Assemblée nationale : les absents ont parfois raison

Ce lundi 8 février vers 22h, l’Assemblée nationale a voté la constitutionnalisation de l’état d’urgence avec 103 votes pour seulement. Au-delà du contenu du texte, hautement symbolique à moins de quatre mois des attentats du 13 novembre, c’est l’image d’un hémicycle vide aux trois-quarts qui interroge. Mais alors, où étaient les députés ?

Hémicycle vide 22 juillet 2015 / AFP / JOEL SAGET
Hémicycle vide 22 juillet 2015 / AFP / JOEL SAGET

Des chaises (très) majoritairement vides pour un article aussi crucial. La scène interpelle forcément. Or, ce n’est pas la première fois que l’absentéisme des députés est pointé du doigt. En avril dernier, à l’occasion du vote de la loi, elle aussi très polémique, sur le renseignement, une trentaine de députés seulement avaient répondu présents. Dans un cas comme dans l’autre, certains avaient de bonnes raisons de sécher la séance. Explications.

Les textes sont modifiés en commission

L’absentéisme ne date pas d’hier. La principale raison est simple : les députés cumulent souvent les mandats électifs. Mais ce qui est relativement nouveau, et n’arrange pas franchement les choses, c’est la réforme de 2008. Depuis cette date, tous les textes examinés en séance sont préalablement adoptés par la commission. En clair, aucune modification de texte n’est possible en séance, qui devient donc souvent un bis repetita des débats de la commission. La « discussion générale », censée ouvrir chaque débat de texte est la phase la plus boudée par les députés puisqu’elle consiste en un exposé de 5 à 10 minutes (et qui peut durer des heures) du point de vue de l’orateur qui est à la tribune. Or, il s’agit souvent d’arguments moult fois rabâchés en commission et résumés, avec un succès relatif, dans les médias. Surtout, cette phase laborieuse de présentation ne permet pas de débattre. Quid de la phase du vote ? Bien que plus rempli, l’hémicycle n’affiche pas pour autant complet, surtout quand les débats ont lieu tard le soir, comme dans le cas de la constitutionnalisation de l’état d’urgence. Là où il y a foule, c’est surtout pour les « votes solennels » de l’ensemble des textes qui ont lieu le mardi et qui sont les plus importants pour l’adoption finale. Le fait est que seul l’absentéisme lors des « votes solennels » peut donner lieu à une « punition ». Si un député est présent à moins des deux tiers de ces votes, il peut se voir privé d’un tiers de son indemnité de fonction pour une durée égale à celle de la session.

Les députés ont une vie… de députés

Le travail en séance est loin d’être la seule prérogative des députés français. Il sont, en effet, tous tenus de siéger dans l’une des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale : affaires culturelles et éducation, affaires économiques, affaires étrangères, affaires sociales, défense, développement durable, finances, lois auxquelles s’ajoutent la commission des affaires européennes. Et tous tenus d’assister aux réunions de ces commissions qui ont lieu le mercredi matin pour examiner des textes ou mener des auditions. En plus de ces tables rondes, les députés participent à des commissions d’enquêtes et des missions d’information. A titre individuel, les élus planchent régulièrement sur des dossiers qui débouchent parfois sur des rapports et peuvent siéger dans divers offices parlementaires et groupes d’amitié. Dernière prérogative et pas des moindres, ils doivent régulièrement se rendre dans leur circonscription afin d’y tenir des permanences et d’y rencontrer leurs administrés. Ce qui implique donc des allers-retours et autant de temps passé hors de l’Assemblée.

Rania Berrada

Votre élu a-t-il voté hier soir à l’Assemblée ? Probablement pas

French Prime Minister's councillor Yves Colmou attends a debate at the National Assembly in Paris on February 8, 2016. France's lawmakers have begun debating constitutional changes allowing for dual nationals to lose their French citizenship in terrorism cases and enshrining in the text controversial measures put in place after the November attacks in Paris. / AFP / JACQUES DEMARTHON
AFP / JACQUES DEMARTHON

Inscrire ou non l’état d’urgence dans la Constitution ? Voilà la question à laquelle les députés devaient répondre hier soir. Si le sujet avait suscité de vives débats, son vote ne s’est pas fait dans le plus grand fracas. Peu de députés se sont déplacés pour donner leur avis. Seuls 136 députés sur 577 se sont rendus à la séance de vote public à l’Assemblée.  

Un hémicycle aux trois quarts vide pour un vote pourtant primordial. C’est l’image qui restera gravée dans les mémoires, au lendemain du vote sur le projet de révision constitutionnelle. Les députés ont en grande majorité boudé le vote : au total, pas moins de 441 absents, de droite comme de gauche. Seul 5% des Républicains étaient présents hier soir quand le vote a lieu contre plus de 55% des écologistes.

Capture d’écran 2016-02-09 à 16.37.10

Une absence des Républicains qui a profité à la gauche puisque le projet, proposé par Manuel Valls, a été voté à 103 voix pour, 26 contre et 7 abstentions. L’état d’urgence devrait donc rentrer dans la constitution dans quelques mois, si le Sénat et le Congrès le valident également. C’est donc dans un Palais-Bourbon vide de ses occupants que l’article 1 de ce projet a été validé. Un « scandale » pour les internautes, qui ont manifesté ce matin leur mécontentement sur les réseaux sociaux.

