World Clean Up Day: un grand nettoyage opéré par les entreprises

Les volontaires ont ramassé des déchets le long du quai de la Tournelle.

Le World Clean Up battra officiellement son plein ce samedi 16 septembre. Des opérations de sensibilisation ont déjà été organisées dans toute la France ces derniers jours afin de mobiliser un large public à la collecte de déchets, comme à l’Institut du Monde arabe à Paris, ayant attiré les entreprises.

Chaque petit geste compte. Cette petite musique prend sens lors de la Journée Internationale du Nettoyage, organisée par l’association World Clean Up Day. Comme lors de sa précédente édition, qui a rassemblé près de 15 millions de participants dans le monde, 170 000 personnes sont attendues pour cet événement en France, dont une infime partie ce vendredi 15 septembre à l’Institut du Monde Arabe. Environ une centaine de personnes étaient présentes pour cette initiative publique, chapeautée par EcoTree.

 

Depuis trois ans, cette entreprise organise, en collaboration avec ses partenaires, clients, mais aussi avec des proches, des passants et des élèves, cet événement sur cette esplanade, piédestal à vitrine transparente aux arabesques orientales créé par Jean Nouvel, donnant sur la Seine.

Quête des mégots

Le soleil est au zénith à l’heure du déjeuner, au début de l’opération. Ce qui pousse les premiers volontaires arrivés à chercher refuge près des zones ombragées. Suzanne Sinniger, cadre au sein de l’entreprise EcoTree, les accueille près d’une simple table sur laquelle est disposée tout le matériel nécessaire pour cette action. «Ceux qui ont des sacs et gants, vous pouvez aller là-bas, près de l’arbre pour commencer. Revenez à 15h», conclut-elle après avoir donné des explications à un premier groupe. Un employé lui répond : «Nous attendons que tout le monde prenne des gants, puis nous y allons.»

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Durant trois heures, tous parcourent le quai de Tournelle et le quai Saint-Bernard à la recherche de mégots, de déchets et de détritus présents au sol. Près des alcôves en bord de Seine, bien connues des danseurs parisiens, Lisa, Ailis et Léa sont déjà à l’œuvre. Leur regard inspecte chaque interstice, chaque coin et chaque ligne du sol. Elles ne quittent pas ce sol de terre battue. «Nous faisons cela sans relâche. L’an dernier, nous avons ramassé trois sacs« , se rappellent deux d’entre elles. Pour Léa, c’est une première. «Je dois avouer que je suis arrivée ici un peu par hasard, mais très motivée», plaisante-t-elle.

Les deux femmes cherchent des mégots. 

C’est Charlotte Olagne qui organise cette opération au sein de son entreprise axée sur la préservation des forêts. «Cette pollution est visible en ville, alors qu’elle est complètement cachée dans les bois. Cela s’inscrit donc pleinement dans l’engagement et la mission de notre entreprise», explique-t-elle, décrivant ainsi pourquoi de nombreuses entreprises participent. EcoTree n’est pas la seule à être très active. La majorité des personnes présentes sont des salariés d’entreprises partenaires de l’événement : Leroy Merlin, Chevreux, Digital Realty.

Projet scolaire

Plus de la moitié des participants proviennent de ces entreprises. Tous portent des chasubles aux couleurs vives, appréciées des sportifs en entraînement, aux couleurs de leur entreprise. Une fois terminée, les sacs poubelles de la Mairie de Paris, arborant le slogan «Ensemble pour une ville plus propre», sont rapportés près de Suzanne, qui veille et prend en photo les salariés, une étape incontournable.

Les volontaires se retrouvent sur l’esplanade pour déposer leurs sacs.

Parmi ces cadres, un autre groupe s’attelle à la tâche de manière plus joyeuse. Il s’agit des élèves de l’école Sainte-Rosalie, dans le 5ème arrondissement de Paris, âgés de six à sept ans. Maxime Le Roch, professeur des écoles, a décidé de faire participer ces élèves à cette journée. «C’est l’un de nos projets scolaires de l’année, centré sur le thème du recyclage. Nous devons visiter la recyclerie, recycler des chaussettes pour les transformer en éponges, parrainer un lamantin… C’est un projet que j’ai préparé cet été. C’est un sujet sur lequel je n’étais pas sensibilisé à leur âge, cela me tient à cœur», résume-t-il.

