Présidence des Républicains, une élection sans suspense ?

Quatre candidats ont finalement déposé leurs parrainages pour postuler à l’élection de la présidence des Républicains. Mais rien ne semble faire obstacle à la victoire de Laurent Wauquiez.

Laurent Wauquiez. AFP (c) Joel Saget
Laurent Wauquiez. AFP (c) Joel Saget

Il aura de la concurrence. Ce mercredi 10 octobre, Florence Portelli maire de Taverny (Val d’Oise), Maël de Calan (conseiller départemental du Finistère) et Daniel Fasquelle, député du Pas-de-Calais, sont venus comme Laurent Wauquiez, déposer leurs parrainages à la Haute Autorité du parti. Tous affirment avoir rassemblés les signatures de 2 347 adhérents et de 13 parlementaires nécessaires pour être candidats à la présidence. L’élection aura lieu les 10 et 17 décembre, lors du congrès des Républicains.

La présence de challengers va-t-il compliquer la tâche du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes? Rien n’est moins sûr. Laurent Wauquiez, ancien ministre de Nicolas Sarkozy bénéficie d’une plus grande notoriété que les autres candidats. « Il a aujourd’hui une assise. Il bénéficie du soutien du plus grand nombre de militants« , explique Jean-Daniel Lévy à CelsaLab, président du département politique et opinion de Harris Interactive. »Les électeurs de droite souhaitent voir à la tête du parti une forte personnalité et il incarne cela« , ajoute-t-il.

Une proximité avec les sympathisants de droite qu’il doit notamment à ses idées. Selon Thierry Mariani, soutien de Laurent Wauquiez, l’ambassadeur de la droite dure est proche « de ce que pensent le plus grand nombre d’adhérents Les Républicains (LR). Ils pensent que la droite n’a jamais été assez à droite. Étant le seul sur ce créneau-là, c’est lui qui a le plus de chance de gagner« , juge Thierry Mariani à CelsaLab.

Le seul à avoir l’envergure du chef

Contrairement aux autres candidats, Laurent Wauquiez bénéficie également du soutien de nombreux poids lourds des Républicains. Parmi lesquels Rachida Dati, ancienne ministre de la Justice, Eric Woerth, qui a été ministre de l’Economie, Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et Virginie Calmels, adjointe à la mairie de Bordeaux auprès d’Alain Juppé. « Cela renforce l’idée que c’est gagné d’avance« , estime Jean-Daniel Lévy.

En l’absence de concurrents ou encore d’une participation suffisante au scrutin, l’élection de Laurent Wauquiez pourrait sembler illégitime. Afin de crédibiliser cette élection, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes appelait fin septembre les adhérents et les parlementaires à parrainer d’autres candidats. « On a besoin qu’il y ait plusieurs candidats« , déclarait-il dans son discours lors de la fête de la Violette. Au public, à l’intérieur duquel se trouvait Daniel Fasquelle, il a ajouté : « Daniel mène une campagne respectueuse […] alors n’ayez pas de soucis, vous pouvez aussi parrainer Daniel et vous pouvez aussi me parrainer« .

L’honneur est sauf car Laurent Wauquiez n’est pas seul. Et pour Thierry Mariani, il n’est pas question de faire un procès en illégitimité car les personnes susceptibles de battre l’ancien ministre comme « les Valérie Pécresse, Xavier Bertrand n’ont pas voulu participer. Quand vous refusez de rentrer sur le terrain pour jouer un match vous ne pouvez pas dire que le match n’est pas bon« , martèle-t-il.

Un passage obligé pour Laurent Wauquiez

Cette élection serait donc jouée d’avance. Mais elle reste indispensable aux yeux des observateurs. « Laurent Wauquiez ne pouvait pas faire autrement« , juge Jean-Daniel Lévy. « Cela permet d’institutionnaliser un candidat, de choisir un chef« . Aux yeux de Thierry Mariani, le scrutin sera également le moyen de clarifier la ligne du parti : « Maël de Calan représente la ligne Juppé, à l’issue du vote on verra à mon avis qu’il ne pèse pas lourd au sein des Républicains« .

