Un nouveau gouvernement a été annoncé ce jeudi 11 février après-midi. Il marque l’arrivée de la patronne des Verts Emmanuelle Cosse ainsi que de l’ex Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Revivez avec nous le live des évènements.
Remaniement : beaucoup de bruit, pas de vraie stratégie
Le départ de Laurent Fabius vers la présidence du Conseil constitutionnel, acté ce matin, entraînera logiquement un remaniement ministériel. Depuis une dizaine de jours, beaucoup de noms ont été avancés dans les médias pour désigner les futurs ministres, sans que le flou ne soit levé. Que nous apprennent ces noms sur la stratégie gouvernementale ? Décryptage.
Fin janvier, Bruno Le Roux, le patron des socialistes à l’Assemblée nationale, l’avait déjà annoncé : un remaniement aurait lieu dans les semaines à suivre. Ses propos étaient d’ailleurs corroborés par le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, qui annonçait le changement pour « après le 10 février ». Ce qui nous amène donc à … tout de suite après.
Le départ de Laurent Fabius du ministère des Affaires étrangères étant un secret de polichinelle, les spéculations sur le nom de son remplaçant au Quai d’Orsay sont allées et vont encore bon train. Outre Laurent Fabius, Sylvia Pinel, actuelle ministre du Logement, a fait part de son souhait de quitter le gouvernement très bientôt pour se concentrer pleinement sur son nouveau rôle de vice-présidente de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Deux places à prendre, donc, et beaucoup de bruit. Pour rien ? Peut-être, car les refus essuyés par François Hollande pourraient bien faire de ce remaniement un classique jeu des chaises musicales, et donner un gouvernement dénué d’ancrage stratégique.
- Ségolène Royal : l’hypothèse la plus probable pour le Quai d’Orsay ?
Le nom de l’actuelle ministre de l’Écologie est peut être celui qui a le plus circulé. Et non sans raison : grâce à son poste, elle est beaucoup intervenue sur la scène internationale, rencontrant de nombreux chefs d’États importants. La ministre a gagné une véritable stature internationale en quelques années, qui lui donne la crédibilité pour le rôle. Encore proche de François Hollande, loyale, sa nomination permettrait de s’assurer de la continuité de la présence de pro-gouvernements au sein de l’exécutif.
Pourtant, Ségolène Royal n’a pas tout à fait le profil : réputée pour son caractère entier, elle n’est pas vraiment ce que l’on qualifie de « diplomate ». L’incident diplomatique tout juste évité après sa sortie sur Nutella en est la preuve la plus récente.
Pas de précipitation tout de même : dans les colonnes de Challenges, Nicolas Domenach raconte « l’union sacrée contre Ségolène Royal ». Diplomates et politiques lui reprocheraient, entre autres, d’être une femme (!) et une grande gueule un peu potiche. Rien n’est joué, donc.
- Martine Aubry : un poids lourd à la gauche de la gauche
« J’ai cru à un gag », aurait dit la maire de Lille au quotidien La Voix du Nord. Non, elle n’a pas demandé à faire parti du gouvernement, et non, elle n’y entrera pas, malgré les informations que délivrait Le Parisien en début de semaine. Sa nomination à la tête du Quai d’Orsay n’aurait pourtant pas déplu à Laurent Fabius. En décembre 2014, alors que tous deux participaient à une conférence de presse, il avait déclaré : « Martine est une amie de longue date. Sur la politique internationale, il n’y a aucune différence d’approche. » Sur la politique internationale, peut-être, mais la maire PS de Lille n’a pas caché son désaccord avec la politique menée par le chef de l’État. Récemment, elle s’est déclarée hostile à la déchéance de nationalité, dénonçant une mesure qui divise et qui porte atteinte au principe d’égalité.