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Contrairement aux adultes, les enfants ne portent pas de sacs transparents arborant le slogan éculé de la Mairie de Paris. Mais tous cherchent le plus gros déchet à prendre et à trouver. Les mégots sont recherchés et placés dans un sac à part. «C’est quoi ça ? Où ça va ? » demande un enfant à l’un des parents accompagnants.

30 sacs de 50 litres

Parmi les accompagnateurs, Tanguy Lahaye veille et informe les plus petits. Le responsable Île-de-France a un mot d’ordre : sensibiliser. «Un mégot, c’est 500 litres d’eaux pollués», explique-t-il à un homme en pause déjeuner, qui travaille dans la sécurité. «Je ne pensais pas que la cigarette polluait autant. Je pensais que le paquet était le problème. Je n’en reviens pas.»

Tanguy prend le temps d’expliquer aux passants et aux enfants. «Les gens sont sensibilisés grâce à cette initiative. C’est pour cela que je suis là. C’est l’une des plus grandes actions mondiales, selon l’ONU, respectant les Objectifs de Développement.» Lui préfère sensibiliser les plus jeunes. «Il est vrai qu’il y a beaucoup d’entreprises cette année. C’est le vendredi, une journée plus propice pour les entreprises en télétravail. Et puis il y a la législation désormais, qui oblige les entreprises à publier leur bilan carbone ». D’après la loi, tous les acteurs publics et privés, notamment en matière de Responsabilité Sociale et Environnementale, ont un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. À 15h, près de 30 sacs de 50 litres de déchets ont été collectés. Lors de l’édition 2022, 1002 tonnes de déchets ont été ramassés en France.

Adrien-Guillaume Padovan

Pétrole : une pénurie aux conséquences incertaines

L’AIE prévoit une «importante pénurie de l’offre» de pétrole au 4e trimestre 2023. Getty – Kirill Gorskov / EyeEm

L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) prévoit une importante pénurie de l’offre d’hydrocarbure dans son rapport mensuel. Cette annonce intervient alors que le directeur de cette organisation a annoncé au Financial Times le déclin de la demande mondiale de pétrole d’ici à la fin de la décennie.

L’addition à la pompe risque encore d’être salée. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une « importante pénurie de l’offre » de pétrole sur les trois derniers mois de l’année 2023 dans son nouveau rapport. Elle entrainerait un déficit de la ressource, déjà au plus haut avec un baril au-dessus des 88 $, pouvant amener à une hausse des prix dans les stations essences.

L’annonce de l’AIE a fait flamber lundi les cours sur les marchés : en séance, les deux références de l’or noir ont atteint un niveau inédit depuis la mi-novembre 2022. « Avant avec la pandémie, on avait eu un temps où la chute des prix avait conduit à un prix historiquement bas. Désormais, les pays producteurs, notamment l’Arabie Saoudite veulent trouver un juste prix, leur convenant ainsi qu’aux Occidentaux », souligne Paul Tourret, économiste.

Ajustement durable du marché

Pour cela, l’Arabie saoudite, la Russie, ainsi qu’une partie des pays producteurs ont décidé de continuer de limiter leurs productions. Cette restriction de la demande devrait mécaniquement amener les prix à la pompe à la hausse, déterminés par les ressources disponibles dans les sols mais aussi les taxes et les marges des distributeurs. « Le prix du pétrole est poussé à la hausse par la persistance d’une offre insuffisante sur le marché au cours des troisième et quatrième trimestres », expliquent les analystes de DNB à l’AFP.

« Ceux à quoi nous assisons, c’est un véritable ajustement du marché »

Paul Tourret, économiste à l’Inserm

Pour autant, cette décision ne devrait pas résorber l’offre mondiale en 2023 qui augmentera de 1,5 million de barils par jour grâce aux États-Unis, à l’Iran et au Brésil. « En 2024, la demande mondiale de pétrole devrait croître de 2,2 millions de barils par jour », annonce l’Organisation des pays exportateurs de pétrole dans son propre rapport, sans changement par rapport à son estimation précédent. Une évolution globale qui est loin d’être un épiphénomène. « Ceux à quoi nous assisons, c’est un véritable ajustement du marché, qu’on aurait dû avoir il y a près de 30 ans. La seule chose qui nous sauve par rapport au choc pétrolier de 1973, c’est la productivité, qui croit contrairement à l’époque », analyse Paul Tourret.