Elisa Centis

Que masque la déclaration d’Emmanuel Macron sur les réfugiés ?

En début de semaine, Emmanuel Macron s’est engagé à accueillir 10.000 réfugiés de plus d’ici 2019. Mais aussi, il souhaite rapprocher l’organisation de l’asile en France à celle de l’Allemagne. Une politique d’asile outre-rhin qui justement, change radicalement.

Emmanuel Macron, Ministre de l'économie, au forum économique de Davos. January 22, 2016. Michele Limina
Emmanuel Macron, Ministre de l’économie, au forum économique de Davos. January 22, 2016. Michele Limina

La décision est tombée, lundi 9 octobre: la Chancelière allemande, Angela Merkel, a finalement accepté de limiter à 200.000, par an, le nombre de demandeurs d’asile. Un engagement pris à la suite d’une réélection tendue, le 23 septembre, où son parti enregistre l’un de ses pires résultats (32,9%). Et surtout, c’est le résultat de la politique d’accueil des réfugiés menée jusqu’en 2015. Très généreuse par rapport au reste de l’Europe, elle conduit à l’accueil de plus d’un million de réfugiés en Allemagne. Une arrivée importante qui déclenche de fortes réactions de peur, ainsi que le rejet des réfugiés chez une partie de la population allemande.

Les modalités de ce rapprochement avec la politique d’asile de l’Allemagne demeurent floues

Une volonté de rapprochement des politiques d’asile qui interroge. D’une part, parce que les moyens engagés par l’Allemagne sont plus importants qu’en France. En 2016, le gouvernement allemand alloue 20 millions d’euros pour héberger et former les nouveaux arrivants (soit 4,2% de hausse des dépenses publiques). Sur la même année en France, le montant s’établit à 6 millions d’euros. D’autre part, parce que l’État fédéral a organisé l’accueil des réfugiés en accord avec les Länder. Une répartition qui fait que les États les moins peuplés, ou avec les populations les plus pauvres, reçoivent moins de demandeurs d’asile que les plus riches.

En 2016, le gouvernement allemand qualifie certains États comme « sûrs », à l’exemple du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, afin de faciliter l’expulsion des ressortissants de leurs territoires. Une modalité d’accueil dont semble vouloir s’inspirer la France. Peut-être que ce rapprochement des politiques d’asile va en réalité se faire sur une requalification des pays dits « sûrs ». D’ailleurs, le projet de loi de Gérard Collomb, évoqué le 7 octobre, ouvre une brèche dans le droit d’asile français. Il prévoit notamment qu’un demandeur d’asile pourra être renvoyé légalement vers un « pays tiers sûr » sans que son dossier n’ait été étudié par la France. La France qui  justement n’a pas encore dressé de liste de « pays sûrs ».

Julien Percheron

Raquel Garrido, à prendre ou à laisser

Crédit photo : Wikimedia
Crédit photo : Wikimedia

Son désir de rouge remonte à l’enfance. Deux jours après le coup d’Etat du 11 septembre 1973 au Chili, qui renversa le gouvernement du président Salvador Allende, les parents de Raquel Garrido, Guillermo et Maria-Eugenia, ainsi que ses oncles et tantes sont emprisonnés. En cause ? Leur appartenance à l’organisation d’extrême gauche : mouvement de la gauche révolutionnaire. Arrive ensuite ce qu’elle appelle une « vie d’errance et d’exil », partagée entre le Canada, la France, le Brésil, avant de retourner quelques temps au Chili. Dans son lycée international, elle mène sa carrière de « militante », puis rejoint SOS Racisme, où elle devient vice-présidente à 22 ans. De 1993 à 2008, elle milite au Parti Socialiste puis le quitte, en même temps que Jean-Luc Mélenchon. Elle qualifie le PS « d’astre mort ».  Avocate depuis 2011, elle défend le président de la France insoumise et s’occupe des contentieux internationaux et du droit des affaires.