Il reste que Martine Aubry, qui représente encore pour beaucoup la gauche de la gauche à l’heure où la ligne socialiste est battue en brèche par le gouvernement, pourrait justement permettre un recentrage. Après le départ de Christiane Taubira, le gouvernement actuel est orphelin d’une personnalité forte ancrée à la gauche de la gauche. Martine Aubry aurait donc pu logiquement remplir ce rôle.
- Placé, Pompili, De Rugy et Baylet : miser sur l’ouverture
En plein procès Cahuzac, le timing n’aurait pû être meilleur : la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP), chargée de passer au peigne fin les déclarations fiscales des futurs ministres et élus, aurait reçu de la bouche du Président l’ordre d’inspecter les finances d’un certain nombre de personnes, non communiqué par l’organisme. Si les noms, eux non plus, n’ont pas été divulgués, Delphine Gouédard, chef adjointe du service politique d’iTélé, annonce sur Twitter que les noms de Barbara Pompili, Jean-Vincent Placé, Emmanuelle Cosse et Jean-Michel Baylet ont été transmis par l’Elysée à la HATVP.
L’Elysée a notamment transmis les noms de @barbarapompili @JVPlace @emmacosse et @JMBaylet à la @HATVP #Info @itele
— Delphine Gouédard (@delphinegouedar) 9 Février 2016
Point commun de ces personnalités : elles se situent toutes plus à gauche que le gouvernement. La preuve de l’intérêt de François Hollande pour une ouverture de son gouvernement. A un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, et alors que de nombreuses voix à gauche s’élèvent pour qu’une primaire soit mise en place, le chef de l’État a plutôt intérêt à donner des gages à l’aile gauche en lui ouvrant la porte du gouvernement.
Trois des quatre noms cités sont des écologistes. Emmanuelle Cosse, patronne d’EELV, est peut-être la plus improbable. Cette écologiste n’est pas pro-gouvernement, et sa nomination, si elle constituerait une belle prise pour François Hollande, serait nécessairement soumise à condition. On pense notamment à l’arrêt du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Pour Emmanuelle Cosse, entrer au gouvernement serait pourtant une prise de risque énorme. Déjà mise à mal par les nombreux départs dans son parti, elle risque le désaveu de ceux qui lui sont restés fidèles. Barbara Pompili, qui a quitté les Verts justement fin septembre, serait peut-être plus pratique pour François Hollande. Plus à gauche que le gouvernement, elle serait une caution d’ouverture qui ne nécessiterait a priori pas de contreparties. Mais la députée de la Somme a voté contre la déchéance de nationalité, affichant ainsi son opposition à la politique gouvernementale.
Parmi les frondeurs d’EELV restent Jean-Vincent Placé et François de Rugy. Le nom du second n’a a priori pas été évoqué, mais il a exprimé mardi 9 février son souhait que le remaniement « soit un remaniement d’élargissement », qui pourrait donc inclure les écologistes. Jean-Vincent Placé a lui aussi proposé ses services à l’Élysée. Lundi 8 février, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement a indiqué que « des écologistes authentiques » avaient leur place au gouvernement.
Quant à Jean-Michel Baylet, sa nomination au sein de l’exécutif ne fait que peu de doutes. Le président des radicaux de gauche remplacerait le départ de Sylvia Pinel. Les rumeurs annoncent qu’il voudrait un grand ministère, et d’aucuns pensent qu’il récoltera l’Agriculture, Stéphane Le Foll souhaitant en effet s’en écarter.
- Nicolas Hulot : le choix de la popularité
Arrivé en tête du sondage Ifop pour le JDD le 31 janvier dernier sur les personnalités politiques préférées des français, Nicolas Hulot a tapé dans l’œil des Français. La moitié des sondés veulent le voir jouer un rôle de premier plan au cours des prochaines années, et leur appel semblait avoir été entendu par François Hollande. Proche du président, l’écologiste avait été reçu mercredi dernier à l’Élysée. Il se serait vu promettre le poste de Ségolène Royal, qui inclut, outre l’écologie, l’énergie et les transports. Battu à plate couture par Eva Joly à la primaire écologiste en 2011, Nicolas Hulot a décidé de s’écarter de la politique politicienne, si présente en période pré-électorale. Sur Twitter, il a annoncé son refus d’entrer au gouvernement. Dommage, car l’ancien envoyé spécial de l’État pour la protection de la planète aurait pu être un choix rassembleur.