Une pénurie durable ?

Cette annonce intervient alors que pour la première fois, l’AIE entrevoit une baisse durable de la demande pour l’ensemble des énergies fossiles « dans les prochaines années » selon le directeur exécutif de l’institution de l’OCDE, Fatih Birol dans les colonnes du Financial Times. Ce qui est loin de faire consensus parmi les économistes.

AIE : les réactions négatives signifient que la demande de pétrole et de gaz pourrait ne pas atteindre son pic si tôt

 

Déjà en juillet 2008 en pleine crise économique, tous les experts et économistes étaient convaincus que le pic du pétrole, moment où la production va commencer à décliner par rapport à la demande, était atteint, après la poussée de fièvre qui avait fait grimper le prix du baril jusqu’à 150 dollars. Le lien de cause à effet entre cette pénurie et cet effondrement de la demande n’est pas avéré. « L’avantage si on prend ce pic pétrolier et même ce pic de décroissance pétrolière, il va nous permettre d’accélérer  la transition énergétique grâce à un prix élevé. Ce n’est pas encore pour aujourd’hui », conclut Paul Tourret.

Adrien-Guillaume Padovan

Réchauffement climatique et empreinte carbone, quels enjeux pour l’habitat de demain ?

Du 22 au 24 septembre se tient à Paris la 1ère édition du Salon de l’immobilier bas carbone (SIBCA), où se rencontrent les géants du secteur. L’occasion de parler neutralité carbone et habitat de demain.

L’affiche de la première édition du Salon de l’immobilier bas carbone (SIBCA)

« L’immobilier bas carbone c’est une évidence parce que nous n’avons plus le choix ». Ce sont les mots de Julien Denormandie, ancien ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, de la Ville et du Logement. En visite au Salon de l’immobilier bas carbone (SIBCA), le ministre a affiché son soutien aux acteurs d’un marché en pleine en expansion. « J’ai toujours cru en l’immobilier bas carbone », confit-il à CelsaLab. 

Fraîchement engagé aux côtés de la start-up Sweep, leader de la gestion de l’empreinte carbone des entreprises, Julien Denormandie explique : « La donnée climatique va devenir aussi importante que la donnée financière ». Il ajoute fièrement : « Il n’y a plus d’investissement sur lequel on ne demande pas l’impact environnemental. La France est championne du monde dans l’immobilier bas carbone ». Et pour cause, pendant son mandat, l’ancien ministre avait travaillé à la création de la réglementation environnementale « RE2020 », qui sert à mesurer les émissions de carbone des bâtiments neufs. Il conclut : «  Atteindre la neutralité carbone en 2050 est un objectif incroyablement ambitieux, mais incroyablement nécessaire ».

https://www.ecologie.gouv.fr/re2020-nouvelle-etape-vers-future-reglementation-environnementale-des-batiments-neufs-plus 

Des mastodontes face aux start-up

De part et d’autre du salon, les stands de Vinci, Bouygues Immobilier, Nexity ou encore BNP Real Estate, côtoient ceux de PME et de start-up. Comment de tels géants peuvent-ils alors prétendre à la neutralité carbone dans le secteur immobilier, quand le reste de leurs activités ne semblent pas concernées par de tels enjeux ? BNP Paribas avait par exemple été épinglé pour ses financements des énergies fossiles, à hauteur de 142 milliards d’euros entre 2016 et 2021. Bouygues et Vinci avaient, quant à eux, fait l’objet d’un scandale écologique et financier en 2014, dans le cadre du projet de la « nouvelle route du littoral » à la Réunion, entre malfaçons dissimulées et destruction de la biodiversité littorale. 

https://www.liberation.fr/environnement/climat/financement-des-energies-fossiles-par-les-banques-francaises-les-bons-et-les-mauvais-eleves-20220330_7XM7Y6HW2VH6RFF7ZAQSOQDI6E/ 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/25/contentieux-retards-et-malfacons-a-la-reunion-les-affres-de-la-route-du-littoral_6099819_3234.html 

« Si on veut maintenir le réchauffement climatique à 1.5°, il va falloir que chaque français divise par cinq son empreinte carbone. » soutient Marc Lafont, directeur général de WO2, promoteur de bâtiments bas carbone. Il l’assure, c’est bien « l’envie de faire collective » qui fera bouger les lignes. Pour lui, ce sont ces entreprises traditionnelles, plus connues du grand public, qui représentent la plus grosse part du marché. Il ajoute : « C’est une excellente chose que nous soyons entourés d‘acteurs plus traditionnels de la construction. Ça montre que le bas carbone n’est plus un marché de niche, c’est l’affaire de tous ». Il dit compter sur la coopération de chaque acteur de l’industrie, dans l’optique d’abaisser l’émission de Co2 de chaque Français à deux tonnes par an, contre dix actuellement. Et cela devrait passer par le logement, l’immobilier traditionnel représentant 30 % des émissions de gaz à effet de serre.