L’art de la polémique

Le 10 septembre dernier, la porte-parole de la France insoumise débarquait sur C8, dans l’émission de Thierry Ardisson, « Les Terriens du Dimanche ». C8, chaîne détenue par un certain Vincent Bolloré. Son arrivée avait déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais c’était sans compter les révélations du Canard enchaîné, publiées ce mercredi. Raquel Garrido était connue pour son franc parler, et pour les nombreuses polémiques que ses tweets ont suscité. Désormais, une nouvelle page de son histoire semble s’écrire.

 

BIO EXPRESS

1974 Naissance au Chili
Mars 1975 Exil au Canada
8 septembre 1988 Arrivée en France
1993 Adhère au PS
2000 Mariage avec Alexis Corbière
2008 Quitte le PS
2017 Porte-parole «insoumise» de Jean-Luc Mélenchon

 

Marie Lecoq

Catalogne : comprendre la crise en quelques questions

Mardi 10 octobre, devant le parlement catalan, Carles Puigdemont a officiellement proclamé l’indépendance de la Catalogne avant d’en suspendre immédiatement l’application.  Il appelle le gouvernement espagnol à dialoguer avec l’exécutif catalan et demande une médiation internationale. Une option rejetée ce mercredi par Mariano Rajoy. Dès lors, que risque-t-il d’advenir ? Voici cinq questions pour mieux comprendre ce moment historique.

Carles Puigdemont et Mariano Rajoy (c) La Moncloa - Gobierno de España
Carles Puigdemont et Mariano Rajoy (c) La Moncloa – Gobierno de España

En proclamant mardi soir l’indépendance de la Catalogne avant de suspendre son effet et de prôner le dialogue, le président de la région autonome, Carles Puigdemont, a renvoyé la balle dans le camp des institutions fédérales, et européennes. « Nous sommes disposés à ouvrir le temps du dialogue (…) J’en appelle à la responsabilité de tous et je demande à l’UE de s’impliquer dans ce processus », a-t-il indiqué.

Le président de l’exécutif catalan a ensuite poursuivi, et argué qu’il s’agissait d’ »un geste de responsabilité ». Une façon de temporiser et de se protéger à la fois des critiques des partisans de l’indépendance – en dépit d’un désaveux des plus radicaux – et d’une probable réponse autoritaire de Madrid. Mais les possibilités d’un dialogue s’amenuisent. Voici cinq questions pour mieux comprendre ce moment historique.

  • Qu’a répondu Mariano Rajoy à Carles Puigdemont ?

Au sortir du conseil des ministres exceptionnels convoqué ce mercredi, Mariano Rajoy a, à son tour, renvoyé la balle dans le camp de Carles Puigdemont, et a exigé du gouvernement catalan « qu’il confirme s’il a déclaré l’indépendance de la Catalogne », sans accepter la proposition de dialogue que lui avait formulé Carles Puigdemont. Une annonce sous forme d’ultimatum. Dans cette déclaration, Mariano Rajoy menace de mettre en oeuvre l’article 155 de la Constitution, à savoir le retrait de l’autonomie de la province catalane.

  • Pourquoi Madrid refuse le dialogue ?

D’après Gérard Onesta, ancien-vice président du Parlement Européen, observateur lors du référendum de dimanche et spécialiste de la question Catalane, la réponse est dogmatique. « Pour eux (Mariano Rajoy et le Parti Populaire, NDLR), l’idée même que l’on puisse seulement imaginer qu’une région espagnole puisse acquérir son indépendance est insupportable ».    

Pour preuve, il invoque le précédent référendum catalan de 2006, « qui s’était déroulé sans encombres, alors que la participation était moindre que dimanche. Seulement celui-ci ne traitait pas d’indépendance, mais uniquement d’autonomie ».  Puis de conclure une première fois, « il ne reconnaîtra rien, il ne transigera sur rien, il ne négociera pas ». 