 

 

Dans certains départements, comme le Gard, la Corrèze, l’Eure, ou le Var, aucun élus ne s’est déplacé pour voter. Des électeurs n’ont donc tout bonnement pas été représenté, bien que l’état d’urgence concerne la vie quotidienne de millions de Français. D’autres départements font figure de bon élève : les deux députés PS du Gers ont voté hier soir, tout comme la majorité des élus de l’Yonne, du Lot-et-Garonne et des Deux-Sèvres.

 

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les élus des circonscriptions les plus proches de l’Assemblée qui se sont exprimés hier. Seul un député (Sébastien Pietrasanta, PS) des Hauts-de-Seine sur treize était présent dans hémicycle, contre seulement 9 des 17 députés parisiens. Alors que 2 des 3 élus du Lot-et-Garonne se sont déplacés pour voter hier, à 700 kilomètres de leur circonscription.

Un taux d’absentéisme fort malgré les sanctions qui pèsent sur les députés en cas de non-présence. Depuis 2009, l’article 42 de son règlement prévoit une retenue sur l’indemnité de fonction des députés qui ne sont pas assez présents aux travaux des commissions permanentes le mercredi matin. Cette disposition est venue renforcer l’article 159 qui prévoit depuis 1994 une autre sanction. Mais ces deux articles n’ont, à ce jour, encore jamais appliqués.

Nivin POTROS.

Laurent Fabius bientôt au Conseil constitutionnel ?

Laurent Fabius pourrait bien siéger prochainement au Palais Royal. Crédit photo: AFP FREDERICK FLORIN
Laurent Fabius pourrait bien siéger prochainement au Palais Royal. Crédit photo: AFP FREDERICK FLORIN

Le ministre des Affaires étrangères devrait quitter ses fonctions actuelles pour s’installer dans le fauteuil de président des Sages.

Nos confrères de RTL l’ont annoncé ce mardi midi : Laurent Fabius serait sur le départ. Selon la radio, le président François Hollande l’aurait en effet choisi pour présider le Conseil constitutionnel. Si cela venait à se réaliser, le ministre des Affaires étrangères prendrait la place de l’actuel président Jean-Louis Debré, dont le mandat arrive à échéance le 4 mars, et ce pour une durée de 9 ans. Le Conseil constitutionnel se compose de neuf membres, chacun élu pour neuf ans, et il se renouvelle d’un tiers tous les trois ans. Les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat doivent également présenter un candidat à l’entrée dans le Conseil des Sages. Claude Bartolone a choisi Corinne Luquiens, actuellement secrétaire générale de la chambre basse. De son côté, Gérard Larcher, le président du Sénat, annoncera son ou sa candidat(e) au même moment que François Hollande.

En cas de désignation de Laurent Fabius, la place au Quai d’Orsay serait vacante. Plusieurs noms ont déjà été avancés pour le remplacer. Le plus récent est celui de Martine Aubry, ce matin-même. La maire PS de Lille s’est empressée de démentir l’information. Avant elle, c’est Ségolène Royal qui fut un temps pressentie, de même que Jack Lang, Hubert Védrine, ou encore Elizabeth Guigou.

L’identité de ce remplaçant mystère devrait être révélée demain. Le départ de Laurent Fabius occasionnerait alors un remaniement ministériel. Une thèse corroborée par la soumission de quatre noms par François Hollande à la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique, institution chargée de passer au peigne fin les patrimoines des futurs élus ou … ministres.

 

 

 

 

Remaniement : Non, Martine Aubry n’a pas tenté de séduire François Hollande

Martine Aubry, le 23 septembre 2015 à Lille. AFP PHOTO / DENIS CHARLET / AFP / DENIS CHARLET
Martine Aubry, le 23 septembre 2015 à Lille. AFP PHOTO / DENIS CHARLET / AFP / DENIS CHARLET

Dans un article publié mardi 9 février, Le Parisien révèle que Martine Aubry souhaiterait profiter du futur remaniement pour prendre la tête du ministère des Affaires étrangères, et qu’elle en aurait discrètement parlé au président de la République. Des informations démenties avec véhémence par la maire de Lille, qui réaffirme son désintérêt pour un travail au gouvernement. 

« J’ai cru à un gag. » C’est en ces termes que Martine Aubry s’est exprimée à La Voix du Nord concernant un article du Parisien, selon lequel elle aurait demandé à François Hollande de lui réserver une place au sein du nouveau gouvernement. Alors que l’Elysée prépare un remaniement en procédant à des vérifications fiscales, le quotidien régional affirme dans un article publié le mardi 9 février que la maire de Lille aurait « fait savoir discrètement à François Hollande qu’elle serait intéressée par le ministère des Affaires étrangères. »

« Je viens de lire l’article du Parisien annonçant que j’aurais fait des offres de service pour être ministre des Affaires étrangères […]. Je n’ai jamais rien demandé dans ma vie. Je ne vais pas commencer maintenant. »

Dans son long papier, Le Parisien analyse les raisons pour lesquelles Martine Aubry aurait décidé de se rapprocher du président de la République, notamment l’échec du PS aux régionales et la nécessité de contrer la politique droitiste de Manuel Valls. Autant d’arguments qui ne semblent pas avoir convaincu la principale intéressée. Difficile de démêler le vrai du faux, mais concernant une potentielle entrée au gouvernement, Martine Aubry reste catégorique : « j’ai déjà dit, et je le redis, que je ne le souhaite pas. »

Benjamin Pierret