La création d’un label pour encourager l’immobilier bas carbone

Alors, pour rendre l’immobilier plus pérenne, le secteur s’est regroupé autour d’un seul et même label : le BBCA (Bâtiment Bas Carbone). Depuis 2016, celui-ci permet aux acteurs de la chaîne de mesurer l’émission carbone d’un bâtiment. Ainsi, en France, on retrouve 450 constructions labellisées et 3 millions de mètres carrés certifiés bas carbone. En tête du classement, le groupe Nexity, suivi par le WO2 de Marc Lafont, dont 80 % des constructions sont certifiées, puis Bouygues Immobilier. Eric Pliez, maire du 20e arrondissement, croit dur comme fer à l’habitat bas carbone : « Si on peut rénover à Bagnolet, dans un quartier populaire comme on l’a fait, alors c’est possible partout ». 

 

Agnès Robini

Au secours de l’océan, les mille et une solutions pour voir la vie en bleu

Sauver les côtes littorales, encourager une pêche durable, empêcher la création d’un septième continent de plastique, les défis sont immenses pour préserver les océans. À l’heure du « One Ocean Summit » et de la « décennie des océans », une nouvelle économie bleue émerge avec ses solutions. Un eldorado qu’explorent scientifiques, entrepreneurs, associations et États.

© Macrovector

L’eau bleu turquoise, les aventuriers en kaban, les boutres arabes avec leur toile en triangle, l’océan nous a longtemps été raconté sous les traits d’un dessinateur de carte postale à l’aquarelle. L’Odyssée sous-marine de Jacques-Yves Cousteau, Ushuaïa Nature de Nicolas Hulot ou Thalassa de Georges Pernoud ont fasciné cet imaginaire à la télévision. Celui d’un océan mythifié plus proche de l’Atlantide que du quotidien.

Décennie de l’océan

Avec le One Ocean Summit à Brest les 9 et 10 février, les océans ont leur sommet politique. Quatre mois plus tôt à Glasgow, pour la COP 26, les principaux dirigeants s’étaient concentrés sur les énergies fossiles et les forêts, ce afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés — au-dessus des niveaux pré-industriels.

« Si les océans étaient un pays, leur produit national brut les situerait à la septième place des nations »

Ce nouveau sommet témoigne de l’intérêt fort, mais encore sous-exploité, que représente l’espace maritime. « Si les océans étaient un pays, leur produit national brut les situerait à la septième place des nations », illustre Aurélie Baudhuin, directrice de la recherche des investissements socialement responsables chez Meeschaert AM dans une étude sur les enjeux de la préservation de la biodiversité maritime.

Le lancement de la décennie de l’océan en 2021 — « la décennie la plus critique de notre vie » — confirme les espoirs fondés sur l’économie bleue. Les deux principaux objectifs définis par l’ONU sont la préservation des écosystèmes marins et le maintien des sociétés humaines littorales… avec pour objectif d’être atteint en 2030. « En ce début de troisième millénaire, l’océanographie a la capacité d’identifier les problèmes et d’offrir des solutions », affirme Audrey Azoulay, la directrice générale de l’Unesco.

Dégât des eaux

Car les effets du réchauffement climatique sont là : les six dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées dans les océans, selon une étude de l’Académie des sciences chinoise et de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA). « Les changements les plus importants résultent de modifications de la composition de l’atmosphère liées à l’homme. Lorsque les océans se réchauffent, le niveau de la mer s’élève » estiment-ils. Elle s’est élevée en moyenne de 20 centimètres depuis 1880, provoquant de fait une menace de submersion des petites îles et d’érosion des côtes.

