. De nombreux hôtels ne comptent pas d’étages ni de chambres portant le chiffre 13 par crainte de la superstition des clients. La World Trade Center contenait 13 étages…Mais d’où vient donc cette peur du chiffre 13 ?

« La croyance naît dans un contexte d’angoisse »

Pour Dominique Desjeux, sociologue des croyances et des rites, « c’est très compliqué d’expliquer comment une croyance naît », mais il existe quand même une structure propre à celles-ci. « La croyance naît dans un contexte d’angoisse, ses fondements sont l’inquiétude et la peur. Dans ce climat, les hommes ‘inventent’ une histoire pour expliquer, justifier les malheurs », explique l’expert. « La croyance autour du vendredi 13 a des origines chrétiennes » : il faut remonter au passage de la Cène, dans la Bible, où Judas arrive en treizième au dernier repas du Christ. Le 13 est associé au disciple qui trahit Jésus, en le livrant aux Romains. Quant au vendredi, il est associé au jour de la crucifixion de Jésus. « C’est pour cela qu’aujourd’hui, personne n’invite treize convives à déjeuner », explique l’expert.

D‘autres raisons non religieuses pourraient expliquer le désamour pour la date fatidique. Pour certains, le chiffre 13 souffrirait du fait de succéder au chiffre 12, le plus “parfait” dans l’Antiquité, où le système duodécimal régnait. Le vendredi était aussi le jour des exécutions au Moyen Âge en Angleterre. L’arrestation des Templiers par le roi Philippe IV le Bel, le vendredi 13 octobre 1307, participerait à la mauvaise réputation de la date. Le monarque décide ce jour-là d’arrêter plusieurs milliers de moines soldats sous l’inculpation d’hérésie, marquant ainsi la fin de l’Ordre qui était né deux siècles plus tôt en Terre Sainte.

« Peur déraisonnée »

Pour la numérologue Evelyne Lehnoff, le vendredi 13 est un “cocktail de superstition, de traditions et de croyances”, et peut donc être « un jour de chance ou de malchance selon ce qu’on décide de retenir ». Les personnes qui voient en cette date un jour de malheur le font par “peur déraisonnée”’ selon elle. “Ils retiennent les mauvaises dates du passé”.  

Le vendredi 13 est en effet teinté de malchance si l’on retient les dates tragiques dont il est l’anniversaire : le crash du vol 571 de la Fuerza Aérea Uruguaya dans les Andes – poussant les survivants à des actes de cannibalisme – a eu lieu un vendredi 13. L’assassinat du rappeur Tupac Shakur et le naufrage du navire de croisière Costa Concordia au large de la Toscane, qui a causé 13 morts, ont aussi eu lieu à cette date. Et plus récemment, les attentats du vendredi 13 novembre 2015.

Comme évoqué plus haut, les croyances ont de vrais effets dans la vie réelle. Et varient selon les cultures et les pays. « Par exemple en Chine, la prononciation du chiffre quatre est similaire à celle du mot mort. Vous ne trouverez aucun ascenseur avec un étage 4 ou un étage 14 », explique le sociologue. Est-ce de la superstition ? « On appelle superstition la croyance de l’autre », précise Dominique Desjeux.

Un jour de chance ?

Mais, curieusement, le vendredi 13 est devenu un jour de chance. Dominique Desjeux l’explique par un « rituel d’inversion », effectué à des fins marketings par la Française des jeux selon lui. Au lieu de s’ancrer dans l’angoisse, cette « croyance symétrique » vient apporter la sécurité et rassurer les personnes. Même si elle n’est « pas plus vraie que la première croyance », elle a du succès car fait croire à un dénouement positif. Ainsi, cette année, comme tous les vendredis 13, la FDJ propose un Super Loto de 13 millions d’euros. Et elle y gagne : 80 % des personnes interrogées déclarent jouer à un jeu de tirage à l’occasion d’un vendredi 13 – soit le même succès que le grand loto de Noël- selon une étude réalisée par le groupe. « On attend une hausse de près de tiers de participation un vendredi 13 que pour un tirage Loto classique », détaillait un responsable de la société de lotos et de paris sportifs ce matin au micro de Franceinfo.

Même la numérologue Evelyne Lehnoff ne considère pas le vendredi 13 comme une mauvaise date. « Le 13 est une décomposition du 1 et du 3, or 1+3=4, et le 4 représente la vigueur et le travail acharné, c’est donc plutôt positif”. Même chose pour le chiffre 13, qui “annonce une transformation, une renaissance, l’occasion de faire des changements”. Aujourd’hui serait même une « journée 3 », ce qui signifie que « les bonnes énergies rendent le moment propice à postuler à un emploi ou de tenter sa chance à un jeu” pour la consultante en « arts divinatoires ». Elle n’a cependant pas constaté une évolution notoire de sa fréquentation aujourd’hui.

Le deuxième et dernier vendredi 13 aura lieu en décembre cette année. L’unique vendredi 13 de 2025 aura lieu en juin.