Nicolas Hulot n’entrera pas au gouvernement. Il remercie le Président de la confiance qu’il n’a cessé de lui accorder.
— Nicolas Hulot (@N_Hulot) 4 Février 2016
- Elisabeth Guigou : le choix de Laurent Fabius
La présidente de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée Nationale a les faveurs du ministre sortant. Compétente, spécialiste des affaires européennes (elle a longtemps ambitionné un poste à Bruxelles), elle est clairement taillée pour le rôle. En outre, François Hollande a besoin de rétablir la parité au sein de son gouvernement. Seul problème : si près de l’élection présidentielle, le chef de l’État a besoin d’un gouvernement de campagne. Hors Elisabeth Guigou, 69 ans, n’est plus vraiment dans le jeu politique.
- Ayrault et Fekl : relancer l’amitié franco-allemande
Les deux hommes partagent un point commun : ils sont germanophones et maitrisent la culture allemande. Un vrai point fort pour atterrir au Quai d’Orsay et un bénéfice considérable pour la relation franco-allemande. Jean-Marc Ayrault serait le plus à même des deux à enfiler les habits de ministre des Affaires Étrangères, lui qui a déjà connu les arcanes du pouvoir en tant que Premier ministre. Matthias Felk, secrétaire d’État au Commerce extérieur, a certes la cote chez les diplomates de Berlin, mais il est encore jeune (38 ans) et totalement inconnu du grand public. Un manque d’expérience qui le place donc plutôt dans la peau d’un outsider.
Lisa Boudet
Révision constitutionnelle : les échéances à venir
La déchéance de nationalité a été adoptée par les députés à une courte majorité mardi 9 février au soir. Mais la réforme constitutionnelle devra encore passer plusieurs étapes pour être définitivement adoptée.
Les débats étaient vifs mardi soir à l’Assemblée. L’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution a finalement été adoptée par les députés, avec 162 voix pour et 142 contre. Parmi les opposants se trouvaient 92 socialistes, chiffre qui témoigne des controverses soulevées par ce texte. Mais rien n’atteste que cet article 2 du projet de loi constitutionnelle entrera un jour en vigueur. Plusieurs échéances pourraient encore tuer dans l’œuf la mesure contestée qui, tout comme le régime d’exception de l’état d’urgence, fait partie du projet de loi de révision de la Constitution.
- Étape 1 : vote du projet de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale
Les députés sont appelés ce mercredi 10 février, dans l’après-midi, à se prononcer sur le projet de loi constitutionnelle. L’article 1er, concernant l’état d’urgence, ainsi que l’article 2 sur la déchéance de nationalité ont déjà été adoptés. Le texte doit désormais être étudié dans son ensemble. L’issue du vote est encore incertaine, bien qu’une adoption semble être l’hypothèse la plus probable. Un refus marquerait l’abandon immédiat du projet.
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- Étape 2 : vote du Sénat
Si le texte est adopté, le Sénat l’étudiera à son tour dans un délai minimal de quatre semaines. Le projet doit impérativement être entériné dans les mêmes termes par les deux assemblées. Cette étape est indispensable pour que le Parlement soit ensuite réuni en Congrès. Mais avec une majorité de droite, tout laisse à penser que l’ambiance sera tendue au perchoir. D’autant que, pour que l’article 2 soit validé par l’Assemblée nationale, le texte a dû être retoqué en supprimant la référence à la binationalité. Or, Les Républicains étaient opposés à cette modification susceptible de créer des apatrides. Cette étape pourrait donc bien marquer l’enterrement final du projet.