Lors de la COP 26, une image a retenu l’attention non à Glasgow… mais dans l’archipel de Tuvalu. Simon Kofe, ministre des Affaires étrangères du pays, prononce son discours les pieds dans la mer. Au milieu du Pacifique, à seulement quatre mètres et demi au-dessus de l’océan, l’archipel est en première ligne face à la montée des eaux. « Nous serons submergés d’ici à 50 à 200 ans » estime Simon Kofe, fataliste.

La mer pourrait gagner un mètre d’ici 2 100

Selon une étude publiée dans Environmental Research Letters, plus de 510 millions de personnes habitent actuellement dans des zones qui seront, à termes, situées sous le niveau de la mer — si le réchauffement climatique se maintient à 1,5 degrés. La publication du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), met en avant le « point de rupture » que serait la fonte des calottes glaciaires. D’ici 2100, la mer pourrait gagner un mètre ; les dégâts potentiels sur les côtes coûteraient environ 12 milliards d’euros par an, estime la Commission Européenne.

© Natacha Bigan, Ocean Climate Platform

Différentes options peuvent être prises. L’initiative Sea’ties, menée par la Plateforme Océan & Climat, a répertorié une carte interactive des solutions mondiales pour renforcer la résilience des territoires côtiers. Plusieurs typologies de solutions y sont dressées : des premières dîtes « dures » comme les digues, d’autres alternatives dites « douces » comme le remblayage des plages et enfin des solutions « hybrides» comme les récifs artificiels.

Fortification et relocalisation

En 2021, 570 villes de taille importante sont directement menacées par l’érosion des côtes. Ce qui fit leur force jadis, des ports emblématiques tournés vers les océans, est devenue un colosse aux pieds d’argile. Au Sénégal, au quartier Guet’Ndar de la ville de Saint-Louis, les pelleteuses ont remplacé les bateaux de pêcheurs. Elles construisent une barrière de rochers pour protéger la « Venise africaine » des assauts de l’Atlantique.

Nusantra, nouvelle capitale d’Indonésie au sec
© Handout Nyoman Nuarta / AFP
À l’autre bout de la planète, dans l’océan Pacifique, Djakarta est sommée de se délocaliser. La capitale historique de l’Indonésie s’enfonce de 10 centimètres par an. 40 % de la ville se trouve déjà sous le niveau de la mer. Nusantara, la nouvelle capitale du pays, sera construite à Bornéo, à 1 500 km de Jakarta. Un déménagement qui pourrait prendre de 15 à 20 ans, et dont le coût initial est estimé à 33 milliards de dollars.

 

Plus près de nos côtes, Lacanau, en Gironde, subit les mêmes soubresauts. Selon l’Observatoire de la Côte Aquitaine, l’érosion du littoral de Gascogne est estimée en moyenne à 50 mètres d’ici 2050. Avant d’enclencher le scénario de relocalisation, la ville de 5 000 habitants a opté pour la construction d’un bloc de pierres et un projet d’aménagement de 4,5 millions d’euros. Financé par l’État, il prévoit la requalification des espaces publics, la suppression du parking et « le déplacement préventif des activités afin de les mettre à l’abri des aléas », détaille Fabienne Buccio, Préfète de la région Nouvelle-Aquitaine, rapporté par nos confrères de Sud Ouest.

« La résilience des territoires côtiers sont souvent une combinaison de réponses de protection, de retrait, d’adaptation et d’avancée » 

Éco-anxiété

Une étude de Frontiers, souligne que ces stratégies d’adaptation côtière contre l’élévation de la mer sont de plus en plus hybrides. Elles offrent aux villes de nouvelles possibilités efficaces pour s’adapter au changement climatique. « Les réponses hybrides sont souvent une combinaison de réponses de protection, de retrait, d’adaptation et d’avancée. » Cependant, l’utilisation du terme « retrait » peut « créer de l’anxiété chez les personnes les moins aptes à se déplacer et l’abandon de la politique imaginée ». Une dimension psychologique qui vient s’ajouter aux paramètres techniques, financiers et sociaux de relocalisation littorale.

Création de coraux 4.0

La découverte d’un grand récif de corail au large de Tahiti reste un trompe l’œil. Près de 50 % des récifs coralliens ont disparu, dont 14 % des coraux entre 2009 et 2019 selon le Global Coral Reef Monitoring Network. Mais le regard change sur ces colonies de polypes. De superorganismes, les coraux sont en passe de devenir des superprotecteurs atténuant les effets du réchauffement climatique. Ils absorbent l’énergie des vagues, réduisent l’érosion des côtes et les dommages en cas de tempête ou d’ouragan.