Domitille Robert

Personnes nées par PMA: à la recherche de ses origines

Le premier rapport annuel de la Cappad, publié vendredi, a dévoilé 434 demandes recevables d’accès à l’identité du donneur. Une quête des origines qui se révèle avoir un conséquent fond psychologique.

La Cappad (Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs) a publié officiellement vendredi son premier rapport annuel dans lequel elle déclare avoir reçu 434 demandes recevables d’accès à l’identité du donneur de spermatozoïdes, d’ovocytes ou d’embryons, qui a permis leur naissance.

Cette commission créée il y a un an pour permettre aux personnes nées d’un don anonyme de gamètes d’accéder à des informations sur le ou la donneuse n’a pourtant pu envoyer que trois réponses positives, selon l’AFP.

À noter également que les femmes constituent 74% des 434 demandes recevables, tandis que l’âge moyen des demandeurs est stable à 33 ans en 2023 contre 34 ans en 2022.

Un nombre infime
Toutefois, pour Alexandre Mercier, président de l’association PMAnonyme qui milite pour « l’accès aux origines », ces 434 demandes ne constituent qu’un nombre infime par rapport aux 70,000 cas d’enfants nés par PMA (procréation médicalement assistée) depuis la création des banques de spermes et d’ovules en 1973. Ce qui pourrait être dû selon lui au fait que « nombreuses personnes ne sont pas conscientes, à ce jour, de leur mode de conception; un sujet longtemps considéré comme tabou dans nos sociétés ».
Il considère notamment que divers périples administratifs aussi bien que psychologiques séparent les enfants nés par PMA de la découverte de leur réelle identité.
Une quête d’identité

La recherche de l’identité du parent biologique s’inscrit dans la quête d’identité personnelle, selon Dr. Manuela Braud, psychologue et chercheure en Sciences de l’éducation et co-fondatrice de Planète Résilience. Les personnes nées par PMA «même s’ils entretiennent une très bonne relation avec les parents qui les ont éduquées, ont besoin de savoir d’où ils viennent pour savoir un peu où ils vont », assure-t-elle.

Pour la spécialiste, cette quête ne se borne point au fait de découvrir l’identité des parents biologiques mais s’accompagne de la volonté de comprendre certains décalages, parfois même culturels, entre l’enfant et son entourage, soit la famille qui l’a éduqué.

Un décalage et une difficulté à se comprendre et à se cerner qui peut dans certains cas faire naître chez la personne en question une pénible sensation de vide.

« Certains patients me confient qu’ils ont l’impression de marcher tous les jours sur un sol qui n’est pas stable parce qu’il demeure quelque chose de leur identité de base qui leur reste inconnu », explique la psychologue usant de l’image d’un arbre sans racines.

Établir une filiation

 Outre l’exclusive quête d’identité, existe une volonté de la personne d’établir une filiation, de retracer sa lignée. Une volonté qui, selon Manuela Braud, peut émerger quand la personne devient à son tour parent.

 « La recherche de l’identité du donneur peut être un moyen pour la personne née par PMA de s’ancrer dans une forme de filiation et de transmission. Devenus à leur tour parents, ces personnes en question veulent souvent retracer leur lignée afin de savoir mieux expliquer leurs origines à leurs enfants », détaille la spécialiste.

Le parent fantasmé

 Pourtant cette quête identitaire peut se révéler comme étant un réel périple psychologique basé sur fond d’illusions.

« Parfois, les personnes qui recherchent leurs origines fantasment totalement le parent inconnu. Ils recherchent souvent dans ce parent fantasmé non connu la compensation des failles des parents qui les ont éduqués », affirme Manuela Braud établissant une comparaison avec le cas des personnes adoptées.

Selon elle, ces personnes considèrent fréquemment que les parents biologiques sont forcément de meilleurs parents que ceux qui les ont éduqués. Autrement dit, ils sont dans une recherche illusionnée de ce qu’ils n’ont pas.

« Certes ces personnes peuvent être plutôt satisfaites de découvrir d’où elles viennent mais il y a souvent une sorte de déception lors de la rencontre. Le contraste entre la réalité et le fantasme peut être réellement bouleversant », ajoute-t-elle.

Conflit de loyauté

 Sur cette quête d’identité personnelle vient se forger une peur de la personne de briser le lien avec les parents qui l’ont éduquée, ce qui peut parfois dissuader la fameuse quête des origines. Une peur qui relève selon Manuela Braud de « l’ordre du conflit de loyauté envers les parents ».

 « Bien souvent des personnes adultes qui recherchent leurs origines n’en parlent pas à leurs parents au début. La volonté de la recherche naît et se fait en premier lieu dans le secret », explique la spécialiste.

Elle dévoile notamment que certaines fois ces personnes, en comparaison avec les personnes adoptées, ne dévoilent leur recherche à leurs parents qui les ont éduqués que quasiment la veille de leur rencontre avec leur parents biologiques.

« Cette recherche est complètement légitime. Si la personne retrouve ses origines cela ne veut pas dire que le lien affectif avec les parents qui l’ont éduquée va se rompre. Bien au contraire », assure-t-elle définissant ces cas par ce qu’elle appelle une parentalité additive.

Yara EL GERMANY