- Étape 3 : nouveau Congrès à Versailles
Dernière étape et pas des moindres, les deux chambres du Parlement doivent être réunies lors d’un nouveau Congrès de Versailles. Une majorité des trois cinquièmes est nécessaire pour valider la révision constitutionnelle. À nouveau, les chiffres jouent contre l’exécutif qui ne dispose pas d’une majorité solide et dont les divisions internes annoncent un échec quasi-inévitable.
Laura Daniel
Assemblée nationale : les absents ont parfois raison
Ce lundi 8 février vers 22h, l’Assemblée nationale a voté la constitutionnalisation de l’état d’urgence avec 103 votes pour seulement. Au-delà du contenu du texte, hautement symbolique à moins de quatre mois des attentats du 13 novembre, c’est l’image d’un hémicycle vide aux trois-quarts qui interroge. Mais alors, où étaient les députés ?
Des chaises (très) majoritairement vides pour un article aussi crucial. La scène interpelle forcément. Or, ce n’est pas la première fois que l’absentéisme des députés est pointé du doigt. En avril dernier, à l’occasion du vote de la loi, elle aussi très polémique, sur le renseignement, une trentaine de députés seulement avaient répondu présents. Dans un cas comme dans l’autre, certains avaient de bonnes raisons de sécher la séance. Explications.
Les textes sont modifiés en commission
L’absentéisme ne date pas d’hier. La principale raison est simple : les députés cumulent souvent les mandats électifs. Mais ce qui est relativement nouveau, et n’arrange pas franchement les choses, c’est la réforme de 2008. Depuis cette date, tous les textes examinés en séance sont préalablement adoptés par la commission. En clair, aucune modification de texte n’est possible en séance, qui devient donc souvent un bis repetita des débats de la commission. La « discussion générale », censée ouvrir chaque débat de texte est la phase la plus boudée par les députés puisqu’elle consiste en un exposé de 5 à 10 minutes (et qui peut durer des heures) du point de vue de l’orateur qui est à la tribune. Or, il s’agit souvent d’arguments moult fois rabâchés en commission et résumés, avec un succès relatif, dans les médias. Surtout, cette phase laborieuse de présentation ne permet pas de débattre. Quid de la phase du vote ? Bien que plus rempli, l’hémicycle n’affiche pas pour autant complet, surtout quand les débats ont lieu tard le soir, comme dans le cas de la constitutionnalisation de l’état d’urgence. Là où il y a foule, c’est surtout pour les « votes solennels » de l’ensemble des textes qui ont lieu le mardi et qui sont les plus importants pour l’adoption finale. Le fait est que seul l’absentéisme lors des « votes solennels » peut donner lieu à une « punition ». Si un député est présent à moins des deux tiers de ces votes, il peut se voir privé d’un tiers de son indemnité de fonction pour une durée égale à celle de la session.
Les députés ont une vie… de députés
Le travail en séance est loin d’être la seule prérogative des députés français. Il sont, en effet, tous tenus de siéger dans l’une des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale : affaires culturelles et éducation, affaires économiques, affaires étrangères, affaires sociales, défense, développement durable, finances, lois auxquelles s’ajoutent la commission des affaires européennes. Et tous tenus d’assister aux réunions de ces commissions qui ont lieu le mercredi matin pour examiner des textes ou mener des auditions. En plus de ces tables rondes, les députés participent à des commissions d’enquêtes et des missions d’information. A titre individuel, les élus planchent régulièrement sur des dossiers qui débouchent parfois sur des rapports et peuvent siéger dans divers offices parlementaires et groupes d’amitié. Dernière prérogative et pas des moindres, ils doivent régulièrement se rendre dans leur circonscription afin d’y tenir des permanences et d’y rencontrer leurs administrés. Ce qui implique donc des allers-retours et autant de temps passé hors de l’Assemblée.
Rania Berrada