© BBC America

Pour recréer les coraux, les ingénieurs du monde entier fourmillent de mille idées. Des initiatives soutenues par l’écosystème de l’Ocean tech : une plateforme de crowdfunding Ekosea, des accélérateurs comme la Sustainable Ocean Alliance ou la startup ARC marine, qui développe des solutions d’impression 3D de coraux artificiels en béton éco-responsables.

Les baleines capteuses de CO2
© Wirestock
En piégeant environ 33 tonnes de CO2 tout au long de leur vie  — plus de trente vols aller-retour Paris New-York —, les baleines sont des alliés de taille. En comparaison, un arbre stocke au maximum 20 kilos de CO2 par an. Les cétacés se nourrissent dans les profondeurs de l’océan et reviennent vers les eaux de surface pour déféquer. Ils y relâchent des nutriments, fertilisant le phytoplancton et absorbant le dioxyde de carbone. Au XIXe siècle, la découverte du pétrole avait permis l’arrêt de la chasse pour leur huile, servant à éclairer les foyers. Au XXIe siècle, le FMI envisage de créer des mécanismes financiers pour promouvoir la restauration de leurs populations. L’homme et la baleine, une vieille histoire.

 

Dans le golfe Persique, la mer la plus chaude du monde, la température de l’eau frôle les 36 degrés en été. Au Qatar, des scientifiques du département des sciences biologiques et environnementales restaurent les récifs coralliens. Une pépinière de coraux a été créée à partir d’échantillons issus de colonies originelles, pour être élevés puis réimplantés dans les récifs dégradés. « Nous sommes malheureusement arrivés au stade, où on ne peut plus se contenter de croire que si la nature suit son cours, elle se rétablira naturellement », souligne Pedro Range, professeur assistant de recherche de l’Environmental Science Center de Doha, interviewé par nos confrères d’Euronews.

Cartographier la mangrove

Une autre barrière naturelle : les mangroves. Anciennes plantes côtières, les mangroves poussent en partie dans l’eau salée et prospèrent dans les climats chauds du globe. Mais en seulement 20 ans, plus de 35 % auraient disparu selon WWF. Leur restauration présente d’autres bénéfices tels que la séquestration du carbone et la fourniture d’habitats naturels aux espèces en danger. Les « forêts de mer rendent service à l’homme », précise François Fromard, directeur de recherche émérite au CNRS au Figaro, « Elles accroissent la richesse en population de poissons, freinent l’érosion côtière, retiennent les sédiments et jouent aussi un rôle en tant que puits de carbone ».

« La replantation de mangrove n’est pas aussi efficace que son repos »

© Ifremer Sextant

En Indonésie, le pays possédant la plus large étendue de mangroves au monde, le ministère des Affaires Maritimes et des Pêches a lancé le programme Infrastructure development of space oceanography (INDESO). En se basant sur les travaux de l’Institut de Recherche et de Développement (IRD), des outils d’observation satellite sont utilisés pour scruter la mangrove, tout en accompagnant le développement durable de l’aquaculture. Les scientifiques ont ainsi pu observer que « la replantation de mangrove n’est pas aussi efficace que son repos ». Les digues des étangs, utilisées pour l’élevage de crevettes, entravent le processus naturel des marées. Ces dernières permettaient la distribution des nutriments nécessaires à la croissance des mangroves.

Une pêche plus ciblée

L’élevage de crevettes n’est pas la seule activité commerciale bousculée. Au-delà de la pêche traditionnelle, la pêche au chalut demeure la principale source de déstabilisation des espèces animales. Chaque année, 4,9 millions de km² seraient raclés par les navires, soit 1,3 % de la surface océanique.

Cette pratique entraînerait la libération de 600 à 1 500 millions de tonnes de CO2 par an. Selon une nouvelle étude de Nature, une des solution serait une meilleure planification spatiale, définissant les zones chalutables, leur intensité et… les espèces pêchées. « Il suffirait ainsi de protéger 3,6 % de l’océan pour éliminer 90 % du risque de perturbation du carbone sédimentaire », affirment les auteurs.