  • Que risque-t-il d’arriver à la Catalogne ?

Si l’exécutif catalan confirme avoir déclaré son indépendance, et fait donc sécession, l’article 155 de la Constitution permettrait à l’exécutif de « prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général ». Toutefois, cette mesure serait longue à mettre en oeuvre. Le gouvernement espagnol devrait obtenir l’aval de Carles Puigdemont lui-même – ce qui est exclu – ou, à défaut, un vote à la majorité du Sénat, qui lui est favorable.

Le gouvernement pourrait aussi, afin d’aller plus vite, invoquer l’article 116 de la Constitution espagnole et proclamer l’état d’alerte en Catalogne, avec effet immédiat. Cela permettrait à l’exécutif fédéral de prendre le contrôle des institutions régaliennes de la Catalogne, comme la police et la justice. En septembre dernier, le gouvernement fédéral avait déjà pris en main les finances de la région. « Une décision qui n’a alertée aucune instance internationale », déplore Gérard Onesta.

Par la voix d’Alfonso Dastis, le chef de la diplomatie espagnole, le gouvernement espagnol a, quoi qu’il advienne, prédit une issue pessimiste aux futures décisions de Carles Puigdemont. Après le discours prononcé mardi soir devant le parlement catalan, M. Dastis a en effet prononcé la phrase suivante : « cette déclaration va engendrer des affrontements économiques et sociaux ». Un terme guerrier qui, dans la bouche d’un diplomate, ne devrait être sous-estimé.

  • La fin de l’autonomie de la Catalogne est-elle possible ?

Selon Gérard Onesta, Mariano Rajoy n’hésitera pas à mettre sa menace à exécution. Ce serait même son objectif : « la majorité politique sur laquelle repose le gouvernement de M. Rajoy est mince, comme sa côte de popularité. Il suffit de regarder les difficultés rencontrées lors des dernières élections législatives (les élus aux élections législatives de 2016 avait échoué à nommer un chef de gouvernement, une première, NDLR) ainsi que les récentes affaires de corruption dont pâtit son parti pour s’en convaincre ». D’après lui « engendrer une situation d’instabilité en Catalogne lui permettrait de revenir quelques mois plus tard en sauveur, après que la peur se soit installée. Il n’a, de toute façon, pas plus de 5 ou 6 % de sympathisants dans la région ».

Plus que tout, d’après l’ancien parlementaire européen, le gouvernement espagnol « ne veut pas laisser la résistance s’organiser ». D’après le journal El Pais, qui commente de récents mouvements de troupes dans la région, l’armée espagnole se prépare d’ailleurs à « soutenir la garde civile et le corps de police national dans leur mission de sécurité » si le gouvernement lui en donnait l’ordre. « Les militaires prendraient soin de la protection des ports, des aéroports, des centrales nucléaires, des dépôts de carburant et d’autres infrastructures critiques », conformément à une loi de défense nationale promulguée en 2005.

  • Quels rôles peuvent jouer les institutions européennes ?

Appelée par Carles Puigdemont à jouer le rôle de médiateur dans cette guerre de postures diamétralement opposées, ouverture contre fermeture, l’Union Européenne, à travers les déclarations de ses principales institutions, ne paraît pas moins clivée. Toujours de l’avis de Gérard Onesta, Carles Puigdemont placerait, en vérité, peu d’espoir en elles. « La Commission Européenne comme le Parlement Européen sont tous les deux dirigés par des membres du Parti Populaire Européen, l’équivalent du parti espagnol de Mariano Rajoy ». Il existerait tout de même un moyen pour Carles Puigdemont d’obtenir de l’influence : « le Conseil Européen, (formé des gouvernements nationaux, NDLR) est composé de nombreux pays ayant acquis leur indépendance à la suite de référendums d’initiatives populaires, comme la Lituanie ou la Slovénie. A une voix pour un pays au Conseil Européen, leur opinion pourrait peser ». 

 

Antoine Colombani