Un chalut intelligent à Lorient
© Julien Simon / Ifremer
Le quart des captures marines totales — 20 millions de tonnes —, est rejeté en mer ou ramené à quai non exploitées, selon l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Pour trier le poisson avant de le remonter à bord des bateaux, l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer) teste à Lorient des chaluts « intelligents ». « En fonction de la présence d’espèces ciblées ou non, le chalut va se mettre en mode “pêche” ou en mode “vol”, afin d’éviter d’avoir un impact sur les fonds marins », explique Julien Simon, du Laboratoire de technologie et biologie halieutique de l’Ifremer, auprès de l’AFP. Le chalut intelligent baptisé Game of Trawls, est doté de caméras, de capteurs et de puissants logiciels d’analyse. Ce dispositif permet d’informer le pêcheur, en temps réel, des espèces capturées, d’actionner un dispositif d’échappement — trappe de déviation, flash lumineux, signaux acoustique — ou encore de changer de zones de pêche.

 

Consommer responsable

De quoi repenser les pratiques du chalutage, déjà décrié en 1376 par le roi d’Angleterre Édouard III, réclamant l’interdiction de cette « nouvelle et destructive » méthode de pêche. En 2021 au Brésil, c’est Maya Gabeira, championne brésilienne de surf, qui a lancé une pétition pour empêcher le chalutage, signée par 150 000 personnes. « Il faut respecter l’océan car c’est lui le patron ! » partage-t-elle dans Nice Matin. Deux époques différentes. Deux voix unies contre la pêche industrielle.

© MSC

Ces démarches citoyennes sont incarnées dans la création de nouveaux labels afin d’aiguiller le consommateur vers une pêche plus durable. Par exemple, le label Marine Stewardship Council (MSC) s’appuie sur trois piliers décrits par Sparknews : s’assurer d’abord que le type de poisson ciblé est en bonne santé, puis que l’utilisation de l’engin de pêche n’a pas d’impact négatif sur l’écosystème, et vérifier enfin que les réglementations sont fiables, transparentes et basées sur des avis scientifiques. Un label source de revenus. Huit Français sur dix estiment que la sauvegarde des océans passe par une consommation de produits de la mer durables. 

Selon la FAO, la consommation mondiale de poisson a bondi de 122 % par rapport à 1990

Le commerce du poisson est juteux. Selon la FAO, la consommation globale a bondi de 122 % par rapport à 1990. Un Français mange en moyenne 34 kg par an — contre une moyenne de 20,5 kg dans le monde. Son principal relais de croissance ? L’aquaculture. L’activité économique a augmenté de 527 % depuis 1990. Elle fournit désormais 52 % des poissons consommés par les humains.

L’aquaculture naît à peine qu’elle se réinvente. 20 à 30% des espèces pêchées servant à en nourrir d’autres, l’entreprise française InnovaFeed a créé une protéine à base d’insectes. Concrètement, les truites d’élevage commercialisées dans certains magasins sont nourries avec cette nouvelle farine atypique.

© Adobe Stock

Nettoyer le septième continent 

Un autre chantier met au défi « l’économie bleue » : la gestion durable du plastique. La quantité de plastique dans les océans devrait presque tripler pour atteindre 29 millions de tonnes par an d’ici 2040, selon les Pew Charitable Trusts. « Néanmoins des mesures immédiates pourraient la réduire de plus de 80 % », précisent les experts Simon Reddy et Winnie Lau. En 2020, seuls 9 % de tous les déchets plastiques produits ont été recyclés.

Une barrière flottante autonome pour capturer les déchets
Dans le Pacifique, le « Vortex de déchets » mesure trois fois la taille de la France. Souhaitant s’attaquer à ce monstre, l’association The Ocean Cleanup a imaginé un système ingénieux : une barrière flottante autonome pour capturer les déchets. Après un premier essai avorté au large de San Francisco en 2019, l’ONG retente l’expérience avec succès en 2021. Le Jenny System 002, composé d’un filet de 800 à 900 mètres — opérant sur 3 mètres de profondeur et 520 mètres de large — collecte les déchets, tracté par deux bateaux à 1,5 nœud. « Le challenge pour Jenny, c’est d’identifier les zones de grande concentration de déchets, souligne Boyan Slat, le créateur de The Ocean Cleanup à SoGood, Jenny réceptionne à 99 % du plastique, ce qui montre qu’elle laisse bien passer les animaux marins ».

En France, l’objectif du gouvernement est de sortir du plastique jetable d’ici à 2040

L’entrepreneur a lancé un large débat sur le plastique. Dans le numéro spécial de SoGood consacré à “Qui sauvera le grand bleu ?”, Boyan Slat dénonce les raccourcis : « Je veux trouver des solutions qui fonctionnent. Certains pays veulent interdire le plastique mais finalement qu’est-ce qu’on interdit ? Les pailles, les gobelets, etc. Le plastique a un rôle dans la société notamment pour l’accès à l’eau et la médecine. Interdire le plastique serait simpliste ». En France, l’objectif du gouvernement est désormais de sortir du plastique jetable d’ici à 2040.

Algues miraculeuses

Si le monde a besoin de plastiques… autant le fabriquer à partir de l’océan. L’entreprise Algopack commercialise depuis 2010 le premier plastique bio-sourcé entièrement à base d’algues brunes. Seul inconvénient de l’utilisation d’algues : la légère odeur accompagnant le plastique. Côté pétrole, les algocarburants apparaissent comme des agrocarburants d’avenir, prenant 20 à 30 fois moins de place que leurs confrères. Le directeur adjoint du pôle de compétitivité Pôle Mer Bretagne Stéphane-Alain Riou explique le fonctionnement des algocarburants dans YouMatter : « Pendant leur croissance, les algues accumulent de la graisse. Et c’est à partir de cette graisse que le carburant est fabriqué ».

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« Dans un avenir proche, nous traiterons un grand nombre des maladies actuelles grâce aux nombreuses molécules issues de l’océan »

Les organismes marins sont utilisés pour de nombreuses applications au-delà des produits pharmaceutiques. Au sein de l’Union européenne, le marché de la biotechnologie bleue pourrait atteindre une valeur d’environ 10 milliards d’euros à la fin de la décennie. « Je crois que dans un avenir proche, nous disposerons de très nombreuses molécules issues des océans, qui permettront de traiter un grand nombre de nos maladies actuelles, souligne Vítor Manuel Oliveira Vasconcelos, directeur du Centro Interdisciplinar de Investigação Marinha e Ambiental (CIIMAR), à YouMatter. « Les océans ont donné la vie ; les océans peuvent aussi préserver la vie » conclut-il.

Nouveau danger : le lithium

Au cœur de la transition énergétique, le lithium est un composant clé pour faire fonctionner les batteries des véhicules électriques. Sa production mondiale a déjà triplé entre 2010 et aujourd’hui. Un engouement économique non sans conséquences écologiques. Des chercheurs français et coréens ont analysé la teneur en lithium des eaux du fleuve Han à Séoul. 100 % du lithium dans les eaux urbaines de la mégalopole proviendraient de sources humaines. Pour Nathalie Vigier, océanographe à l’Institut de la Mer de Villefranche-sur-Mer, « cet enrichissement est essentiellement dû à l’apport d’eaux usées, concentrées en lithium, mais aussi à l’inefficacité des protocoles d’épuration vis-à-vis du lithium ».

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À chaque nouvelle promesse, un nouveau défi. Le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) a imaginé un schéma d’économie circulaire dédié aux batteries électriques. Pour s’y tenir, les constructeurs doivent anticiper le démantèlement des batteries dès leur conception, récupérer les batteries en fin de “première vie”, ou opérer une séparation chimique poussée des composants lors de la phase de recyclage. Renault, Veolia et Solvay vont par exemple créer une usine pilote en France pour recycler en boucle fermée les métaux contenus dans les batteries.

Pédagogie sur l’océan

Associations, entreprises, scientifiques, collectivités, États, citoyens, les acteurs ne manquent pas pour répondre aux défis de la « décennie des océans ». Le nouvel enjeu après une première phase de bêta test ? Croiser les connaissances acquises. Dans le cadre des Festives — un festival scientifique de Sorbonnes Université — Lars Stemmann, enseignant chercheur à l’observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer, prône une « littératie » de l’océan : « Le plongeur va voir les fonds marins, la faune et la flore, l’industriel va chercher les nodules polymétalliques (N.D.L.R. De potentielles sources de métaux), le climatologue va y déceler une énorme machine thermique. Néanmoins, très peu de personnes ont une culture générale permettant de comprendre comment ces différents éléments sont connectés entre eux ». 

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C’est avec ce même constat que les Nations unies se donnent jusqu’à fin 2030 pour enrichir les connaissances maritimes mondiales, et mettre au point des solutions durables pour survivre et vivre… avec les océans.

Antoine de Seigneurens